Premier texte que je lis de cet écrivain...."Il faut s'écrire pour se connaître"
Un écrit autobiographique qui parle d'une Renaissance, Reconstruction après moult deuils: suicide d'un frère aîné, mort de la mère, disparition en mer d'un second frère...et décès du père...A quarante ans comme l'écrit Claude Arnaud, il devient " le patriarche d'une famille de fantômes"...
Il narre ses amours masculines en toute sincérité et naturel... comme l'écrivain décrit les femmes qui l'ont ému... dont cette rencontre avec Geneviève, en Haïti, qui sera le grand déclencheur de sa Renaissance...
Il est aussi beaucoup question de l'écriture, du travail de l'écrivain, des bienfaits des mots...
Il faudra la présence de Charles, un ami pour l'embarquer avec lui en Haïti où Claude Arnaud retrouvera un nouvel élan, après une zone de turbulence aigüe... et mortifère.
Notre narrateur écrit son amour des mots, de son travail d'écrivain dont son investissement immense pour l'un de ses ouvrages: le texte consacré à Cocteau...
Un récit qui, en dépit des pulsations de mort, donne espérance et envie de se battre.
"Il me confirme qu'on peut jouir de l'existence après une hécatombe, rester gai et malicieux parmi les ruines" (p. 121)
Pour conjurer et dépasser le chagrin infini de la mort de ses frères... l'auteur n'a trouvé comme remède et consolation que l'ECRITURE..., et la réalisation de textes, hommages à leurs existences respectives, et à leur douleur de vivre...
Un récit-bilan qui débute dans des couleurs fort sombres pour s'éclaircir au fur et à mesure... La traversée d'un interminable tunnel de deuils et de disparitions...qui s'ouvrira vers une vraie Renaissance, dans le vrai sens du mot.
Un texte, un parcours des plus étonnants qui a la qualité extrême, en dehors de l'originalité du style d'insuffler une immense force positive à nous, lecteurs...
"Je vais pouvoir récréer notre fratrie non dans la mort, comme j'y avais pensé avant de découvrir Haïti, mais dans un livre. Pierre et Philippe méritent une sépulture plus belle que les gourbis qu'ils habitaient de leur vivant, plus accueillante que le marbre de l'hôpital d'où le premier s'est jeté, que la mer qui a englouti le second. Euphorisé par mon retour à la vie , je remonte le cours de la leur dans l'espoir de comprendre ce qui a cloché. Je libère leurs cadavres du sable dont je les avais recouverts, pour contrer les effets radioactifs de leur décès". (p. 145)
Après cette lecture prenante , j'ai aussitôt emprunté à ma médiathèque un autre texte plus ancien de cet écrivain : "Qu'as-tu fait de tes frères ?", autre hommage à cette fratrie qui fut fondatrice de l'existence de ce cadet...mais aussi source des plus vifs chagrins; Ce qui explique plus aisément les difficultés de ce dernier pour trouver sa personnalité face à ses aînés brillants ,exigeants...et dans la douleur de vivre.
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Ils étaient une fratrie de quatre garçons. Lui, enviait ses aînés, cherchait sa place, noyé au milieu du flot incessant d'âmes vagabondes. Voilà plus de 40 ans qu'il passait sa vie à vivre celle des autres, pour les autres. Il divaguait d'un homme à un autre, enchaînait les coeurs, les corps. Un écrivain affligé, morose, persistant à combler un gouffre insatiable par l'amour viscéral. Un naufragé en quête de son but ici bas.
Puis c'est la perte succincte des deux aînés, après la disparition fatale des piliers parentaux et de l'oncle. Survivant des fantômes, des ombres précoces. S'ouvre alors une faille béante, succédant à une prise de conscience immédiate.
Départ imminent pour Haïti. Déclic instantané face au chatoiement des couleurs et à la langueur enivrante des danses. Succession d'esprits au teint basané, vie rythmé par les coutumes des tropiques. Renaissance inattendue, second souffle au goût d'anis.Et puis voilà Geneviève... Livre miroir sonnant comme un exutoire pour l'écrivain, une reconstruction à partager, à poursuivre à plusieurs. Ici repose une question, combien de frappes peut recevoir un homme avant de décider à se relever, à tout bouleverser, pour tout recommencer ?
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Tout le chemin à parcourir pour enfin être soi - même, un moi apaisé : comprendre et panser les blessures de l'enfance, trouver sa place vis à vis des autres membres de la fratrie, trouver son identité ( y compris ses preferences sexuelles), assumer ses choix...et trouver l'équilibre, le bonheur d'être soi tout simplement.
L'auteur partage avec le lecteur le chemin parcouru, les doutes et les errances dans un mode intimiste que j'ai apprécié.
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Mais la beauté de cette terre pourrait bien tenir à ceux qui ne cherchent pas à lui imposer leur personnalité, tout juste à répandre un peu de chaleur en elle, un don plus rare que celui d'écrire, me semble-t-il. Capable d'engendrer des êtres en couleurs, la nature se révèle ici plus inventive que les créateurs.
Je tombe amoureux de notre relation, pour finir. Les termes de femmes ou d'hommes, d'homos ou d'hétéros délaissent insensiblement mon vocabulaire: désirer me semble le bien le plus précieux, qu'importe l'objet. (p. 131-132)
Je vais pouvoir récréer notre fratrie non dans la mort, comme j'y avais pensé avant de découvrir Haïti, mais dans un livre. Pierre et Philippe méritent une sépulture plus belle que les gourbis qu'ils habitaient de leur vivant, plus accueillante que le marbre de l'hôpital d'où le premier s'est jeté, que la mer qui a englouti le second.
Euphorisé par mon retour à la vie , je remonte le cours de la leur dans la leur dans l'espoir de comprendre ce qui a cloché. Je libère leurs cadavres du sable dont je les avais recouverts, pour contrer les effets radioactifs de leur décès. (p. 145)
Paris ne me semble qu'une gigantesque soustraction, avec ses avenues propres et alignées, sans dos d'âne ni fatras. (...)
Partout des faces pâles et des nez pointus; des traits creusés par la solitude ,le froid, la pluie , l'anxiété, l'arrivisme ou la misère; ce mélange de fatigue psychique et de carence spirituelle propre aux peuples finissants. (...)
L'ultime vertu de Paris, à mes yeux, est de me faire à nouveau aimer mes semblables, dès que je m'en éloigne. (p. 96)
De simple locataire de mon être, j'en suis devenu le propriétaire à force d'en explorer les étages.
je ne tremble plus.
Je suis enfin moi. (p. 173)
Nous sommes l'interprète indéniable de notre destinée, mais on en est rarement son auteur, tout juste son "nègre", c'est le sel déroutant de notre condition . (p.162)
La Grande Librairie reçoit Fabrice Luchini, un amoureux des auteurs qui met en scène leurs textes depuis quelques années.
Avec lui le philosophe Alain Finkielkraut. Également en plateau, Claude Arnaud dont l?anthologie « Portraits crachés. Un trésor littéraire de Montaigne à Houellebecq », publié chez Robert Laffont est un véritable régal...