Comme je vous le disais plus haut, quand j’ai reçu le programme des parutions Scrineo, j’ai tout de suite été attirée par ce polar historique et féministe. Je n’étais pas très assidue en histoire pendant ma scolarité, et du coup, j’apprends beaucoup des livres. Ici, il s’agit bien d’un roman, mais son contexte historique est tout à fait réaliste, tout comme son contexte féministe. On est en 1849, les ateliers nationaux créés en 1848 ont fermé car trop chers, les femmes n’ont pas plus de droits que les chevaux… J’entends par là qu’elles ont le droit de travailler, de faire les corvées, d’obéir aux ordres de leurs pères et maris, mais pas le droit de choisir leur vie. Et les rares qui osent le faire sont vilipendées, mises au ban de la société. Quelques femmes ont pourtant décidé de faire bouger les lignes, on en rencontre certaines dans le roman, et un dossier de quelques pages nous les présente en fin d’ouvrage, « Portraits de féministes de la révolution de 1848 » rédigé par Romane Fraysse. Quelques articles très abordables, qui nous raconte ces héroïnes qui se sont battues pour que les femmes aient enfin droit de cité… On retrouvera d’ailleurs certaines d’entre elles dans le roman !
J’ai beaucoup apprécié la structure du roman. Les chapitres qui nous déroulent l’intrigue sont parfois entrecoupés de passages aux côtés du tueur, et on croise parfois au détour d’une page une « reproduction » de lettre, d’affiche ou d’article. La présence des intermèdes de l’Assassin du Marais est comme un défi au lecteur. L’autrice nous donne des indices, parfois importants, mais cela ne m’a pas empêché de passer à côté de certains.
Du côté des personnages, j’ai apprécié le fait que, même si on est dans un roman féministe et que les femmes présentes sont fortes et osent leurs opinions, on croise aussi de nombreux hommes, comme l’inspecteur Delage ou le journaliste du Charivari, Gustave Petitjean. En effet, il n’aurait pas été crédible historiquement parlant d’avoir des femmes dans ce genre de rôles, tout spécialement la police.
Comme je le disais plus haut, je me suis laissée promener par le bout du nez par Catherine Cuenca pendant un bon moment. Je suis passée à côté d’indices pour certains extrêmement subtils, dignes de l’esprit d’un Vidocq, auquel d’ailleurs l’autrice fait référence. Mais je n’ai pas détesté me laisser balader, comme c’est parfois le cas dans certains polars. J’ai aimé mener cette enquête avec Léa et Julie, qui se débattent dans une société qui voudrait les voir rester dans leur cuisine, alors qu’elles ne veulent que retrouver l’assassin du Marais, qui tue des femmes qui ont le courage de leurs opinions.
L’autrice dresse un portrait sans concession de cette époque, pas si lointaine, où les femmes ne valaient pas plus que des esclaves, statut qui a vu son abolition à peine un an avant notre histoire. Le personnel de maison est, lui au moins, payé, même si les femmes ne perçoivent pas leur salaire, puisque la gestion de l’argent est le rôle de leur mari ou père. Rares sont celles qui, comme Léa, osent divorcer, car vilipendées et privées de leurs enfants. Elles ne sont pas très nombreuses non plus, celles qui, comme Julie, n’ont jamais été mariées, mais travaillent et vivent seules, hors la tutelle d’un homme.
L’assassin du Marais est non seulement une enquête plaisante et bien menée, mais aussi un plaidoyer pour les femmes. Ce roman nous rappelle qu’il y a moins de deux cents ans, les femmes n’avaient pas un statut d’être humain libre, qui a finalement été obtenu (ou plutôt arraché) au prix d’âpres luttes. Que des femmes courageuses se sont levées et ont osé dire non, malgré les risques et les conséquences. Nous devons notre liberté actuelle à ces femmes et à celles qui leur ont succédé au fil des générations, et nous ne devons pas oublier nos filles et celles des générations à venir quand il s’agit de défendre des droits qui devraient être la norme.
J’ai reçu la version papier de ce livre dans le cadre de ma participation au Club des lecteurs Scrineo pour l’année 2019. Merci à eux pour la confiance.
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