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Critiques de Christian Blanchard (420)
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Antoine

Antoine n’a pas gagné le gros lot à la naissance. Dès le plus jeune âge il se retrouve confronté à un père de plus en plus alcoolique et violent, sans pouvoir compter sur la protection de sa mère, soumise et également victimes de sévices. Placé en centre de redressement, puis en famille d’accueil, la suite de son adolescence ne sera malheureusement pas beaucoup plus joyeuse…



Dès les premières pages, le lecteur s’attache inévitablement à ce gamin sensible, introverti, chétif et solitaire. Accompagnant cet enfant brisé par tant d’injustices, il aimerait lui tendre la main et essayer de le réparer, comme le tente cette famille d’accueil qui apporte enfin un brin d’espoir à ce parcours foncièrement sombre.



Christian Blanchard nous raconte d’une part l’enfance de ce garçon à la troisième personne, tout en proposant des extraits de carnets rédigés par Antoine, dans lesquels il revient sur les passages qui l’ont le plus marqué. Même si le dernier drame qui frappe le pauvre Antoine m’a donné l’impression que l’auteur en faisait peut-être un peu trop, s’acharnant sur son personnage… plus que le sort, aussi mauvais soit-il, ne serait capable de le faire, j’ai dévoré ce roman de la première à la dernière page.



« Antoine » est un roman foncièrement noir, qui ne laisse que peu de place à l’espoir malgré quelques belles rencontres au fil des pages. Une descente aux enfers parsemée de brimades, de violences, d’injustices, de traumatismes profonds et d’épreuves douloureuses, voire parfois insoutenables. Une enfance saccagée et une société incapable d’enrayer cette spirale négative…



Coup de Cœur !
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Angkar

Le point de départ de ce roman très noir est absolument passionnant : la double confrontation à des origines troubles et violentes d'une mère et de d'une fille. La mère Champey est une jeune femme adoptée, née pendant le génocide cambodgien qui décima un quart de la population entre 1975-1979. Sa fille, Mau, 6 ans, ne connaît pas la vérité sur son père, sa mère lui faisant croire qu'il est décédé lors d'un accident de voiture lorsqu'elle était bébé. Des événements terribles et le retour de fantômes qu'elle croyait du passé vont faire bouger les lignes en forçant Champey à affronter ses cauchemars, la vérité, sa vérité et celle de sa fille.



Je tiens à souligner à quel point la quatrième de couverture est remarquable peu diserte, ne dévoilant rien de plus que ce qu'il ne faut pour préserver la lecture et les surprises qu'elle recèle. Je n'en dirai pas plus sur l'intrigue, mais ce qui est sûr, c'est que ce roman est très addictif et qu'une fois commencé, on est happé.



La première partie est très puissante, autour de la thématique forte de la mémoire transgérationnelle ou épigénétique : Champey rêve de situations réelles qu'elle n'a pas subies mais qui lui ont été transmis par ses aïeuls, comme si des souvenirs qui n'étaient pas les siens remontaient et explosaient dans son surmoi, tant ils seraient ancré dans sa mémoire cellulaire. Christian Blanchard se sert de cette théorie comme un catalyseur de son intrigue, et c'est très bien amené pour déboucher sur la machine de mort khmer rouge. Les pages sur les suppliciés du camp S-21 ( 17.000 prisonniers torturés dont 1200 enfants, 7 survivant en 1979 ) sont absolument terrifiantes de réalisme.



A mi-parcours, le roman bascule vers de l'action pure, le rythme s'accélère et le coeur du lecteur bat la chamade avec une sensation d'oppression très présente. C'est d'une redoutable efficacité mais j’ai préféré l'ambiance plus introspective de la première partie, qui conférait au roman sa force et son originalité. Là, on retombe sur du plus banal.



°°° Lu en tant que membre des explorateurs du polar Lecteurs.com °°°
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Antoine

Combien de blessures, de coups, de larmes, de meurtres sont le résultat d’une enfance bâclée, souillée, molestée ?



Christian Blanchard que je découvre avec ce roman m’a scotchée du début à la fin. L’histoire est celle d’un enfant, Antoine, né au mauvais endroit, au mauvais moment. Un père violent, une mère soumise, Antoine voit et ressent depuis tout petit le malheur et surtout l’injustice. Afin de protéger sa mère, il se rue sur son père et le tue. Trop tard pour sa mère. Il n’a que douze ans lorsqu’il atterrit dans une institution pour mineurs délinquants. Là-bas, aucune chance pour Antoine, trop bon, trop gentil, trop littéraire de s’en sortir. On l’abîme encore et encore.



Ce livre n’est pas sans rappeler le Glen Affric de Giebel dans ces aspects si sombres et injustes de la société. L’empathie germe à chaque page pour ce gamin que la société a érigé en monstre. À force de non assistance, d’indifférence, d’absence totale de psychologie et d’amour. Comment un enfant peut-il grandir sans amour quand tout lui fait peur, quand tout est dangereux, quand il n’y a rien ni personne pour vous prendre sous son aile ?



Peut-être cette famille d’accueil qu’Antoine va rejoindre à sa sortie du centre. Pour autant qu’il ne soit pas vain de réparer un enfant brisé.



À vous d’accompagner Antoine, de lui prendre la main et de lui apporter une écoute bienveillante, enfin.

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Iboga

C’est avec la chair de poule que je referme les dernières pages d’Iboga. Je n’avais fait qu’une bouchée de mon premier livre de Christian Blanchard, Antoine, j’ai voulu voir jusqu’où allait me mener cet auteur. Jusqu’au KO probablement.



Jefferson Petitbois est le dernier prisonnier condamné à mort en France début des années quatre-vingt. Saviez-vous que la peine de mort ne fut pas abolie plus tôt ? Que pas si loin encore, un Dutroux et autres dangereux criminels pouvaient être condamnés à mort ?



J’ai suivi la vie de Jeff plusieurs jours en totale immersion avec lui dans sa tête d’abord puis dans sa cellule isolée de 9 mètres carré. J’ai écouté ce qu’il avait à dire, de sa solitude, sa condition d’enfant abandonné, d’homme rejeté, abîmé, sali par la vie et le manque de chance, d’amour, d’espoir. Je l’ai accompagné dans ses 23h dans sa piaule avec l’odeur entêtante de l’iode qui vient à narguer au loin celui qui ne peut rien vouloir, rien espérer, pour qui la liberté n’a plus de sens. Je l’ai accompagné dans ses pas à tourner en rond une heure dehors entre les murs bétonnés. J’ai plissé les yeux devant les humiliations de certains gardiens pour toi, Jeff le negro. J’ai respiré quand d’autres t’offraient un peu de leur temps, Jean ce gardien lui, il t’aimait bien toi Jefferson. Puis il y avait Germaine, cette souris pour seule compagnie qui elle aussi, a fini par t’aimer un peu. Tu ne demandais pas plus Jeff, un peu d’amour, même une chienne s’occupe de ses petits diras-tu, tu n’as même pas eu cette chance-là.



Alors oui, tu as commis des actes impardonnables pour lesquels tu as été jugé. Mais entre ton passé et tes violences, je suis tiraillée. Plus on avance avec toi, plus un attachement se crée.



Il y a ce quelque chose de La ligne verte, de Glen Affric ou encore de L’étranger ici. Quelque chose de fort éclôt à la mesure des pages. Jefferson est là, même quand on referme momentanément le livre. Grâce à une écriture tout en finesse, en émotion, sans aucune lourdeur, cette immersion dans la tête de Jeff rend la lecture troublante, marquante et peut-être un peu hors du commun. Jamais un livre n’a donné autant de place aux pensées d’un prisonnier enchaîné à une mort certaine.
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Déguster le noir

Voici déjà le cinquième (et malheureusement dernier) tome de cette collection délicieusement noire, développée autour de nos cinq sens et cette fois dédié à celui du goût. Après « Ecouter le noir », « Regarder le noir », « Toucher le noir » et « Respirer le noir », Yvan Fauth du blog littéraire EmOtionS nous invite donc à « Déguster le noir » en compagnie d’auteurs de renom, le temps de treize nouvelles qui devraient pouvoir réconcilier les plus sceptiques avec le genre.



Les amateurs du genre n’hésiteront pas une seconde à se mettre à table car des chefs de grand renom sont à nouveau au programme, tels que Bernard Minier, Ian Manook ou R.J. Ellory. Mais ce qui fait pour moi la véritable saveur de ces recueils de nouvelles, c’est la possibilité de découvrir la plume d’auteurs que je ne connais pas encore, comme une sorte de mise en bouche qui me donne envie de goûter au reste de leur œuvre. Je pense par exemple à Pierre Bordage, dont j’ai bien aimé la nouvelle, mais je note surtout le nom de Patricia Delahaie, que je ne connaissais pas du tout et qui livre ici un excellent récit.



Bernard Minier – le Goût Des Autres : Une première nouvelle qui nous emmène en Irak à la découverte des goûts étranges d’un peuple affamé. Un récit assez court, teinté de fantastique, que l’on referme avec un petit goût de trop peu, mais qui met en appétit et nous plonge immédiatement dans la thématique du roman.



Anouk Langaney – Ripaille : Cette autrice que je découvre nous invite à passer à table, de l’apéro au pousse café, mais je ressors de table un peu déçu. Le récit qui m’a le moins séduit de tous.



Cédric Sire – Tous Les Régimes du Monde : Après ce repas que j’ai eu du mal à terminer, Cédric Sire a la bonne idée de nous mettre au régime, le temps d’une petite séance de torture qui pointe du doigt notre société axée sur les apparences et le monde du mannequinat en particulier. Un message qui fait mouche et une fin qui fait froid dans le dos !



Pierre Bordage – Amertumes : Un récit d’anticipation en compagnie d’un goûteur d’exception qui risque bien de consommer son dernier repas. J’ai beaucoup aimé l’idée du goûteur et le suspense tout au long du récit.



Christian Blanchard – Joé : Une sorte de revisite de « Des Souris Et Des Hommes » de Steinbeck qui invite à suivre un personnage extrêmement attachant. Une montagne de muscles, mais d’une naïveté bouleversante, qui ne manquera pas de vous transpercer le cœur. Une excellente nouvelle débordante d’émotions !



Nicolas Jaillet – Alfajores : Un récit qui aborde le burn-out en nous propulsant au cœur d’une société pour effectuer un boulot de merde, ingrédient principal d’une vie trop fade, sans goût. Sympa…enfin, on se comprend !



Jérémy Fel – Dans L’Arène : Une nouvelle plus longue qui permet de nous servir un scénario digne de l’excellente série Netflix « Black Mirror » et qui fait également penser au film « The Truman Show ». Une vision du futur, parsemée de drones et dépourvue de chocolat, qui invite à réfléchir sur l’avenir de notre société et sur les émissions de téléréalité. Excellent !



Sonja Delzongle – Jalousies : L’autrice nous invite à regarder à travers un store, pour une histoire d’adultère et de jalousie. Pas mal du tout !



Nicolas Beuglet – La Visite : Ah là, Nicolas Beuglet frappe fort avec cette nouvelle qui vente tous les bienfaits de la nourriture bio. La visite dont il est question est celle de Gilles, qui s’apprête à rencontrer les parents de sa copine mais, attention, car ceux-ci sont très à cheval sur la qualité des produits. Excellent !



Patricia Delahaie – Un Père A La Truffe : J’ai beaucoup aimé le style de cette autrice qui nous invite à suivre les pas d’une petite fille qui fête les retrouvailles avec son père dans un restaurant. Une nouvelle que j’ai beaucoup aimé et dont la fin colle à merveille au cahier des charges de ce recueil de nouvelles.



Ian Manook – Feijoada : Ian Manook propose un récit qui colle également parfaitement au titre de ce recueil. Une nouvelle certes un peu courte et légèrement prévisible, mais que j’ai tout de même bien aimée.



Jacques Expert – le Goûteur : Même si l’auteur nous livre déjà le deuxième goûteur de ce recueil de nouvelles, j’ai bien aimé son récit basé sur un chantage qui donne lieu à un choix pour le moins cornélien…



R.J. Ellory – Scène de Crime : Ah, voici la cerise sur le gâteau, servi par le maître du noir en personne ! L’auteur, grand fidèle de cette collection, nous propulse à San Francisco sur les traces d’un tueur en série, en compagnie d’un inspecteur qui va au fond des choses. Un récit plus long, qui permet à l’auteur de développer ses personnages comme il sait si bien le faire. Excellent !



Bref, il y en a de nouveau pour tous les goûts et « Déguster le noir » propose des nouvelles certes inégales, ce qui est inhérent au genre, mais que je vous invite néanmoins à goûter, surtout celles de Jérémy Fel et de R.J. Ellory, qui sont également les deux plus longues et parviennent donc à développer un peu plus les personnages.



Voilà, les fans de cette collection n’ont plus qu’à broyer du noir car c’était le dernier tome !
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Sur l'île de la rédemption : Île de Batz

Sur l'île de Batz, un soir de Noël, de révélation en révélation les fils d'Arthur apprennent l'incroyable origine de leur procréation.

Le passé d'un père et d'une mère, pas tout à fait comme les autres, qui ont fait face à l'obscurantisme religieux et à l'intolérance bourgeoise.

À chacun maintenant de se débrouiller avec ça, alors que pluie, vent, éclairs accompagnent cette confession paternelle.

En dépit du fait que Christian Blanchard charge la barque de révélations dont l'accumulation peut sembler excessive, on se laisse prendre par ce roman noir addictif qui aborde des thématiques qui sont loin d'être anodines et où celui que l'on torture ne l'a pas volé, même si la loi du talion n'est pas acceptable.

Merci à Babelio et aux Éditions palémon.
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Dis bonne nuit

"Dis bonne nuit", une œuvre de Christian Blanchard, est une tentative d'exploration de l'esprit humain qui, malheureusement, ne parvient pas à susciter autant de surprise et d'émerveillement que prévu. Je m'attendais à un tourbillon d'intrigues plus fascinant.



Le récit nous entraîne dans la vie complexe et mystérieuse de Leïla, une détective privée aux prises avec ses propres démons intérieurs tout en menant une enquête sur un cas d’adultère imprévisible. Tourmentée par des cauchemars incessants, elle est hantée par des souvenirs occultés de son enfance qui semblent refuser obstinément de rester dans l'ombre.



La trame narrative se déroule lorsque Leïla est contactée par une épouse trompée désireuse de faire éclater la vérité. S'engageant fidèlement dans cette mission, Leïla découvre des indices sérieux et solides. Cependant, peu après le début de son enquête, René - le mari infidèle - la contacte pour retrouver Hubert, son amant disparu brusquement sans laisser de trace ni nouvelle. Ainsi commence pour notre jeune inspectrice une enquête bizarre qui la conduira à croiser le chemin d'une organisation masculine extrémiste ; un panorama trouble où les récits glaçants de René au sujet d'Hubert - féru d'aventures périlleuses - donneront froid dans le dos. Jusqu'où ces circonstances emmèneront-elles notre courageuse détective?



En parallèle du tumultueux voyage introspectif et professionnel de Leïla se déroule l'histoire poignante d'un père en pleine bataille pour obtenir la garde de son fils suite à une séparation déchirante. Petit à petit, on découvre les liens subtils qui unissent ces deux intrigues.



Ce thriller coule sans effort comme un ruisseau tranquille mais manque cruellement du bouillonnement sauvage des rapides ; il n'y a que peu d'éclats inattendus pour éveiller mon intérêt profondément. Bien que le personnage principal soit méticuleusement construit, je n'ai ressenti aucune affinité particulière envers elle. Les thèmes cruciaux du refoulement psychologique et des traumatismes enfantins sont abordés avec une légèreté décevante; j'aurais apprécié qu'ils soient explorés plus profondément pour ajouter plus de substance au récit. Les indices sont trop facilement discernables; l’effet recherché est ainsi dilué.



Comparativement aux œuvres "Antoine" et "Iboga" - deux romans brillamment conçus par Blanchard que j'ai adorés jusqu'à chaque page tournée - "Dis bonne nuit" semble être un pas en arrière.
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Iboga

J'ai rencontré Christian Blanchard hier après midi à la fête du livre de Limoges.Son enthousiasme m'a convaincu et j'ai commencé la lecture d'Igoba" dès mon retour à la maison.

Aujourd'hui,je viens de sortir de l'enfer où il m'avait convié. L'enfer,c'est une prison.Le condamné c'est un certain Jefferson Petitbois.Sa condamnation ,c'est la mort,rien de moins.Et l'enfer,c'est aussi et surtout l'attente,l'attente du matin où on viendra le chercher pour le conduire à la "Louisette". Son crime,on l'ignore....Seule compte sa solitude,pour le moment...

Dix mètres carrés, l'isolement,l'attente,voici la vie de Jeff,17 ans en 1980,condamné à mort....

1980,1981,-Mitterand au pouvoir,la peine est commuée en prison à perpétuité. ...et commence alors une autre attente...de rien! Pas d'avenir,un présent désespérément fait de solitude,un passé sans cesse ressasse .Et,aussi etrange que cela puisse paraître, me voici pris d'empathie pour ce personnage dont je ne me sentais guère proche depuis le début.Mieux même ,ses angoisses deviennent mes angoisses,et j'ai envie d'avancer dans le roman,pour savoir,bien sûr mais aussi pour "sortir,sortir,sortir"de l'enfer dans lequel je suis englué. ..

C'est un roman noir dur,oppressant.Le style de l'auteur colle au sujet,sec,brutal,questionnant.

Je ne connaissais pas cet auteur,il m'a vraiment importune,dérangé, interpellé ,bousculé et...j'ai adoré C'est avec ce genre de roman que l'on peut affiner sa réflexion ,porter un regard plus critique sur les comportements sociétaux ,ne pas rester dans l'émotionnel mais le dépasser .Et ça ,c'est difficile,quand l'actualité nous met sous le nez certaines atrocités brutales , revoltantes,insupportables.

Monsieur Blanchard,vous avez aiguisé ma réflexion, me voilà désormais enfermé dans mon "moi"et ce n'est pas une position naturellement confortable.
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Iboga

La démonstration par le roman, ou le roman qui m'a fait grincer des dents au début pour finir par m'émouvoir. Démonstration par la critique : L'Iboga éponyme, comme si c'était le sujet principal du roman, est la drogue que Max, sorte de dangereux gourou, a apparemment fait prendre à Jeff, enfant noir et abandonné encore mineur, sorte de rituel purificateur par lequel il l'incitait à commettre des crimes horribles. Bon, vu que le Jeff que l'on rencontre au départ est loin de ressembler à un enfant de coeur, j'étais déjà un peu agacée que le titre brandisse une sorte de fausse excuse à son égard.

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Mais la justice n'a pas été dupe, et c'est donc avec un certain soulagement qu'on apprend que Jeff sera bien enfermé pour les crimes qu'il a avoués… Jusqu'à se rendre compte dès les premières pages que la condamnation de l'époque est la peine de mort. Même si je n'y suis pas favorable, ça ne parvient pas à me rendre le personnage sympathique sur le fond. Sur la forme, j'ai craint un remake du Dernier jour d'un condamné, de Victor Hugo, dont la plume aurait simplement été modernisée : une plainte sans fin du condamné, sans autre argument que l'inhumanité d'une telle peine, même envers un indubitable coupable ayant avoué.

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Très vite, le roman se déroulant lors de l'élection présidentielle de Mitterrand, se pose la question de l'abolition de la peine de mort qui, sans spoil, sera remplacée par la perpétuité. J'ai cru alors devoir supporter les plaintes d'un prisonnier qui, tout en trouvant ses actes normaux, reprochait à la société de lui infliger une telle peine pour se venger de lui : cliché de la victime incomprise qui se plaint d'avoir des chaînes en même temps qu'il affirme que, sans elles, il tuerait ceux qui le contrarient.

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Vous l'aurez peut-être senti en me lisant, les réactions de ce criminel n'ont provoqué aucune sympathie chez moi, mais plutôt tout l'inverse. Ca ne s'arrange pas lorsqu'il continue de nous expliquer qu'en réalité, s'il a des envies de meurtres en lui, c'est parce que les gens attendaient de voir s'il était gentil et respectait les règles avant d'accepter de lui faire confiance et de lui accorder quelque chose. Heu, bon, c'est un peu la vie pour tout un chacun, mais toi en plus tu affiches ta violence en t'étonnant qu'on ne te fasse pas confiance… Logique.

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Et puis, plus le récit nous dévoilait son passé, plus j'étais encline à entendre qu'il y avait bel et bien une chose qu'il n'avait pas connu : c'était l'amour inconditionnel de parents qui est censé nous enraciner dans la vie. Et que privé de racine, presque de notion de bien et de mal, il a été facile au premier détraqué venu de faire mine de s'intéresser à lui et de le manipuler. Des circonstances atténuantes commencent à se profiler plus précisément. Jeff est coupable, mais serait-il aussi victime ? Comme dans tout procès, la vérité est parfois délicate à établir.

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Mais le plus intéressant reste à venir : au fil de ses années de détention, avec quelques bonnes rencontres et les bienfaits de l'écriture sur la réflexion, Jeff a le temps de détricoter son histoire. Cela a deux effets : le premier sur le lecteur, qui apprend à connaître Jeff, son histoire et le pourquoi de ses crimes, qu'il regarde avec moins de hargne ; le second sur Jeff, qui arrive la regarder son parcours avec le recul nécessaire à l'analyse et à la compréhension de certains fourvoiements de sa part (lui aussi a jugé un peu trop vite).

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C'est là que ça devient assez beau, comme si chacun, du lecteur et du personnage principal, faisait un pas vers l'autre en essayant de comprendre, de tendre vers plus d'objectivité, de se rejoindre vers une vérité un peu différente de celle que chacun était persuadé de détenir en accusant l'autre. de l'importance de l'écriture dans le processus de réflexion, et de l'importance de ne jamais être trop sûr de ses jugements ou préjugés, même en cas d'aveux.

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Alors je ne sais pas si ce roman se voulait critique envers la justice des hommes, cette peine qu'est la perpétuité, ou peut-être envers les pratiques du système carcéral, mais c'est pourtant bien ce temps de réflexion et d'écriture qui, finalement, conduira à ce petit miracle, cette prise de conscience, ce pas vers l'autre. Un temps que Jeff n'aurait certainement pas pris sans cette peine, ni le lecteur sans ce roman.

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Un livre sur l'enfermement autant entre des murs que dans un système de pensée ou dans sa peine, duquel on ne s'évade que par le récit de Jeff sur son passé hors de ses murs, par l'écriture et par l'altruisme. Un livre sombre comme cet établissement où n'entre pas la lumière du jour, éclairci seulement par les bribes du passé de Jeff sur la situation. Un livre aussi sur les apparences et les jugements rapides.

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Le glissement qui s'opère au fil de la lecture est intéressant, c'est même toute la force du livre et, il faut bien l'avouer, toute prompte que j'étais à juger Jeff au départ, j'ai terminé ce roman de plus en plus émue par son histoire, jusqu'à la fin. C'est donc une mission réussie pour l'auteur, qui a bien amené sa démonstration ! Merci à Bagus pour la découverte.

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[Cette critique écrite il y a peu est surtout prétexte à glisser ce message perso : Désolée de ne pas être très présente ces temps-ci, des raisons de santé vont sans doute m'empêcher de revenir pour un temps - à l'exception d'une masse critique obtenue avant que je vais tout faire pour honorer. Des bises à tous.]
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Iboga

« Je suis toujours vivant… et toujours dans l'attente de ne plus l'être. »



Lorsqu'on rencontre Christian Blanchard sur un salon, il dit apprécier (presque sans réserves) l'oeuvre de Karine Giebel et en particulier 'Meurtres pour Rédemption'. Moi aussi, ça démarre bien !

'Iboga' nous immerge également dans le milieu carcéral, et plus exactement dans la tête de Jefferson, un jeune détenu de dix-sept ans promis à la guillotine. Nous sommes en France, en 1980, à quelques semaines des élections présidentielles. Le condamné peut-il espérer une grâce ? Cette décision est à double tranchant pour un homme politique (mais je m'éloigne du livre)...



Contrairement à Karine Giebel, Christian Blanchard ne donne pas dans la caricature et le spectaculaire. Les rapports humains (même les plus violents) et les sentiments sont décrits plus subtilement. L'intrigue est à la fois simple, pleine de surprises, crédible et bouleversante.



La couverture est trompeuse, on peut s'attendre à des affaires de gangs, de caïds, avec pléthore d'action et d'effusions de sang. On n'est pas dans ce registre, mais dans une analyse fine du parcours d'un tueur. Mieux : dans la tête d'un homme sans ancrage, sans enfance - qu'on se surprend à aimer et à vouloir aider quoi qu'il ait pu faire.

« Je suis une erreur de la nature que la justice humaine va effacer. »



Grandiose ! ❤️

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Voir aussi 'La dernière marche' (Tim Robbins, 1995), La Ligne verte (Frank Darabont, 1999, d'après un roman de Stephen King), lire 'En ce lieu enchanté' (Rene Denfeld), 'L'arbre des pleurs' (Naseem Rakha)...
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Déguster le noir

Je voudrais commencer par remercier deux amis babéliotes de longue date, pratiquement les premiers depuis que je me suis aventurée sur ce site si dangereux pour moi, en ce sens que les tentations y sont bien trop nombreuses !

Le premier, c'est Yvan Fauth, alias Gruz ici, pour avoir créé et dirigé cette collection sur les cinq sens dont j'ai savouré chaque opus. Grâce à lui, mes yeux, mon nez, mes oreilles, ma peau et mes papilles se sont affûtés, j'ai découvert de nouveaux auteurs (dont j'ai lu des romans par la suite), et dans ce dernier recueil, j'ai dégusté, dans tous les sens du terme ! Yvan, entend les appels de tes fans, s'il te plaît concocte-nous encore un petit dernier avec le fameux sixième sens...

Le second, c'est Messire Godefroy, autrement dit Antyrya, qui suite à un pari sur le futur titre du présent ouvrage (pari que j'ai gagné) me l'a envoyé le jour même de sa parution. Merci à toi Anty, tu es un homme de parole et tu m'as fourni une de mes meilleurs lectures de vacances.



Bon, c'est très bien tout ça, mais quand est-ce qu'on entre dans le vif du sujet, c'est-à-dire ce que j'ai pensé de ces treize nouvelles centrées sur le goût ? Premier constat : il y en a vraiment pour tous les goûts, et à toutes les sauces dans ces presque 300 pages. Du glauque, du terrifiant, du cynique, et même de l'humoristique, chacun y trouvera à boire et à manger.

Second constat : moi qui ne lisais pratiquement pas de nouvelles, excepté celles de Stephen King qui s'apparentent souvent à de courts romans, et bien j'y ai vraiment pris goût, au fur et à mesure de la parution de ces recueils, je les savoure de plus en plus. Elles concentrent les spécificités de chaque auteur, et sauf exception, ne me frustrent plus à cause de leur brièveté. Bien sûr, toutes ne m'ont pas rassasiée de la même façon, quelques-unes m'ont un peu laissée sur ma faim, mais dans l'ensemble je me suis sentie repue à la fin de mon repas, pardon, je voulais dire "de ma lecture".



Mais cessons là les métaphores gastronomiques, je crains de vous gaver !

J'évoquerai d'abord les nouvelles qui m'ont vraiment mis l'eau à la bouche (pardon !), à commencer par celle de Jérémy Fel : "Dans l'arène", dont j'ai d'ailleurs mis un certain temps à comprendre le titre. Elle se situe dans un futur qui pourrait être bientôt d'actualité, et met en scène une petite communauté familiale vivant dans les bâtiments d'une ancienne ferme. Tout est sec, plus rien ne pousse, le ciel est constamment voilé, on étouffe. Aux infos on voit des migrants se faire arrêter, la pollution atmosphérique bat des records, il n'y a presque plus d'eau, bref les curseurs d'aujourd'hui poussés un peu plus loin. Entre les épouses des deux frères qui vivent là, rien ne va plus. Bastien, le fils de Juliette et Olivier, a disparu, manifestement dénoncé pour avoir hébergé des réfugiés. Et Juliette soupçonne fortement Mathilde et Matthias, qui d'autre ? Il n'y a plus personne à des kilomètres à la ronde...Le repas d'anniversaire de Léa, fille de Mathilde et Matthias va précipiter les évènements.

J'ai adoré cette atmosphère angoissante, cette montée en puissance et la brusque révélation qui va complètement changer la perspective, un régal !



Parmi mes préférées également : "La visite" de Nicolas Beuglet, que j'ai trouvée particulièrement savoureuse de par son humour décalé et ses clins d'oeil aux adeptes du bio, du local et de la nourriture "saine". Aujourd'hui est un grand jour, car Gilles va faire la connaissance des parents de son amoureuse, Claire. Marlène et Pierre les accueillent chaleureusement, chez eux tout est beau, y compris Marlène, la très jeune maman de Claire. Pierre, le papa, manie l'humour au second degré, mais la bonne chère va vite détendre l'atmosphère. Attention à ne pas forcer sur le digestif quand même, c'est du costaud !



Dans un tout autre registre, on passe du rire (jaune) aux larmes salées : "Joé", de Christian Blanchard, qui met en abyme l'histoire de Lenny dans "Des souris et des hommes" de Steinbeck. Joé est un doux géant qui n'a qu'un rêve dans la vie, connaître le goût de la mer. Mais elle est loin la mer, et pour l'atteindre il faudra mener bien des combats... Une histoire très courte mais qui m'a beaucoup touchée, d'un auteur que je ne connaissais pas.



Ian Manook, lui je le connais déjà bien, et il ne m'a pas déçue avec "Feijoada" ! Si, vous savez, ce plat brésilien à base de haricots noirs et de toutes sortes de viande, les restes, les bas-morceaux, ce qu'on trouve quoi ! De l'humour très noir, qui rappelle les films de gansters des années soixante, genre "Les tontons flingueurs", un vocabulaire truculent-succulent, et une chute certes attendue mais vraiment bien dans le ton du thème. Excellent !



Et puis, un peu comme le dessert qui vient en apothéose du repas, il y a cette dernière nouvelle, plus longue, un petit polar à elle toute seule, "Scène de crime" de R. J. Ellory qu'on a toujours autant de plaisir à retrouver dans les recueils d'Yvan. Pas d'humour ici, on est sur les traces d'un tueur de jeunes femmes, l'enquêteur est sur les dents, les cadavres décapités et vidés commencent à s'accumuler dans une atmosphère quasi apocalyptique. Erikson, le policier chargé de l'enquête, va en faire une affaire personnelle... Une intrigue fouillée, dont les ressorts psychologiques vont vous retourner les tripes.



Voilà pour mon quinté de tête, mais parmi les autres récits, certains valent leur pesant de cacahuètes aussi. Prenons par exemple celle qui sert d'apéritif, "Le goût des autres", de Bernard Minier. Un check-point tenu par des américains dans le désert en Irak. Leila, muséologue, et son chauffeur Hassan se font arrêter pour un contrôle qui va se prolonger...Des relents de fantastique pour une nouvelle qui aurait gagné à être un peu plus développée, à mon avis.



A suivre, "Ripaille", d'Anouk Langaney, qui nous a concocté un menu très élaboré des apéritifs aux desserts. Une des convives nous fait part de ses réflexions sur les autres invités et la maîtresse de maison, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a une drôle de vision des plaisirs, de la table mais pas que... C'est assez tordu, mais plaisant, sans plus.



Comme nous avions beaucoup mangé, la nouvelle suivante est tombée à point nommé : "Tous les régimes du monde" de Cédric Sire nous emmène dans le monde du mannequinat, où l'idéal de beauté consiste à faire une taille 32, obtenue en mangeant trois pommes par jour, et au prix de malaises répétés. L'émulation fait des ravages entre Laura et Giulia, mais leur compétition tournera au désastre pour toutes les deux. Un récit glaçant, car certains détails sonnent hélas très vrai.



Pour ne pas rendre ce billet trop indigeste, je ne détaillerai pas les autres nouvelles, bien qu’elles ne manquent pas d’intérêt non plus. Deux d’entre elles traitent du périlleux métier de goûteur, « Amertumes » de Pierre Bordage et « Le goûteur » de Jacques Expert, deux auteurs dont la réputation n’est plus à faire.

« Jalousies » de Sonia Delzongle joue sur le double sens du mot-titre, et évoque le triste sort d’une femme réduite au rôle de poulinière et de servante de son mari à qui elle concocte sans se rebeller de bons petits plats sans attendre la moindre reconnaissance. J'avoue préférer l'auteur quand elle écrit des romans, même si la nouvelle ne manque pas d'intérêt.



"Alfajores" de Nicolas Jaillet nous parle d'un employé de Huei, où l'on transforme de la camelote asiatique en souvenirs "made in France" à grand renfort d'autocollants censés faire authentique. Un jour Pascal "n'a plus le goût"... L'histoire qui m'a le moins marquée, d'ailleurs je ne m'en souvenais plus (j'ai lu le livre pendant mes vacances, il y a un mois !).



Et enfin il nous reste une petite dernière, pour la dent creuse dirons-nous : "Un père à la truffe", de Patricia Delahaie, auteure que je découvre et qui je trouve a parfaitement saisi le concept de "déguster le noir", j'ai beaucoup aimé cet histoire de père qui ressemble un peu à un ogre et qui va passer une journée singulière avec sa gamine de douze ans, qu'il n'a pas vue depuis longtemps. C'est original, et m'a donné envie de mieux connaître l'auteure.



Pour conclure ce looong billet, plus j'en ingurgite, plus je les aime, les nouvelles ! Et je ne peux que vous inviter à une petite dégustation entre initiés, avec des hôtes de marque qui vont vous recevoir aux petits oignons !











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Dis bonne nuit

Leïla Le Menn, détective privée à Rennes, travaille pour une femme qui soupçonne son mari d’adultère. Et en effet, son mari, René Le Gall, la trompe bel et bien, mais avec un homme, Hubert. Le plus piquant est qu’après avoir été dénoncé, le mari fait appel à Leïla pour retrouver Hubert, qui a disparu. La détective va apprendre qu’Hubert avait une personnalité bien singulière et va se trouver entraînée dans une affaire complexe. Elle-même est aux prises avec des démons personnels qu’elle traîne depuis l’enfance. ● Ce n’est pas un mauvais polar, mais comme c’est convenu ! L’enquêtrice qui traîne des problèmes personnels, qui se met dans des mauvais cas mais parvient à s’en tirer in extremis… On a déjà vu tout ça bien mieux fait ailleurs, notamment par des auteurs américains… ● L’originalité réside peut-être dans cette association OLPH (Osons la Libération de la Parole des Hommes), organisation masculiniste et antiféministe qui comprend des membres à la fois homophobes et homosexuels (oui, ça existe, cf. l’église catholique…). ● Le suspense est quasi-inexistant, tous les retournements de situation sont attendus, le style est d’une grande platitude.
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Iboga

28 octobre 1980. Le verdict de la Cour vient de tomber : pour Jefferson Petitbois, jeune black assassin de dix-sept ans, “suffisamment grand pour tuer donc assez vieux pour mourir”, ce sera la peine de mort… Et ce sera le début de l’attente, entre terreur, révolte et colère dans le couloir de la mort, avec dans la cour, de l’autre côté de sa cellule, la guillotine - Louisette - qui attend, patiente, et affûte sa lame.



L’attente sera en fait interminable : grâce présidentielle puis abolition, en 1981, de la peine de mort… sa peine est commuée en réclusion à perpétuité. Une perpétuité de jours et d’années, à l’isolement, sans avenir, sans projets, sans espoir. Que faire encore d’une vie qui n’a plus aucun sens, à tourner en rond dans sa cellule, dans ses souvenirs, son angoisse et ses regrets ? Dix-huit ans et une perpétuité de vide devant soi. Enfermé et absolument seul.



Christian Blanchard place le récit, à la première personne, dans la bouche de son héros qui raconte par bribes et sur plus de vingt ans son enfance à l’abandon, son parcours chaotique, ses blessures, sa dérive... jusqu’à sa rencontre, à quatorze ans, avec Max, mentor diabolique, gourou dément qui voit en lui l'Élu du chaos, un nouveau Messie de ténèbres et de sang. Sous l’influence conjuguée de Max et de sa drogue - l’Iboga - il commettra douze meurtres, aussi atroces que gratuits.



Avec "Iboga", Christian Blanchard ne nous propose pas un récit carcéral de plus parmi bien d’autres mais une immersion dans la psyché d’un individu placé dans des conditions extrêmes de solitude et de désespérance. Le choix du point de vue narratif est habile puisqu’il provoque immédiatement et mécaniquement chez le lecteur une compréhension - voire une empathie - qui rend cette exploration en profondeur particulièrement sincère et poignante. Toutefois, en raison de la lucidité de son personnage sur lui-même (“je suis une erreur de la nature que la justice humaine va effacer”, dit-il), il évite par ailleurs l’écueil de la complaisance et de l’auto-justification chez cet homme qui n’éprouve aucun remords, le dit et ne se cherche pas d’excuses.



Venue à bout en quelques heures de ce roman très noir, terriblement oppressant et totalement addictif, je le referme avec un sentiment d’effroi et l’impression glaçante d’avoir fait un bout de chemin avec une âme perdue à qui a été refusé à jamais la moindre possibilité de rédemption, et qui, d’ailleurs, se la refuse à elle-même. Avec un questionnement, également, (mais qui n’est heureusement pas de ma compétence) sur la pertinence de substituer à la mort un enfermement à vie, à l’isolement, sans possibilité de réduction de peine : “J’aurais préféré passer sous le couperet de la guillotine. La douleur aurait été plus douce. En une fraction de seconde je serais passé de la lumière aux ténèbres sans en avoir conscience. Bien sûr, il y avait la souffrance de l’attente et la peur des derniers instants. Les tourments que j’endure depuis sont pires parce qu’ils ne s’arrêtent jamais. Ils continueront jusqu’à ma mort.” Bienvenue en enfer !



Un roman coup de poing, particulièrement sombre et d’une rare violence psychologique, d’un auteur que je ne connaissais pas, assurément à suivre.



[Challenge MULTI-DÉFIS 2019]
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Iboga

Jefferson Petitbois n'a pas eu de chance dans la vie.



Abandonné à la naissance, il sera placé en famille d'accueil jusqu'à sa fugue et sa tentative de suicide à 14 ans.



A 17 ans, il sera condamné à mort. le dernier condamné avant l'abolition de la peine capitale... Seul espoir (mais en est-ce vraiment un ?) sa peine pourrait bientôt être commuée en prison à vie par le nouveau président Mitterrand.



Entre temps, il aura connu Max et il aura tué. Les deux années passées à ses cotés le marqueront à jamais et donneront à son existence une orientation qui le mènera à la guillotine.



Dans le couloir de la mort, il se remémore sa vie, et ses expériences avec Max et l'Iboga, cette plante hallucinogène, qui pourrait bien être à l'origine de ces horreurs qu'il a commises.



Enfin, non, tout ça c'est bien de sa faute...



A mon avis :

Une plongée dans l'univers carcéral et dans la psyché de ce garçon, si jeune, mais déjà en âge de tuer et d'être condamné.



On oscille ainsi entre sa vie emmurée, avec ses difficultés quotidiennes, les brimades, la crainte de la mort, la souffrance physique et psychologique et les souvenirs que l'on découvre au rythme de ses dessins et de ces cahiers qu'il noircit pour passer le temps.



Curieusement, sans l'excuser pour ces crimes odieux, on s'attache à ce personnage car on comprend progressivement comment il en est arrivé là.



C'est ce qui fait l'intérêt de ce roman, qui n'est ni vraiment un thriller, ni vraiment un policier et qui pourtant tient le lecteur en haleine jusqu'au bout.



Récit court et facile à lire, on est ainsi pendu aux révélations successives sur son passé.



Pas de longueur sur la vie en prison (ce que je redoutais au départ), mais un livre fort, bien résumé par Karine Giébel en couverture : "une plongée saisissante dans l'âme humaine".



Retrouvez d'autres avis sur d'autres lectures sur mon blog : https://blogdeslivresalire.blogspot.com/
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Antoine

Il y a des vies qui font rêver, d'autres qui sont plus banales, plus tranquilles et il y en a qui illustrent parfaitement l'enfer et cette vie c'est celle d'Antoine.

À 7 ans, ce petit bonhomme est déjà confronté à la violence familiale, il le sera aussi presque inévitablement, à l'école et puis un jour LE drame. Antoine va alors être placé en centre puis en famille d'accueil.

Un sentiment fort d'injustice et de haine bouillonne en lui, et s'il est introverti, on redoute le moment où cette souffrance va s'exprimer ouvertement. Cet Antoine on l'aime malgré tout parce que l'on sait, parce qu'il n'est jamais là où il faut, parce qu'il est bon et qu'on a, tout comme Bertrand celui qui le recueille et Marcel son entraîneur de boxe, envie de l'aider, de le soutenir, de lui redonner ou plutôt de lui donner puisqu'il ne l'a jamais eue, la chance d'être apaisé.

Ce roman noir est extrêmement bien fait, les carnets écrits par Antoine qui alternent tout au long du livre avec l'histoire, montrent que ce petit Antoine s'est laissé envahir ( avait-il le choix ?) par sa souffrance, ses blessures.

Là encore, s'il ne faut pas tomber dans un déterminisme social pur et dur, on se doit de s'interroger sur la façon dont il est devenu ce qu'il est et de fait non pas tout excuser mais repérer les failles très tôt et ne pas se contenter de les colmater. La blessure ne peut plus être soignée même avec de belles rencontres comme celles de Bernard et de Marcel si trop d'injustice s'est cumulée. Je referme ce livre avec un pincement au cœur.

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Iboga

Jefferson Petitbois vient d'être condamné à mort.

La Louisette lui apparait désormais promise.

À 17 ans, le garçon semble d'une précocité rare, notamment dans le domaine si recherché, et apprécié, du flingage de chakra, d'éparpilleur de yin et de yang, bref, du meurtre à répétition.

Mais le gamin, aussi monstrueux soit-il, pourrait bien trouver son maître en un lieu censé cadenasser ses pires instincts, la zonzon.



Iboga, c'est l'histoire d'une rencontre funeste.

De celles qui infléchissent le cours de votre vie pour finalement la réduire à néant.

Le gamin a fauté, il doit payer.

Et il le fera, au centuple, les gardiens, tristes hères racistes avides des pires turpitudes qui soient s'en assureront chaque minute de chaque heure.

Tous ? Nein.

Car chacun possède sa p'tite étoile perso. Celle qui vous fait tenir, vous raccroche au peu d'espoir qu'il vous reste histoire de ne pas tomber dans la facilité et lâcher la rampe, définitivement.



Iboga, c'est une grosse mandale en bonne et due forme.

C'est la mimine de Teddy Riner dans la tronche, avec élan.

C'est l'histoire d'un mec au bout du rouleau et de sa rencontre avec un ange exterminateur.

C'est le récit, sans fioritures, d'un gusse parachuté sans billet retour dans l'enfer des prisons.

C'est le parcours tourmenté de Jefferson Petitbois qui, dès sa naissance, ne reçut comme présents que souffrance et affliction de la part de la Fée Rocité qu'est pas franchement la marraine idéale, on va pas se mentir.



Iboga se révèle d'une puissance narrative rare.

Véritable uppercut livresque qui ne vise qu'un seul et unique but, le KO

émotionnel.

Dix, neuf, huit...
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Sur l'île de la rédemption : Île de Batz

Sur l'île de la rédemption de Christian Blanchard, dès le début, j’ai été emportée par ma lecture, j’aurais voulu le lire en une fois, tant la tension était croissante et a duré tout au long du récit. Je pensais mettre cinq étoiles, mais la fin m’a un peu déçue, il en fait un peu trop. Dommage, car j’ai beaucoup aimé.



Marie-Thérèse, Joseph, de fervents croyants, jusqu’à l’extrémisme, toute leur vie, leur façon de penser, était axé sur la foi. Impossible d’avoir un enfant, le prêtre ne pouvant les aider, ils quittèrent le giron catholique. Espérant un miracle, ils se rapprochèrent d’un prêcheur protestant, du courant « Pentecôtiste », pour un nouveau baptême. Un garçon naquit : Arthur. Il faut y croire…



École catholique, prières, messes, fréquentant que des familles pieuses, belles paroles, les non croyants étaient des mécréants, des suppôts de Satan. Arthur modelé par toutes ces personnes, y croyait sans se poser de questions jusqu’à l’âge de dix, onze ans. Une autre musique dans sa tête, changea insidieusement ses pensées, ses lectures. A douze ans, un nouvel élève arriva, il put lire autre chose et sa foi fut ébranlé, par ce qu’il découvrait sur les sciences, ce qu’il se passait dans le monde, il se cachait, c’était interdit. Une autre explication était donnée sur les épisodes marquants de la bible, il avait du mal à tout assimiler.



A quinze ans, Arthur, ressentit ses premiers émois, malheureusement pas en faveur des filles. J’ai été très émue par sa souffrance, en 1955, vous imaginez le poids de sa faute, envers ses parents, la religion, ses adeptes. C’est effrayant, de voir comme les biens pensants réagissent. L’endoctrinement, les valeurs familiales sont terribles pour ce jeune garçon.



Cinquante cinq ans après, sans les avoir revus depuis de nombreuses années, il invite ses fils, Elie, Jason, Abel ainsi que ses belles-filles, dans son immense maison sur l’île de Batz, pour le réveillon de Noël et ses soixante-dix ans. Il a décidé de leur raconter son enfance, son adolescence, sa famille, l'influence d'un pasteur évangéliste, son mariage avec Béatrice et son grand amour. Ses fils n’ont aucune idée, de la vraie vie de leur père, tout ce qui lui est arrivé, sa détresse, ses douleurs, ses tourments, ses supplices.



Sur fond de tempête, ses fils découvriront son caractère, ses penchants, sa froideur. Tout au long du récit, on ressent leur rejet, leur colère, leur chagrin, mais aussi un peu d’empathie, envers leur père malgré tout…



Je suis très triste de voir, comme des personnes peuvent souffrir toute leur vie, à cause du rejet, de l’incompréhension et du dogmatisme. Un très bon moment de lecture. On a le droit d’être différent et même à notre époque ce n’est pas facile.



Malgré ce livre pas très joyeux, mais intéressant, bien écrit, je vous souhaite à tous une merveilleuse année 2024 ainsi que de belles et nombreuses lectures.



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La mer qui prend l'homme

... 'Three men in a boat' ou 'They were four'...

Anciens soldats en Afghanistan, ces hommes seraient victimes de SPT (trouble de stress post-traumatique) ; cela paraît évident pour deux d'entre eux, un peu moins pour le troisième, un aumônier. Un programme thérapeutique pourrait les aider à aller mieux. Il leur 'suffit' de se joindre à une équipe de marins-pêcheurs, entre Concarneau et la Norvège, pour quelques semaines. Ils sont accompagnés d'Emily Garcia, jeune lieutenant qui travaille pour les services sociaux de la Défense. Il doivent d'abord vaincre le mal de mer, puis s'adapter à des conditions de vie et de travail aussi pénibles qu'épuisantes.

Un autre ancien combattant est retrouvé mort, pendu dans sa maison de l'île de Batz. L'enquête officielle est menée par la gendarmerie locale, mais une jeune femme est mandatée par une compagnie d'assurance pour déterminer les causes du décès.

.

Huis clos, passé trouble, souvenirs et traumatismes de guerre, magouilles...

Ce roman noir est prenant et subtil, notamment grâce au personnage de Paul.

J'ai trouvé la fin un peu longue, mais je m'ennuie vite dans les dénouements 'action'.

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De Christian Blanchard, j'ai beaucoup aimé 'Iboga', également.
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Iboga

Ce n'est pas avec Jefferson Petitbois, jeune homme incarcéré en attente dans le couloir de la mort, que l'on égaye ses soirées mais c'est avec lui que l'on attend et que l'on vit ces terribles années enfermé.

Années qui vont être encore plus éprouvantes qu'elles ne le devraient, à cause d'un maton raciste et empli de haine.

Tous les matons ne se ressemblent pas et on découvre avec beaucoup d'attachement Jean qui va être le rayon de lumière de ce roman.

Ce roman noir situe son action en 81 au moment où la peine de mort a été abolie. Si Jefferson Petitbois est un personnage fictif, ce qu'il vit et ressent reste très réaliste. Vivre avec lui dans sa tête est alors éprouvant.

Iboga est un roman qui mêle des actes abominable à des actes extrêmement humains, des sentiments violents, de rage, de haine, à de la tendresse, du respect, de l'amitié. La fin est parfaite.
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Dis bonne nuit

Il y a parfois des couchers que l'on redoute... Et si la nuit noire allait nous aspirer sans que nous ne puissions en ressortir indemnes ?



Leïla Le Meen, détective privée, est bien loin de se douter du chemin que prendrait sa dernière enquête. Alors que la jeune Rennaise est missionnée pour une affaire d'adultère, elle se voit confier un travail de recherche d'une personne disparue dans des circonstances troublantes...



À mesure que son travail de recherche avance, Leïla était bien loin de se douter que celle-ci puisse avoir une telle influence sur sa propre vie personnelle. Mais pourquoi ? À vous maintenant de le découvrir !



En lisant Dis bonne Nuit, je découvre la plume très agréable et d'une grande fluidité de Christian Blanchard qui a su tout de suite m'emporter dans cette histoire en pays breton. J'ai trouvé les thèmes intéressants surtout à l'heure où la question des droits et de l'égalité entre les sexes se pose encore.



Je me suis très rapidement attachée au personnage de Leïla pour lequel j'ai ressenti instantanément beaucoup d'empathie et qu'on a plaisir à suivre.



En refermant ce livre que j'ai lu en seulement quelques heures, je me suis fait néanmoins une réflexion qui m'arrive que très rarement : j'ai regretté qu'il ne soit pas plus long, car je l'ai trouvé un poil trop court !



Je tiens à remercier les Éditions Belfond et Netgalley France pour la découverte du dernier livre de Christian Blanchard qui m'a offert un bon moment de lecture. Je vais maintenant pouvoir sortir Iboga de ma bibliothèque qui dort depuis plusieurs mois pour profiter un peu plus longtemps de la plume de l'auteur
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