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Citations de Constantin Cavafis (136)


 
 
                3


 La Vérité et le Mensonge existent-ils ? Ou
n'y a-t-il que le Nouveau et l'Ancien — le
Mensonge n'étant que le Vieillesse de la Vérité
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« Grand homme »


Inconnu, étranger dans Antioche, venu d'Edesse,
Il écrit beaucoup. Le dernier poème, à la fin,
Est prêt. Avec ce dernier, en tout, cela fait

Quatre vingt trois poèmes. Mais le poète
Est fatigué, il a trop écrit : tous ces vers,
Toutes ces phrases grecques à contrôler,
Une lassitude, à l'instant, s'empare de lui.

Une seule pensée l'éloigne de cet accablement,
Ce « Grand homme », que Lucien, autrefois,
Entendit dans son rêve.

/Présentation et texte français par Henri Deluy/

p.17
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234. L'AÈDE


Loin du monde, il s'enivre de magie poétique
La beauté de ses chants lui résume l'univers.
Pour son aède, l'Imagination a bâti
Une demeure idéale que le Sort ne menace pas.

« Sécheresse et vanité, direz-vous. Folie
Que de réduire la vie au son charmant des flûtes
Et rien de plus ! » Ou bien : « L'indifférence aride
Corrompt qui n'est pas tourmenté par les peines

De la lutte pour la vie. » Ce point de vue
Est injuste et faux. La nature de l'aède est divine ;
Aveugle et faible, votre logique ne saurait en juger.

Les murs de sa maison sont d'émeraude magique
Et des voix y murmurent : « Ami, sois dans la paix,
Médite et chante. Courage, ô messager mystique. »
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Murs

Sans égards, sans pitié, sans scrupule,
ils ont élevé de hautes murailles autour de moi.

Et maintenant, je ne fais rien ici que me désespérer.
D'un tel destin la pensée m'obsède et me ronge ;

car j'avais beaucoup de choses à faire dehors.
Pendant qu'on bâtissait les murs, ah, que n'ai-je pris garde.

Mais jamais je n'ai entendu le bruit des maçons ni leurs voix.
C'est à mon insu qu'ils m'ont enfermé hors du monde.
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Cierges

Les jours de l'avenir se dressent devant nous
comme une file de petits cierges allumés -
des petits cierges dorés, chauds et pleins de vie.

Les jours passés restent en arrière,
une triste rangée de cierges juste éteints ;
les plus proches encore fumants,
cierges froids, fondus et prostrés.

Je ne veux pas les voir ; leur aspect m'afflige,
comme il m'afflige de me rappeler leur éclat premier.
Je regarde, vers l'avant, mes cierges allumés.

Je ne veux pas me retourner pour constater avec horreur
comme s'allonge vite l'obscure rangée,
comme augmentent vite les cierges éteints.
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Mer matinale
  
  
  
  
Qu’ici je m’arrête.
Et qu’à mon tour je regarde un peu la nature.
D’une mer matinale et d’un ciel sans nuages
les bleus resplendissants ; le jaune rivage.
Tout cela beau et baigné de lumière.

Qu’ici je m’arrête, pour me donner à croire
que je les vois, ces choses (ne les ai-je pas vues en arrivant ?),
elles, et non plus mes chimères,
mes souvenirs, les fantômes du plaisir.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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Si loin
  
  
  
  
Je voudrais l’évoquer, ce souvenir…
Mais il s’est effacé,
rien n’en reste pour ainsi dire
— C’est si loin,
c’est dans ma première adolescence qu’il repose.

Une peau qu’on eût dite de jasmin…
En cet août de jadis
— mais était-ce août ? —
le soir…
Quant aux yeux, c’est à peine…
Ils étaient bleus, je crois…
Ah ! oui, bleus…
bleu saphir.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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À la toute fin
  
  
  
  
En proie aux craintes et aux doutes,
l’esprit troublé et les yeux apeurés,
nous n’avons de cesse de chercher à échapper
à la certitude du danger, à sa terrible menace.
Nous faisons erreur, pourtant, car ce n’est pas lui
qui est là devant nous ; les messages étaient erronés
(ou bien nous n’avons pas entendu, ou les avons mal compris).
Voici qu’une autre catastrophe, que nous n’aurions pu imaginer,
fond soudain sur nous, brutalement, sans prévenir
— il est trop tard, maintenant — et nous emporte.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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Les Fenêtres
  
  
  
  
Dans ces chambres obscures où les journées me pèsent,
je tourne, je tourne çà et là cherchant les fenêtres.
Qu’il vienne à s’en ouvrir une, quel réconfort pour moi.
— Mais de fenêtres point, ou je ne sais pas les trouver.
Et peut-être est-ce mieux que je n’en trouve pas.
Peut-être la lumière serait-elle un nouveau supplice.
Qui sait quelles nouveautés elle révélera.


/Traduction du grec de Gilles Ortlieb et Pierre Leyris
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Constantin Cavafis
NICHORI



extrait 1

Étranger, quand tu verras un village où la nature est riante,
et où chaque platane abrite une jeune fille
aussi belle qu’une rose — alors arrête-toi, étranger ;
      tu es arrivé à Nichori.

Et si le soir venant, tu sors pour une promenade,
et rencontres sur ton chemin des noyers, ne poursuis pas
ton voyage. Où trouver ailleurs un endroit
      plus beau que Nichori.

Nulle part au monde les fontaines n’ont une telle fraîcheur,
les montagnes n’ont pas ailleurs la majesté de ses collines ;
et l’odeur de la terre suffira pour t’enivrer,
      si tu restes à Nichori.



/ traduit du grec par Dominique Grandmont
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Désirs

Beaux comme des morts qui n’ont point vieilli,
enfermés au milieu des larmes dans un mausolée splendide,
le front ceint de roses et jasmin aux pieds –
tels sont les désirs qui nous ont quittés
sans s’être accomplis ; sans qu’aucun n’atteigne
à une nuit de volupté ou à son lumineux matin.
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FENÊTRES

Dans ces chambres obscures où je passe
des jours tristes,
je marche de long en large cherchant les fenêtres. –
Quand il s’en ouvrira une ce sera une consolation. –
Mais il n’y a pas de fenêtres
ou alors c’est moi qui ne peux les trouver.
Il vaut peut-être mieux que je ne les trouve pas,
peut-être que la lumière sera un nouveau tourment.
Qui sait ce qu’elle révélera de nouveau ?

(p. 31 - traduction de Ange S. Vlachos)
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LES ÂMES DES VIEUX

Dans leurs vieux corps, usés
se tiennent les âmes des vieux.
Comme elles sont tristes, les pauvres
et comme elles s’ennuient de la vie misérable qu’elles mènent.
Comme elles tremblent de la perdre et comme elles l’aiment
ces âmes déconcertées, contradictoires
assises – tragicomiques –
dans leurs vieilles peaux ravagées.

(p. 29 - traduction de Ange S. Vlachos)
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En attendant les Barbares
1904


-Τι περιμένουμε στην αγορά συναθροισμένοι;
-Ensemble, qu’attendons-nous sur l’agora ?
Είναι οι βάρβαροι να φθάσουν σήμερα.
Aujourd’hui, il paraît qu’une bande de barbares bientôt déferlera.

*

-Γιατί μέσα στην Σύγκλητο μιά τέτοια απραξία;
-Pourquoi rien ne vient du Sénat ?
Τι κάθοντ’ οι Συγκλητικοί και δεν νομοθετούνε;
Pourquoi nos sénateurs ne légifèrent donc pas ?

*

-Γιατί οι βάρβαροι θα φθάσουν σήμερα.
– Car les barbares aujourd’hui arriveront.
Τι νόμους πια θα κάμουν οι Συγκλητικοί;
Quelles lois peut-on faire maintenant ?
Οι βάρβαροι σαν έλθουν θα νομοθετήσουν.
Les barbares à leur tour légiféreront.

*

-Γιατί ο αυτοκράτωρ μας τόσο πρωί σηκώθη,
-Pourquoi notre empereur s’est-il ce matin levé,
και κάθεται στης πόλεως την πιο μεγάλη πύλη
et est parti à la plus grande porte et s’est assis tout devant,
στον θρόνο επάνω, επίσημος, φορώντας την κορώνα;
sur le trône, avec sa tête couronnée ?

*

-Γιατί οι βάρβαροι θα φθάσουν σήμερα.
– Car les barbares arriveront aujourd’hui.
Κι ο αυτοκράτωρ περιμένει να δεχθεί
Et l’empereur attend de recevoir ici
τον αρχηγό τους. Μάλιστα ετοίμασε
avec les honneurs leur chef. Il a rédigé pour l’occasion
για να τον δώσει μια περγαμηνή. Εκεί
un parchemin à lui remettre. Là s’y trouvent les fonctions
τον έγραψε τίτλους πολλούς κι ονόματα.
et les titres des dignitaires.

*

-Γιατί οι δυό μας ύπατοι κ’ οι πραίτορες εβγήκαν
-Nos deux consuls et nos préteurs se sont présentés
σήμερα με τες κόκκινες, τες κεντημένες τόγες·
aujourd’hui accoutrés de leurs toges rouges brodées ;
γιατί βραχιόλια φόρεσαν με τόσους αμεθύστους,
les bracelets avec grande ostentation étaient par eux portés ,
και δαχτυλίδια με λαμπρά γυαλιστερά σμαράγδια·
et des anneaux avec des émeraudes brillantes par eux affichés ;
γιατί να πιάσουν σήμερα πολύτιμα μπαστούνια
des bâtons de valeur aujourd’hui sont présentés
μ’ ασήμια και μαλάματα έκτακτα σκαλισμένα;
d’argent et d’or extraordinairement sculptés ?

*

Γιατί οι βάρβαροι θα φθάσουν σήμερα·
Car ils arriveront aujourd’hui les barbares
και τέτοια πράγματα θαμπόνουν τους βαρβάρους.
et de telles choses impressionneront nos barbares.

*

-Γιατί κ’ οι άξιοι ρήτορες δεν έρχονται σαν πάντα
-Pourquoi ne viennent-ils pas comme toujours, nos orateurs de renom
να βγάλουνε τους λόγους τους, να πούνε τα δικά τους;
faire leurs propres sermons ?

*

Γιατί οι βάρβαροι θα φθάσουν σήμερα·
Car les barbares arriveront aujourd’hui
κι αυτοί βαριούντ’ ευφράδειες και δημηγορίες.
et leur éloquence et de leur sermon les ennuient.

*

-Γιατί ν’ αρχίσει μονομιάς αυτή η ανησυχία
-Pourquoi cette inquiétude d’emblée
κ’ η σύγχυσις. (Τα πρόσωπα τι σοβαρά που έγιναν).
et cette confusion. Que de personnes tracassées !
Γιατί αδειάζουν γρήγορα οι δρόμοι κ’ οι πλατέες,
Pourquoi les rues et les places se vident-elles si précipitamment,
κι όλοι γυρνούν στα σπίτια τους πολύ συλλογισμένοι;
et pourquoi tous rentrent-ils dans leurs maisons comme absents ?

*

Γιατί ενύχτωσε κ’ οι βάρβαροι δεν ήλθαν.
Cette nuit, en fait, les barbares ne sont pas venus.
Και μερικοί έφθασαν απ’ τα σύνορα,
Et certains, qui venaient de la frontière,
και είπανε πως βάρβαροι πια δεν υπάρχουν.
ont dit que les barbares n’existaient plus.

*

Και τώρα τι θα γένουμε χωρίς βαρβάρους.
Et maintenant, qu’arrivera-t-il sans les barbares ?
Οι άνθρωποι αυτοί ήσαν μιά κάποια λύσις.
Eux qui étaient une solution !
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AUTANT QUE POSSIBLE,


Et si tu ne peux pas mener la vie que tu veux,
essaie au moins de faire en sorte, autant
que possible: de ne pas la gâcher
dans trop de rapports mondains,
dans trop d’agitation et de discours.

Ne la galvaude pas en l’engageant à tout propos,
en la traînant partout et en l’exposant
à l’inanité quotidienne
des relations et des fréquentations,
jusqu’à en faire une étrangère importune.

1913
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Le point de départ (p. 200)
Ils l'ont accompli, ce plaisir
Interdit. Laissant le matelas, ils se sont levés.
En grande hâte, sans un mot, ils se rhabillent.
Séparément, ils sortent, en se cachant, et tandis
Qu'ils s'éloignent, assez inquiets, on dirait
Qu'ils redoutent qu'un je ne sais quoi ne dénonce
A quelle espèce de lits ils se sont laissés aller tantôt.

Néanmoins, la vie de l'artiste y a beaucoup gagné !
Demain, après-demain ou par-delà les années, seront composés
Des vers pleins de force dont le point de départ fut ici.

Version Grandmont : "Leur origine", p. 151.
Leur plaisir coupable vient de connaître
son assouvissement. Ils se sont levés du lit,
et s'habillent à la hâte, sans parler.
Ils sortent de la maison l'un après l'autre, furtivement ; et comme
ils marchent avec une certaine inquiétude dans la rue, on dirait
qu'ils redoutent que quelque chose sur eux ne trahisse
à quel genre d'amour ils viennent de céder.

Mais la vie de l'artiste n'a eu qu'à y gagner.
Demain, après-demain, ou des années plus tard, s'écriront
les poèmes brûlants dont l'origine était ici.
(1921)
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La ville (1910)

Tu as dit : « J’irai vers un autre pays, j’irai vers un autre rivage,
pour trouver une autre ville bien meilleure que celle-ci.
Quoique je fasse, tout est condamné à tourner mal
et mon cœur – comme celui d’un mort – gît enterré.
Jusqu’à quand pourrais-je laisser mon esprit se déliter en ce lieu ?
D’où que je me tourne, d’où que je regarde
je ne vois que les sombres ruines de ma vie, ici,
là où j’ai passé tant d’années, gâchant ma vie, détruisant ma vie.

Tu ne trouveras point d’autre pays, tu ne trouveras point d’autre rivage.
Cette ville te poursuivra toujours.
Tu traîneras dans les mêmes rues, tu vieilliras dans les mêmes les quartiers, et grisonneras dans mêmes maisons.
Toujours tu termineras ta course dans cette ville. N’espère point autre chose ;
il n’y a aucun bateau pour toi, il n’y a aucune route.
Maintenant que tu as dévasté ta vie ici, dans ce petit coin perdu,
tu l’as détruite partout dans le monde.
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Murailles, 1896.

Sans égards, sans pitié, sans honte, on a élevé autour de moi un triple cercle de hautes et solides murailles;
Et maintenant, je reste sur place, désespéré, ne pensant plus qu’au sort qui m’accable.
J’avais tant à faire au dehors !… Ah ! Comment les ai-je laissés m’emmurer sans y prendre garde ?
Mais je n’ai rien entendu : les maçons travaillaient sans bruit, sans paroles… Imperceptiblement, ils m’ont enfermés hors du monde.
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Tombeau du grammairien Lysias


Le savant grammairien Lysias est enterré
Juste à coté, à droite en entrant,
Dans la bibliothèque de Beyrouth.
L'endroit est idéal : Lysias est ainsi
Près des textes, des recueils d'annotations,
Des commentaires, des variantes, près des notes
Et des éditions grecques rares dont il a,
Peut-être, encore le souvenir, là où il est.
Sa tombe, ainsi, sera vue et saluée
Lorsque nous passerons pour aller vers les livres.

/Présentation et texte français par Henri Deluy/

p.31
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Chant ionien


Nous avons brisé leurs statues,
Nous les avons chassés de leurs temples :
Ils n'en sont pas morts, les dieux.
Ils te chérissent encore, terre d'Ionie,
Et leurs âmes se souviennent encore de toi.

Quand un matin d'août vient se poser
Sur toi, l'air frémit de leur présence ;
Et parfois, l'ombre éthérée d'un éphèbe,
Indistincte et rapide,
Passe sur tes collines.

/Présentation et texte français par Henri Deluy/

p.22
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