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Critiques de Claudie Hunzinger (378)
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Un chien à ma table

En décernant le Prix Femina 2022 à Claudie Hunzinger pour Un chien à ma table, le jury a récompensé une belle œuvre littéraire, un superbe travail d’écri-vaine, comme Grieg, le compagnon de la narratrice aime à la définir.

Modifiant un peu son nom, l’autrice dit s’appeler Sophie Huizinga ; elle m’emmène dans cette maison située aux Bois-Bannis, un nom assez peu engageant mais qui ne rebute pas ce couple uni par une complicité profonde et très émouvante.

C’est là qu’a débarqué une chienne en piteux état qu’elle nomme sans hésiter Yes. La narratrice constate, horrifiée, que cette chienne a été victime de sévices sexuels et qu’elle porte des blessures. Mais, aussitôt après avoir mangé, Yes disparaît.

Ainsi, tout au long de ce roman, le chien n’apparaît pas constamment. Il sert plutôt de repère, de support dans cette maison isolée que frôlent tout de même un parcours santé et le GR5. Quelques passages mis à part dans lesquels Claudie Hunzinger paraît meubler, je suis la plupart du temps très touché, vite ému par ses réflexions, ses avis pertinents sur notre planète. Le saccage de la nature, du vivant, est dénoncé avec tellement de pertinence qu’il est impossible de lire ces passages sans être bouleversé. La justesse de son point de vue sur une évolution qui ne semble pas inquiéter la majorité des humains, mérite d’être prise en compte.

Avec ça, l’autrice partage sa façon de faire, son travail au quotidien pour ne rien perdre de ses observations. Il le faut bien car il ne se passe tout de même pas grand-chose dans ce coin isolé des Vosges d’où, indique-t-elle, on aperçoit une autoroute au loin…

Après une sortie dans la libraire Rive Gauche, à Lyon, Sophie que Grieg appelle aussi « ma Biche » ou encore « Cibiche », retrouve les Bois-Bannis et Litanie, leur ânesse, compagne essentielle. Là, elle peut se confier, disserter sur elle-même, faire partager son ressenti face aux animaux, aux gens, aux chiens, à la nature, aux aléas de la météo.

Est-ce un effet de l’âge, mais Claudie Hunzinger me touche vraiment lorsqu’elle évoque la vieillesse, la diminution de ses ressources physiques, voire la perte de certaines possibilités autrefois essentielles. Elle ajoute à cela ce que la vétusté des choses déclenche en elle et les questions qu’elle pose : « Pourquoi la vétusté est-elle douce et anarchiste en même temps ? Pourquoi est-elle compatissante ? »

Que c’est bien écrit ! Que c’est juste !

Qu’elle se nomme Sophie Huizinga ou Claudie Hunzinger, depuis les Bois-Bannis, ne peut mettre un point final à Un chien à ma table sans évoquer cette mort inéluctable pour tout vivant, sans une pirouette humoristique et poétique. Humoristique avec Grieg qui lui demande enfin d’acheter des bretelles pour tenir son pantalon ; poétique grâce à Dominique A et sa chanson « Les éveillés » avec ces vers simples et admirables :

« Nous n’avons pas le droit de nous / perdre de vue.

Nous n’avons pas le choix / et tu le sais.

Il n’est pas question que l’amour/vienne à manquer ».



J’ajoute que Un chien à ma table fait partie des huit livres en lice pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Les grands cerfs

Dans mon cheminement de lectrice j'avais croisé un auteur, Göran Tunström, qui tentait d'écrire un Livre du Dehors dans Partir en hiver. Inde-Népal et, voilà qu'aujourd'hui je rencontre une auteure, Claudie Hunzinger, artiste plasticienne, qui essaie d'écrire, elle, un Livre de Plein air… Les grands cerfs. Deux démarches intellectuelles, deux concepts artistiques et poétiques pour capter au plus près la beauté du monde et les mystères de la vie.





Un genre de journal de bord auto-fictif relatant l'installation de la narratrice Pamina et de son compagnon Nils dans une ferme isolée, nichée dans une région forestière et montagnarde difficile d'accès. Un endroit idéal pour une retraite qui au fil du temps va se révéler être le lieu élu par les grands cerfs pour s’y reposer. Un lieu stratégique depuis longtemps repéré par un gars du coin, Léo, photographe animalier, qui amène peu à peu Pamina sur les traces des cervidés et la connaissance de leur royaume.

Les grands cerfs un récit qui privilégie après plusieurs saisons d'observation, d'affûts et de guets, la dernière année, façon journal de bord, placé sous le signe de Cernnunos, dieu Cerf des Gaulois, dont la ramure présageait une connexion cosmique.





Pourtant si j'ai apprécié la belle, poétique et séduisante écriture de Claudie Hunzinger, la magie n'a pas opéré. Je suis passée à côté de l'itinéraire ou démarche de l'auteure. La fascination, les obsessions de ces «transfuges», comme les nomme la narratrice pour définir son couple, ne m'ont pas transportée. Pamina et Nils m’ont fait davantage penser à des ermites modernes acceptant la précarité matérielle pour une éventuelle renaissance qu'a des écocitoyens.



Une expérience personnelle peut-être un peu trop nombriliste à mon goût et surtout, il m’a manqué dans ces lignes une forte dimension spirituelle (à moins que je n’ai su la débusquer) que j’avais trouvé dans L’Evangile de la nature de John Burroughs. Si chacun de nous porte en son coeur un oiseau, comme Pamina porte le pinson du nord dans le sien, au risque d'offenser Cernunnos, je préfère m'accrocher au plus petit des oiseaux, le colibri. Ceci étant, je me permets un petit aparté, l’approche de Claudie Hunzinger dans sa démarche artistique m’a amené à la comparer à celle d’une autre artiste plasticienne, Anne Steinlein, qui après de nombreux carnets de voyage témoignant de son immersion dans le monde propose aujourd’hui de magnifiques installations rendant hommage à la Nature et l’Univers à travers ses Gardiens de la Terre.



Mais aujourd’hui plus que hier, "Nous avons besoin, plus que jamais, de sources d’inspiration modèles de vie, de «changeurs de monde» qui nourrissent notre détermination à nous transformer nous-mêmes pour mieux transformer le monde" dixit Matthieu Ricard.



Aussi, Les grands cerfs reste une parenthèse dépaysante, un joli détour pour une escapade vivifiante au milieu des bois. Une fable écologique sur laquelle on peut réfléchir.



Pour les lecteurs qui souhaitent une immersion dans une nature sauvage, vierge, où l’homme a su trouver ses marques, je ne peux que leur conseiller de marcher sur les traces de John Haines en lisant Vingt-cinq ans de solitude: Mémoires du Grand Nord.



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Un chien à ma table

Après « La survivance » et « La langue des oiseaux » c’est le troisième roman de cette auteure que je dévore depuis mon environnement bitumé de citadin.

Lire cette écri-vaine, comme elle se définit, c’est pour moi, pénétrer une dimension quasi inexplorée à la nature souveraine où le guide de vie est l’instinct.

Merci à Mme Hunzinger d’être mon tempérament opposé. Cette altérité bienfaisante, m’enivre, m’emporte. Je me sens choyé mais malgré tout bousculé, effrayé, par l’importance et l’urgence sérieuses à maitriser les concepts inquiétants et menaçants énoncés dans ce roman.

L’anthropocène, cette nouvelle époque géologique qui se caractérise par l’avènement des hommes comme principale force du changement sur terre surpassant les forces géophysiques est en marche et se confirme être suffisamment alarmante pour nous entrainer dans un chaos intégral si elle n’est pas endiguée.



Sophie Hunzinga et Grieg son compagnon se sont retirés dans une ancienne bergerie au nom prédestiné : « Les bois-bannis ». Ce lieu-dit excentré, peuplé en son temps par des anabaptistes est à une heure de marche de tout site habité.

Ils ont pour seuls remparts leurs livres, leur connaissance et leur amour de la nature.

« Et moi, je voulais encore une fois gouter au plaisir infini de déguerpir. Déguerpir, c’est ma base de romancière. De livre en livre, je me suis accrochée au déguerpir comme à la queue d’un renard. »



Par je ne sais quel prodige, malgré la perception de ce chamboulement annoncé, je me sens serein. Est-ce cette écriture expérimentée et érudite qui canalise mon inquiétude débordante, qui ralentit mon pouls, qui m’apaise et me tranquillise ou est-ce l’apparition d’une vieillesse partagée avec Sophie et Grieg qui atténue le marasme à venir par le vécu d’une vie déjà bien pleine ?



Dans ses romans, Claudie Hunzinger m’a rendu capable avec sensualité et poésie à percevoir le sifflet des oiseaux dans les cimes, à écouter bruisser les feuilles des arbres, à saisir les plaintes du vent, à pactiser avec un âne aimable, à voir un cerf autrement.

Comment ne pas être ensorcelé ?

Je suis comme un chien à sa table, j’attends qu’elle me jette ses mots en pâture pour m’en délecter, m’en réconforter, m’alerter aussi, jamais rassasié.

Je ne suis plus là, je suis dans ses pas, dans mes brodequins boueux à arpenter le terroir autant que le territoire avec « Yes » sa jeune chienne qui l’accompagne et qu’elle aime à l’égal de son compagnon aigri de la vie bafouillant qu’on lui foute la paix.



Je n’ai pas les compétences pour faire un quelconque bilan. « Il disait qu’on s’habituait tranquillement, voilà tout. Qu’on s’habituerait au pire. Qu’on allait tranquillement banaliser l’insoutenable. »

Je n’imagine pas ma part de responsabilités mais je suis conscient du dégât accompli et de l’immense tâche à effectuer pour soigner ce qu’il est encore possible de sauver.

« Mais je le répète, le monde ne s’était pas écroulé. Juste un peu plus que la veille et c’est un fait qu’on ne lui appartenait déjà plus. »



Parce que je repense à toutes mes années de services, bientôt, il y a aura les années de sévices. Le temps perdu qu’on ne rattrape plus. Antisocial, je perds mon sang froid…

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Les grands cerfs

Été 2019, le Monde titrait: "La sixième extinction de masse est en cours..."



Un rouge-gorge! "Il était là, si vif. Si menu. Il me regardait de son oeil timide et noir."

Et dans cette confusion d'ailes autour de la mangeoire, "le rouge pivoine d'un bouvreuil sur fond de neige... Les sittelles, cendrés et lavés surlignés d'un long trait noir... Et puis un pinson!"



Pamina se souvient de ce pinson du Nord, "une boule de plumes colorées", acheté à un type, sur les quais de l'Ile de la Cité. Et elle l'avait relâché, ici, dans la montagne. "Si ça se trouve, ce sont ses descendants !"



Pamina et Nils vivent dans les Vosges (comme l'auteure Claudie Hunzinger, nominée pour le prix du Roman d'écologie en 2020)



Dans le Grand Vallon, un renard. " Les yeux aigus, les oreilles rousses, l'effillement démesuré du museau noir, traversant toute la longueur du dos jusqu'au bout du toupet..."Et enfin "un grand cerf, un cerf cathédrale, un cerf de légende !"

Il bramait peu, restait dans sa sapinière infranchissable, si majestueux que les biches venaient à lui, tout naturellement sans qu'il ait à se battre."



La chasse était ouverte depuis le 1er août. Et Pamina apprend que des cerfs et une biche ont été... tirés.

Une biche !

Dans la forêt, un petit faon, un "Bambi" demande d'une voix apeurée : Maman?



On ne parle pas de bêtes tuées, mais tirées. On ne dit pas massacre mais... régulation!

"La dévastation de la Terre avait touchée la petite parenthèse où je vis. Ça s'est produit sous mes yeux". Interview de Claudie Hunzinger pour Littérature.green"
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Un chien à ma table

Magnifique roman qui vient d'avoir le Prix Femina 2022. Belle récompense méritée. Premier livre que je lis de l'autrice mais sûrement pas le dernier.

Sophie et Grieg habitent dans les Vosges au milieu de la forêt. Cela fait trois ans. Un soir, une jeune chienne surgit auprès du vieux couple avec sa chaîne brisée et une apparence maltraitée. Sophie l'adopte et la prénomme Yes. Ce n'est pas qu'un roman pour femmes à toutou, c'est beaucoup de choses. Elle parle du monde qui va mal, de la nature qui la ressource. La présence d'autres humains est vue comme un danger à ses yeux. La vieillesse y est souvent notée, mais l'autrice garde une fraîcheur d'écriture et un dynamisme à toute épreuve. Une belle réflexion sur la vie d'aujourd'hui ainsi que des souvenirs d'hier. Un livre que je vous recommande bien évidemment.
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Un chien à ma table

Encore une fois et malheureusement, mon retour prendra une direction différente de celle des jolis retours des Babelpotes que j'ai vus défiler ces dernières semaines et qui m'ont fortement incitée à réserver "Un chien à ma table" à la bibliothèque. Non pas qu'il m'ait franchement déplu, mais quelque peu déçue, oui malheureusement.



Sophie et Grieg forment un vieux couple, installé depuis trois ans aux Bois-Bannis dans une vieille maison cachée et entourée de forêts. Pendant que Sophie, écrivaine de profession, ne fait plus qu'un avec la nature au gré de ses marches forestières, Grieg, quant à lui, a depuis longtemps quitté le monde réel en se réfugiant dans ses livres. Un soir, apparaît, sur le seuil de la maison, une chienne traînant une chaîne cassée et ayant visiblement subi des sévices. Sophie décide aussitôt de la garder, tout en appréhendant le fait que son maître maltraitant vienne la récupérer sous peu. Yes, la petite chienne, s'immisce donc dans la vie du vieux couple, dont le quotidien se résume à s'éloigner de plus en plus de ce monde actuel qui court à la dérive, à vieillir sereinement entre balades dans la nature le jour et lectures la nuit, tout en philosophant sur la société actuelle.



Tout était là pour me plaire : des personnages qui refusent d'entrer dans le moule et qui tiennent absolument à rester sur la marge (à 80 ans en plus, c'est beau !), l'amour et le respect de la nature et des animaux, la passion des livres, de grands espaces naturels qui changent au fil des saisons, le grand air, comme une sorte de ressourcement...



Comme tout n'est qu'introspection, la narration à la première personne nous invite à entrer dans la peau de Sophie, dans ses pensées et ses réflexions, dans son corps vieillissant. Sophie est une dame qui, malgré son âge et les signes de la vieillesse, reste vive d'esprit (et de corps malgré tout). Elle nous partage toutes ses idées, toutes ses réflexions sur notre société actuelle, sur nos modes de vie, sur les humains en général. C'est là que ça a un peu coincé pour moi, puisque ça part un peu dans tous les sens et que l'on se rend compte au fil de la lecture qu'il n'y a en fait guère d'intrigue : une chienne a fait irruption chez ce couple qui continue de vieillir et de mener son train-train comme auparavant, il ne se passe rien d'autre et on a tôt fait de le comprendre. Mais ce n'est pas dérangeant en soi puisque la nature environnante et surtout le cheminement intérieur de Sophie emplissent l'espace, mais de manière trop décousue. Vous allez me dire que c'est normal puisqu'on est dans ses pensées et que les pensées sont rarement ordonnées. Soit, je plussoie mais c'est davantage la façon dont elles sont couchées sur le papier qui m'a quelque peu gênée.



Et c'est là que j'en arrive au style d'écriture de l'autrice : je n'ai rien à lui reprocher dans le sens où elle use d'une plume riche, élaborée, travaillée, cultivée (et ponctuée !), et en cela c'est très agréable et appréciable. Mais les phrases, tantôt très courtes qui tiennent en un ou deux mots, tantôt très longues qui tiennent sur une bonne dizaine de lignes, m'ont souvent rendu la lecture un peu ardue. Le style de narration est en fait un peu lourd, peu fluide, soit trop haché, soit qui a fini par me faire perdre le sens de la phrase à cause des nombreux apartés.



En revanche, j'ai beaucoup aimé le cadre, les personnages, leur mode de vie et leurs points de vue. J'ai également beaucoup apprécié la façon dont sont traités les animaux, sur un pied d'égalité avec les humains, d'où le titre du livre d'ailleurs.



Un retour mitigé donc, mais comme vous pouvez le constater, c'est vraiment personnel. La trilogie romanesque de Jón Kalman Stefánsson ("Entre ciel et terre", "La tristesse des anges", "Le cœur de l'homme"), puis "On était des loups" de Sandrine Collette, et maintenant "Un chien à ma table" de Claudie Hunzinger... Je commence à me demander si je n'ai pas un problème avec l'introspection et le style de narration que cela implique...

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Un chien à ma table

Depuis trois ans, une écrivaine Sophie Huizinga et Grieg, son compagnon depuis presque soixante ans vivent pratiquement en reclus, dans une petite maison cachée au fin fond d'une forêt vosgienne au lieu-dit, Les Bois-Bannis, un nom étrange. Ils l'avaient découverte au moment même où ils avaient eu envie de changer encore une fois d'air et « pour se sortir sans trop de casse du chaos qui s'annonçait et que tout le monde avait senti venir sans bouger le petit doigt. »

Sophie écrit des livres qui parlent de grand air et de nature et se définit elle-même comme une romancière des marges. Quant à Grieg, il est déjà comme sorti du monde, dormant le jour et lisant la nuit, survivant grâce à la littérature.

L'arrivée un soir, par la porte laissée ouverte d'un « balluchon de poils gris, sale, exténué, famélique », d'une petite chienne blessée, va carrément réenchanter leur vie et rapprocher ce couple vieillissant. Leur vie va se trouver bousculée quand ce troisième personnage va s'inviter à leur table.

C'est d'abord Sophie qui va retrouver le goût de sortir et retrouver des forces au contact de cette nature avec qui elle fait littéralement corps et ressentir des instants de joie divins, ces éclairs que l'on ressent de se sentir en vie. Puis Grieg lui aussi sera gagné par l‘énergie transmise par cette petite chienne. Ils vont du coup refaire chambre commune, se fabricant un lit composé d'un simple cadre de quatre planches clouées, posé au sol et en y entassant trois ans de journaux ficelés par petits tas pour le combler, leurs deux matelas posés dessus. Dès le premier soir, Yes n'hésitera pas à sauter sur le lit et désormais ils dormiront tous les trois « sur les nouvelles du monde, celles qui de jour en jour tombent dans les abîmes pour être remplacées par les suivantes »…

Un chien à ma table, Prix Femina 2022, évoque le désastre qui menace notre planète avec la disparition entre autres, de multiples espèces animales. le personnage de Sophie, cette femme révoltée va transformer cette catastrophe environnementale en une véritable ode à la nature, et nous offrir une magnifique fresque de la nature sauvage, du monde végétal et animal. Ses escapades aux alentours de leur bâtisse offrent au lecteur de sublimes pages de poésie.

Beau roman d'amour, il est aussi une réflexion sur la vieillesse et sur le pouvoir de la littérature tout en mettant en avant les bienfaits de ce qu'un certain Pierre Rabhi nommait la sobriété heureuse.

J'ai particulièrement apprécié cette osmose entre l'humain et la nature que recherche Sophie Huizinga, alias Claudie Hunzinger et qu'elle excelle à dépeindre.

J'ai été happée par cet hymne à la Terre et à la vie qu'est Un chien à ma table, récit de ce trio qui vit en communion avec la nature et entouré de livres...

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Un chien à ma table

Ce livre commence très fort avec une belle écriture poétique, des références esthétiques à la nature très bien formulées, mais au bout d'une petite quarantaine de pages, c'est l'essouflement qui s'intalle, fatalment suivi de l'ennui pour le lecteur. En tout cas, telle est ma perception personnelle.



La vie conjugale de ce vieux couple ne peut intéresser qu'eux-mêmes, les affres de leurs nuits, et leur dégoût respectif de leurs corps n'apportent strictement rien à l'oeuvre qui sombre dans un pessimisme découlant peut-être de leur isolement volontaire. Ce ne sont pas ceux qui quittent le monde et le dénigrent qui vont l'améliorer, il y a tant d'autres humains qui s'échinent en s'investissant pour un monde meilleur. Claudie a jeté le bébé avec l'eau du bain et le parcours de ce couple n'intéresse pas.



Ajoutons à cela une petite chienne qu'ils recueillent, violée par un pédophile (sic), d'où quelques allusions à la zoophilie qui chargent encore négativement ce texte laborieux à lire.



Et passons sur les ébats impromptus du vieux couple dans la mare aux crapauds, on n'est plus au moindre délire près.



Dommage, car il y a de très belles images de la nature, des arbres, des ciels, des levers et couchers de soleil, des saisons qui habillent ou dévêtent la nature, lui conférant toujours un aspect séduisant.



Cela ne m'a pas suffi pour me mettre à la table de Claudie Hunzinger.
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Les grands cerfs

Les Vosges et les cervidés, voici deux bonnes raisons de lire « les grands cerfs » qui offrent de magnifiques pages sur ces espèces menacées par les excès d’une époque qui ne respecte plus certains équilibres naturels.



Mais, cette oeuvre pourtant courte se noie vite, à mes yeux, dans des digressions aussi lassantes qu’inintéressantes où l’auteur ne nous épargne ni les sorties scolaires, ni ses affres vestimentaires et transforme la visite de Fabienne Jacob en babillage puéril.



Ce papillonnage explique peut être pourquoi Pamina est totalement passée à coté de Léo et n’a pas compris que la chasse et l’exploitation raisonnable du massif forestier contribuent à la préservation de la nature.



Se retirer du monde, conduit à se couper du réel, à se doter d’oeillères et gâche ce livre qui m’a finalement déçu par ses longueurs, ses excès doctrinaires et son style parfois bâclé.
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Un chien à ma table

Voilà trois ans que Sophie et son compagnon Grieg se sont installés dans une vieille maison isolée au coeur des Vosges, au lieu-dit « Les Bois-bannis ». Dans ce couple âgé, elle est écrivaine (« écri-vaine », ainsi qu'elle se qualifie elle-même), tandis que lui passe désormais ses journées à dormir et ses nuits à lire. Ils sont loin de tout, à l'écart des humains et des commerces, faisant corps avec la Nature qui les entoure, et cela leur va très bien.

Un jour, une petite chienne déboule dans leur vie. Manifestement maltraitée, échappée de son tortionnaire, elle trouve refuge auprès du couple et s'attache aussitôt à Sophie, qui le lui rend bien. Elle baptise la chienne « Yes », comme un oui un peu étonné à la vie qui jaillit, inattendue, fraîche, joyeuse, énergique, dans la maisonnée sur le point de s'engourdir dans son train-train. Avec Yes, Sophie chausse ses Buffalos, enfile sa parka et s'embarque dans de longues balades à travers la forêt montagneuse.

Il n'y a pas vraiment de péripéties dans « Un chien à ma table », mais il y a beaucoup d'autres choses. A mi-chemin entre la chronique d'une vie d'ermites et une réflexion sur le monde comme il va (mal), Sophie (double littéraire de l'auteure) s'interroge sur la vieillesse, le métier d'écrivain, le langage, les livres, la société déshumanisée, la Nature, l'écologie, les rapports entre humains et animaux et leur bienveillance (ou pas) les uns à l'égard des autres, la frontière entre les espèces, ce qui les caractérise. On y lit beaucoup d'amour et de tendresse, il y a de la révolte et de la résistance, la mort n'est pas encore là, tout n'est pas encore perdu. Pourtant on sent bien qu'il est minuit moins cinq, que l'atmosphère est vaguement pré-apocalyptique en cette ère de fatal anthropocène. Il y a comme une urgence à vivre, à aimer, à respecter le vivant. C'est le message révélé à ce couple vieillissant par Yes, surgie de sa montagne telle un ange gardien porteur d'un message de rédemption. Porté par une écriture poétique, il y a donc un peu de tout cela dans ce livre plus ou moins structuré, plus ou moins développé, plus ou moins compris et convaincant. J'ai plus ou moins aimé.



En partenariat avec les Edtions Grasset via Netgalley.

#Unchienàmatable #NetGalleyFrance
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Les grands cerfs

Tout comme l’auteur, la narratrice habite avec son conjoint une ancienne métairie perdue au fond du massif vosgien. Elle se remémore le temps où des voisins à la présence discrète évoluaient autour de la ferme. Elle s’était soudain prise de passion pour eux, avait appris à les observer longuement, aux côtés d’un villageois épris de photographie animalière. Il s’agissait d’une harde de biches et de cerfs qui, peu à peu, ont disparu, tirés par des chasseurs au rythme des quotas autorisés par l’ONF, sous couvert d’une régulation que ce livre envisage comme un massacre.





Le texte fait rêver : l’on se retrouve, frigorifié et trempé, caché sous des filets de camouflage, à guetter interminablement une fascinante vie sauvage, collectionnant des clichés photographiques pris avec un téléobjectif de la taille d’un bazooka, s’émerveillant qu’une telle présence à proximité directe d’habitations puisse demeurer si discrète. Autour de la ferme d’ailleurs, évoluent bien d’autres espèces que les cerfs, et le récit nous livre également de bien jolies pages sur la multitude de papillons et d’oiseaux observables à l’époque.





Malheureusement, selon l’auteur, ce rêve appartient désormais au passé, et les pages imprégnées de beauté sauvage sont teintées d’une amertume mêlée de colère, de devoir en faire le deuil en même temps que l’apologie, et d’y voir une illustration supplémentaire de la ruine écologique de notre planète. S’il est facile de partager cette rancoeur et ces regrets, l’on est en même temps amené à s’étonner, la croyance générale affirmant une tendance à la prolifération excessive des cervidés dans nos forêts, faute de prédateurs.





Mes recherches ne m’ont pas permis de me faire une idée entièrement claire sur la question : les rapports officiels sont rassurants, affirmant l’augmentation régulière des populations de cerfs en France depuis l’instauration de plans de chasse dans les années 1960. En même temps, des initiatives locales ne cessent de s’insurger contre les trop gros prélèvements qui viennent grever des effectifs, par endroits de plus en plus faibles…





Il est dommage que ce livre, par ailleurs bien écrit, n’étaye pas davantage ses affirmations, en enquêtant au-delà d’une perception toute personnelle que l’auteur pose en contradiction frontale de celle de son entourage. Le texte est beau, ses émotions en ligne avec celles qui nous assaillent face au constat de l’état général de la planète, mais, pour le coup, l’auteur ne s’est-elle pas un peu emballée, sans vraiment prendre la peine de comprendre l’impact réel de la régulation et de la chasse, ni de répondre aux interrogations de ses lecteurs ?





Je ressors très mitigée de cette lecture, dubitative face au bref et subit engouement de la narratrice pour un sujet joliment et sincèrement abordé, mais insuffisamment argumenté : il ne suffit pas de s’emparer d’un thème à la mode et de surfer sur l’émotion du moment pour convaincre. Restent de bien jolies images et un questionnement légitime quant à la peau de chagrin qu’est devenu l’espace concédé par l’homme à la vie sauvage en général.


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La Survivance

Des vauriens. C’est ainsi que Jenny et Sils se définissent. Et quand ils se regardent l’un l’autre, c’est avec une infinie tendresse. Vauriens, ils l’étaient déjà quand ils se sont connus, au lycée et rien ne s’était arrangé avec le temps, pas même le cap de la soixantaine passé. Jusque-là, Jenny et Sils avaient vécu " façonnés de rêves et de lectures ", dans leur librairie sauvage, en bordure d’un village alsacien. Et voici que l’époque les rattrapait. Menace d’expulsion. " Les temps nous demandaient de nous montrer dynamiques, électroniques, immédiats et vifs, hypermodernes, ne sachant même plus ce qu’était un roman. " Un rythme impossible à suivre. Alors le radeau coule, les deux complices n’ont nulle part où aller. Nulle part, sinon une ferme en ruine qui leur appartient, La Survivance, à près de mille mètres d’altitude, dans la montagne vosgienne. Ni eau, ni électricité, un trou béant dans la toiture, tout juste un vieux poêle pour se chauffer. Alors Jenny et Sils prennent congé du monde, chargent dans des caisses leurs auteurs favoris, Hemingway, Bradbury, Ungerer, Francis Ponge et tous les autres, " nos amis de tous les temps et de tous les pays, nos longues connaissances aux longues conversations ". Et les voilà partis pour une aventure rude, chargée de mystères. Avec eux Betty, petite chienne blonde aux yeux noirs, et Avanie, l’ânesse grise et sage, dont les longues oreilles " captaient au loin les présages ". Là-haut, ils vont installer leur vieux canapé rouge au milieu du foin, monter des murs de livres, s’installer " à la guerre comme à la guerre " et observer, apprendre, lire, s’échiner contre les herbes, apprendre l’eau, la chaleur, le froid, les nuits piquées de bruits insolites, les saisons changeantes. Lui cherchera à retrouver le secret des pigments utilisés par Grünewald pour peindre son retable d’Issenheim – Colmar est en bas, dans la plaine. Elle apprendra avec patience et passion la noblesse des cerfs, aux " gueules de grands chefs indiens reliés aux galaxies ". Jenny s’inquiète un jour : " Pourquoi est-ce qu’on vit, Sils ? " Et le vieux renard de glisser : " Mais parce que ça nous fait rire encore. " Mais pour combien de temps ?



Ode aux livres et à la nature, formidable manifeste de résistance face à l’incurie d’une époque gouvernée par la violence et l’impatience, La survivance résonne aussi comme une métaphore amère. Celle d’un monde " fatigué à mort " qui condamne à l’exil les rêveurs, les passeurs d’imaginaire. Claudie Hunzinger propose là un roman insolite, inspiré. Elle a l’art de nous transmettre en quelques mots l’émotion des petits riens. Tout cela forme un roman fort plaisant, un peu nostalgique, un peu bohême, mais tellement touchant ! Et le magnifique couple Jenny et Sils qu’elle met en scène pourrait cheminer longtemps dans les souvenirs d’un lecteur conquis.
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La langue des oiseaux

D’abord, sur la couverture, dans l’angle d’un mur blanc, il y a cette chaise vide. Un livre ouvert y est posé dessus crûment éclairé par la lumière du jour.

Et puis, il y a ce titre : « La Survivance », comme une errance, une attirance.

Pour moi, une rencontre comme un hasard. Capté par l’image, captivé par le personnage, j’ai immédiatement succombé au charisme de Claudie Hunzinger.

Ce qui est fascinant chez cette auteure c’est le ressenti quasi immédiat d’une atmosphère brute et malgré tout chaleureuse qui t’enveloppe, c’est bénéficier d’une ambiance intime et bienveillante qui te charme. C’est se laisser bercer de phrases aussi moelleuses que féroces mais toujours bénéfiques qui t’entraîne dans des fractures d’existence propice à la découverte et à l’évasion hors de vies saturées de mondanités.



« La langue des oiseaux » recèle une élégance bucolique étrange et pénétrante.



Je souhaitais faire ce commentaire d’un geai mais « La langue des oiseaux » est bien plus complexe avec à perte d’ouïe ses trilles d’évasion et ses chants de fuite.

Zsa-Zsa s’évade de sa cage citadine pour une cabane dans les bois, en rupture de frivolités. Elle apprivoise un oiseau-fille, Sayo, japonaise aux cheveux ailes de corbeaux, poète multicolore aux mots chaotiques d’une vie désenchantée.

Leur échappée est une fugue fugace, « l’histoire d’une romancière qui cherchait à écrire contre la barbarie de son temps l’histoire d’une proie qui s’y faufilait avec terreur et grâce ».



Joli moment de lecture.

« Quelle est la part du hasard dans une rencontre ? »

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Un chien à ma table

Sophie et Grieg vivent dans les Vosges, dans la forêt au lieu dit les Bois-Bannis.

Tous deux sont âgés et Sophie, la narratrice, fait souvent référence à la vieillesse de son corps qui doit se remettre en route chaque jour et à celle de son compagnon.

Grieg vit la nuit dans sa bibliothèque. Il se nourrit de littérature.

Sophie vit le jour, observe les animaux, les plantes, les arbres.

Ils vivent chacun dans le respect de l'autre.

Tous deux se sont connus dans la prime enfance.

Un chien arrive dans leur vie mais ne s'approche pas trop. Il est méfiant. Sophie s'aperçoit qu'il a subi des sévices de la part d'un humain.

Elle lui donne le nom de Yes et croit qu'il va rester auprès d'eux mais cet animal pour qui Sophie craque n'apparaît que de temps à autre, assez toutefois pour parcourir la forêt avec elle. C'est un renouveau pour Sophie. Yes lui donne de la force.

Tout au long du récit, Sophie a peur des humains qui bordent la forêt et pourtant, elle les observe. Yes les craint aussi. Elle apparaît comme la gardienne de ces bois.

L'écriture du livre est poétique rien que dans la description des plantes, des petits animaux, de son logis bien rudimentaire, de sa nourriture très frugale.

Un peu plus de vie aurait mieux correspondu à mon style de lecture mais les mots sont très beaux et le thème abordé inhabituel.

Afin de pouvoir profiter des mots, je lisais un autre livre et puis je reprenais celui-ci comme on le ferait avec un recueil de poésies.

"Un chien à ma table" de Claudie Hunzinger a reçu le Prix Femina 2022. Je l'ai appris en le lisant sur le bandeau à la librairie. C'est une belle récompense pour un roman proche de la nature exprimé en de si beaux mots.

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Les grands cerfs

Un grand bol d'air pur, de nature et d'espaces de liberté...J'ai fait la connaissance de cette auteure avec une autofiction, qui m'avait enthousiasmée, il y a quelques années. Je voulais nommer "La Survivance"... pour poursuivre avec autant de plaisir avec "La Langue des oiseaux"...Et voici le troisième écrit de cette écrivaine que je débute avec entrain !...



"Dans mon sac, il n'y avait pas seulement Lucrèce. Les albums du Père Castor aussi. Je les avais tous gardés et emportés là-haut. -Froux, le Lièvre, Panache, L'Ecureuil. Et il y avait Francis Ponge. Et c'était comme si j'avais pris avec moi beaucoup mieux que des jumelles, dont d'ailleurs je me suis longtemps passée, comme si j'avais pris avec moi de quoi scruter La nature des choses et la fabrique du pré. Ils faisaient la paire, Lucrèce et Ponge pour illuminer l'intérieur de notre maison pourrie d'humidité, une vraie caverne "(...)(p. 29)



Un roman, toujours plus autofiction que fiction pure, car Claudie Hunsinger y met beaucoup de sa propre vie, entre cette vie à l'écart dans la montagne , librement choisie il y plusieurs décennies, le goût de la nature et la passion de l'écriture. Dans ce texte, après les avoir ignorés, elle se met à s'intéresser aux cerfs qui vivent dans leur coin reculé... depuis toujours. Elle rencontre Léo, un jeune photographe, fasciné par ces animaux, qui il va lui apprendre à les comprendre... à savoir devenir invisible, à l'affût... dans l'attente et le silence... Une sorte de fable dans le réel... qui induit aussi moult réflexions, constats sur les questions de protection de notre planète, sur notre monde actuel, fort mal en point...



Un monde où les compromis s'accumulent...et où, en dépit de nos volontés , de nos convictions profondes, on se retrouve un jour ou l'autre les mains salies...ou par si nettes que l'on aimerait croire ! Un très beau texte où la nature est au premier plan, son souci qu'on la préserve... sans omettre les mots amoureux, admiratifs de la narratrice pour son mari,Nils, l'homme qu'elle aime, anticonformiste et complice de

toujours... !



"Alors, comment fait-on quand on veut écrire le roman du réel , aujourd'hui ? Quand on veut l'aborder frontalement ? Comment parler du monde et de ce que l'écrivain y a découvert et qui le ronge, puisque c'est le monde d'aujourd'hui qui le passionne, qu'il veut connaître et faire savoir ? Ce monde qu'on hallucine, les yeux grands ouverts.

Oui, comment fait-on ?

En passant outre.

Et en recomposant le réel pour qu'il ait la force de la fiction qu'il est. Même si la fiction reste indéchiffrable. Même si on n'a rien résolu. Même si quand on ouvre la main, on voit ses doigts touchés d'un sang qu'on n'arrive pas à essuyer en le frottant avec la manche de son pull. Même si on en éprouve un étrange effroi. "(p. 186)



J'aime très fort les textes de Claudie Hunzinger, remplis de poésie, d'amour pour Dame Nature, passionnée de belles choses, ainsi que de son travail d' ECRITURE... A tout cela, une admiration et une reconnaissance sans bornes pour le mari, compagnon "complémentaire" , complice toujours présent...et bienveillant !
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La Survivance

Jenny et Sils, la soixantaine, " façonnés de lecture", sont obligés de se séparer de leur logement et de leur librairie , en faillite .Acculés, consternés, habitués toute leur vie à la dèche, ils trouvent refuge dans une baraque en ruines,une vieille métairie perdue dans le massif Breouzard, dans les Vosges..Ils y installent leur ânesse, Avanie, leur chienne,Betty et surtout .....leurs cartons de livres. Tout est à refaire et à découvrir: élaborer un potager,réparer le toit, apprendre à vivre avec la Nature et ses bruits inquiétants...La Survivance est une rêverie , un moment de poésie et de renaissance quotidienne. Une ode vibrante aux livres et à la nature, un manifeste de résistance culturelle face à l'époque impatiente, avide de modernité,oú l'immédiateté, la vitesse, la rentabilité priment....Un ouvrage insolite et original, une fable poignante oú les références littéraires et artistiques abondent. Ces personnes vivent comme des ermites, survivent d'amour pour le vrai , l'amour des livres et de la lecture. Une œuvre trés émouvante, sauvage, percutante oú liberté rime avec difficulté. Cette fable est aussi une ode à la puissance des œuvres qui rendent les hommes libres et égaux, un hommage aux rêveurs et aux passeurs d'imaginaire....Magnifique!
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Un chien à ma table

Un baluchon de poil gris, sale, exténué, famélique, c’est ainsi que Yes, une petite chienne est entrée dans la vie de Sophie et de Grieg son compagnon depuis 60 ans. Deux êtres totalement décalés. Ils habitent les Bois-Bannis au milieu des forêts, loin de tout, à l’écart du monde. Sophie est une romancière qui vit en communion avec la nature, Grieg dort le jour et lit la nuit, il habite dans ses livres.



J’ai été très troublé par ce récit, par sa construction, il ne se passe rien. Tout au long des pages, l’auteure nous invite à une réflexion sur la jeunesse qui s’en va, la planète dévastée par l’homme. C’est une balade poétique, une célébration de la beauté de la nature. L’errance d’une vieille femme qui se ressource auprès des arbres et des animaux dont elle se sent plus proche que des humains. Certains passages sont magnifiques. Un livre qui se respire.

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Un chien à ma table

Après avoir savouré « La langue des oiseaux », un roman plein de grâce de Claudie Hunzinger, j'ai eu envie d'un nouveau moment de poésie et de douceur. J'ai donc choisi « Un chien à ma table », prix Femina 2022.

Claudie Hunzinger nous emmène dans un voyage intime à travers sa vie, en partageant ses moments de joie, de tristesse et de réflexions.



« Pourquoi, un soir de cet automne, ai-je alors pensé : je veux bien être devenue vieille, d'accord, je prends la vieillesse et son corps déglingué, mais je prends aussi l'inconnu qui va avec elle ! J'avais oublié l'inconnu. N'oublie pas l'inconnu. Et j'ai longuement pensé à l'inconnu devant moi, et la vieillesse m'a semblé devenir une sorte d'expédition en zone inconnue. Je l'ai pris comme ça. Je me suis dit je vais écrire le livre de cette expédition. »



*

Sophie Hunzinga et son mari Grieg ont acheté une vieille bâtisse perdue au fin fond de la forêt vosgienne, dans un lieu-dit au nom prédestiné « Les Bois-Bannis ». C'est une maison à leur image, à la fois ancienne, rustique, simple, isolée, chaleureuse, un petit joyau dans un écrin de verdure.



Le récit commence au moment où la narratrice aperçoit dans la nuit, une ombre craintive s'approcher du seuil de leur maison en rampant dans les herbes. Avec douceur, elle va l'amener jusqu'à elle : c'est une petite chienne crottée, affamée, ayant subi des maltraitances.



La petite chienne, qu'ils vont nommer Yes, va très vite se faire une place dans cette maison accueillante et paisible. Malgré les sévices subis, Yes est de nature joyeuse, joueuse et affectueuse. Elle va changer la vie du couple, illuminant leurs vieux jours.



« C'était tellement génial d'étendre la main gauche et de pouvoir toucher un ami d'enfance, vieil humain fourbu, complice, frère usé comme moi ; et d'étendre la main droite et de toucher un non-humain recueilli, soigné, sauvé, enveloppé de sa pelisse électrisée d'énergie. »



Leur relation avec Yes est décrite de manière touchante, avec une profondeur et une sincérité qui rendent cette amitié spéciale, un témoignage qui peut faire écho avec notre propre histoire.



« Jamais aucun chien ne m'avait regardée de sa façon à elle, plongeant ses yeux au fond des miens, voici qui je suis et toi qui es-tu ? Un regard cherchant le mien dans sa souveraineté. »



*

Je pensais que ce livre était un roman tourné vers cette petite bête victime des hommes, son passé. Mais je l'ai trouvé plus proche de l'autobiographie ou de l'essai, empreint de réflexions au quotidien.



A partir de cette belle rencontre, l'autrice va relater sa tentative de trouver un sens à sa vie, d'accepter le temps qui file, de renouer avec sa vie malgré l'usure du corps. La séparation, la mort, le deuil et la solitude de celui qui reste se glissent aussi entre les pages.

Des mots émouvants.



*

On entre dans le quotidien de Sophie et Grieg et on apprend à mieux les connaître. Ils forment un couple attachant et sympathique, leur complicité est belle à lire.



Sophie, romancière et « observatrice du vivant », aime la nature et les balades dans la campagne environnante. Je me suis sentie proche de cette femme ensauvagée et rebelle, même si je ne le suis pas moi-même : son monde proche de la nature est celui dans lequel je m'apaise et me ressource. Avec elle, je suis partie pour de longues promenades en forêt, revenant courbaturée mais profondément heureuse.



Grieg, lui, vit retiré des hommes, il a choisi le monde de la fiction et de la littérature, dormant le jour, dévorant les livres chaque nuit. J'ai aimé me retrouver avec lui le soir, au milieu de tous ses livres, savourant un moment de lecture, emmitouflée sous la couette, bien au chaud.



*

Claudie Hunzinger aborde des réflexions profondes et universelles sur la vie et la mort, sur la nature humaine et la recherche du bonheur, la solitude et l'importance de l'amour dans nos vies, sur la vieillesse et le désir.

Elle et son compagnon ont choisi un retour à un mode de vie plus simple, solitaire, proche de la nature, tourné vers l'essentiel. Même au milieu de la douleur et de la tristesse, je les ai sentis plus proche du bonheur que ceux qui le recherchent dans le monde artificiel de l'argent, du consumérisme, de l'individualisme.



« Nous étions bien, nous, bande de bannis aux Bois-Bannis. Nous, complètement givrés. Totalement décalés. Nous deux, augmentés d'une petite chienne – pas même un loup. Nous deux devenus trois. »



Un autre thème fort est celui de la beauté et la fragilité de la nature. Elle évoque notre environnement que l'on saccage inconsidérément, la nature que l'on dénature sans pitié, la vie animale qui s'éteint dans l'indifférence collective. Ses mots passionnés donnent à voir l'importance de protéger notre monde qui est si beau.



« Les mots, les oiseaux, ensemble liés, fragiles, abîmés, décimés par nous, ça, je le ressentais très fort. Quand est-ce que tout avait commencé ? Sans doute bien avant qu'on s'en aperçoive. »



Les animaux ont également une place centrale dans son récit : l'autrice aborde la condition animale, l'amitié entre l'homme et l'animal, leur place dans nos vies et notre responsabilité envers eux.

Que c'est triste de voir la SPA crouler sous la hausse de chiens et de chats abandonnés, c'est une réflexion toute personnelle que j'ajoute après un reportage vu à la télévision.



« Tandis que son corps tressaillant me suivait de près en train de démêler son pelage au peigne, tout ce qu'il y a de cruauté dans le monde entier s'en envolait par poignées, tout ce qu'il y a de servitude, de perversité, d'abandon flottait à présent joyeusement au-dessus de la prairie, métamorphosé en petits nuages vaporeux. »



*

Son style d'écriture, émaillé de belles descriptions sur la nature, est marqué par une grande sensibilité, une profonde empathie et des réflexions personnelles sur notre époque.

J'ai retrouvé dans ce livre la prose poétique de l'autrice, le chant des oiseaux, le nuancier des odeurs, la cacophonie des couleurs. le rythme est doux et paisible, enjoué et vivant, triste et mélancolique, mais aussi plein de sens, d'humanité et de révolte.



*

Pour conclure, "Un chien à ma table" est une belle histoire d'amitié entre un couple et leur chien, mais c'est aussi un livre contemplatif, touchant et engagé qui transporte le lecteur dans les pensées et les émotions de la narratrice.

« Un chien à ma table » est une jolie lecture pour ceux qui recherche une lecture inspirante, pleine de sens, investie en faveur de la préservation de la biodiversité.

Un hymne à la littérature, à la nature, à la vie.
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La langue des oiseaux

Peut-être que la quatrième de couverture va trop vite pour raconter le roman ou peut-être que ce qui m'a marquée est "l'avant-rencontre" réelle des deux "filles" comme ZsaZsa les nomme… Ou peut-être, encore, que dans un roman, on privilégie ce qui résonne en nous ?





ZsaZsa – un touchant surnom - a décidé de prendre une année sabbatique pour se reculer par rapport à sa vie personnelle, son travail de correctrice. Et, également, par rapport à la société elle-même dans laquelle elle peine de plus en plus à trouver une place légitime, un accord de vie avec ses aspirations.



Elle ressent le besoin de solitude, celui de se retirer de l'agitation, la nécessité impérieuse d'une forme de silence dénué de la frénésie du quotidien urbain.

Elle part donc pour les forêts vosgiennes, vers un refuge des plus spartiates, juste le nécessaire, peu de confort mais quelle est la signification du mot "confort" quand on souhaite revenir à l'essentiel ?



ZsaZsa se retire donc dans un abri de la dernière guerre, choisit le dénuement et la vie en pleine nature, même si on est en plein hiver et qu'il faut en supporter toutes les rigueurs, pour tout replacer à sa juste valeur et surtout donner de l'importance aux choses qui sont essentielles pour elle. Elle veut parvenir à rééquilibrer cette balance de l'existence, à la faire pencher du côté nécessaire, du côté primordial, retrouver ce qui constitue l'essence même de l'existence quand on ne l'a pas barbouillée du gris du superficiel et de la futilité.



J'ai - égoïstement - aimé les pages où ZsaZSa se raconte : son enfance atypique, ce père cultivé qui enseigne le chinois à sa fille et l'écoute des oiseaux pour les connaître et communiquer avec eux, cette relation avec un père qui partage ses trésors érudits et donne à toucher le subtil et le fragile. Ces oiseaux et leur présence éphémère, leurs existences si menacées comme le baromètre d'un monde qui se perd dans ses erreurs et ses manquements.

Puis les rencontres, la vie professionnelle, son rapport à notre société. Et tout autant quand elle évoque la nature qui n'est là que pour elle seule, Marguerite "sa voisine" si décalée par sa façon d'être et, en cela, si attachante - n'est-elle pas disponible à toute heure pour ouvrir sa porte ? - Marguerite délicat reflet de cette "Grand-Mère" que j'ai tant admirée dans le livre de Louis Guilloux "La Maison du peuple", de ces êtres disponibles toujours solitaires, ouverts à la présence des autres et oublieux d'eux-mêmes.





Il y a, ensuite, cette quête vers le virtuel que représente Kat-Espadô, cela occupe complètement la volonté de ZsaZsa quand elle ne parcourt pas les forêts, la hante…

Cette jeune fille fantasque, extravagante dans ses paroles, son être, ses attitudes, sa présence tout simplement envahit son esprit.

Et il y a la rencontre "réelle"  et là, je ne dirai rien de plus : à vous de découvrir !



Mais la rencontre ne serait pas sans les choix antérieurs de ZsaZsa, c'est sa quête qui, d'une certaine façon, "crée" ce besoin d'échanges, qui provoque le regard de l'Autre…





L'écriture de Claudie Hunzinger est épurée, mais distille à travers des fulgurances d'images, une poésie qui marque l'esprit. On "perçoit" beaucoup au cours de la lecture : des bruits, des odeurs, des peurs et même les silences.





Je referme le livre, les oiseaux se sont envolés, leurs ailes m'ont frôlée, les craquements de bois sec ont cessé, l'heure du crépuscule et son voile de la nuit ne viendra plus m'auréoler de son mystère et de ses craintes, j'ai quitté ZsaZsa, ses questionnements, ses certitudes, ses doutes et sa "rencontre" inespérée.

Je n'ai qu'un regret : avoir lu la dernière page de ce roman et avoir quitté un personnage comme on s'éloigne à regret d'une image que l'on trouve tellement familière, avoir également quitté le refuge des profondeurs de la forêt, l'intimité partagée du monde animal, des souffles de vie. Et par là, avoir perdu à jamais ce partage de connaissances, cette envie de découvrir ce qui a fait l'enfance de ZsaZsa et qui habite si singulièrement son âme…





Les livres de Claudie Hunzinger m'évoquent l'image d'un long manteau moelleux et chaud dans lequel on se blottit pour trouver un peu de sérénité, un refuge et avoir le courage de regarder le monde qui nous entoure, on y puiserait même cette force pour oser y vivre...
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Un chien à ma table

Un début enthousiasmant: cette maison isolée dans les Vosges, la rencontre avec la petite chienne, échappant à des sévices, que la narratrice, double de l'auteure, nommera Yes, au regard de son énergie, cette fusion saisissante avec la nature, la présence d'un compagnon bourru et tendre, tout me semblait très prometteur.



Mais je me suis petit à petit enlisée dans ce huis-clos oppressant, coupé de l'humain, de l'amitié, des contacts. Malgré des pages magnifiques de justesse sur la vieillesse, l'écriture, malgré ce regain de gaieté créé par la présence de Yes, malgré la poésie des évocations de la forêt et du pré, je n'ai pu que frissonner, m'angoisser dans ce repli du temps, loin du monde. Un monde certes de plus en plus affligeant, où de nombreuses espèces végétales et animales sont en voie de disparition, mais un monde dont nous sommes parties prenantes.



C'est cette vision noire, détachée des autres, observés de loin, qui m'a rebutée. Pourtant, des éclats de joie pure, au contact de la nature, illuminent le roman. Mais pas suffisamment, selon moi. Ce n'est qu'un ressenti tout personnel... L'écriture est en tout cas originale, vraiment intéressante.



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