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Critiques de Claude Arnaud (59)
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Proust contre Cocteau

Génies précoces et excessifs objets d'un amour maternel étouffant, mondains inquiets d'être préférés des meilleurs, animés par une curiosité dévorante et le même désir de plaire et de dominer, Proust et Cocteau, séparés de vingt ans, ne manquent pas de points communs. Mais cette communauté d'esprit, d'intérêt et de moeurs qui rapproche les deux hommes n'est pas sans rivalité, jalousie, déception, surtout de la part de Proust.



Une affection teintée de jalousie et une admiration trop exclusive de son aîné, avec lesquelles Cocteau prend ses distances, même s'il revient vers « ce ratiocineur avide d'offenses » (ainsi que le nomme Claude Arnaud) qui le met en garde contre trop de dispersion. Car Cocteau vit dans l'instant présent. À vingt ans il s'essaie (avec succès) à tout, au moment où Proust, doutant encore de ses propres capacités créatrices, s'enferme dans sa chambre pour écrire la Recherche. Mise en évidence avec subtilité et intelligence par Claude Arnaud dans ces deux beaux portraits entrecroisés, une différence majeure de conception créatrice qui se retournera contre Cocteau et donnera raison à Proust. 



« Pourquoi sa cathédrale de lumière vaut-elle à Proust toutes sortes de pèlerinages tandis que les pauvres Cocteaux continuent de courir de livre en film et de chapelle en ballet derrière la reconnaissance ? Ses hors-bord, ses avisos et ses vedettes ne forment-ils pas une flottille aussi imposante que la nef surchargée de Proust ? »



(Merci Alzie)

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Picasso tout contre Cocteau

Claude Arnaud s'était penché il y a dix ans sur les destinées en amitié croisée de Proust et Cocteau aux trajectoires opposées, l'un extrait de l'ombre et irrésistiblement aimanté vers la postérité littéraire, l'autre en « étoile montante des lettres » passé un peu à côté de ses fulgurantes promesses, peut-être de manière injuste.

Ici il réitère dans la relation starifiée aux côtés de l'artiste protéiforme et touche-à-tout, à la fois peintre dessinateur dramaturge poète ou romancier, mais cette fois avec le peintre le plus iconique du 20ème siècle (et de plus en plus controversé). Pas de suspense côté issue, il suffit de prononcer le titre pour savoir qui en sortira vainqueur, de ce duel entre grands de l'art du 20ème siècle. Mais ici le duo s'inscrit davantage dans la nature profonde des deux et dans la relation qui en découle, l'un maso l'autre taureau, et ça n'est plus l'un contre l'autre comme avec Proust, mais l'un tout contre l'autre, le peintre ne lésinant pas envers ses proches d'un même « traitement décapant ». Il faut dire qu'il a commencé par tuer le père Pablo, un « repoussoir idéal » avant de continuer à engloutir ses modèles peintres après imitation, quand Jean Cocteau et sa « porosité à autrui » se sentira responsable du suicide paternel, et partira sur le terrain de l'imitation en s'inspirant lui-aussi des autres, mais à sa manière caméléon et invertie, en se fondant dans leur univers.

Leur première rencontre date de 1915, dans l'atelier de Montmartre du peintre où « rien n'évoque la rigueur cubiste dans ce bric-à-brac de mégots et de déchets, de palettes maculées et de tubes de gouache, de papiers découpés et de tickets de métro poinçonnés ». Elle se concrétisera par la parade romaine et une création commune sur un ballet de Diaghilev. Cocteau obtient ainsi « son titre de poète-lauréat à la cour d'El Rey », sans avoir conscience encore qu'il ne sera pas le dernier – Breton ou Eluard lui succèderont, avant de retrouver son trône après 27 ans d'éclipse. « Mon parti c'est mon oeuvre », voilà le crédo du peintre et pour assurer sa notoriété il ne lésine pas sur les talents littéraires, et surtout son renouvellement. De son côté, Cocteau le virtuose est aussi « doué pour souffrir », et alimentera son besoin en relation duelle avec Radiguet, ou Jean Marais.

Un demi-siècle de je t'aime moi non plus d'une relation amicale et surtout tumultueuse, pour le plus grand plaisir des deux, où l'un bouffe l'autre, l'un « surmâle se nourrit du désir des hommes », quand l'autre homo assumé y assouvit son masochisme. Mais le récit ne manquera pas aussi de nous plonger dans l'ambiance artistique d'époques, à la rencontre d'autres monstres sacrés (Gertrude Stein, Erik Satie, Daguiliev, Max Jacob, Radiguet, Braque, Dora Maar...), un monde où les rivalités s'empoisonnent souvent de cruauté.



Voilà un récit qui ravira les passionnés de l'époque, intéressera ou surprendra les simples curieux de passage. Le spécialiste de Cocteau y documente avec concision et rythme la traversée condensée de ce demi-siècle artistique par le biais de la relation tourmentée, sur le flux d'une narration chronologique, au gré d'une écriture intense souvent frappée de formules éloquentes.

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Le mal des ruines

Le mal des ruines est un chant d’amour à la Corse, à sa beauté.

C’est la nostalgie de l’enfance et des vacances en toute liberté dans la nature.

C’est un immense chant de vie, de cette vie de sensations, de bonheurs simples, odeurs du maquis , goût des fruits cueillis dans les arbres, la vie ici et maintenant qui s’offre à la contemplation par la diversité de ses paysages.

C’est aussi l’histoire d’une terre rude avec la violence de son climat, de ses habitants, de ses sentiments.

C’est un retour aux racines, à ces ancêtres qui se rappellent à nous à travers leurs villages, leurs maisons, les objets préservés.

J’ai été très sensible à ce livre qui n’est pas sans me rappeler « Le soleil des Scorta » de Laurent Gaudé à propos de ces pays où l’on pense beaucoup moins que l’on ne ressent. C’est l’histoire d’une famille avec ses joies, ses peines, ses deuils, Claude Arnaud n’a pas été épargné. Une histoire qui rappellera à beaucoup ces vacances où l’on abandonnait la morosité de la ville et les livres pour devenir vivants l’espace d’un été la campagne.

Une bien belle vision de la Corse.

Merci aux éditions Grasset

#Le mal des ruines#NetGalleyFrance

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Proust contre Cocteau

A ma droite, Marcel Proust, surnommé le petit Marcel par toute une faune qu’il décrit si bien dans ses chroniques mondaines, 40 ans asthmatique, reclus, effrayé par le monde extérieur et dont le tout Paris littéraire attend la grande œuvre promise depuis des années.



A ma gauche, Jean Cocteau, jeune farfadet de 20ans, poète précoce hyper doué, rivalisant d’éloquence et de bons mots dans tous les salons littéraires de ce début du XXe siècle.



Leur rencontre sera déterminante pour l’un comme pour l’autre, de suite, ils se reconnaissent comme des jumeaux nés avec 20 années d’écart et, jusqu'à la mort de Proust en 1922, ils n’auront de cesse de mettre en œuvre une relation d’amour/haine que seule la gémellité peut engendrer.



Jalousie amoureuse, jalousie littéraire, complicité amoureuse, complicité littéraire. Combat à fleurets mouchetés entre un écrivain : Proust, fossoyeur d’un monde aristocratique d’un siècle passé et un poète : Cocteau, écrivain, auteur dramatique, déjà moderne alors que le terme même n’existait pas encore.



Une chose est sûre à la lecture de cet ouvrage : on ne peut que louer l'idée de Claude Arnaud à l'origine de cet essai, car, grâce à l'auteur, nous entrons dans l’intimité de la vie culturelle et intellectuelle de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.



Bienvenue dans les arcanes des maisons d’éditions parisiennes, bienvenue dans la guerre de velours entre Grasset et Gallimard. Valses de promesses entre éditeurs et critiques littéraires, il y a de véritable exécutions capitales dans les antichambres s et les salons mondains. Formidablement écrit , ne vous laissez surtout pas impressionner par le titre un peu théorique « Proust contre Cocteau », cet essai nous livre des clés et c’est justement une très bonne introduction à l’œuvre de ces deux écrivains .



Une fois terminé ce livre, on n'a qu'une envie, celle de plonger « du coté de chez Swann », de rencontrer « Thomas l’imposteur » ou de savourez la biographie de Cocteau écrite par le même Claude Arnaud parue en 2003 et qui, dix ans après sa publication, reste une référence incontournable en la matière.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Masculin / masculin : L'homme nu dans l'art..

Catalogue de l'exposition « Masculin / Masculin » qui s'est achevée dimanche au musée d'Orsay sur le thème du "nu masculin".



Je n'ai pas été vraiment emballée par cette exposition bien que le thème m'ait paru très prometteur. En effet, l'histoire de l'art montre combien c’est majoritairement la femme qui a été représentée nue une fois le voile de l’Histoire retombé sur l’Antiquité, l'art consacrant même le nu féminin au XIXème siècle comme le symbole irréfutable de sa soumission à l'homme. Or, auparavant, le nu féminin avait pour rôle essentiel de sublimer son objet : la femme vue comme un idéal de beauté, de maternité et d’amour.



Le nu masculin, s'il a été moins prépondérant, a tout de même été présent dans l'art profane et sacré, dans la sculpture comme dans la peinture ou la photographie et ce, de l'Antiquité jusqu'à l'art contemporain par lequel l'homosexualité pouvait notamment s'exprimer et s'affirmer.



C'est ce que je reprocherais à cette exposition : avoir généralisé le nu masculin dans l'art en le raccordant quasi systématiquement à l'homosexualité masculine. A cet égard, j’ai sans doute mal compris le nom de l’expo, ne voyant pas dans la répétition du mot « masculin » l’annonce de cet angle de réflexion, cependant, tout me laisse supposer que Guy Cogeval, commissaire de l’exposition, doit être cul et chemise avec Pierre et Gilles, des "artistes'" qui à force de poser dans les mags mondains et de participer aux soirées de la jet-set ont visiblement réussi à s'acoquiner avec qui il fallait pour que leurs "oeuvres" du dernier kitch aient pu non seulement être exposées en si grand nombre (en effet , pas une seule salle n'a pu épargner à ses cimaises l’honneur de s'en voir gratifier) mais encore pour que l'affiche même de l'expo leur soit consacrée !



Pour le visiteur, ce qui au départ avait goût de coïncidence devient vite, pour cause de redondance, un soupçon pas très bienveillant à l'adresse du sieur Cogeval et de ses acolytes. Ne manquait plus que le prix des "oeuvres" sur les cartouches. Bref, j’étais loin de l’exposition que j’avais imaginée avec, en fil rouge, l’évolution artistique du nu masculin.

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Proust contre Cocteau

Au-delà de la rencontre entre Proust et Cocteau magnifiquement restituée, du plaisir qu'il y a à lire l'histoire complexe d'une relation de douze ans, Claude Arnaud se fait le passeur de deux oeuvres exceptionnelles et l'explorateur subtil et pénétrant des “ateliers de la fabrique de soi” qu'il annonce dans l'avant-propos. Proust et Cocteau sont nés à presque vingt ans d'écart. La “Cathédrale” de l'aîné a éclipsé les “chapelles” du cadet et la postérité semble avoir tranché dit-il, entre "l'investigateur" et le "touche à tout", en faveur de l'oeuvre totale du premier face à l'éclatement artistique du second (écriture, danse, graphisme, cinéma). Pourtant, raconte encore Claude Arnaud, rien n'était joué à leur rencontre en 1909/1910, moment clé dans leur évolution littéraire ultérieure. Car le jeune poète prodige adulé pour ses recueils de poésie, le “Prince frivole” vient d'être publié, part favori dans la course à la gloire devant le chroniqueur mondain un peu stérile. Proximité de caractère pour ces deux chéris de leurs mamans (hypersensibilité, goût de l'imitation et du pastiche et donc même férocité à l'égard de celles et ceux qu'ils côtoient) mais, pour être rapide, divergences de stratégies créatrices n'excluant pas la fascination réciproque qu'ils se portèrent.



Cocteau s'expose grisé par ses dons ; il veut vivre ET créer en même temps. Proust prévient son cadet des risques de la dispersion, il sait de quoi il parle, tant il doute lui-même de sa capacité à écrire ; il est en passe de renoncer à vivre pour entrer en écriture comme on entre en ascèse lorsque Reynaldo Hahn et Lucien Daudet introduisent ce très brillant jeune homme dans leur cercle d'intimes. Entre attirance personnelle et entreprises de séduction Belle Epoque en direction De Montesquiou, “la Chevigné” et “la Noailles”, où les deux rivalisent, quelques anecdotes irrésistibles font rire ; le style de Claude Arnaud fait mouche lorsqu'il (r)approche ces deux êtres semblables que tout oppose dans cette formidable chambre d'échos début de siècle. Il décrypte le jeu de miroir entre eux et documente merveilleusement leurs “mécaniques” de maturation créatrice ; lente pour Marcel, héritier d'un modèle littéraire ultra classique (Racine et Mme de Sévigné...) ; fulgurante et par mues pour Jean, issu d'un milieu valorisant fantaisie artistique et éclectisme ; l'amitié qui les lie, leurs fous-rire, leurs amours contrariés, désespérés (Agostinelli, Radiguet) puis, les doutes respectifs et successifs qu'ils auront l'un et l'autre, mais surtout l'un vis-à-vis de l'autre, jusqu'en 1922 (mort de Proust). Proust n'était pas le "héros littéraire de son cadet". Cocteau ne croyait pas son aîné écrivain.



Très bien écrit, très bien construit l'essai est aussi très incarné. Il brosse un fin portrait de Cocteau en illusionniste talentueux et pressé (devenu le discret "Octave" de La Recherche) à côté de celui, plus acéré, du génial et infernal créateur asthmatique, « l'abeille tueuse » ( l'hypothèse étayée ici pour Proust est celle d'un "cannibalisme" de création) dont la métamorphose puis l'aura posthume puissante poursuivra pendant quarante ans le papillon Cocteau et dont le “miel noir” nourrira des générations entières de lecteurs énamourés.



Rien d'étonnant à ce que “La Recherche” soit le pivot de ce livre : elle est l'avant et l'après de leur commune histoire ; puisque Jean, témoin privilégié de sa genèse et auditeur de morceaux du manuscrit que lui lisait Marcel dans la chambre de liège du Bd Haussmann (on entend presque la voix de Proust), fut l'une des cinq plumes à avoir vanté “Swann” et à avoir cherché un éditeur à son ami. Après 1913 et le ralliement tardif de Gallimard et de la NRF à Proust, les malentendus, reproches, rancoeurs et griefs partagés sur fond de rivalité éditoriale (Gallimard refuse longtemps Cocteau dans son écurie), assombrissent la relation. Mais, plus encore, l'attribution du Goncourt à Proust (1919, “A L'ombre...”) est une césure dans la relation. Distance et éloignement. Sa position littéraire établie Proust devient le moderne incontournable face à Cocteau moins célébré désormais qui renie ses premiers recueils poétiques. Ayant rejoint l'avant-garde avec Diaghilev et Picasso (“Parade”), c'est à lui maintenant de "se réinventer". Il le fera... Plus critique dans les années suivantes envers ce Narrateur qu'il identifiait avant tout à l'être social et affectif qu'il avait connu masquant, selon lui, les désirs obscurs de son créateur "encensé" maintenant par la critique. Une manière de "saintebeuviser" dissonante dans le concert d'éloges.



Peut-être Claude Arnaud écrit-il ici le prolongement inspiré du travail de proximité entrepris par l'écriture de la biographie de Cocteau en 2003 ? Il confie (« La seconde vie », p. 245-246) : « Reconstituer la vie d'un autre écrivain est une expérience étrange. Il faut sortir de soi pour s'insinuer en lui, sacrifier une part de sa personnalité pour mettre ce moi en jachère, à son service. A force d'assimiler l'oeuvre de Cocteau et de m'imbiber des journaux et des lettres, j'acquis l'impression de le connaître de l'intérieur. Il me semblait en savoir plus sur cet être étrange que sur la plupart de ceux et de celles avec qui j'avais pu vivre – y compris moi-même. L'ayant vu naître, s'épanouir, briller haut et fort dans le ciel de la capitale, souffrir en amour et s'exténuer à écrire, de 1889 à 1963, il me semblait le connaître du berceau à la tombe ». mais si son empathie pour Jean transparaît rapidement dans l'essai la position de recul qui lui permet aussi de faire exister Marcel jusque dans ses penchants les plus dissimulés donne un bel équilibre à ce passionnant moment de lecture où se dessine, à une génération d'écart, la quête sublime et divergente de deux artistes dans la recherche de leur être véritable, grâce au talent d'un écrivain qui sait les rendre profondément humains.

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Qu'as-tu fait de tes frères ?

Mon avis sur ce livre est très partagé. J'ai lu avec plaisir toute la partie autobiographique concernant l'enfance de Claude Arnaud et de ses frères. J'ai été très sensible à l'évocation de la Corse, et de Bastia. Mais je me suis ennuyée en découvrant toute la partie post-soixante- huitarde du livre. La bi-sexualité de l'auteur, ses prises de drogues, ses engagements politiques ne me concernent pas. Je trouve que tout cela alourdit le texte. Ce personnage "parasite" et marginal ne me plaît pas. Je ne me reconnais pas dans cet homme ni dans cette période. C'est la lutte d'un enfant gâté contre la société, la lutte d'un petit bourgeois oisif des beaux quartiers. Je trouve qu'il y a là quelque chose de surfait d'idéaliste. Quelque chose de vain... bien loin de la vraie vie, tout simplement parce que je n'ai pas vécu les années 70 de la même manière ni dans la même banlieue et que je ne me reconnais pas dans cette jeunesse dorée qui voulait refaire le monde.
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Je ne voulais pas être moi

Premier texte que je lis de cet écrivain...."Il faut s'écrire pour se connaître"



Un écrit autobiographique qui parle d'une Renaissance, Reconstruction après moult deuils: suicide d'un frère aîné, mort de la mère, disparition en mer d'un second frère...et décès du père...A quarante ans comme l'écrit Claude Arnaud, il devient " le patriarche d'une famille de fantômes"...



Il narre ses amours masculines en toute sincérité et naturel... comme l'écrivain décrit les femmes qui l'ont ému... dont cette rencontre avec Geneviève, en Haïti, qui sera le grand déclencheur de sa Renaissance...

Il est aussi beaucoup question de l'écriture, du travail de l'écrivain, des bienfaits des mots...



Il faudra la présence de Charles, un ami pour l'embarquer avec lui en Haïti où Claude Arnaud retrouvera un nouvel élan, après une zone de turbulence aigüe... et mortifère.



Notre narrateur écrit son amour des mots, de son travail d'écrivain dont son investissement immense pour l'un de ses ouvrages: le texte consacré à Cocteau...

Un récit qui, en dépit des pulsations de mort, donne espérance et envie de se battre.

"Il me confirme qu'on peut jouir de l'existence après une hécatombe, rester gai et malicieux parmi les ruines" (p. 121)



Pour conjurer et dépasser le chagrin infini de la mort de ses frères... l'auteur n'a trouvé comme remède et consolation que l'ECRITURE..., et la réalisation de textes, hommages à leurs existences respectives, et à leur douleur de vivre...



Un récit-bilan qui débute dans des couleurs fort sombres pour s'éclaircir au fur et à mesure... La traversée d'un interminable tunnel de deuils et de disparitions...qui s'ouvrira vers une vraie Renaissance, dans le vrai sens du mot.



Un texte, un parcours des plus étonnants qui a la qualité extrême, en dehors de l'originalité du style d'insuffler une immense force positive à nous, lecteurs...

"Je vais pouvoir récréer notre fratrie non dans la mort, comme j'y avais pensé avant de découvrir Haïti, mais dans un livre. Pierre et Philippe méritent une sépulture plus belle que les gourbis qu'ils habitaient de leur vivant, plus accueillante que le marbre de l'hôpital d'où le premier s'est jeté, que la mer qui a englouti le second. Euphorisé par mon retour à la vie , je remonte le cours de la leur dans l'espoir de comprendre ce qui a cloché. Je libère leurs cadavres du sable dont je les avais recouverts, pour contrer les effets radioactifs de leur décès". (p. 145)



Après cette lecture prenante , j'ai aussitôt emprunté à ma médiathèque un autre texte plus ancien de cet écrivain : "Qu'as-tu fait de tes frères ?", autre hommage à cette fratrie qui fut fondatrice de l'existence de ce cadet...mais aussi source des plus vifs chagrins; Ce qui explique plus aisément les difficultés de ce dernier pour trouver sa personnalité face à ses aînés brillants ,exigeants...et dans la douleur de vivre.





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Juste un corps

On tolère son corps plus qu’on ne l’habite. On le toise, même. L’analogie est pertinente (« Notre corps est la maison de notre être, la demeure où le destin a voulu qu’on passe sa vie »). Le corps, c’est un peu comme un bien immobilier dont on est juste locataire - détaché. Qu’il nous abrite, qu’il ne se fasse pas remarquer, qu’il n’importune pas ! Pourtant, dès qu’un dysfonctionnement apparaît, que la machine se détraque, il manifeste sa présence. Fuites, incendies, fissures, pépins variés, des maux survient la prise de conscience (« Je tends à le voir comme mon instrument, je ne suis que son effet »).

Alors Claude Arnaud l’observe d’un peu plus près, des humeurs aux viscères, captivé par son essence, aux aguets : « Mon corps ne consiste vraiment que durant le bref moment de la jouissance et le temps long, si long, de la souffrance ».

Quelquefois, le corps s’écarte de l’âme qui l’enveloppe. Claude (et son prénom hermaphrodite) ne se reconnaît plus dans le miroir. La peau, les muscles, jusqu’à la pomme d’Adam, tout s’oppose à sa nouvelle Ève.

Ce corps, trop souvent condamné par les religions qui en ont interdit la beauté et l’expression alors que chez les peuplades dites « primitives », il primait sur le tout, et le tout puissant (« Le christianisme a voulu réduire notre corps au silence et à la souffrance »). Freud n’a rien arrangé, faisant de l’inconscient la cause de tout.

Le corps est putrescible. Les Égyptiens en abhorrait la destruction, inconsolables à l’idée de se présenter décomposés devant Nemty. Comment y survivre ? Peut-être en se réincarnant par le livre. C’est le réconfort de l’écrivain, au matin des adieux.

« Juste un corps » est un bel objet littéraire. Il prolonge, avec plus de poésie, le « Journal d’un corps » de Daniel Pennac.

Bilan : 🌹🌹

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Picasso tout contre Cocteau

Saviez-vous que Picasso et Cocteau étaient des amis proches ? Enfin ! Une amitié faite de haut et de bas, d'admiration et de petites phrases blessantes. Cet essai sur leurs années communes est très enrichissant. Du très beau français tant par la plume de l'auteur que celle de ceux qui y sont cités. On revient à cette période encore riche de créativité culturelle, de tous ces noms entrés dans l'histoire. Vous l'aurez compris les échanges et autres critiques sont d'une grande qualité. Les réparties sont cinglantes, les bons mots d'une vraie intelligence de situation. Comme on en voit que trop rarement désormais. Ça pouvait blesser mais ça avait du style. Et ils ne se sont pas épargnés ces deux-là - enfin Picasso surtout qui était un ami, un homme, très particulier quand même. Enfin vous verrez !
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Proust contre Cocteau

Pendant une courte période de notre histoire contemporaine, au moment de la fin des états-nation et l’avènement de l’impérialisme, la croissance économique en France dégage de toutes obligations de revenus des milliers de bourgeois leur permettant de consacrer leur temps à vivre à l’écoute des musiciens, des poètes et des peintres. Ils se lanceront à leur tour dans la création. Paris devint capitale de la sainte trinité laïque : littérature, peinture et musique.

Fin connaisseur des deux œuvres et de l’époque, Claude Arnaud réussit à entrer en empathie pour Marcel Proust (1871 – 1922) et Jean Cocteau (1889 – 1963), deux personnages gémellaires partageant une curiosité dévorante, un désir de plaire et de dominer aussi abrité sous une commune courtoisie.

Nos esprits, ces miroirs jumeaux dira Proust.

Marcel Proust : valétudinaire à l’œil de mouche pensant l’écriture comme hors du monde et seul moyen d’échapper au néant de l’existence.

Jean Cocteau : le génie polymorphe. Les miroirs se contentant de le réfléchir sans le penser, il s’en voit sans cesse renvoyé au mystère qu’ils démultiplient.



Le livre détaille au fil des époques les succès et les oublis et plonge dans l’intimité des artistes pour tenter de mieux les connaître sans jamais les juger. L’auteur tente de comprendre comment, dans une sorte de renversement de l’histoire, l’œuvre d’une vie de l’un, la Recherche, fut installée au panthéon de la littérature française par la postérité et la multiplicité des créations géniales de l’autre presque oubliée de nos contemporains.



Mise en garde de Proust contre l’idolâtrie, l’érudition et le mimétisme : Vos vers sont comme déjà écrits, conformes à ce qui se publie de mieux. Vous ne pensez pas votre art, c’est l’époque qui le conçoit ; comme la lune et les miroirs, vous brillez d’un éclat second.



• Relire la Recherche comme un accouchement interminable, regarder Cocteau de nouveau, le tout grâce à Claude Arnaud.

• Faut-il connaître les œuvres des deux créateurs pour mieux goûter de cet ouvrage ? Surement.

• Toutefois cette clé de 200 pages pour rouvrir l’accès à deux génies d’hier est à la portée de tous.


Lien : http://quidhodieagisti.over-..
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Picasso tout contre Cocteau

Après avoir écrit Proust contre Cocteau, publié en 2013, Claude Arnaud a eu envie de raconter l’amitié particulière entre Picasso et Cocteau qui a duré de 1915 à 1963.



Comme à son habitude, Picasso incarne, dans cette relation, le rôle du sadique, du bourreau avec un Cocteau masochiste non dissimulé, et peut-être légèrement assumé.



Chacun a envié les créations de l’autre n’hésitant pas à les piquer pour se les approprier. Cocteau, le fragile, aime les brutaux, les puissants. À la mort de Raymond Radiguet, son amant intermittent, son surnom devient Le veuf sur le toit. Ses tentatives pour protéger l’écrivain contre ses addictions n’ont pas suffi.



De douze ans le cadet de Picasso, Cocteau rencontre le “Maître” pour le ballet “Parade” de 1917 auquel Satie et Stravinski ont travaillé. Au fil des pages, Claude Arnaud fait découvrir aussi une galerie de personnages dont un Albert Breton, non seulement antipathique mais aussi homophobe.



On croyait que Picasso n’était pervers qu’envers les femmes. Toutes ses amantes en ont fait les frais et seule Françoise Gillot l’a dénoncé. Avec Claude Arnaud, le lecteur découvre ses relations diaboliques avec des hommes. Car, Cocteau a subi toute sa vie l’amour haine cruelle du Malaguène.



Depuis l’attitude de son père devant son talent (pour rappel, il a arrêté de peindre lorsqu’il a compris le talent de son fils), Picasso sait que Le Monde s’effacera, tôt ou tard, devant son talent ! Alors, il ne cessera toute sa vie d’en tirer profit pour vampiriser ses compagnons et ses maîtresses au nom de son œuvre.



Selon Claude Arnaud, Picasso a, semble-t-il, besoin d’un poète douloureux à ses côtés pour vanter son talent. Il ne faut pas oublier que lui-même a écrit des poèmes ! La période Max Jacob s’arrête par l’abandon de son ami lors de la seconde guerre mondiale et sa mort au camp de concentration.



La période d’Apollinaire ne s’arrête pas, même lorsqu’il est accusé à tort du vol des statuettes du Louvre dont une qu’il a donnée à l’espagnol. Cocteau passe sa vie à demander à Picasso de l’accueillir au long cours dans sa tribu. Ce dernier n’aura de cesse de jouer de façon persécutrice de son envie. Seul Paul Eluard semble avoir eu plus de chance. Peut-être que Picasso l’admirait vraiment !



Comme un roi soleil, Picasso impose son cérémonial concernant les visites, au fil du temps. De cette amitié qui débuta lors du voyage à Rome, Cocteau se verra, de nombreuses fois, refuser l’entrée de l’antre du peintre. Alors, le poète ne cessera de se lamenter auprès des différentes femmes, amantes, enfants avec qui, il trouvera secours face à l’incompréhension de cet arbitraire. Ce n’est que lorsque Cocteau, 66 ans, et Picasso, 74 ans, se retrouveront à La Californie que leur amitié sera apaisée.



À sa mort, à 91 ans (nous fêtons ces jours-ci son centenaire), Picasso laissera une cinquantaine de milliers d’œuvres. Encensé par tous les historiens de l’Art, Picasso, l’homme, ne finit pas de nous étonner.



L’essai de Claude Arnaud en révèle encore une facette. L’ami n’était pas plus aimable que l’amant. L’ogre, le matador ou le taureau se révélait dès que l’affection apparaissait ! Cocteau en a fait les frais pendant à peine moins que cinquante ans.



Cocteau est un génie fragile qui doute de son talent, de sa création, pourtant énorme, qui a besoin de l’autre pour croire en son talent. Même s’il est reconnu dans les salons, dans son milieu, adulé par le milieu intellectuel, Cocteau hésite et tâtonne.



Picasso tout contre Cocteau se découvre aussi aisément qu’un roman. Facile à lire, cette biographie très agréable de Claude Arnaud détaille chronologiquement cette relation bancale. Passionnant et édifiant !


Lien : https://vagabondageautourdes..
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Juste un corps

Claude Arnaud , essayiste et romancier publie " Juste un corps " dans la collection "Traits et Portraits" dans laquelle divers auteurs se sont prêtés au jeu de l'écriture soutenue par l'illustration. Une couverture qui évoque le corps , un papier glacé , des lignes qui esquissent notre propre maison ,celle de notre enveloppe , des photos ou coups de crayons pour renforcer cette substance littéraire. Un bien joli objet que ce livre ; son contenu n'en est pas moins élégant.

Nous observons souvent nos compères , l'esthétique de chacun , les traits et attraits et pourtant , notre propre corps nous est étranger. Cette formidable machine capable de régir notre existence nous gouverne chaque jour , elle crie sa souffrance , sa jouissance , demande à ce qu'on l'alimente ou l'hydrate , nous force au repos ou nous signifie son attirance. Mais connaissons-nous le fonctionnement de tous nos viscères , nos kilomètres d'artères et nos neurones qui me permettent d'écrire cette chronique et vous de la lire ? Suffit-il de regarder notre reflet dans un miroir pour s'imprégner de soi ?

Claude Arnaud dissèque ce corps non pas au scalpel mais par l' écriture .



Aussi , quelle est la place du corps dans la littérature ?

L'auteur évoque les écrivains qui ne respiraient pas la santé , le sacrifice de soi face à la priorité du corps , le cerveau comme seul organe , les esprits féconds malgré la solitude pesante de Pessoa , la souffrance de Proust , les addictions de Sartre , l'état de clochardisation de Celine , la maladie pour Thomas Mann... Puis les autres , ceux qui ont insufflé la vie , celle du corps au travers des œuvres comme Morand ou Colette qui déclara" Moi c'est mon corps qui pense , il ressent plus finement , plus complètement que mon cerveau. Toute ma peau a une âme ". Dès lors , telles les tribus ou les clans japonais qui par le tatouage amènent le corps à l'art de parler en silence , l'écrivain laisse des traces profondes , extraie la substance de l'humain en creusant plus que ne l'exige l'ordinaire. Il saigne, agonise , , s'étripe , souffre, se bousille , se noie , s'épuise , endure et vidé , doute toujours et encore , s'estime incomplet , sacrifié , délaissé , en marge." Heureux lecteurs , vous détenez la clef du paradis .Ne cherchez pas écrire , vous iriez tout gâcher [...]Nous sommes le scribe , vous êtes le pharaon."



Puis Claude Arnaud écorche son corps de jeunesse , évoque sa propre constitution , la fuite de l' apparence par la construction d' une multitude d'affinités aussi contraires les unes des autres ; grossi par mal être , se perd par intransigeance , se fait du mal et se complait dans l'anorexie qui rend fort à l'instar qu'elle détruit. Le mimétisme rassure , l'image renvoie à la perdition et flirte avec la dissonance jusqu'au jour ou le corps parle , il devient un compagnon , notre propre habitat. Il mérite de la reconnaissance , qu'on en prenne soin , ce corps qui n'a pas été conçu , mais fait.

Le christianisme n'avait-il alors pas réduit notre corps au silence et à la souffrance ? Freud ne voyait-il pas dans les maux dont notre corps souffre les effets directs de nos conflits inconscients ? Les grecs n'ont ils pas fait de nos têtes des organes dominants en valorisant l'harmonie du corps ?



Le temps est venu de se centraliser.



"Le corps est l'espace privilégié de la mise en scène de l'indicible" [Serge Tisseron]



Un livre/récit étonnant et captivant.







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Proust contre Cocteau

Passionnant ! Et le sujet est inattendu. Marcel Proust et Jean Cocteau, complices malgré la distance d'une petite génération, établirent une relation affective qui naquit de l'admiration du premier pour celui qu'il appelait "Cocto". Claude Arnaud en décrit la nature conflictuelle et observe comment Proust y fit figure d'assassin au point que le cadet aurait aujourd'hui "besoin de nous" pour rendre justice à son talent. Alors que l'on voit le "saint littéraire", que la postérité a fait de l'auteur de la "Recherche", descendre de son piédestal et prendre une figure plus humaine mais redoutable.



Claude Arnaud possède bien la vie de Jean Cocteau, il est l'auteur d'une biographie notable d'où il garda l'impression de connaître l'artiste "de l'intérieur" : "il me semblait en savoir plus sur cet être étrange que sur la plupart de ceux et celles avec qui j'avais pu vivre". Il jugeait nécessaire, à travers une sorte de seconde vie, de rendre à Cocteau une cohérence éparpillée parmi les multiples formes et métamorphoses de l'art du créateur pluriel. On comprend combien "Proust contre Cocteau" s'inscrit dans le prolongement de cette volonté de résurrection. Le procès est-il vain ? Car si on découvre encore Cocteau au hasard d'une balade chez les bouquinistes, le public continue à vénérer la "Recherche" : "Héritier d'un imaginaire monarchique et chrétien, il restera plus sensible à ce monument conforme à ses attentes centralisatrices".

Malgré le grand nombre de lettres dispersées ou volées qui permettraient d'établir une correspondance entre les deux artistes, l'enquête de Claude Arnaud s'appuie sur des sources textuelles variées pour conférer une allure de comédie dramatique à cette relation tortueuse. Il est peu explicite toutefois sur la nature concrète de l'affection qui les lia : il est clair que Proust ne fut jamais un Radiguet pour Cocteau alors que Proust fit tôt place à un sentiment d'envie envers le prodige : "Incapable de ramasser littérairement sa sensibilité, le petit Marcel envie l'intelligence cursive de Cocteau, qui perçoit d'emblée ce qu'il percevra toujours".



"Tout sépare le cadet qui aime prendre des photos, de l'aîné

qui peut rester des heures à contempler l'image d'êtres aimés."



Avec un esprit synthétique engageant, Arnaud choisit les détails marquants des parcours initiaux pour brosser séparément en quelques traits des psychologies jumelles : dévotion pour une mère éclairante et étouffante, une sensibilité à fleur de peau, le désir de gloire, l'homosexualité. "La conscience de Proust est une serre démesurée que le moindre rai de soleil aveugle et où le plus petit son trouve un écho horrible, tel un rapide violant un tunnel. [...]. Tout comme l'élu la colonise entièrement, dans l'attente amoureuse, la plus petite réserve a l'effet d'un séisme sur elle [...]". L'attention de Cocteau est plus "détailliste" : "Elle enregistre avec la même acuité les gestes et les intentions mais elle tend à réduire les êtres à des silhouettes, sinon des caricatures [...]". Chez Cocteau les personnages de la "Recherche" passent en un éclair, d'ailleurs Proust lui écrira : "Vous qui pour les vérités les plus hautes vous contentez d'un signe flamboyant qui les rassemble".



[...].



Les masques – qu'ils soient justifiés ou forcés –, à travers lesquels le livre de l'excellent Claude Arnaud propose de nous faire regarder, enchantent. Ne boudons pas ce plaisir.



Citique complète sur "Marque-pages" (lien ci-dessous)
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Le mal des ruines

Comment vivre avec la Corse dans le coeur et rester libre ? C’est la question redoutable que pose Claude Arnaud. Loin d’un plaidoyer pour l’esprit corse ou d’une sorte de guide littéraire de l’île, ce livre est une quête d’identité.



Il raille le réflexe corse qui consiste à magnifie son île pour mieux ancrer sa singularité face au reste du monte. Mais cette allégeance symbolique a son prix.



« L’identité est un feuilleté. »



L’auteur est Corse parce qu’il y a vécu ses étés d’enfance, parce que sa famille est celle des Zuccarelli et que cette famille est ancrée ici à double titre : maudite par un prêtre assassiné et engagée politiquement dans la vie de l’île. L’île lui a aussi pris l’un de ses frères en l’embarquant mystérieusement dans les flots.



On le voit : l’ombre des morts planent sur Claude Arnaud. Le granit des montagnes porte les vivants et la mémoire de ceux qui sont passés. Quand il est continental, il habite le chic et ennuyeux 16ème arrondissement, et quand il foule les sentiers du maquis et retrouve la casa Zuccarelli, il est le dernier représentant d’une lignée qui sera sans descendance. Il ne reste alors que les mots de ce livre dont le lecteur sera l’héritier pour porter cette mémoire.



Le livre emprunte de nombreuses pistes. L’enfance d’abord, où la chaleur et la beauté du village Sainte Lucie font facilement renoncer aux étés du pays de Bresse. Ces vieux qui semblent déjà appartenir à l’éternité, loin d’un monde qui se modernise, leurs silhouettes aussi antiques que les ponts de pierre et les châtaigniers. Ces taureaux qui ont défié les Étrusques. Ces hameaux abandonnés comme une préférence du passé au présent, que les défunts pourraient retrouver sans difficulté. La nature est ce livre ouvert qui parle si bien du passé, mieux que n’importe quel art.



L’île n’est pas anodine. Elle n’est pas d’une parcelle coupée du monde et du temps, condamnée à l’immobilisme. Elle est une jeteuse de sorts.



Mais un malaise plus grand s’installe chez Claude Arnaud lorsque face au décrochage trop violent par rapport à un monde qui se modernise, naissent des mouvements activistes qui font couler le sang, divisent, sèment la graine de la guerre civile et, en référence au FLN algérien, basculent dans le terrorisme.



Longtemps pétrifiée dans un passé trop lourd, la Corse sort de sa gangue trop brutalement. La spirale de violence attire immanquablement ces gangsters qui prospèrent sur les ruines de l’ordre pour leurs petits trafics, causant 15.000 attentats en trente ans ! La famille Zuccarelli ne restera pas indemne et l’attentat contre la maison de Sainte Lucie provoquera une décision sans retour.



L’âme corse finit par trop ressembler à un mythe moderne où la violence serait inscrite dans l’ADN de ses natifs. Claude Arnaud qui la nomme « l’île des morts » finit par tourner les talons et rejette par dégoût son lien avec elle.



« Une origine ne peut tenir lieu d’identité, même si elle y contribue. »



Claude Arnaud s’affranchit son origine, son appartenance corse. Après tant d’années de ce « tango existentiel« , le futur devient un chemin qu’il décide de se choisir. L’amour pour cette terre ne prend son sens à ce moment.



Car l’homme ne peut rien pour cette terre insulaire ; il est de passage, son souvenir passera sous l’oeil hautain des lézards.

T. Sandorf



Merci à #netgalley et #grasset pour cette lecture #lemaldesruines.
Lien : https://thomassandorf.wordpr..
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Le mal des ruines

Dans ce roman très contemplatif, Claude Arnaud revient de manière plus ou moins chronologique sur son rapport à la Corse, au gré d’une déambulation en voiture qui le ramène sur les lieux qu’il a connu. Il y évoque son amour d’abord inconditionnel pour cette terre, lié à la fascination de l’enfance, le remise en question ensuite avec la montée des violences indépendantistes et puis l’acceptation aujourd’hui de cette part de lui-même, qui restera à jamais liée à la Corse. Pour moi qui ne suis encore jamais allée en Corse, c’était l’occasion de découvrir les jolis paysages de l’île et de m’initier, en me détachant des stéréotypes, aux moeurs de la population locale, tout en profitant de l’écriture délicieusement poétique et mélancolique de l’auteur.



On sent qu’en racontant la Corse au lecteur, Claude Arnaud cherche à comprendre cette terre si complexe dans sa simplicité, unique dans son rapport au continent dont elle fait désormais partie. Il examine ses traditions ancestrales, le sentiment d’appartenance qu’elle suscite, son ambivalence entre son appartenance à la France et ses racines méditerranéennes assumées. Il cherche dans les maquis et les maisons écroulées des explications sur la mort de ses frères, sur son propre destin, sur son identité même. C’est une chronique à la fois personnelle et historique qu’il nous propose, assortie d’anecdotes tirées de l’enfance et de faits politiques bien connus, qui offre un autre regard sur la Corse.



Si j’ai apprécié d’en apprendre plus sur cette île, son caractère et son histoire, je dois dire que j’ai parfois eu du mal à suivre le fil, tant l’auteur digresse, saute du coq à l’âne, et surtout de ses souvenirs de petit garçon aux descriptions terribles des attentats du FLNc. On ne peut s’empêcher de refermer le livre en se demandant si l’auteur a réussi à trouver les réponses qu’il cherchait – en tout cas, moi je ne suis pas sûre d’avoir tout suivi.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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Proust contre Cocteau

« Cocteau ne sut jamais où il avait vu la première fois Proust » Cocteau avait vingt et un ans, Proust quarante. Proust est dans le tout début de son Œuvre et commence à se fermer. Cocteau, lui batifole.



Proust et Cocteau eurent une relation des plus houleuses. L’un taciturne et enfermé « un grand navigateur du dedans », l’autre brillant et exubérant. L’un suant pour écrire son œuvre, l’autre touche-à-tout de génie, « un génie polymorphe ». Bref, tout les différencie si ce n’est l’amour exclusif de leur mère et pour leur mère quoique, même dans ce registre, Proust en rajoute « On aurait tort de croire que Proust aima sa mère : au sens plein du terme il n’aima jamais qu’elle et se sera véritablement aimé de personne d’autre ».

Proust a aimé Cocteau d’un amour, qu’il rendit impossible, Il était fasciné par son aisance, sa facilité, son brio, sa séduction, son intelligence.



Claude Arnaud nous plonge dans leur amitié amoureuse malheureuse, de temps à autre haineuse. Il appuie là où ça fait mal dans leur relation ou dans leur relation aux autres. Pourtant ils ont en commun, outre leur amour maternel exclusif, une grande souffrance, le recours à des « aides » Véronal pour Proust et opium pour Cocteau.



Claude Arnaud nous promène dans le monde frivole de la haute société de ce début de siècle au rythme des allures lente de Proust et vive de Cocteau. Nous traversons cette époque au rythme des querelles, des réconciliations, des jalousies, des tromperies…. de ces deux hommes qui ont joué à « je t’aime mon non plus » tout au long de leur existence, Mais également, de leur admiration commune. L’un est en phase descendante, l’autre ascendante « La santé de Proust est en train de l’arracher à l’attraction toxique du monde ; celle de Cocteau le propulse toujours plus haut dans le cercle enchanté dans la Recherche fera un royaume du néant ».



Comme une sensitive, Proust se referme sur lui. Son œuvre se nourrit de sa vie, de ses rencontres. Ainsi Laure de Chevigné deviendra Oriane de Guermantes « Le cadet espère encore faire de son destin une ouvre à la Oscar Wilde ? L’aîné sait déjà qu’il lui faudra sacrifier bien plus pour aboutir au Livre. »



Cocteau explore la Recherche à l’aune de leur amitié, à l’aune de la vie de Proust « …Si encore il avait l’impression d’être dans un « vrai » roman ! Mais il est bien placé pour savoir que Proust n’a pas inventé grand-chose, tout juste transposé, pour avoir connu tous ses « modèles » et très tôt admiré ses dons mimétiques. »



Cet essai, très agréable à lire nonobstant les brouilles, trahisons entre ces deux grands génies qui m’ont fait penser à des disputes de gitons. Entre la mante religieuse et la phalène, entre le lièvre et la tortue, le premier, Proust, a gagné au titre de la postérité. Ce chef d’œuvre, La Recherche du temps perdu, dont tout le monde parle et que peu (dont je fais partie) on lu dans sa totalité. Cocteau a eu contre lui cette activité débordante vers tous les arts majeurs. Je me souviens avoir vu, en son temps, un de ses films qui m’avait totalement dérouté.



Maintenant arrive le temps de la réconciliation de ces deux monstres sacrés par l’entremise de la Pléiade qui publie les deux auteurs.



Un livre très bien documenté, un essai très agréable à lire, un désir de redécouvrir Proust mais, hélas, toujours aucune attirance vers Cocteau.


Lien : http://zazymut.over-blog.com..
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Qu'as-tu fait de tes frères ?

Le livre de Claude Arnaud est une autobiographie courageuse, très complète, qui se veut aussi un témoignage de la France sociale des années 60 à 90.

Cette lecture a été difficile à cause du style assez lourd, de l'accumulation de références et du climat très oppressant.

Certes, le récit est une mine considérable (références littéraires, cinématographiques; évènements sociaux comme mai 68, prise d'otage d'un cadre de chez Renault, le meurtre de Bruay en Artois, l'occupation de Lipp puis la révolution culturelle en Chine et la révolte des khmers rouges au Cambodge).



On y trouve "une hémorragie de noms propres qui s'écoulent de ma bouche", dit le narrateur.



On y croise Lacan, Barthes, Frédéric Mitterand, Sartre, on évoque Gide.



J'ai erré avec Arnulf (autre personnalité du narrateur) dans les bas-fonds et milieux artistiques parisiens, parmi les homosexuels et les travestis évoquant la période de liberté sexuelle et de la drogue des années 70.



Le lecteur est anéanti par toute cette noirceur (drogue, homosexualité, errance physique et mentale) et ces malheurs (cancer de la mère, folie du fils aîné, suicide...)



Mais qu'est-ce qui a pu conduire cette famille bourgeoise dans cette impasse?



Est-ce la consanguinité corse, la rigidité d'un père ancien militaire, trop de littérature et d'intelligence, mai 68?



" L'intelligence est souvent la clef de la vie, parfois sa pire ennemie."



Je pense que ce livre a aujourd'hui une résonance particulière par l'évocation de mai 68. Les trois frères, étudiants en 68, ont suivi de près ce mouvement social et ont ensuite abandonné leurs études. Des années après, ils s'interrogent:



"Je veux sortir du cercle "enchanté" de ma génération pour me faire un point de vue déjà plus personnel."



"Je m'éloigne de ces va-t-en guerre, moi qui connaît enfin un vrai malheur."



L'auteur ne pense pas qu'un mai 68 soit encore possible.



"Chacun a trop réellement peur de la misère pour s'offrir le luxe de tout renverser."



Ces propos n'engagent que l'auteur mais peuvent donner à réfléchir en la période actuelle.



En résumé, j'ai trouvé ce livre très riche et très intéressant tant du point de vue du témoignage social que du point de vue de l'histoire familiale. Mais j'ai souvent décroché devant cet étalage de références et les évocations trop nombreuses de personnalités.



Un contenu intéressant mais une forme difficile.
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Portraits crachés

Portrait croisé, portrait à clef, portrait-charge, autoportrait, tous sont traités dans cet ouvrage ambitieux et dense de Claude Arnaud, énorme tâche de recherche afin de retracer les meilleurs portraitistes français à la langue bien pendue. « Jeux de miroirs grossissants », « véritable instrument introspectif », « miroir qui se souvient », on constate que l'art du portrait écrit varie en style à travers les siècles mais demeure toujours aussi salutaire pour le portraituré et celui ou celle qui décrit. Portraits crachés est la somme d'un travail monacal effectué par Claude Arnaud et son abord n'est pas facile à priori. Il faut se laisser bercer par le langage des écrivains choisis et dès lors, on est tranquillement transporté dans une autre époque, d'autres lieux et d'autres moeurs. Une incursion dans la littérature française qui m'a fait réaliser certains constats :

1.- Je ne me sens plus l'obligation de reprendre inlassablement afin de terminer un jour À la recherche du temps perdu de Marcel Proust;

2.- Je relirai certainement Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand et la série des Rougon-Macquart de Zola;

3.- Malgré un attrait impérieux pour La Comédie Humaine de Balzac, je choisirai plutôt avec soin un ou deux romans issus de cette oeuvre.

À travers ces portraits tirés hors du temps, Claude Arnaud raconte l'histoire de la France de belle façon et donne aussi au lecteur le goût de s'amuser à décrire son propre entourage peu importe le style employé.
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Proust contre Cocteau

J'ai choisi ce livre dans la liste proposée par Babelio à l'occasion d'une de leurs Masse Critique. J'avais envie de connaître un peu plus la vie de ces auteurs.

Quelle lecture enrichissante. J'ai fait plus que connaissance avec eux. Nous rentrons dans leur intimité, leurs tourments, leurs conflits. Nous suivons leur vécu depuis leur enfance jusqu'à leur mort. Des personnalités complexes et différentes mais qui se complètent. Des je t'aime, moi non plus.

L'auteur nous offre également une rétrospective du Paris de la première moitié du XXème siècle. La vie des salons, l'exhibitionnisme, la réprobation de l'homosexualité.

Quelle coïncidence d'y lire que Proust écoutait certains spectacles d'opéra depuis son domicile grâce au théâtrophone dont j'ai appris l'existence il y a quelques jours dans une émission de Stéphane Bern. C'est un appareil qui transmettait le spectacle par le réseau téléphonique.

C'est un livre très accessible et qui m'a donné envie de connaître les œuvres de ces auteurs. Je vous le conseille fortement.

Merci à Babelio et aux éditions Arléa.
Lien : http://unlivreunwakanda.cana..
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