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Citations de Constantin Cavafis (136)


178. PLUIE


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Deux arbres frêles
Dans un petit jardin.
L'eau donne une
illusion de campagne.
Elle se glisse dans les rameaux
Sans mystère ;
Elle mouille les racines
À la sève épuisée ;
Elle court dans le feuillage
Qui, retenu par ses liens,
Pend morne et triste
Au-dessous des fenêtres ;
Elle lave dans leurs pots
Les plantes chétives
Qu'une ménagère avisée
A rangées bien en ligne.
Pluie que les enfants
Regardent joyeusement
De leurs chambres bien chaudes,
Et tandis que l'eau coule,
Que la pluie tombe plus fort,
Ils frappent dans leurs mains et trépignent.
Pluie que les vieux écoutent
Avec une patience chagrine
Avec ennui et lassitude,
Car d'instinct ils détestent
La terre humide et les ombres.
Pluie, pluie qui tombe
Toujours plus fort.
Maintenant, je ne vois plus rien ;
Le carreau de la fenêtre
Est embué.
Des gouttes ici et là
Courent, ruissellent, s'allongent,
Montent et descendent ;
Elles voilent la vitre
D'un rideau opaque.
On distingue à peine
le flou de la rue,
Dans une poussière d'eau
La maison, les calèches.
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LE SOLEIL DE L'APRÈS-MIDI

Cette chambre comme je la connais bien!
Elle est louée maintenant, avec celle d'à côté,
à des agences commerciales. L'immeuble entier n'est plus
que des bureaux, courtage, import-export, et autres Sociétés.

Ah, cette chambre comme elle m'est familière.

Près de la porte, ici, se trouvait le canapé,
et devant lui un tapis turc ;
à côté, l'étagère et ses deux potiches jaunes.
À droite ; non, en face, une armoire à glace.
Au centre la table où il écrivait ;
et les trois grandes chaises de paille.
Près de la fenêtre se trouvait le lit
où nous avons fait l'amour si souvent.

Ces pauvres meubles doivent encore exister quelque part.

Près de la fenêtre se trouvait le lit ;
le soleil de l'après-midi lui arrivait jusqu'au milieu.

... Un après-midi, à quatre heures, nous nous sommes séparés
pour une semaine seulement... Hélas,
c'est une semaine qui dure encore.
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Constantin Cavafis
Mais un jour arrivèrent des vieillards, pour annoncer
qu'Achille s'était fait tuer à Troie.
Thétis se mit alors à lacérer ses vêtements de pourpre,
puis à s'arracher et à jeter
par terre ses bagues et ses bracelets.
Et dans ses lamentations, elle se rappela le passé ;
que faisait donc, demanda-t-elle, le docte Apollon,
où se trouvait-il, le poète, qui dans les banquets
parlait si bien, où se trouvait-il, le prophète,
pendant qu'on tuait son fils en sa prime jeunesse.
Et les vieillards lui répondirent qu'Apollon
en personne était descendu à Toie,
et qu'avec les Troyens, il avait tué Achille.
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Constantin Cavafis
Même si je ne peux pas parler de mon amour -
si je ne dis rien de tes cheveux, de tes yeux, de tes lèvres ;
ton visage pourtant reste gravé dans mon esprit,
le son de ta voix reste gravé dans ma mémoire,
et ces jours de septembre qui pointent dans mes rêves
donnent forme et couleur à mes mots, à mes phrases,
que que soit mon sujet, quelque idée que j'énonce.
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AUTANT QUE POSSIBLE

Et si tu ne peux pas mener la vie que tu veux,
essaie au moins de faire en sorte, autant
que possible: de ne pas la gâcher
dans trop de rapports mondains,
dans trop d’agitation et de discours.

Ne la galvaude pas en l’engageant à tout propos,
en la traînant partout et en l’exposant
à l’inanité quotidienne
des relations et des fréquentations,
jusqu’à en faire une étrangère importune.

1913

Traduit du grec par Dominique Grandmont.
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Constantin Cavafis
NICHORI



extrait 2

Les feuillages que tu verras là, n’espère pas les retrouver
dans un autre pays. Contemple depuis les hauteurs
la campagne alentour, et dis-moi comment ne pas aimer
      notre petit Nichori.

Ne crois surtout pas, étranger, que j’aime exagérer.
Il existe bien des endroits fertiles et productifs.
Mais ils ont quelque chose de plus, tu l’avoueras toi-même,
      les fruits et les fleurs de Nichori.

Si tu veux entrer avec moi dans l’église
de la Vierge de Koumari, pardonne à ma ferveur
excessive. Les prières ont, il me semble, un autre charme
      dans le pieux Nichori.

Et si tu ne peux pas rester, avant de partir, étranger,
il te faut descendre un dimanche sur le port, chez Grigor i;
tu y verras la paix, la jeunesse et la joie, alors tu comprendras
      ce qu’est notre Nichori.

                        (1885)


/ traduit du grec par Dominique Grandmont
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CHE FECE… IL GRAN RIFIUTO
Pour certains hommes, il vient un jour où il faut dire le grand OUI ou le grand NON. Celui qui l’a prêt en soi, ce OUI, se manifeste tout de suite ; en le disant, il progresse dans l’estime d’autrui et selon ses propres lois.
Celui qui a refusé ne regrette rien : si on l’interrogeait de nouveau, il répéterait NON — et cependant ce NON, ce juste NON, l’accable pendant toute sa vie.

Che fece… il gran rifiuto. Phrase empruntée à Dante (Enfer, III, 60) où elle s’applique au pape Célestin V qui « par bassesse » renonça à la tiare.

(traduction Marguerite Yourcenar / Constantin Dimaras)
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Prémonition des Sages

Les hommes connaissent le présent.
L’avenir appartient aux dieux,
seuls et pleins possesseurs de toutes les lumières.
De l’avenir, les sages ne perçoivent
que les prémisses. Leur oreille parfois,

aux heures de profonde méditation,
se trouble. La secrète rumeur
des lendemains en marche leur parvient.
Et ils l’écoutent avec respect. Tandis que dans la rue,
dehors, les peuples n’entendent rien.
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LES THERMOPYLES


Τιμή σ’ εκείνους όπου στην ζωή των
Grandeur à ceux pour qui la vie
ώρισαν και φυλάγουν Θερμοπύλες.
a été de garder et de défendre Thermopyles.
Ποτέ από το χρέος μη κινούντες·
Depuis ce devoir a toujours été honoré ;
δίκαιοι κ’ ίσιοι σ’ όλες των τες πράξεις,
équitables et droits sont-ils dans tous leurs actes
αλλά με λύπη κιόλας κ’ ευσπλαχνία·
mais toujours avec pitié et compassion ;
γενναίοι οσάκις είναι πλούσιοι, κι όταν
courageux quand ils sont riches, et quand
είναι πτωχοί, πάλ’ εις μικρόν γενναίοι,
Ils sont pauvres, un plus petit courage mais loyal,
πάλι συντρέχοντες όσο μπορούνε·
secourables autant qu’ils le peuvent ;
πάντοτε την αλήθεια ομιλούντες,
toujours disant la vérité,
πλην χωρίς μίσος για τους ψευδομένους.
mais sans haine pour les charlatans.
Και περισσότερη τιμή τούς πρέπει
Mais ils doivent plus d’honneurs
όταν προβλέπουν (και πολλοί προβλέπουν)
à prévoir quand (et beaucoup prédisent)
πως ο Εφιάλτης θα φανεί στο τέλος,
Le traître Ephialte reviendra finalement,
κ’ οι Μήδοι επί τέλους θα διαβούνε.
et quand les Mèdes alors traverseront.
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VILLE

Είπες· «Θα πάγω σ’ άλλη γη, θα πάγω σ’ άλλη θάλασσα.
Tu as dit ceci : « Je vais vers un autre pays, vers une autre mer.
« Μια πόλις άλλη θα βρεθεί καλλίτερη από αυτή.
Où, une ville différente, une ville meilleure, je trouverai.
Κάθε προσπάθεια μου μια καταδίκη είναι γραφτή·
Une peine et une douleur, chaque effort que je fais ;
κ’ είν’ η καρδιά μου — σαν νεκρός — θαμένη.
mon cœur est mort – mort et enterré.
Ο νους μου ως πότε μες στον μαρασμόν αυτόν θα μένει.
Mon esprit quand je suis ici se retrouve au cœur de ce lieu désolé.
Όπου το μάτι μου γυρίσω, όπου κι αν δω
Partout où mon œil se pose, partout je vois
ερείπια μαύρα της ζωής μου βλέπω εδώ,
les tristes et sombres ruines de ma vie, où ma foi
που τόσα χρόνια πέρασα και ρήμαξα και χάλασα.»
j’ai passé tant d’années, où je l’ai ruinée, où je l’ai brisée. »

*

Καινούριους τόπους δεν θα βρεις, δεν θάβρεις άλλες θάλασσες.
D’autres lieux, d’autres mers, tu ne trouveras.
Η πόλις θα σε ακολουθεί. Στους δρόμους θα γυρνάς
La ville te poursuivra. Au travers des rues, tu erreras
τους ίδιους. Και στες γειτονιές τες ίδιες θα γερνάς·
Et dans tes quartiers tu vieilliras ;
και μες στα ίδια σπίτια αυτά θ’ ασπρίζεις.
et dans ces mêmes maisons, grisonnant, tu deviendras.
Πάντα στην πόλι αυτή θα φθάνεις. Για τα αλλού — μη ελπίζεις—
Toujours, dans cette ville, tu reviendras. Pour les autres villes, n’espère pas –
δεν έχει πλοίο για σε, δεν έχει οδό.
car de bateau pour toi, de traversée, pour toi, il n’y aura.
Έτσι που τη ζωή σου ρήμαξες εδώ
Alors ta vie, celle que tu as brisée en ce lieu,
στην κώχη τούτη την μικρή, σ’ όλην την γη την χάλασες.
dans cette petite maison, tu l’as brisée en tout lieu.
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Murailles


Χωρίς περίσκεψιν, χωρίς λύπην, χωρίς αιδώ
Sans contrepartie, sans pitié, sans honte
μεγάλα κ’ υψηλά τριγύρω μου έκτισαν τείχη.
de grands et hauts murs se sont construits autour de moi.

*

Και κάθομαι και απελπίζομαι τώρα εδώ.
Et maintenant je suis assis ici et désespéré.
Άλλο δεν σκέπτομαι: τον νουν μου τρώγει αυτή η τύχη·
Je ne pense plus qu’à ceci : mon esprit doit vivre cette infortune ;

*

διότι πράγματα πολλά έξω να κάμω είχον.
car tant de choses m’attendent.
A όταν έκτιζαν τα τείχη πώς να μην προσέξω.
Mais comment ont-ils construis ces murs sans que n’y prête attention ?

*

Aλλά δεν άκουσα ποτέ κρότον κτιστών ή ήχον.
Je n’ai jamais entendu aucun bruit ni mots des maçons.
Aνεπαισθήτως μ’ έκλεισαν από τον κόσμον έξω.
Petit à petit, ils m’ont isolé du monde extérieur.
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Une nuit, 1915

La chambre était misérable et vulgaire
dissimulée en haut de l’auberge équivoque.
De la fenêtre, on voyait la ruelle,
un immonde boyau. D’en bas montaient
les voix de quelques ouvriers,
jouant aux cartes, festoyant.

Et là, sur l’humble lit du populaire,
j’ai possédé le corps de l’amour, possédé les lèvres
voluptueuses et merveilles de l’ivresse –
vermeilles d’une telle ivresse, qu’aujourd’hui
même où j’écris, dans mon solitaire logis,
de nouveau, après tant d’années ! Je m’en énivre.
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Jours de 1903 (1917)

Jamais je ne les ai retrouvés, ces choses si vite perdues.
Les yeux pleins de poésie, le pâle visage
dans la rue où le sombre descend.

Jamais je ne les ai retrouvés, ces choses conquises par hasard,
que j’ai laissé se perdre si aisément, mais qu’ensuite
j’ai désiré si fort avec angoisse.
Les yeux pleins de poésie, le pâle visage, et ces lèvres
dans la rue où le sombre descend.

Jamais je ne les ai retrouvés.
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Ionique (1911)

Bien que nous ayons brisé leurs statues,
bien que nous les ayons chassés de leurs temples,
les Dieux ne sont pas morts pour autant.
O terre d’Ionie c’est toujours toi qu’ils aiment
et que leurs âmes invoquent.
Quand se lève sur toi un matin de juillet,
la palpitation de leur vie passe dans ton air,
et parfois, hésitante, immatérielle,
une silhouette d’Éphèbe d’un pas rapide
passe sur tes collines.
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J’ai tant fixé la beauté (1917)

l'Ephèbe du musée d'Aude - 300 ans avant J.C.

.
J’ai tant fixé la
Que mes yeux en sont pleinement emplis.
Lignes du corps,
lèvres rouges,
membres voluptueux.

Chevelures semblant tomber des statues grecques,
toujours belles même quand échevelées
elles retombent un peu sur un front blanc.

Visages de l’amour comme le désirait mon poème…
Visages à peine entrevus, dans mes nuits,
dans les nuits de ma jeunesse…
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Désirs (1904)

Ils ne sont que beaux corps morts avant que d’être devenus adultes,
déposés tristement dans un magnifique mausolée
des roses sur la tête, du jasmin aux pieds,
Ainsi sont les désirs qui passèrent
sans avoir pu être satisfait,
sans avoir connu une seule nuit de plaisir, ou des matins radieux.
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