Nouvel horaire pour l'émission "Le coup de coeur des libraires" sur les Ondes de Sud Radio. Valérie Expert et Gérard Collard vous donne rendez-vous chaque dimanche à 13h30 pour vous faire découvrir leurs passions du moment !
Retrouvez leurs dernières sélections de livres ici !
le Suppléant de Prince Harry aux éditions Fayard
https://www.lagriffenoire.com/le-suppleant.html
le procès du Père Noël: Condamnerez-vous le père Noël ? de Raphaël Costa aux éditions Enrick
https://www.lagriffenoire.com/le-proces-du-pere-noel-condamnerez-vous-le-pere-noel.html
La géopolitique, tout simplement: Comprendre le monde et les relations internationales de Anne Sénéquier et Pascal Boniface aux éditions Eyrolles
https://www.lagriffenoire.com/la-geopolitique-tout-simplement-comprendre-le-monde-et-les-relations-internationales.html
Age of Vice de Deepti Kapoor et Michèle Albaret-Maatsch aux éditions Robert Laffont
https://www.lagriffenoire.com/age-of-vice.html
Sambre : Radioscopie d'un fait divers de Alice Géraud aux éditions JC Lattès
https://www.lagriffenoire.com/sambre-radioscopie-d-un-fait-divers.html
Quatre heures, vingt-deux minutes et dix-huit secondes de Lionel Shriver aux éditions Pocket
https://www.lagriffenoire.com/quatre-heures-vingt-deux-minutes-et-dix-huit-secondes-1.html
À prendre ou à laisser de Lionel Shriver et Catherine Gibert aux éditions Belfond
https://www.lagriffenoire.com/a-prendre-ou-a-laisser.html
Les Gens de Mogador - Dominique (T1) de Elisabeth Barbier aux éditions Archipoche
https://www.lagriffenoire.com/les-gens-de-mogador-t.5-dominique-t.1.html
Hérétiques de Leonardo Padura aux éditions Points
https://www.lagriffenoire.com/heretiques.html
le bureau d'éclaircissement des destins de Gaëlle Nohant aux éditions Grasset
https://www.lagriffenoire.com/le-bureau-d-eclaircissement-des-destins.html
La Part des flammes de Gaëlle Nohant aux éditions Livre de Poche
https://www.lagriffenoire.com/la-part-des-flammes.html
Les sources de Marie-Hélène Lafon aux éditions Buchet-Chastel
https://www.lagriffenoire.com/les-sources.html
La Loi des hommes de Wendall Utroi aux éditions Livre de Poche
https://www.lagriffenoire.com/la-loi-des-hommes.html
Avec le monstre du placard, ça déménage ! de Antoine Dole et Bruno Salamone aux éditions Actes Sud Junior
https://www.lagriffenoire.com/avec-le-monstre-du-placard-ca-demenage.html
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Il regarde les yeux des autres garçons et finit par ouvrir la bouche.
- Où est on ? demande-t-il.
- Au Pendjab.
- On va où ? De la tête, l’un de ses compagnons indique un point au-dessus d’eux.
- Là-haut.
- Pour quoi faire ?
Le garçon détourne le regard.
- Pour travailler, lui répond un autre.
P.27
Il aime courir au milieu des arbres, jouer avec les chiens de ferme, s’asperger la figure d’eau froide, s’asseoir avec maman le soir à côté du feu. Et il découvre autre chose : il a plaisir à faire plaisir, il a plaisir à anticiper tout désir éventuel, pas seulement ceux de maman et papa, mais de tout le monde, des commis de ferme, des bêtes, des commerçants. Il ne s’agit pas seulement de faire plaisir, pas vraiment, ça ressemble davantage à une façon de panser une blessure, de contenir la marée, à un sacrifice pour abolir le traumatisme de sa naissance.
L’hiver se termine, le printemps approche, la neige fond et on ne va pas tarder à mener le bétail à la pâture. À la ferme, on lui montre les vaches, on lui apprend à donner du fourrage aux animaux, à curer leurs étables, à s’occuper de la traite, à attacher les bêtes au pré. Le matin, Ajay doit courir chercher deux pichets de lait pour la maison. Les commis descendront le reste afin qu’il en fasse du ghee ou qu’il le mette en bouteille pour le vendre.
Ajay accomplit toutes les tâches qui lui incombent, court après les étrangers, apprend le pendjabi et l’himachali en plus de son hindi, grappille des notions d’anglais, d’allemand, d’hébreu et de japonais, comble les preuves creuses de son existence, donne nom à une foule de choses, maman est gentille avec lui – parfois larmoyante, parfois cruelle –, mais elle s’emploie à lui apprendre à lire et écrire, à écrire son nom en anglais aussi.
Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est qu’Ajay n’était qu’un gamin de huit ans, mal nourri. Sachant à peine lire. Vigilant depuis le fond du fond de ses yeux. Sa famille était pauvre. Ravagée par la misère. Vivant au jour le jour dans une hutte, colmatée avec des herbes sèches et des morceaux de plastique, bâtie sur un monticule au-dessus de la plaine inondable près des roseaux à quenouilles à quelques jets de pierre du village.
Son corps s’inscrit dans l’âge adulte, alors que son psychisme est encore à la traîne quelque part, Ajay parfois enfant cherche sans relâche à ce qu’on ait besoin de lui plus que lui n’a véritablement besoin de quiconque. L’été, il dort seul la nuit dans sa chambre en écoutant les fêtes dans les vergers de pommiers, l’hiver en haut, à la chaleur de la cheminée.
Tous les jours, le gamin se rend à pied à l’école publique, une structure vieillissante et délaissée ; espoir déçu de béton sans portes ; fenêtres aux volets de bois fragmentés et criblés de trous ; pièces trop exiguës pour la multitude d’enfants morveux, cheveux peignés, cheveux huilés, aux uniformes décousus mais propres et luttant contre l’usure à tout-va.
Les femmes plaisantent sur son physique séduisant. « Ce n’est qu’une question de temps », dit l’une d’elles, et elles rigolent les unes des autres d’un air entendu. Curieux, le passage du temps. Curieux, ce corps. Mais Ajay n’est pas comme ça. Il n’a pas une once de malice et sait que le corps peut se révéler extrêmement précaire.
Quand quelqu’un a besoin d’un briquet, il accourt avec sa boîte d’allumettes, en frotte une et observe les rires. Il décide d’avoir toujours sur lui une boîte d’allumettes, où qu’il aille. Allume un chillum, une cigarette chaque fois qu’il en a l’occasion. Le Môme aux allumettes. C’est le surnom qu’ils lui donnent.
Il cherche à se rappeler le chemin pour rentrer chez lui. Dans l’après-midi, il se réveille sans se rendre compte qu’il a dormi et découvre une ville dotée de larges boulevards, de grands immeubles, de jardins débordants de fleurs éclatantes de couleurs, un monde rêvé, croit-il.