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Citations de Delphine de Vigan (4415)


“Et si c'était ça le bonheur, pas même un rêve, pas même une promesse, juste l'instant.”
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Elle m'attend dans le fauteuil.
Elle ne fait rien en m'attendant. Elle ne fait pas semblant de lire, de tricoter, ou d'être occupée.
Ici, attendre est une occupation à part entière.

Page 87, JCLattès, 2019.
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Depuis toute la vie je me suis toujours sentie en dehors, où que je sois, en dehors de l'image, de la conversation, en décalage, comme si j'étais seule à entendre des bruits ou des paroles que les autres ne percoivent pas, et sourde aux mots qu'ils semblent entendre, comme si j'étais hors du cadre, de l'autre côté d'une vitre immense et invisible. (p.19)
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J’ai remarqué sur son cou les traces du fond de teint qu’elle n’avait pas bien estompé et sur ses joues des rougeurs que le maquillage ne dissimulait plus. Le col de son chemisier était un peu élimé, et ses mains m’ont paru très abîmées pour son âge. C’était une femme que la vie n’avait pas épargnée. Une femme dont le rêve avait été piétiné et qui tentait de faire bonne figure.

Page 88, Jean-Claude Lattès, 2018.
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Les coups je les ai reçus et le secret je l’ai gardé jusqu’au bout. J’ai trente-huit ans et je n’ai pas d’enfant. Je n’ai pas de photo à montrer, ni prénom ni âge à annoncer, pas d’anecdote ou de bon mot à raconter.
J'abrite en moi-même, et à l’insu de tous, l’enfant que je n’aurai pas. Mon ventre abîmé est peuplé de visages à la peau diaphane, de dents minuscules et blanches, de cheveux de soie. Et lorsqu’on me pose la question – c’est-à-dire chaque fois que je rencontre une nouvelle personne (en particulier des femmes), chaque fois qu’après m’avoir demandé quel est mon métier (ou juste avant), on me demande si j’ai des enfants –, chaque fois donc que je dois me résigner à tracer sur le sol cette ligne à la craie blanche qui sépare le monde en deux (celles qui en ont, celles qui n’en ont pas), j’ai envie de dire : non je n’en ai pas, mais regarde dans mon ventre tous les enfants que je n’ai pas eus, regarde comme ils dansent au rythme de mes pas, ils ne demandent rien d’autre qu’à être bercés, regarde cet amour que j’ai retenu converti en lingots, regarde l’énergie que je n’ai pas dépensée et qu’il me reste à distribuer, regarde la curiosité naïve et sauvage qui est la mienne, et l’appétit de tout, regarde l’enfant que je suis restée moi-même faute d’être devenue mère, ou grâce à cela.
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Combien de temps faut-il pour être une femme comme ça, me demandais-je en observant L., comme j’avais observé des dizaines de femmes avant elle, dans le métro, dans la file d’attente des cinémas, aux tables des restaurants ? Coiffées, maquillées, repassées. Sans un faux pli. Combien de temps pour parvenir à cet état de perfection, chaque matin, et combien de temps le soir, pour les retouches, avant de sortir ? Quel genre de vie faut-il mener pour avoir le loisir de dompter ses cheveux en brushing, de changer de bijoux chaque jour, d’assortir et varier ses tenues, de ne rien laisser au hasard ? Aujourd’hui, je sais que ce n’est pas seulement une affaire de disponibilité, mais plutôt de genre, quel genre de femme l’on choisit d’être, si tant est qu’on ait le choix.
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Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois dans votre vie vous aviez réellement dit merci ? Un vrai merci. L'expression de votre gratitude, de votre reconnaissance, de votre dette.
À qui ?
Au professeur qui vous a guidé vers les livres ? Au jeune homme qui est intervenu le jour où vous avez été agressé dans la rue ? Au médecin qui vous a sauvé la vie ?
À la vie elle-même ?

Pages 11-12, JCLattès, 2019.
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Depuis longtemps je suis insomniaque, un mot qui finit comme maniaque, patraque, hypocondriaque, bref un mot qui dit que quelque chose se détraque...
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si on admet que par deux points on peut faire passer une droite et une seule; un jour je dessinerai celle-ci; de lui vers moi ou de moi vers lui. 
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L'anorexie ne se résume pas à la volonté qu'ont certaines jeunes filles de ressembler aux mannequins, de plus en plus maigres il est vrai, qui envahissent les pages des magazines féminins. Le jeûne est une drogue puissante et peu onéreuse, on oublie souvent de le dire. L'état de dénutrition anesthésie la douleur, les émotions, les sentiments, et fonctionne, dans un premier temps comme une protection. L'anorexie restrictive est une addiction qui fait croire au contrôle alors qu'elle conduit le corps à sa destruction. J'ai eu la chance de rencontrer un médecin qui avait pris conscience de ça, à une époque où la plupart des anorexiques étaient enfermées entre quatre murs dans une pièce vide, avec pour seul horizon un contrat de poids.
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Quand je serai vieille, je m'allongerai sur mon lit ou me calerai les reins dans un fauteuil et j'écouterai la musique que j'écoute aujourd'hui, celle qui passe à la radio ou dans les boîtes de nuit. Je fermerai les yeux pour retrouver la sensation de mon corps en train de danser. Mon corps délié, souple, obéissant, mon corps au milieu des autres corps, mon corps affranchi de tout regard, quand je danse seule au milieu de mon salon. Quand je serai vieille, je passerai des heures ainsi, attentive à chaque son, à chaque note, à chaque impulsion. Oui, je fermerai les yeux et je me projetterai mentalement dans la danse, dans la transe, je retrouverai un à un les mouvements, les ruptures, et mon corps épousera de nouveau le rythme, la mesure, au plus près de sa pulsation.
Quand je serai vieille, si je le suis un jour, il me restera ça. Le souvenir de la danse, les basses qui cognent dans le ventre, et l'ondulation de mes hanches.

Page 96, JCLattès, 2019.
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Quand je vais rendre visite à Michka, j'observe les résidentes. Les très très vieilles, les moyennement vieilles, les pas si vieilles, et parfois j'ai envie de leur demander : est-ce que quelqu'un vous caresse encore ? Est-ce que quelqu'un vous prend dans ses bras ? Depuis combien de temps une autre peau n'est pas entrée en contact avec la vôtre ?
Quand je m'imagine vieille, vraiment vieille, quand j'essaie de me projeter dans quarante ou cinquante ans, ce qui me paraît le plus douloureux, le plus insoutenable, c'est l'idée que plus personne ne me touche. La disparition progressive ou brutale du contact physique.
Peut-être que le besoin n'est plus le même, que le corps se rétracte, se recroqueville, s'engourdit comme lors d'un long jeûne. Ou peut-être qu'au contraire il crie famine, un cri muet, insoutenable, que plus personne ne veut entendre.

Page 95, JCLattès, 2019.
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Oui, j’étais peut-être une mouette engluée par la marée noire, mais aujourd’hui je ressemble étrangement au corbeau de l’histoire que me racontait ma grand-mère, ce volatile grossier au plumage d’ébène qui rêvait d’être un oiseau blanc. Car ainsi se poursuit la fable : l’oiseau se roule d’abord dans le talc, puis dans la farine, mais le subterfuge est de courte durée et ne pas à s’évaporer. Ainsi, il se trempe tout entier dans le pot de peinture blanche, duquel il reste prisonnier. Je suis cet oiseau noir qui voulait devenir blanc et qui a trahi les siens. Je me croyais plus maline. Je me croyais capable d’imiter le chant des tourterelles. Mais moi aussi j’ai perdu l’usage de mes ailes, et là où je suis, il est inutile de se débattre.

Page 167, Jean-Claude Lattès, 2018.
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Elle ne veut pas guérir parce qu’elle ne sait pas comment exister autrement qu’à travers cette maladie qui l’a choisie, cette maladie dont on parle dans les journaux et les colloques, une quête aveugle et obscure qu’elle partage avec d’autres, complices anonymes et titubantes d’un crime silencieux perpétré contre soi.
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On croit toujours qu'on a le temps de dire les choses, et puis soudain c'est trop tard.
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Je suis orthophoniste. Je travaille avec les mots et avec le silence. Les non-dits. Je travaille avec la honte, le secret, les regrets. Je travaille avec l'absence, les souvenirs disparus, et ceux qui ressurgissent, au détour d'un prénom, d'une image, d'un parfum. Je travaille avec les douleurs d'hier et celles d'aujourd'hui. Les confidences.
Et la peur de mourir.
Cela fait partie de mon métier.
Mais ce qui continue de m'étonner, ce qui me sidère même, ce qui — encore aujourd'hui, après plus de dix ans de pratique — me coupe parfois le souffle, c'est la pérennité des douleurs d'enfance. Une empreinte ardente, incandescente, malgré les années. Qui ne s'efface pas.

Page 115, JCLattès, 2019.
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Delphine de Vigan
La nuit, quand on ne dort pas les soucis se multiplient, ils enflent, s’amplifient, à mesure que l’heure avance les lendemains s’obscurcissent, le pire rejoint l’évidence plus rien ne parait tranquille. L’insomnie est la face sombre de l’imagination.
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L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser les questions et d'interroger la mémoire.
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« Nous rions, nous trinquons. En nous défilent les blessés,
Les meurtris ; nous leur devons mémoire et vie. Car vivre,
C'est savoir que tout instant de vie est rayon d'or
Sur une mer de ténèbres, c'est savoir dire merci. »
François Cheng, Enfin le royaume

« Où vont les mots Ceux qui résistent
Qui se désistent
Ceux qui raisonnent
Et empoisonnent ? [o..
Où vont les mots
Ceux qui nous font et nous défont
Ceux qui nous sauvent
Quand tout se sauve ? »
La Grande Sophie

Page 7, JC Lattès, 2019.
Citations en exergue du roman.
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Moi quand j'avais trois ou quatre ans je croyais que l'âge s'inversait. Qu'à mesure que je grandirais, mes parents deviendraient petits. Je m'imaginais déjà debout dans le salon, les sourcils froncés et l'index levé, dire non non non avec une grosse voix, vous avez mangé assez de Nutella.
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