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Critiques de Chimamanda Ngozi Adichie (1154)
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Nous sommes tous des féministes / Les marieuses

Tout simplement éblouissant.



Ce petit essai est un condensé de toute l'intelligence de Chimamanda Ngozi Adichie, cette belle nigériane qui fait partie de ces femmes qui affirment qu'une apparence féminine et un intellect de haut vol ne sont pas incompatibles.



L'auteur part non seulement de ses connaissances mais aussi de son expérience personnelle au Nigéria et aux Etats-Unis pour parler de ces petits "riens" qui font qu'il est parfois difficile d'être une femme dans nos société moderne. Le tout servi par une écriture très fluide ; et cela donne la sensation que l'auteur est en pleine conversation 'amicale' avec nous.

Inutile de faire un développement sur les arguments qu'elle avance - à chacun de le lire ! -, ce qui me paraît le plus important, c'est qu'elle met en avant la responsabilité de chacun dans ce résultat. Notre société à beaucoup changée ces 100 dernières années, par contre l'éducation et les représentations que nous ne faisons de ce qu'est un homme et de ce qu'est une femme... beaucoup moins !



Alors oui, nous avons tous notre responsabilité. Et notre responsabilité de lecteur intelligent consiste à se précipiter sur ce livre !
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L'hibiscus pourpre

Une belle claque, si j'ose dire, car ce livre m'a boulerversée sans violence. C'est pourtant d'elle qu'il est question, et tout particuièrement de celle faite aux femmes et aux enfants. Chimamanda Ngozie Adichie décrit ici les mécanismes particulièrement retors de la violence qui s'installe comme une habitude au sein d'une famille, de l'amour qui subsiste malgré tout, de l'horreur et de la mort que cette violence déclenchent. Mais elle le fait avec une subtilité et une réserve qui évitent le "pathos" - comme quoi on peut décrire des événements tristes sans tomber ni dans l'excès de larmes ni dans celui de la froideur – et qui tout doucement nous plongent dans la noirceur du quotidien de Kambili. Cette jeune adolescente vivant à Enugu au Nigéria et dont la personnalité est étouffée par l'extrémisme religieux et les coups de son père. Ce père qui détruit sa famille à coups de préceptes moraux et de violences physiques. Il lui faudra traverser beaucoup d'orages et profiter d'un séjour avec son frère Jaja chez leur tante Ifeoma pour pouvoir enfin s'affranchir de l'emprise de cet être perdu. Alors pour Kambili commence un difficile chemin vers la liberté, liberté de penser, liberté d'être, liberté de rire et surtout, liberté d'aimer et ironiquement, comme un pied de nez à cette religion catholique importée "en boîte", d'aimer un prêtre. Il lui faudra comprendre qu'une autre vie est possible et que ce qu'elle et sa famille ont traversé n'est pas "normal".

A travers ce douloureux itinéraire, l'auteure nous parle de la violence ordinaire faite aux femmes, en particulier à celles à qui l'on a fait croire qu'elles ne peuvent vivre sans un homme, que leurs diplômes, aussi prestigieux soient-ils, ne sont que des ornements destinés à faire briller leur époux, qu'elles n'ont pas d'autre choix que de se conformer à ce qu'on attend d'elles. Je suis heureuse qu'une plume aussi brillante que celle de Chimamanda Ngozie Adichie se charge de dénoncer avec autant de délicatesse et de talent ce fléau qui, plus fort que la peste, a traversé les siècles et perdure encore bien plus qu'on ne le pense. Nul besoin d'être féministe pour adhérer à ce magnifique roman
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Americanah

lls sont jeunes, ils ont la vie devant eux et le même rêve : quitter le Nigéria pour construire un avenir en Amérique, le pays des égalités des chances.

Les apparences sont parfois trompeuses et ce n'est pas Ifemelu qui aurait dit le contraire.

Laissant derrière elle son petit ami et son ancienne vie, Ifemelu va se battre pour se faire une place. Elle connaîtra le racisme, les difficultés pour trouver un travail, le désespoir...

Obinze de son côté tentera sa chance en Angleterre.

A travers l'histoire de ses jeunes nigérians, c'est l'histoire de toute une population qui nous est décrite, mais pas que ça…

Chimanda Ngozi Adichie brosse des portraits profondément humains, on s'y attache petit à petit et on oublie leurs petits défauts.

J'ai beaucoup aimé le personnage complexe d'Ifemelu.

C'est elle qui subit parfois (parmi d'autres), c'est elle qui analyse tout, c'est elle qui se rebelle.

Americanah est un roman satirique dont l'humour noir m'a fait sourire plusieurs fois. J'aimerais souligner un détail qui peut passer inaperçu peut-être, mais qui a beaucoup d'importance à mes yeux. Ifemelu raconte l'histoire d'une jeune nigériane qui dès son retour d' Amérique, fait semblant de ne pas comprendre la langue maternelle. Ah, non, c'est impossible de l'oublier ! Nier sa langue, c'est nier sa propre identité.

Europe, Amérique, Afrique, le voyage proposé par l'auteure est inoubliable.

C'est un roman rempli de métaphores, dense, intelligent, superbe.



PS : Americanah existe en version audio ausssi. J'avais tenté de l'écouter avec mon mp 4, mais je n'ai pas réussi à me concentrer.



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Notes sur le chagrin

« Il avait une forme de naïveté, l’innocence des justes. » dit Chimananda quand elle apprend par téléphone que son père vient de mourir. Elle vit aux Etats Unis, un de ses frères an Angleterre, et les parents à Aba, au sud est du Nigéria.



Le chagrin est une plaine immense, et les raisons de pleurer un être adoré, comme c’est le cas, indéfiniment ramifiée. Le chagrin déracine, arrache définitivement ce qui nous attache au monde connu, et nous, dit l’auteur, qui croyons que le chagrin touchait les autres, et que nous étions en quelque sorte, de par l’amour porté, de par la bonté du père, non attaquables, nous plongeons.

Je dis nous, parce que Chimananda, dans ses notes, rappelle l’arrogance que nous pouvons avoir à l’idée de ne pas perdre un être cher, et le déluge lorsque cela nous arrive. Avec ses mots, elle arrive à nous rappeler cet enseignement cruel, cette affliction totale du corps, l’inéluctabilité de la mort.



Entre l’intuition que d’autres morts vont advenir, le rire , lié au chagrin, qui prend une dimension particulière, la rage d’entendre certaines condoléances, qui finalement rendent réel ce que l’on voudrait impensable, les mots ne pouvant exprimer la brutalité de la mort, la colère, puisque la vie continue, la peur, la honte de n’avoir pas compris, pas fait, pas dit au-revoir, les regrets, les remords, l’envie d’empêcher la nouvelle immonde, l’essai de « la faire se déproduire », le doute complet que cela soit arrivé, le silence, pour ne pas inonder les autres du « tumulte incessant de mes pensées », l’impensable du « jamais plus » entre dans sa vie.



Ce chagrin est doublé par le fait que les frontières du Nigéria sont fermées, cause covid, elle ne peut s’y rendre momentanément. Et il faudra plusieurs mois pour que l’enterrement ait lieu, mettant Chimananda dans une position de désenchantement vis-à-vis de son pays natal. Le virus a, certes, rappelé la possibilité de la mort et sa banalité, il a, pourtant, rendu les rituels beaucoup plus compliqués et sauvages.



Ces notes lui permettent d’honorer la personne du père.

« Il n’était pas, il est », phrase tellement profonde si l’on sait que l’admiration qu’elle lui porte ne peut, ne doit, ne va pas s’éteindre.

Des phrases crucifiées, « une érosion, un ignoble déferlement de déluges qui laissent notre famille déformée pour toujours. Les épaisseurs de perte donnent le sentiment que la vie est mince comme du papier », et le rappel, pour nous lecteurs, que ce chagrin nous lie, nous pauvres humains lorsque survient la fin d’un proche .

Injustice de la mort, qui frappe au hasard, découverte que nous n’avons pas forcément le temps et que l’amour ne fait pas tout, rappel de qui était ce James Nwoye Adichie, un sage, ses études brillantes, sa rencontre avec Grace, sa femme, le rapprochement intellectuel entre père et fille, le Biafra , aussi.

Un grand livre, hommage à un père « qui était vraiment quelqu’un de charmant » et qui l’est toujours pour nous à la lecture de ces notes.

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L'autre moitié du soleil

Il y a quarante ans, la guerre du Biafra…

Le 30 mai 1967, le Biafra déclare son indépendance. Cette sécession du Nigeria entraîne une guerre de trois ans, marquée par la famine des populations civiles.

C’est ce conflit et le drame humanitaire qui l’accompagne que nous raconte Chimamanda Ngozi Adichie, dans un « Autant en emporte le vent » nigerian.

Ugwu, à 13 ans, a quitté la brousse et sa famille pour servir comme boy chez Odenigbo, universitaire engagé avec enthousiasme pour le Biafra, à Nsukka au sud-est du Nigéria.

Le personnage d’Ugwu, omniprésent tout au long du roman, et ses relations avec sa famille, illustre parfaitement les contrastes d’un pays où cohabitent une bourgeoisie aisée et cultivée et la brousse ancestrale qui garde ses traditions et ses superstitions.

La belle Olanna et la forte Kainene, filles jumelles choyées d’un magnat nigerian assez répugnant, assistent à la naissance du Biafra, Olanna aux cotés d’Odenigbo, et Kainene aux cotés de Richard, un journaliste Britannique tombé amoureux de Kainene et du Biafra.

Ils seront tous emportés dans un conflit meurtrier et verront leur destin bouleversé.

Le conflit du Biafra avec un million de morts et fait partie d’un des tous premiers conflits très médiatisés et soutenus par la France. Les télévisions du monde montrèrent alors les enfants squelettiques au ventre énorme à cause de la malnutrition et il n’était alors pas question de ne pas finir son assiette sans « penser aux petits biafrais qui mouraient de faim ».

Triste souvenir, et pourtant… ce roman est porté tout du long par un immense espoir et une certitude, celle que le Biafra va gagner et que la moitié du soleil arborée par son drapeau s’imposera au monde.

Après l'Hibiscus pourpre, encore un très beau roman captivant d'une grande auteure africaine.

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Nous sommes tous des féministes / Les marieuses

Je ne connaissais pas du tout Chimamanda Ngozi Adichie. Cet ouvrage m'a tout de suite séduite tant par le fond que la forme. On commence d'abord par découvrir un manifeste engagé puis une jolie nouvelle intitulée "Les Marieuses". L'auteur possède une très belle plume qui se lit facilement et rapidement. Nous sommes tous des féministes nous explique certains phénomènes de notre société et ouvre la porte à ceux qui ne connaissent pas trop le sujet. Chimamanda Ngozi Adichie est une femme brillante et d'une grande intelligente. Peu importe qu'on soit féministe ou non, cette oeuvre est précise, argumentée, détaillée mais surtout divertissante. C'est une des rares oeuvres qui parlent du féminisme d'une manière si enjouée, dynamique et puissante. Je recommande vivement cette belle et courte lecture qui constitue un must-have pour sa propre culture, pour oser se remettre en question et surtout pour lire un point de vue féministe avec simplicité mais qui n'a jamais été plus d'actualité.
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Americanah

Ifemelu réalise le rêve des étudiants nigérians de partir aux Etats-Unis ou en Angleterre, et d’échapper aux grèves incessantes qui gangrènent leur université, à la corruption et au manque de débouchés. Obinze, son grand amour, passionné d’Amérique, pense obtenir rapidement un visa pour la rejoindre. Dès l’arrivée, quel choc de réaliser l’importance de la couleur noire de sa peau ! La perception de soi est modifiée lorsque la personne est classée en fonction de sa nuance de noir et du degré de frisure de ses cheveux…

S’inspirant de ses désillusions et de son expérience, Ifemelu trouve sa place en rédigeant un blog : des déceptions des immigrés nigérians confrontés à un racisme parfois insidieux, de la difficulté à trouver un job ou un revenu et à se faire une place de citoyen à part entière, des tensions entre noirs américains et noirs africains, du snobisme des origines et des accents,…

L’auteur s’inspire avec ironie des conversations de salons de coiffure et de l’influence des magazines féminins pour montrer la dictature de l’apparence. La façon d’afficher ses cheveux crépus ou de les lisser en particulier peut se révéler cruciale pour s’affirmer - ou inversement pour se conformer aux normes dominantes.



Le récit alterne entre l’évolution de la vie amoureuse et familiale d’Ifemelu et des extraits de son blog, les deux se complètent pour donner une idée très révélatrice du ressenti des noirs émigrés dans les pays anglo-saxons.



Américanah est un roman brillant magnifiquement servi par une écriture précise, élégante et légère.

A lire absolument.



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Americanah

Une Nigérienne revient au pays après avoir fait sa vie aux USA. Elle retrouve son amour de jeunesse.

Ce récit offre un grand intérêt pour la connaissance de ces deux nations et de leurs habitants.

Ifemelu, aux Etats-Unis, découvre le racisme, même feutré et sous des dehors "politiquement corrects". Après des débuts difficiles, dans la misère elle qui est issue d'un milieu aisé, elle crée le blog "d'une noire non américaine en Amérique" qui, de par son succès, lui apporte la richesse.

Ses propos sont francs, réaliste et sans concessions. Avec des exemples tirés de situations vécues, par elle, par son entourage ou au hasard de rencontres, l'héroïne du roman nous dépeint les différences entre les noirs Américains et les Africains. Ce blog nous montre aussi que les apparences sont souvent trompeuses.

Le livre fait une incursion en Grande-Bretagne, où débarque l'amoureux d'Ifemelu, et où il ne peut rester, étant sans-papiers.

Ce roman décrit la condition féminine au Nigéria pour toutes les femmes, dont beaucoup n'aspirent qu'à se marier ou à trouver un homme riche pour les entretenir, et aux USA quand débarque une jeune fille sans le sou, obligée à tous les sacrifices pour pouvoir simplement se loger et se nourrir.

La coiffure semble être une obsession pour Ifemelu et l'autrice nous décrit par le menu les différentes sortes de tresses africaines, naturelles ou pas, et ce qu'elles signifie de la volonté de celle qui les porte.

Ce roman est aussi une profonde analyse des réseaux sociaux et de leurs écueils.

Nous assistons à l'arrivée au pouvoir de Barack Obama, avec le regard enthousiaste des noirs et des blancs démocrates.

De plus, ce qui ne gâche rien, il s'agit en filigrane d'une belle histoire d'amour partagé (mais avec des rebondissements).

J'ai trouvé ce livre très intéressant car il m'a permis de comprendre un monde peu connu de moi jusqu'alors.

Et j'ai éprouvé de l'empathie pour l'héroïne, charismatique et attachante, selon mon ressenti.

Cependant, même s'il est parfois question de domesticité, les personnages évoluent dans un milieu intellectuel, ouvert et aisé ce qui occulte un large pan de la société de ces deux pays.
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Americanah

Race, raciste, racisme. On aimerait tous (tous ?) bannir ces mots de notre vocabulaire et se dire qu'il n'y a qu'une seule race, la race humaine. Certains s'y emploient, c'est vrai. Mais soyons réalistes, ceci n'est encore qu'une utopie.



Americanah le démontre par a+b. Tant que l'on reste chez soi, tant qu'on n'émigre pas vers ailleurs, la différence n'existe pas. Notre héroïne, Ifemelu, ne s'est jamais sentie noire dans son pays d'origine, le Nigeria. Elle était Ifemelu, elle etait nigériane. Point. C'est seulement lorsqu'elle émigre aux Etats-Unis, pour y poursuivre ses études, qu'elle s'aperçoit de la couleur de sa peau. Ifemelu, jeune femme au caractère bien trempé, décide alors d'ouvrir un blog dans lequel elle va, jour après jour, décrire ses déboires, parler ouvertement de la race, de l'afro-americanisme, des rapports Blancs-Noirs, du racisme et des préjugés. Son blog va très vite connaître un beau succès et faire réfléchir (ou inquiéter) pas mal de ses semblables.Il va lui permettre de vivre et de donner des conférences, jusqu'au jour où elle ressentira le mal du pays...

Mais Americanah, c'est aussi une histoire de racines, de liens avec le passé, de langue et de langage, de rapports aux autres et avec soi-même. C'est une recherche d'identité dans un monde qui bouge, qui voyage, qui transmet...

Americanah, c'est enfin une très belle histoire d'amour qui lie Ifemelu à Obinze, celui qui ne l'a pas quitté malgré l'éloignement géographique.



Un roman drôle et corrosif. Un roman qui bouscule nos positions et pousse à réfléchir. Je me dis que finalement le ressenti d'Ifemelu, face à la race, n'est pas uniquement celui d'une Nigériane vivant aux USA. C'est le ressenti de chaque individu qui quitte son pays d'origine pour trouver un meilleur ailleurs. C'est le reflet actuel de nos sociétés multi-culturelles. Être citoyen du monde n'est pas un long fleuve tranquille.






Lien : http://mes-petites-boites.ov..
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Americanah

Ifemelu ne serait peut-être jamais partie étudier aux États-Unis sans les grèves et les manifestations qui paralysaient son pays, le Nigéria. Plus d’essence pour les voitures, plus de pension pour les retraités et les enseignants qui manifestent. Poussée par son amoureux Obinze qui devait la rejoindre plus tard et rassurée par la présence de sa tante là-bas, pour un accueil familial, Ifemelu quitte le Nigéria.



À son arrivée, elle a une succession de chocs. Celui du climat, celui de la précarité, de l'apparence et de la différence.



Ifemelu découvre pour la première fois qu’elle est noire. Se découvrir dans les yeux des autres est une chose terrible quand on n’en a pas la perception.



Elle découvre et nous fait découvrir les États-unis avec son regard d’immigrée, cherchant, en vain, la solidarité entre exilés, sa tante ne peut l’héberger que pour une courte période avant son entrée à l’université. Elle nous raconte son enfance, les croyances de sa mère, la dépression de son père mais une vie assez confortable.



Obinze n’obtiendra jamais son visa pour les Etats-Unis et devra se contenter de l'Angleterre dont il se fera expulser, ramené au pays par des policiers. Il y vivra également le manque de solidarité et une succession de petits boulots, la précarité. Au pays, tout le monde se moque de ceux qui partent à l’étranger pour nettoyer les toilettes.



Ifemelu ne donnera plus de nouvelles à Obinze après une situation traumatisante. Lui continuera à envoyer des mails année après année, puis se mariera avec une autre.



Cette jeune femme ne lâchera rien. Elle crée un blog pour décrire sa situation de femme noire puis les réactions des américains face aux étrangers. Au moment où elle s’y attend le moins, le blog prend de l’ampleur et lui permet enfin de vivre décemment. Deux compagnons plus tard, elle décide de rentrer au pays.



Et d’étrangère dans un pays étranger elle devient étrangère dans son propre pays. Elle doit retrouver sa place et peut être Obinze.



J’ai aimé suivre la vie d’Ifemelu qui est une femme avec une forte personnalité. Toutefois je l’ai trouvée assez intransigeante avec Obinze. Je me demande si inconsciemment elle ne lui en voulait pas de tout ce qu’elle a vécu loin de lui.



Je pense ne vous avoir dévoilé que le quart, et encore, de l’histoire. De nombreux personnages, d’interminables détails jalonnent ce livre passionnant. Il faut être concentré et j’avoue que je regardais de temps en temps le nombre de pages restantes.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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L'autre moitié du soleil

Exceptionnel !

Magistral roman qui retrace une période douloureuse de l'histoire du Nigéria (l'auteure est nigériane) : la guerre du Biafra et le massacre des populations y vivant en organisant un blocus terrestre et maritime générant la famine et la mort des habitants.



Le début met en place les personnages, élite bourgeoise multiethnique et intellectuelle du Nigéria récemment indépendant.

J'ai compris qu'il me fallait passer par l'étape "Wikipédia est mon ami" afin de situer les villes citées. Et de fil en aiguille me remémorer la guerre du Biafra. Enfin "remémorer" me paraît bien présomptueux. Pour moi le Biafra, c'est la création des "French Doctors" et la famine. Je n'en savais pas plus. Donc passage par Wikipédia afin de profiter pleinement de ce roman. Soit dit en passant j'ai ainsi découvert que la définition initiale de "marasme" est celle d'une maladie : la dénutrition infantile particulièrement grave - pour éviter de dire mortelle. J'utilise souvent ce terme mais dans une autre acception. Je sens que ça va être plus compliqué désormais de l'utiliser de façon nonchalante....



Ce roman est à couper le souffle, impossible de le lâcher (en dépit de son épaisseur). On sent que l'auteure, si elle n'a pas connu cette période, est concernée par ce qu'a subi sa famille à l'époque (ses deux grands-pères n'ont pas survécu à cette guerre), par ce qu'ont subi les Igbos en général dont elle fait partie.

Un roman époustouflant. Magnifique et dur.

Un livre marquant que je ne vais pas oublier. Comme je n'oublierai pas les deux héroïnes principales....
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L'hibiscus pourpre

Au Nigeria, Kambili, 15 ans, vit avec ses parents et son frère aîné Jaja dans l'opulence et la sécurité. Son père est un riche entrepreneur et un homme très pieux et généreux, mécène de nombreuses oeuvres de charité. Il est également propriétaire du seul journal indépendant du pays, ce qui, au Nigeria, est synonyme d'un courage politique indéniable. L'homme est donc adulé par toute sa communauté.



La vie de Kambili, Jaja et leur mère est cependant loin d'être idyllique, car ce père et mari est un véritable tyran domestique doublé d'un catholique fondamentaliste, qui enferme ses enfants dans un emploi du temps très strict, dans lequel seules l'étude et la prière trouvent place. le moindre écart de conduite ou de langage vaut aux enfants de cruelles punitions. En dépit de cela, ceux-ci, totalement sous son emprise, adorent leur père.



Après un coup d'Etat et une crise politique à laquelle leur père est mêlé, Kambili et Jaja sont envoyés chez leur tante, où ils découvrent un autre monde : la pauvreté, la simplicité, le bruit, la musique, le temps libre, les rires, la joie, l'amitié et la chaleur humaine. Elevés jusque là dans la croyance qu'une telle vie dissolue et hérétique conduisait droit en enfer, ils prennent peu à peu conscience du fait que leur père est un homme violent et fanatique. Leur retour au bercail, une fois le chaos politique calmé, sonnera l'heure de leur rébellion, pour le meilleur ou pour le pire.



« L'hibiscus pourpre » est un roman tout en contrastes.

Ceux d'un pays, tendu entre riches et pauvres, puissants et anonymes, catholicisme et religion traditionnelle, percée démocratique, corruption et dictature militaire.



Ceux d'un homme, à la fois admirable pour son courage et sa générosité, et haïssable pour ce qu'il fait subir à ses proches à l'abri des regards.



C'est là tout le sujet du livre : comment la perception que Kambili et son frère ont de l'ambivalence de leur père va évoluer tout au long des pages, de l'adoration et de la terreur à la conviction qu'ils ne veulent plus avoir affaire à pareil tyran. L'évolution est lente et difficile, parce que l'emprise psychologique était terrible et que les enfants n'avaient jamais appris à penser par eux-mêmes, mais l'espoir est permis.



Ce premier roman de l'auteure est donc un roman d'apprentissage et d'émancipation, sur fond de violences domestiques, d'intolérance religieuse et de tensions politiques. Un roman dont les personnages sont attachants et psychologiquement très convaincants, et qui dresse aussi un portrait du Nigeria, de son instabilité chronique, de sa culture et de ses traditions. Intéressant, beau et touchant.
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Notes sur le chagrin





« Comment dire adieu à un être cher alors que le monde entier est frappé par une crise sanitaire, que le défunt repose au Nigeria et que ses enfants sont bloqués en Angleterre et aux États-Unis ? Le père de Chimamanda Ngozi Adichie vient de mourir. Séparée de ses proches, cette dernière vit un deuil empêché et solitaire. Elle écrit alors sous la forme de courts chapitres, composés comme des soubresauts de chagrin et de rage, où l’amour et l’admiration qu’elle portait à son père explosent à chaque page.”



Cet extrait du quatrième de couverture dit le noyau central de ce très beau texte, où Chimamanda Ngozi Adichie exprime avec la plus grande énergie le chagrin insoutenable de la mort brutale d’un père tant aimé et tant admiré, et le supplément de douleur dû à la pandémie et aux restrictions sanitaires, où même enterrer les êtres aimés devient très, très compliqué ou impossible !



L’auteure parle avec talent, finesse, tendresse infinie de la personnalité extraordinaire d’un père savant, lucide , bienveillant, tolérant dans un Nigéria à l’histoire violente, un père et un époux très aimant envers sa famille, ses six enfants qui vont réussir aux quatre coins du monde , dont notre écrivaine, envers qui il ressent , lui-aussi, une fierté immense !



Chimamanda Adichie , parallèlement à ces notes de chagrin foudroyantes, nous parle aussi de son pays natal , des noirceurs de son histoire, des coutumes et traditions spécifiques, envers lesquelles son père n’était pas toujours en accord. ..



Un petit trésor de pudeur et d’intelligence pour honorer un Père, qui fut un socle d’Amour et de Savoir. Comme une flamme, un exemple, un modèle référent, à jamais ; une ABSENCE impossible à combler… !



Ce précieux récit intime me donnera un autre regard, une autre attention affinée, lorsque je lirai ses textes… ce que je vais faire très vite… « Americanah » étant depuis des lustres dans ma PAL… Je viens de réserver à l’une de mes bibliothèques un autre texte mettant en exergue ces traditions nigérianes et les excès qu’elles entraînent parfois : « L’Hibiscus pourpre ». Cela sera une de mes prochaînes lectures !

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Americanah

« Comment peut on être nigériane ? » voilà ce que se disent les Américains lorsque Ifemelu arrive chez eux ou plutôt ce qu’elle même ressent de ce que les Américains, Blancs ou Noirs, pensent d’elle, elle, issue de la jeunesse bourgeoise de Lagos- donc de la partie sud Est du Nigeria, donc igbo, donc chrétienne-.



Dans leur regard, elle découvre non seulement qu’elle est noire (oui, dans leur regard c’est une découverte) mais qu’elle est différente des Américains qu’ils soient Blancs ou Noirs.

Refusant la pensée unique et les stéréotypes, (non pas qu’ils soient faux, mais ils sont incomplets) Chimananda Nozie Adichie , en copiant et féminisant Montesquieu, nous raconte avec intelligence sa vie d’étudiante à Nsukka, les premières amours, les balbutiements, l’intégration aux USA, le choc des cultures, le maniement de nouvelles idées, le choc de ces idées dans un milieu lui aussi intellectuel et bourgeois, enfin la difficulté de comprendre , ou de se faire comprendre, d’abord d’un Blanc malgré l’amour inconditionnel qu’il lui porte, puis d’un Noir Américain, complètement américain, mangeant bio, pensant de même, et qui lui , sans le vouloir, montre sa différence avec elle.

Chimananda présente un pays d’Afrique jeune, moderne, avec son cinéma Nollywood, deuxième puissance après le Bollywood indien, les voitures, les téléphones, et aussi la corruption autour du pétrole récemment découvert. Enfin, elle nous présente la musique nigériane – le Yory Yori de Bracket, Obi Mu O d’Obiwon - que j’écoutais avec délices en lisant Americanah (en langue igbo, l’américanisée).



Son héroïne dans son blog grâce auquel elle vit en Amérique parle de la race, des fréquentes manières dans un pays de blancs de se voir niée, ou simplement pas vue ainsi que de la volonté affirmée de ne pas vouloir la choquer. Et cela la choque, ces principes et ces précautions, la bannière affirmée genre j’adore Harry Belafonte, mon héros est Mandela, mon dernier voyage au Kenya fut une merveille.



Mais il y a pire, celle de l’aventure de son amour d’enfance, Obinze, immigré en Angleterre, réduit à laver les chiottes, devant utiliser de faux papiers, ne pouvant avoir de domicile fixe, essayant de faire un mariage blanc, mis en prison et expulsé manu militari .



C’est donc un double constat, s’intégrer est faisable mais pas facile, immigrer est un acte illégal donc jugé comme tel. Immigrer est admis par les bobos anglais comme étant la fuite d’un pays en guerre, de la famine, de catastrophes, mais pas d’un besoin de chercher un ailleurs dont on a pourtant rabattu les oreilles des jeunes africains.



Ce que je viens d’écrire ne peut rendre compte du ton, intelligent, extrêmement intelligent, certes, et surtout tellement proche de moi, comme une magie dans l’écriture, je suis elle, je partage ses pensées, ce d’autant plus fort que je ne suis pas toujours d’accord avec les audaces de son blog sur la race, et que j’y ai vu un peu d’injustice.et d’outrance.



Chimananda de toute façon n’aimerait sans doute pas que nous soyons d’accord avec elle sur tout, ce qu’elle veut c’est éveiller la conscience, provoquer avec douceur, et aussi parler de ses cheveux ( je sais, c’est un gros poste comme disait en riant une amie gabonaise : les lisser avec des produits corrosifs, les natter, les tresser près du crâne, les laisser naturels, autant d’alternatives), de la nourriture différente et des préjugés, la fausse considération qui choque par sa fausseté aussi bien Ifemelu aux USA, que Obinze, qui, en Angleterre dit que « c’est l’excès de gratitude qui accompagne l’insécurité de l’immigrant », et que, à son retour au Nigéria, lorsqu’il est devenu riche, il est en butte au « respect exagéré qui ne t’est pas dû, tellement factice et outrancier ».



En parlant de la race, Chimananda fait le contraire d’un réquisitoire donnant raison aux uns pour condamner les autres. C’est exactement le contraire, elle analyse, y compris elle même. Car les récits sur soi aussi sont parfois faux, par exemple celui de certains Nigérians pauvres en Amérique, rentrant une semaine au pays avec des montres et des chaussures bon marché, pour « voir, dans le regard de leurs familles, une image exaltée d’eux mêmes. Ensuite, ils retournaient en Amérique pour défendre sur Internet les mythologies de leur pays, car leur pays était maintenant un endroit indistinct entre ici et là bas, et, sur le Net au moins, ils pouvaient ignorer à quel point ils étaient devenus insignifiants. ».



Oui, sortons avec cette écrivain exceptionnel de la pensée bien pensante, de la volonté de paraître non raciste, alors qu’à de petits faits elle nous indique qu’on l’est, un peu, ou beaucoup, mais un peu suffit pour rendre les tirades politiquement correctes des essais infantiles de se montrer quelqu’un de bien, à bon compte vraiment, puisqu’il suffit de déclamer qui on croit être.

Ecrivain exceptionnel, livre exceptionnel, et aussi, présentation du Nigéria moderne dont Chimananda n’évoque ni la guerre du Biafra ni les horreurs perpétrées par Boko Haram.

Son propos est autre, et définitivement : présenter une partie chrétienne ( ce qui veut dire souvent évangélique, dont sa mère naviguant entre leurs différentes obédiences ) étudiante, lettrée- qui, à cause des grèves à l’Université, cherche un autre pays anglophone, un ailleurs meilleur- s’approcher le plus près possible, après les analyses de son blog sur la race, sur ce qu’est être Noir non américain aux USA, rechercher la vérité et éviter les grands mots, ou plutôt chercher à analyser la situation réelle qui se cache derrière ces mots, refuser les histoires négatives ( prétendre que mon enfance a été malheureuse), c’est vendeur dit l’auteur dans une video, mais cela ne fait qu’aplanir mon expérience,. L’expérience que Chimanda / Ifemelu nous propose, est loin, bien loin d’être aplanie, elle vole et nous fait voler avec elle, avec l’acuité d’un aigle iconoclaste et brillant.

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L'hibiscus pourpre

Kambili et Jaja sont deux jeunes adolescents. Ils vivent à Enugu, Nigéria, dans la province catholique peuplée d'Ibos.

Le père est un magnat local : Industriel , propriétaire d'un journal , il est aussi très impliqué dans la religion catholique : Grand donateur certes, il est aussi d'un rigorisme absolu avec sa famille et ne passe rien à ses enfants.

Au retour de la messe des rameaux il s'emporte contre Jaja qui n'a pas été communier.



Beau roman qui aborde plusieurs sujets graves . Non linéaire chronologiquement, il nous amène lentement vers l'incident du début du livre , en posant bien la dictature du père sur le restant de sa famille. Père prêt à tout renier, bannir, battre au nom de rites et de croyances religieux, pléonasme : Son père, sa sœur, sa femme, ses enfants.

L'auteur lui a opposé pourtant des gens impliqués dans la foi dans des grandeurs bien plus communes et même encore démesurées vues de l'occident. Pas sur que l'on trouve encore beaucoup de catholiques qui bénissent 10 minutes les carottes rappées.

C'est pour moi une des grandes forces du combat de l'auteur : Elle oppose des personnages qui sont du même bord et qui ont tout pour être heureux: l'argent, le respect, une famille aimante, de bons résultats , la foi. Le chemin vers la liberté des deux jeunes n'en prend que plus de force.

Au delà de ce thème central du livre , on plonge en Afrique , avec certes une écriture occidentalisée même si les mots "ibos" pleuvent. Les fleurs ont des couleurs que l'on ne connait pas, les habits éblouissent les yeux , les routes sont surchargées de vendeurs ambulants, la vie collective est omniprésente, la cuisine fait voyager.



Enfin, sans doute lié à son expérience personnelle, l'auteur pleure sur la situation du Nigéria, obligeant ses talents à fuir et laissant les plus faibles lutter avec les despotes.



Un livre dense , un peu lent dans ses deux premier tiers, où les yeux d'une adolescente de quinze nous racontent un drame familial d'un pays livré à des bandits. C'est un livre sur le très difficile chemin vers la liberté, l'émancipation.
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Americanah

De nombreux jeunes nigérians de la classe moyenne partent étudier aux États-Unis, comme la jeune Ifemelu qui va y faire l’expérience de l’amour mais aussi du racisme.



Pour réaliser son rêve américain, Ifemelu laisse au Nigéria son grand amour, Obinze. Ces années loin de son pays la changent, elle fait des rencontres épanouissantes, travaille, découvre la littérature mais aussi la couleur de sa peau et ce que cela implique d’être Noire aux États-Unis. Et c’est tour à tour enthousiaste et désabusée qu’elle finit par désirer un retour dans son pays.



La rencontre chez Gallimard de la belle et lumineuse Armamanda Ngosi Adichie permet de comprendre qu’Amiracanah n’est pas son histoire, mais plutôt un ensemble de récits croisés de ses amis et de son expérience personnelle, les anecdotes sur les cheveux étant les plus autobiographiques.



Avec ce livre sur l’amour, mais surtout sur la race vécue comme une injustice, Armamanda Ngosi Adichie dit avoir eu peur de déplaire. Il est vrai que, sans langue de bois, à travers le blog de son héroïne, elle dénonce les préjugés attachés aux Noirs et l’hypocrisie ou le mépris des Blancs, qui ne peuvent parler de « Noirs », ou qui ne les imaginent que dans des postes subalternes.



Malgré tout, aujourd’hui encore, des jeunes nigérians, étudiants ou simples travailleurs, continuent d’être attirés par les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, cette expérience restant un moyen de s’affirmer et d’accéder dans leur pays à des postes intéressants.



Un livre passionnant, bien écrit, drôle, où le problème du racisme et de la race est clairement posé.

Merci aux Éditions Gallimard et à Babelio pour la découverte de cette auteure et de son roman.


Lien : http://livreapreslivre.blogs..
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Nous sommes tous des féministes / Les marieuses

Moins d'une centaine de pages en tout pour un essai et une nouvelle: je dois dire que cette lecture me laisse sur ma faim. Chimamanda a une écriture si claire qu'on entre tout de suite dans ses mots et qu'on la suit sans problème. Dans le premier essai, elle revendique ces idées féministes qu'on lui reproche, ses amis pour commencer. Elle prend pour cadre le Nigeria comme exemple d'une société où la femme doit montrer patte blanche pour être acceptée, mais l'Europe n'est pas en reste quand il s'agit de remettre la femme à sa place. Même si la plupart de ses propos ne proposent rien de novateur, ça mérite d'être rappelé; mais j'aurais aimé que ça aille un peu plus loin.

Quant à la nouvelle Les Marieuses, on retrouve le thème des différences culturelles entre les Etats-Unis et l'Afrique, la tradition du mariage arrangé, l'adaptation. Cette écriture, si directe, donne envie d'en lire plus.
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Notes sur le chagrin

Comment réagiriez-vous si, en plein confinement, alors que vous l’avez vu deux jours auparavant via Zoom, vos appreniez la mort brutale d’un père très aimé ?

C’est ce qui est arrivé à l’autrice nigériane et c’est ce qu’elle décrit dans ce court récit. Sa première réaction – à sa propre surprise – est très physique : sanglots bien sûr, tremblements, mais aussi tout son corps - « je ne savais pas qu'on pleurait avec ses muscles » note-t-elle avec acuité.



On la suit dans son cheminement non pas « en deuil » - elle récuse le terme – mais en chagrin : oui.

Et comme il était dans leur village natal au Nigeria, et l’autrice aux Etats-Unis, avec une impossibilité de se rendre sur place pour cause de pandémie, les obsèques sont repoussées de mois en mois. De toute façon la narratrice n’en veut pas : elle refuse ses images où l’on voit des voisins défiler dans la maison familiale pour présenter leurs condoléances - sa manière à elle de mettre le deuil à distance.



Elle se remémore aussi des souvenirs avec son père – et c’est à la fois un plaisir de l’évoquer et une souffrance de savoir qu’on ne pourra plus les partager avec lui. Elle se confronte à cette Absence avec un grand A, contre laquelle l’esprit se révolte : « Rien ne m’a préparée à ma rage rugissante et malheureuse » énonce-t-elle dès le départ.

Et un peu plus loin d’autres mots rejoignent son vocabulaire comme quotidien, comme celui de « Jamais » : « Jamais est entré dans ma vie », dit-elle, « pour y rester. (..) Pour le restant de mes jours, je vivrai en tendant les mains vers des choses qui ne sont plus là."



Evoquant la figure de son père dans un très bel hommage littéraire, James Nwoye Adichie, on découvre un intellectuel passionnant – et on apprend quelques mots de la langue igbo. Il reste le souvenir principal d’une « chance folle d’avoir été heureux » dans une cellule familiale « intacte et sécurisante » et on se dit qu’elle a trouvé les mots exacts pour découvrir une enfance qu’on aimerait tous avoir eue. Sa vocation d’écrivain provient certainement de là.



Oui, la douleur de la perte est totale, et c’est un paradoxe de comprendre a posteriori que le bonheur passé « devient une faiblesse parce qu’il vous laisse sans défense devant le chagrin. »



L’auteure nigériane de « Americanah » sait vraiment trouver les mots pour évoquer cette expérience certainement universelle – le deuil faisant partie intégrante de nos vies – et c’est toujours réconfortant de trouver quelqu’un qui met des mots justes sur une douleur partagée.



Sa dernière phrase concède un dernier regret : « J’écris sur mon père au passé et je n’arrive pas à croire que j’écris sur mon père au passé ».

Tout est dit en une simple phrase – et c’est toute la force de l’écriture.

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Americanah

Exceptionnel !

684 pages et pourtant aucune lassitude, aucune longueur....

J'ai adoré ce roman, une écriture fluide, un intérêt prononcé pour l'histoire et surtout surtout j'ai appris beaucoup de choses, m'enrichissant à la lecture de ce texte.

Un coup de coeur sans conteste.

L'histoire ? On commence au Nigéria, en suivant un groupe d'amis qui rêvent d'ailleurs. L'héroïne quitte son pays natal pour poursuivre ses études aux USA. En parallèle son amour de toujours va tenter sa chance en Angleterre.

La question du racisme est omniprésente, celle sur la place des femmes aussi. Jusque dans le choix de la coupe de cheveux de la jeune héroïne !

A lire sans hésitation (même si l'aspect pavé peut rebuter).



Challenge pavés 2020
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Autour de ton cou

Ces douze nouvelles, qui prennent place aussi bien en Amérique qu'en Afrique, sont toutes menées et portées par des femmes. Elles sont autant de témoignages de la vie, des difficultés, des joies et des souffrances quotidiennes auxquelles sont exposées les femmes nigérianes, où qu'elles vivent.



Ces femmes ne sont pas exceptionnelles, elles n'ont pas un corps de rêve et un cerveau de Prix Nobel, elles n'ont pas un appartement sur Central Park et un job à vous faire baver d'envie, non ce sont des femmes comme les autres, à la fois fortes et faillibles, j'oserais dire réelles. Elles sont un peu la "jeune fille discrète" de Laurent Voulzy et c'est ce qui les rend si attachantes et qui en fait, pour moi ^^ des héroïnes. Et même si toutes ces histoires ne m'ont pas emportées de la même façon - j'ai plus particulièrement aimé Jumping Monkey Hill, L'Ambassade américaine, Les marieuses et Demain est trop loin - toutes sont une réussite, au point que j'ai chaque fois ressenti une légère frustration de devoir abandonner au point final de la nouvelle le destin de son héroïne.



Chimamanda Ngozi Adichie est une féministe et cela se sent. Attention ce n'est pas une intégriste, loin de là, mais sa délicatesse à exprimer les difficultés féminines à la fois particulières - de par leur situation économique et géographique - et universelles me transperce et me relie à toutes ces femmes qui luttent chaque jour pour trouver leur place dans un monde particulièrement violent et cruel.
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