"Le sucre ne sert à rien quand c'est le sel qui manque."
Un proverbe Yiddish qui vient à point pour dire tout le plaisir de cette lecture...le sucre et le sel de cette histoire.... les deux sont réunis pour nous parler de la grande Histoire du Japon.
Ces dorayaki sont ces petites douceurs que s'offrent les gamines sur le chemin de l'école en allant les acheter dans le kiosque Doraharu. Ce sont des pâtisseries japonaises fourrées avec une pâte de haricots rouges.
Mets inconnu sous nos cieux, ces petits dorayaki m'ont, comme ce roman, mis l'eau à la bouche.
Sentarô Tsujii passe ses journées à confectionner ces pâtisseries...des journées sans âme et sans passion : il fabrique ces gâteaux en utilisant des ingrédients industriels décongelés, bien éloignés de cette tradition culinaire japonaise.....et les invendus sont mis à profit dans les recettes du lendemain. Pas de petite perte, pas de petit profit ! Après tout pourquoi se crever ? Il n'est que le gérant de cette boutique posée sur un trottoir, et appartenant à une veuve peu sympathique....gérant, non par choix de vie, mais pour rembourser une dette morale.
Un petit bout de vieille femme lui propose, un jour, de se faire embaucher et la vieille femme va même jusqu'à négocier une rémunération bien inférieure à celle proposée sur le panneau d'affichage...jour après jour, elle insiste...elle veut travailler !
Non madame , vous êtes trop vieille pour travailler..!
Il cède, sans informer la propriétaire, et Tokue Yoshii, la vieille femme menue, lui apprend ce que sont les vrais dorayaki, réalisés selon une recette ancestrale et traditionnelle à base de haricots sélectionnés, de passion pour le travail bien fait, de patience, d'huile de coude et de respect des traditions.
Et alors le roman éclate...on ne va quand même pas me parler de ces pâtisseries pendant plus de 200 pages !
Le roman part d'un détail, se centre autour des doigts de Madame Tokue Yoshii, pour nous faire découvrir un pan de l'histoire du Japon, de son histoire contemporaine, un pan dont j'ignorais l'existence, et qui, comme de nombreux pans d'histoire démontrent l'ignominie des mesures écartant les malades, les handicapés..
Je n'en dirai pas plus..
Le sucre s'est transformé en sel, celui qui fait mal aux papilles, celui qui gâche l'image, qui fait repousser l'assiette...Tout grand pays doit affronter ses âges de honte....mais vous ne repousserez pas l'assiette.
Vous en redemanderez et comme moi sans doute vous chercherez à en savoir plus.
"Les délices de Tokyo" m'a fait découvrir une période de honte du Japon, derrière une petite histoire qui était presque fleur bleue, insignifiante, dans ses premières pages.
Un délice sucré-salé, un coup de coeur !
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