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Citations de Christian Estèbe (182)


(...) où que j'aille mon texte me rattrapera (...)
Il me hante jour et nuit, parfois ce sentiment est terriblement angoissant. Je me précipite alors dans des heures de lecture, les romans des autres m'apaisent...
Je suis mal né, je ne suis pas à ma place, j'aurais dû me réincarner en personnage de roman de gare, à la fin, ça se marie, ou ça meurt dans un grand froissement de papier (...) ouais, c'est ça que j'aurais dû faire comme métier, personnage de roman ! Bien payé, le cul au chaud dans une couverture blanche de chez Galligrasseuil.
(p. 49)
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Les enfants partis, chacun a eu sa chambre. Je ne suis pas sûr qu'ils s'éloignaient l'un de l'autre. Ils avaient assez mesuré leurs corps dans le quotidien de toutes ces années. Ils n'avaient plus besoin du même lit pour continuer à s'aimer, à supporter l'âge de cet amour. (p. 192)
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Août : ANPE, qui ne connaît pas ces quatre lettres et ce qu'elles signifient, pour ceux qui les rencontrent, de démarches difficiles, d'attentes épuisantes, d'espoirs déçus. Inscrit depuis des mois comme demandeur d'emploi, je marche en rond dans la ville de M. Ingres.

Brume du matin, légère et lumineuse, je suis encore vivace pour le bel aujourd'hui. J'ai trouvé, retrouvé, que j'étais aussi de cette terre où Zadkine a vécu et sculpté ses christs en bois d'orme. Celui que j'ai devant moi, dans l'église de Caylus, mesure deux mètres de haut. Du coeur du bois, il s'envole littéralement de sa croix, encore accroché par une main à un clou, tout est dans la fibre dans laquelle a été taillée au ciseau l'active résurrection, la grande résurgence, la matière s'est intégrée au vertigineux miracle du fils de l'homme.
Je reste étonné de cette témérité qui a fait sculpter à Zadkine un Christ nu, pourvu d'un sexe. L'homme bondissant vers le ciel, en train de devenir Dieu, est-ce là une insupportable théologie ? Je n'y vois pour ma part, aucun blasphème.

Silence et humidité. Je m'enferme dans l'arrière-boutique du magasin de musique que gère Elisabeth, ma compagne. Une ampoule nue, une table en fer, une chaise, la musique et l'écriture. Je me sens friable comme un bout de craie.

Chômeur de longue durée, j'ai accès à un emploi de contrat-solidarité, un CES. Je trouve un poste d'aide-bibliothécaire au collège de Caussade, un village à quelques kilomètres de Montauban. Je dois y aller en train ou en bus, puisque je ne possède pas encore mon permis de conduire. Rendez-vous avec le Principal. C'est un petit homme barbu, aimable, qui bafouille un peu. Il scrute mon CV, puis me regarde :
- Qu'est-ce que vous faites dans la région, il n'y a plus de travail pour vous à Paris ?
Je n'ai pas envie de lui raconter les détours de ma vie et mes frasques de minable. Je pourrais lui proposer de relire Lord Jim, mais je préfère me taire.
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Mon métier est simple : il suffit d'un bon sac en cuir , comme ceux que portent les bergers, assez profond pour y déposer les catalogues et les livres de ces éditeurs qui savent faire jaillir des trésors oubliés de leur presse, ou des découvertes que l'édition industrielle néglige ou ignore.
L'aventure vaut la peine d'être vécue et je la vis avec ardeur. Car il faut des certitudes pour convaincre des libraires énervés, harassés, dépassés par un métier de plus en plus impossible à faire, à vivre. Certains catalogues recèlent pourtant de quoi faire oublier la ronde infernale des retours d'invendus. (p. 25)
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« Pas mal ce qu’écrit Maurice Nadeau, le grand éditeur :
« Le roman, c’est le genre le plus englobant, le plus universel. (…)
Le roman même si le souvenir y a sa part ne peut pas être une reconstitution de la vie, il est la vie même, et en fin de compte une nouvelle vie, une leçon de vie nouvelle ».
Il aime son métier passionnant de passeur de textes. (p.39)
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Oui, écrire l'avait rendu riche, mais pas de la richesse à laquelle il croyait. Il était même devenu milliardaire en mots. Un destin de fils de pauvre.
Et puis quoi ? Le génie en plus ? Rien de tout ça !
Seulement la solitude, l'effort, l'ascèse et le silence, les refus des éditeurs par lettre-circulaire, le chagrin. Même le fait d'être publié ne réglait pas la question.
Claudel, qui en connaissait un rayon, l'avait prévenu: "Le laurier est une plante amère".
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L'expérience ne sert à rien. Tout s'oublie, ou presque. Vivre, c'est trop souvent attendre demain. Un mieux, un bien, une ouverture, une aventure, comme si l'heure présente ne suffisait pas.
(P27)
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Au bout du bâtiment, quelques écrivains sont en rang d'oignons derrière des tables, en attente d'un public pour les traditionnelles dédicaces. Les annonces, par haut-parleur, citent les livres, les auteurs, les horaires. C'est ainsi qu'il faut attendre la gloire, sagement, en rêvant à Rimbaud, à Cézanne. Cette fameuse immortalité, dont personne ne sait rien. (p. 139)
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Je vais tenter de raconter ce qui s'est vraiment passé. Je sais pourtant que raconter, c'est vouloir retenir un nuage, se remémorer un chant ancien qui s'est tu. Mais dire, c'est parfois tout ce qui reste, lorsque se taire n'est plus possible.
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" [...] Le roman découvre ce qui est caché en nous." C'est Kundera qui réfléchit de manière magistrale au fait d'écrire. (p. 140)
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J'en ai connu aussi, sauvés de la dépression, par la seule vertu d'avoir retrouvé une fonction sociale. (p. 46)
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Aussi malade que je sois, aussi dur et ingrat que soit ce métier, c'est encore dans une librairie où je suis le moins mal. J'ai beau les détester, les mépriser, ces vendeurs de papier imprimé, je les aime aussi très fort, lorsqu'un l'un deux, par son érudition, sa culture, relève l'honneur du métier. C'est la famille à laquelle j'appartiens, que je me suis choisie depuis très longtemps, et si je dois mourir bientôt, que je meure un livre à la main. Cet outil de la liberté absolue me porte, comme je le porte depuis toujours. Rien à chercher, rien à espérer : je suis une peinture d'Archimboldo, la gueule faite avec des livres. (p. 51)
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Les apprentissages de Marc : garçon de course dans une droguerie au nom poétique, "Aux mille couleurs", mitron dans une pâtisserie, l'usine ensuite. Comment ne pas me reconnaître dans ce jeune prolo affamé de lectures, d'art, de théâtre, avec sa soif de tout connaître, de vivre et une volonté farouche de changer le monde ! (p. 42)
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Cependant nous sommes seuls à pouvoir nous absoudre, personne n’échappe à la condition d’être, d’exister . (p. 87)
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Travail de ses mains, travail purificateur qui l'empêche de trop penser, qui l'aide à vider de sa tête le trop plein de son coeur. (p.105)
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C'est plus facile de jouer avec les mots des autres. Il y a une part d'inattendu qui force l'imaginaire, une autre écoute du sens, comme si on brisait sa propre harmonie pour faire apparaître un nouveau jeu.
On mélange les mots pour les entendre différemment, donner un autre rythme, changer de danse. (p.140)
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Sur quoi repose l'idée de chef-d'oeuvre ? Le concept de grand artiste ? Une question d'odeur du temps, de circonstances historiques. Qui décide qu'un auteur une oeuvre vont traverser les siècles, alors qu'un autre aussi talentueux, voire plus, sombre dans l'oubli et n'est plus la proie que d'obscurs érudits (...). Seuls alors, ceux qui inventent un monde et une langue sont dignes de rester, et donnent des qualificatifs nouveaux aux émotions, aux sentiments: Rabelaisien, Proustien, Kafkaïen, Dantesque, Ubuesque, Don Quichotesque, il en oublie, sans doute ! (p.128)
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"Jamais je n'oublierai ce que tu fais pour la librairie"
Stève, déjà à moitié saoul, hausse les épaules:
"Ce que je fais, c'est pour les livres, qui nous délivrent du poids de vivre. Je suis un croisé en croisade." (p.84)
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C'est la réunion bimensuelle de ma boîte. Dans une salle surchauffée, des éditeurs médiocres et sûrs d'eux défilent pour nous présenter leurs impérissables bouquins. Pimprenelle, ma directrice commerciale, sourit aux anges. J'ai pour elle de la tendresse. Bien entendu, nous avons tous sur le visage notre masque en carton, un sourire taillé au cutter et notre chiffre d'affaires en bandoulière. Nous sommes des commerciaux et fiers de l'être. Une vraie équipe liée seulement par la convergence d'intérêt, qu'on voudrait nous faire prendre pour de la fraternité. En fait, tous liés à notre solitude, à l'angoisse de ne pas faire le chiffre. Certains compensent par la bouffe, le sexe, l'alcool. Les filles gèrent mieux, mais beaucoup abandonnent le métier une grossesse ou deux.
(P92)
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« – Pourquoi ne pas les donner? – Les donner? Vous n’y pensez pas! C’est interdit, c’est le bien public! – Et vous les jetez où? – À la poubelle. – Les livres? à la poubelle? – Oui, c’est le plus simple. – Vous avez raison, c’est plus simple… – Non, c’est vrai quoi, qu’est-ce que vous voulez qu’on en fasse! Les magasins en sont pleins, ça ne sort jamais au prêt, et on n’a plus de place. «
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