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Citations de Colm Toibin (210)


Les noirs sont bien partis faire la guerre en Europe, n'est-ce pas ? Et ils ont été tués comme les nôtres. C'est-ce que je dis toujours: leur présence ne gênait personne quand on avait besoin d'eux.
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Certains, à Lübeck, étaient d’avis que les frères Mann personnifiaient en réalité, non seulement une forme de déclin dans leur propre maison, mais une faiblesse nouvelle perceptible dans le monde lui-même, et notamment dans cette Allemagne du Nord autrefois si fière de sa virilité.
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Herr Huhnemann avait une façon bien à lui de le scruter du regard avant de se détourner comme si on l’avait surpris à enfreindre le règlement. Ses cheveux gris fer se dressaient tout droit sur sa tête comme autant de petits clous. Il avait un visage émacié tout en longueur et des yeux d’un bleu profond. Thomas trouvait son regard déstabilisant, mais il découvrit que le fait de le fixer à son tour et de l’obliger à baisser les yeux lui donnait une étrange sensation de pouvoir. À mesure que le temps passait, il comprit que ces menues rencontres, ces simples échanges de regards, constituaient un élément important de la journée de Herr Huhnemann.
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Jusque-là, il s’était vu comme quelqu’un d’exceptionnel, raison pour laquelle il n’avait pas voulu se joindre à la cohorte des dissidents. La raison principale, cependant, était qu’il avait peur. Katia comprenait cela, mais Erika non, et Klaus et Heinrich non plus. Ils ne comprenaient pas la timidité. Pour eux, seule la clarté existait. Mais en cette période trouble, une telle clarté n’était accessible qu’aux rares individus qui possédaient le courage suffisant ; pour les autres, c’était un temps de confusion. Lui-même faisait partie de ces autres, et cela, à présent, ne le rendait pas fier. Il se présentait au monde sous les airs d’un homme intègre, mais en vérité il était faible.
( Thomas Mann en exil ne se prononçant pas ouvertement contre le régime nazi)
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« C’est souvent ce qu’il y a de plus difficile, dit Katarina.
— Quoi donc ?
— Mourir. »
Thomas était assis à son chevet quand la mort arriva. Il n’avait jamais été témoin de cela auparavant. Ce changement soudain. L’instant d’avant, sa mère était en vie, l’instant d’après, elle n’était personne. Il ne savait pas que cela pouvait survenir si nettement et si vite.
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La Suisse, aux yeux de Thomas, survivait grâce à un mythe de grande moralité protestante alors même qu’elle protégeait l’argent des crapules. Tout comme ses banques étaient ouvertes aux riches, ses frontières étaient en général fermées aux gens dans le besoin. Le pays possédait des montagnes et des lacs, quelques villes et de nombreux villages de conte de fées, mais cela ne suffisait pas à créer quoi que ce soit de sérieux. Ses citoyens, pensait Thomas, passaient l’essentiel de leur temps à rester propres. Ils le faisaient avec tant de zèle que leur hygiène enragée se communiquait à leurs lacs et à leurs montagnes, à leurs trains et à leurs chambres d’hôtel, à leur chocolat et à leur fromage, et surtout à leurs billets de banque.
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Cela fascinait Thomas que Malher fût en vie, en train de travailler, d'écrire encore, d'imaginer les sons qui jailliraient de ses portées, avec la certitude que son dévouement sans faille à la musique serait bientôt réduit à rien. Bientôt viendrait le moment où il écrirait la dernière note de sa vie. Ce moment ne serait pas déterminé par la force de l'esprit, mais uniquement par les battements de son cœur.
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Lübeck, 1891

Sa mère attendait là-haut pendant que les domestiques débarrassaient les invités de leurs manteaux, de leurs chapeaux,  de leurs écharpes. Tant que le dernier d'entre eux n'avait pas été introduit au salon, Julia Mann demeurait dans sa chambre. Thomas faisait le guet sur le palier avec son frère aîné Heinrich et leurs deux petites sœurs, Lula et Carla. Leur mère n'allait pas tarder à apparaître. Heinrich devait ordonner à Carla de se taire, sinon, ils allaient être envoyés au lit et ils manqueraient le grand moment.


(Incipit)
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« Je suis sûr que le monde t’est reconnaissant de l’attention sans partage que tu accordes à tes livres, mais nous, tes enfants, nous n’éprouvons aucune gratitude pour toi, ni d’ailleurs pour notre mère, qui était toujours de ton côté. Il est difficile de penser que vous êtes restés dans votre hôtel de luxe tous les deux pendant qu’on enterrait mon frère. Je n’ai dit à personne à Cannes que vous étiez en Europe. Les gens ne m’auraient pas cru.
( Lettre de Michael Mann à son père Thomas Mann suite à l’enterrement de son frère Klaus mort d’une overdose.)
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Au cours du bref trajet entre leur maison dans la Beckergrube et l'église (réformée), il (Thomas père) était horrifié d'entendre Julia saluer leurs connaissances avec une gaieté exubérante en les hélant d'une voix forte et en les appelant par leur nom, ce qui ne s'était jamais vu de toute l'histoire dominicale de Lübeck et achevait de persuader Frau Overbeck que Frau Mann était réellement, dans son cœur du moins, restée une catholique.
"Elle est tape-à-l'œil et idiote, et c'est bien la marque d'une papiste", disait Frau Overbeck.

page 14
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 Quand le journaliste suggéra qu’il était l’écrivain et l’orateur antifasciste le plus important du monde à l’heure actuelle, il [Thomas Mann] ne le contredit pas, mais précisa que ce qu’il recherchait en Amérique, c’était la paix, afin de pouvoir écrire d’autres romans et nouvelles, tout en sachant que certains devoirs lui incombaient également, maintenant que tant de ses compatriotes étaient en danger et que les enjeux étaient colossaux. Mais il refusait de s’impliquer dans la politique partisane. Son rôle était de rester à distance des polémiques, afin de défendre l’essentiel : la liberté et une ferme exigence de démocratie. Pour lui, dit-il, cet enjeu était le seul qui vaille. 
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Certains,  à  Lübeck, étaient d'avis que les frères Mann personnifiaient en réalité, non seulement le déclin de leur propre maison, mais une faiblesse nouvelle perceptible dans le monde lui-même, et notamment dans cette Allemagne du Nord autrefois si fière de sa virilité
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Le soir, quand le sénateur s'était absenté (...), leur mère leur parlait de son pays natal, le Brésil,  un pays si vaste que nul ne savait combien il comptait d'habitants ni quelle pouvait bien être la physionomie de certains d' entre eux ou la langue qu'ils parlaient. (...)

"Parles-nous des étoiles,  disait Heinrich.

-Notre maison de Paraty était située au bord de l'eau. (...) À la nuit tombée, nous voyions apparaître les étoiles,  basses dans le ciel et très lumineuses. Ici, dans le Nord, elles sont hautes et lointaines. Au Brésil,  elles sont visibles comme le soleil en plein jour. D'ailleurs ce sont elles-mêmes de petits soleils, scintillants et proches, surtout pour nous qui vivions au bord de l'eau. Ma mère disait que dans les pièces du premier étage on pouvait parfois lire un livre en pleine nuit grâce à la clarté des étoiles qui se reflétait sur l'eau. (...) Petite fille,  quand j'avais l'âge de vos sœurs, je croyais que le monde entier était ainsi. La première nuit à Lübeck a été un choc pour moi.
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— Oui, dit Thomas, l’écriture romanesque est une affaire sordide. Les compositeurs peuvent penser à Dieu et à l’ineffable. Nous, nous sommes obligés d’imaginer les boutons sur un manteau. 
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Mes parents aiment la musique, les livres, la peinture et la compagnie des gens d’esprit, tout comme mes frères et tout comme moi. Il est impossible de réduire tout cela à une religion que nous ne pratiquons même pas. C’est une idée absurde.
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— Je te dis tout, mais tu ne dois pas répéter à ma mère ce que je t’ai confié à propos d’Erika [Mann]. Elle va penser qu’elle a échoué dans son rôle de mère : trois homosexuels – ou deux homosexuels et une bisexuelle. Plus deux filles qui aiment les vieux. 
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Quand Heinrich prit le train de Nice pour passer quelques jours avec eux, il s'étonna du nombre d'exilés qui vivaient à Sanary. Il se réveillait en général de bonne heure et se rendait dans le centre-ville pour acheter les journaux et voir qui était déjà attablé dans les cafés. Le temps que Thomas et Katia descendent pour le petit déjeuner, Heinrich était en mesure de leur raconter toutes les dernières informations. Thomas estimait que la plupart des Allemands de Sanary, y compris Brecht, Walter Benjamin et Stefan Zweig se retrouvaient uniquement pour ronchonner en bonne compagnie. Mais Heinrich lui apprit qu'il discutait d'art et de politique avec eux.

"Peu importe qui a le pouvoir en Allemagne, dit Thomas, ces hommes là se sentiront toujours exclus.
- Tu devrais passer plus de temps avec eux. Ils voient au-delà de la guerre et même au-delà de la paix. Ils se retrouvent pour parler idées. Il va sortir des livres importants de tout ça."

page 291
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[…] Katia apprit par Klaus que Mahler n’en avait réellement plus pour longtemps. Son cœur faiblissait. Il avait eu de la chance à quelques reprises mais ce n’était qu’un sursis. Il travaillait fiévreusement à sa neuvième symphonie et ne vivrait peut-être pas assez pour la finir.
Cela fascinait Thomas que Mahler fût en vie, en train de travailler, d’écrire encore, d’imaginer les sons qui jailliraient de ses portées, avec la certitude que son dévouement sans faille à la musique serait bientôt réduit à rien. Bientôt viendrait le moment où il écrirait la dernière note de sa vie. Ce moment ne serait pas déterminé par la force de l’esprit, mais uniquement par les battements de son cœur. 
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[…] les journaux suisses s’étaient mis à écrire « le Führer » sans trace d’ironie. Thomas perdait peu à peu espoir en une possible chute du régime. Les nazis n’étaient pas comme les poètes de la révolution de Munich. C’étaient des voyous qui avaient pris le pouvoir sans perdre leur emprise sur la rue. Ils réussissaient à incarner à la fois le gouvernement et l’opposition. Ils exploitaient à fond la notion d’ennemi, y compris d’ennemi de l’intérieur. Ils ne craignaient pas la publicité négative – au contraire, ils voulaient que leurs pires actions soient diffusées le plus largement possible afin d’inspirer la terreur, y compris à leurs partisans. 
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 En apprenant qu’à Berlin, on brûlait les livres jugés offensants par les nazis, Thomas [Mann] fut d’abord soulagé d’entendre que les siens ne figuraient pas dans le nombre. Mais lorsqu’elle revint à Lugano, Erika leur annonça que tous les auteurs allemands importants, y compris Heinrich [Mann], et Klaus [Mann], et Brecht, et Hermann Hesse, avaient vu leurs livres jetés au feu. Ce n’était pas franchement un honneur d’être exclu de cette compagnie. 
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