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EAN : 9782081274365
370 pages
Flammarion (31/08/2011)
3.65/5   30 notes
Résumé :
Adana, au sud de la Turquie, avril 1909. Rien ne pouvait annoncer le massacre perpétré par les étudiants d’Union et progrès. Toros Véramian, Diran Mélikian, Atom Papazian et leurs amis assistent impuissants à la montée de la haine et combattent comme ils peuvent...
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Arsand Daniel- Un certain mois d'avril à Adana- Flammarion (317 pages- 20€)

Dès la première page , le décor est planté: Adana au printemps, « ville paisible malgré les deux cultures » qui « ricanait,siestait,rêvait,grondait ». Toutefois le conflit couvait « Adana empestait le chrétien » et les indices qui vont ponctuer le récit( « Adana sera rouge, nettoyée de sa racaille ») ajoutent un degré supplémentaire dans l'escalade de l'angoisse, de la terreur et de l'horreur jusqu'aux affrontements, aux massacres et l'incendie: scènes d'exactions violentes et insoutenables, le narrateur ne nous épargnant aucun détails. Par sa façon de raconter l'indicible ( population décimée, dépouillée,caillassée, outragée, maisons mises à sac) l'auteur gifle le lecteur.
On suit les difficultés rencontrées par 3 familles dans leur quotidien, leurs frayeurs, leurs tentatives de fuite. C'est dans une nature lénifiante ( champs de coton, vergers) qu'elles trouvent l'apaisement ou dans la contemplation des cieux: « Des nuages gaufraient la voûte céleste d'un mauve cristallin ». le poète Diran, l'aède d'Adana chante l'amour interdit d'Aghanie et Yusuf dans un poème semblable à « une oriflamme, un diamant », soulignant l'intolérance des fanatiques. Il trouve son inspiration devant la nudité d'Hourig, parmi le frémissement des feuillages, « dans ce tremblement de la beauté ». le jardin des roses offre « un répit »à Vahan grâce au parfum dégagé « qui amollit la peur ». Les sévices (viol,sodomie) endurés par Hovhannès: « Six hommes l'avaient pénétré » sont dignes du gang des barbares. Les rumeurs colportées alimentent la panique. « La Cilicie devient une poudrière ». On croise des êtres tétanisés, en pleine déréliction. le suspense est à son paroxysme quand Yessayi (médecin) traque celui qui l'a trahi:Vahan ( orphelin recueilli par son oncle Atom, le joaillier)avec l'intention de le trucider. L'auteur focalise notre attention sur ce duo dont les liens se métamorphosent. Un épisode hallucinant réunit les deux protagonistes: l'agression de Vahan par une myriade de chats. Qui le délivra? Yessadi, à la « voix si maternelle ».Aussitôt disparu« qu'il lui manquait ,infiniment ».Vahan n'est plus l'ennemi à abattre, mais l'ami à sauver. Yessadi « l'assassin qui a renoncé au meurtre » va s'engager auprès de Toros et combattre aux côtés de Vahan. Revirement spectaculaire. Une mystérieuse attirance les a rapprochés. L'animosité a cédé sa place à l'amitié. Yessadi confie à Vahan la vérité :« Tu m'as trahi mais j'ai continué à t'aimer. Je t'aime , mon ami. Je n'ai pas pu te tuer, à cause de ce sentiment sans pareil » et formule des projets: « être ensemble jusqu'au bout, choisir l'exil ». Ils vont partager la même femme Chenorig. Les voilà unis par des liens indissolubles, prêts pour l'exil, avec toute la famille Papazian. On s'attache « à cette constellation que forment Vahan et Yessadi ».
Le 25 avril,les atrocités innommables se multiplient (mutilations,tabassage,émasculations, pendaisons,viols, lapidations),églises pillées, objets carbonisés, à en donner la nausée, à vous révulser. La pléthore de verbes, de phrases courtes,donne ce rythme syncopé, saccadé traduisant le carnage. de vrais héros, ces courageux et téméraires rescapés, Vahan et Arsinée,en partance pour l'exil,porteurs du « flambeau d'Adana », témoins et dépositaires de cette extermination.
Pour Vahan , le temps n'effacera pas leur amitié. le roman se clôt par une scène émouvante.
Vahan retrouve au cimetière la présence de ceux qu'il a aimés: la voix de Yessayi « fantôme et néanmoins charnel » et celle de Gladys l'invitant à une étreinte.

Daniel Arsand signe un récit polyphonique où se mêlent la voix du narrateur apostrophant le lecteur et celles des protagonistes. Il explique avoir choisi de raconter le génocide arménien en mémoire de son père. Il a confié aux mots le destin tragique et le traumatisme de plusieurs générations. Pour s'assurer de la véracité historique, Daniel Arsand signale s'être reporté à l'ouvrage de Zabel Essayan: Dans les ruines (Phébus). Il a su adoucir cette lecture éprouvante, où la barbarie ne connaît plus de limites, en y glissant de la beauté: « Hourig , drapée dans ce châle , en soie crème sur laquelle s'enchevêtraient des roses d'un bleu turquoise, des rémiges d'or, des astres en corolle, des ondulations pourpres, un éden ».De la poésie « De l'or poudroyait sur la plaine », de la sensualité( «  peaux emperlées de rosée,voyager en l'autre ne pas se rassasier, le désir pour sa femme ne le quittait plus » , de la douceur( des femmes),de la volupté, de la tendresse(des mères) et de l'amour en mettant en exergue la forte complicité tissée entre deux êtres devenus indissociables .
Écrire pour lutter contre l'oubli.



















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Avril 1909 à Adana, dans le sud de la Turquie. Une chaleur moite écrase l'ancien royaume arménien, la plaine fertile et ses champs de coton, la ville encore paisible où une sourde tension, pourtant, s'installe peu à peu. Certains chrétiens ne veulent, ne peuvent pas y croire - la vie ici est un fleuve au cours paisible que rien ne saurait détourner. D'autres s'inquiètent, devinent la violence qui lève lentement, éclatera bientôt. Les musulmans, quant à eux, ne se font déjà plus d'illusions - que ce soit pour saluer le feu qui dévorera les infidèles ou pour déplorer le massacre qui s'annonce, pour appeler à la guerre ou pour tenter d'épargner la paix.

Il y a là Diran Mélikian, poète dont les vers n'ont jamais chanté que la beauté du monde, son épouse bien-aimée et son ami, le turc Üzgür bey. Il y a Atom Parpazian, le joailler, son jeune fils tout en silences, il y a Vahan, le révolutionnaire maladroit, l'homme qui le cherche pour le tuer, qu'il a trahi et qui l'aime pourtant. Il y a des notables, des bergers et des artisans, des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards, des craintifs et des ardents - et bientôt, tous, ne seront plus que gibier, fuyant dans les décombres ou luttant, armes à la main, pour tenter de sauver ce qui peut l'être. Soit pas grand chose.

Avant que le gouvernement ottoman ne décide de régler pour de bon, en 1915, la question arménienne, les populations chrétiennes avaient déjà subi plusieurs flambées de violence meurtrière - massacres hamidiens entre 1894 et 1897, massacres d'Adana en avril 1909. Daniel Arsand (dont le père est né arménien à Istambul la même année) retrace ceux-là en une fresque poétique, très intimiste, dont le but est bien moins de dénoncer que de saisir l'âme, les désirs, les illusions et les peurs, de quelques personnages à l'instant où le destin s'apprête à basculer dans l'horreur.
Le résultat, succession de petits tableaux ciselés au détail près, est littérairement très abouti mais a eu longtemps du mal à retenir mon attention. Un peu trop fragmentaire pour moi, ce récit, trop peu de temps consacré à chaque personnage avant de basculer sur un autre, puis un autre encore, pour que je réussisse à me familiariser avec eux et me laisse vraiment toucher par leur sort. du moins pendant toute la première partie du roman. Par la suite, les pages qui évoquent le massacre proprement dit prennent une dimension dramatique puissante, presque épique parfois, qui recentre l'attention et peut difficilement laisser insensible.
Légère inadéquation, donc, plus que réelle déception, qui vient sans doute aussi d'un certain manque de concentration de ma part et nuance plus qu'elle ne remet en question mon intérêt pour cet écrivain.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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Avril 1909 à Adana, les communautés turques et arméniennes sont au bord de l'affrontement. Les autorités ne bougent pas est tout incident est propice à faire monter la tension. L'auteur s'attache à suivre plusieurs personnages de la communauté turque. Tous disent l'imminence du drame et tous sont impuissants. Dans cette chronique d'un massacre annoncé, peu de protagonistes vont s'en sortir, la plupart sont résignés à leur sort et la communauté internationale restera muette. Un magnifique roman sur le génocide arménien qui décrit l'enchaînement des événements jusqu'à l'horreur du massacre.
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Pourtant, le sujet me paraissait des plus intéressants, le conflit entre Turcs et Arméniens en 1909, avec l'issue dramatique que l'on connaît pour les Arméniens. le parti de situer le récit dans le cadre d'une petite ville, où les deux communautés vivent tant bien que mal côte à côte, me plaisait aussi. Des chapitres courts, avec différents narrateurs, cela était encore tout à fait pour me plaire.
Hélas, je n'ai pas du tout adhéré au style très poétique de l'auteur, aux nombreuses questions qui parsèment les témoignages, au changement de narration, au manque de dialogues identifiés. L'auteur passe du "tu" au "il", puis au "on", ce qui m'a perdue assez vite. Les personnages sont nombreux, mais manquent de chair, un trait rapide suffit à les décrire. J'ai aimé par contre quelques paysages, qui bien que décrit en peu de mots, prenaient aussitôt du relief : Des pistachiers verts, gris et bruns ponctuaient à intervalles irréguliers les artères principales des quartiers arméniens. Mais je me suis rendue compte au bout d'un moment que je ne retenais rien de ce qui se passait dans le livre, que je lisais pour en retenir seulement quelques images comme celle que je viens de vous recopier là... J'ai donc déclaré forfait, mais je vous assure, seulement après avoir plusieurs fois essayé de reprendre le fil.
La rencontre est manquée, mais je pense que ce livre pourrait plaire à d'autres plus férus de poésie que moi...
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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« Des anciens marmonnent qu'il n'est pas un agneau qui ne désire être un loup. C'est écrit dans le ciel. » La sentence tombe dès le début du roman de Daniel Arsand, plus encore, elle se fige pour l'éternité. Commence alors le récit de la haine ensevelie entre Turcs et Arméniens dont nous connaissons l'issue tragique. « Qui mutera le loup en agneau ? » Là est la problématique de ce magnifique et terrible roman. La montée en puissance de l'intolérance et de la violence, tout le destin d'une ville, Adana, vouée à sa perte réinventés par l'auteur à travers ses personnages dans une langue, comme à l'habitude, très belle. « Plus de roses ni de colombes dans le ciel. Ce qui était de pierre se changeait en paille ».
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critiques presse (4)
Telerama
09 novembre 2011
Après avoir détaillé l'horreur - sans voyeurisme -, Arsand montre des exilés solitaires ou sans désirs. Des vivants n'aspirant qu'à rejoindre leurs morts. Omniprésents autour d'eux...
Lire la critique sur le site : Telerama
Lexpress
24 octobre 2011
Daniel Arsand évoque les massacres d'Adana en 1909, prémices du génocide arménien de 1916 en Turquie, [...] grâce à lui, les enfants d'Adana ont des visages qui ne disparaîtront pas dans les cendres d'une ville détruite par la folie de certains hommes et l'indifférence de tous les autres
Lire la critique sur le site : Lexpress
Lexpress
10 octobre 2011
Daniel Arsand retrace les premiers massacres qui ont frappé les Arméniens. Une évocation bouleversante. […] Sa prose, au lyrisme tout oriental, à la fois fiévreuse et musicale, ensorcelle. Nous sommes ici et là-bas. L'Histoire ne se referme jamais.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LeMonde
23 septembre 2011
Son livre a quelque chose en commun avec certains romans arabes, pour le lyrisme, et avec le jazz, pour ses rythmes. Si bien que, même quand elle agace par ses préciosités, sa voix demeure unique, hors du temps. On ne peut pas dire de ce roman qu'il est classique ou moderne, il est à l'écart, voilà tout. Seul, sonore et intense.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Krikor paraissait agité.
Il expliqua aussitôt la raison de son trouble.
Aghavnie, la fille de Blakian, le boucher, avait été enlevée par Yusuf, le plus jeune fils de Suleyman bey, l’intendant d’Ahmet bey, le propriétaire terrien si connu. Blakian s’est juré de couper les couilles du rapteur. Adana est en effervescence. Les Arméniens traitent les Turcs de débauchés et les Turcs répliquent en traitant les Arméniens de semeurs de chaos. Les communautés sont aujourd’hui à couteaux tirés. La colère gronde.
Elle se résorbera.
L’optimisme est parfois un péché, Atom. Ne sens-tu rien, orfèvre ? Ne sens-tu pas que l’air d’Adana est empoisonné ?
Exagération.
Lucidité.
Nous verrons, nous verrons, Krikor.
On dit qu’ils s’aiment. Bon, je dois m’en aller, Atom. Nous reprendrons notre discussion plus tard . A demain.
Le jour baisse, dit Atom. Ohran bey n’est pas venu chercher le bracelet qu’il destine à sa femme ?
Non, père.
Fermons l’atelier, Dzadour. J’ai mal à la tête.
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Prier, anéantir, prier de nouveau.
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Le sang, vous vous en apercevez, est un bon engrais.
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Vidéo de Daniel Arsand
Au sommaire de ce (Book) club, deux romans intimes qui racontent l'homosexualité à travers des souvenirs et des adolescences hors des normes imposées.
Daniel Arsand est éditeur et écrivain, auteur de "Moi qui ai souri le premier" (Actes Sud, août 2022). Il y rassemble trois souvenirs de jeunesse où se jouent des événements violents qui pourraient raconter l'homophobie.
Guillaume Perilhou publie "Ils vont tuer vos fils" (L'Observatoire, août 2022), l'histoire de Guillaume, 15 ans, qui, pour vivre sa vie comme il l'entend, résiste au foyer, aux électrochocs et à l'hôpital psychiatrique.
L'occasion de revenir sur le lien de ces auteurs avec les littératures traitant de l'homosexualité et, plus généralement, des thématiques LGBTQIA+, et avec des librairies comme l'emblématique Les mots à la bouche, aujourd'hui située dans le 11e arrondissement de Paris.
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Thèmes : turquie , turc , littérature , cinema , humour , Appréciation , évocationCréer un quiz sur ce livre

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