Citations de Élise Fischer (188)
"Contre l'imprévisibilité contre la chaotique incertitude de l'avenir, le remède se trouve dans la faculté de faire et de tenir des promesses."
La guerre est laide, je suis bien placé pour le savoir. Au bout des fusils ne pousse aucune fleur, sauf celles de la désolation, des fleurs de chagrin couleur de ténèbres.
Je sais que la terre de Verdun n'en finit pas de trembler. Que les obus pleuvent sans cesse. Que les morts se comptent par milliers. Personne ne peut imaginer ce que vivent les poilus dans les tranchées. Verdun et les alentours ne sont plus qu'un immense champ de bataille, un bourbier horrible. Et ma fille s'y trouve...
Parfois, je me demande à quoi ressemblera l'après-guerre. Plus rien ne pourra être comme avant. Quand on a assisté à l'anéantissement, quand on a vu ce qu'était la nature humaine ravalée au rang de chairs sanguinolentes, quand on a entendu : "Un soldat doit tuer pour ne pas être tué", on se pose mille questions. Mille questions qui demeurent sans réponse. Qu'est-ce que vivre et peut-on encore oser vivre avec du sang sur les mains? Où va-t-on?
Que de guerres! Celle de Trente Ans a saigné la Lorraine et l’Alsace à blanc. Mon Dieu, gémissait Eulalie, que de misères pour les pauvres gens! Les mercenaires, des Suédois employés par Richelieu, s’en sont donné à cœur joie. Sur leur étendard figurait une horrible devise: "Tuez-les tous!" Ces habitants de l’Est qui valaient moins que des chiens. Comme s’ils étaient galeux… C’est comme je te le dis, ma petite Henriette. Nous n’étions que des barbares tout juste bons à être donnés aux cochons ou jetés dans l’étang. Deux siècles plus tard, tu vois, ma fille, on s’en souvient encore. Ce cardinal nous a fait tellement souffrir. On s’est raconté toutes ces histoires, le soir, au coin du feu, pour ne pas oublier. Souviens-t’en et parles-en à tes enfants! C’est notre histoire. Il ne faut pas qu’elle se perde.
On aimerait que le temps passe plus vite et qu'il permette ainsi à ce conflit de finir. Le temps glisse avec trop de lenteur malgré la fureur des événements. L'attente, c'est toujours long.
Trop long.
On rêve au jour de paix. On rêve à un printemps qui se lèverait sur un avenir purifié, exempt de tout risque. Les oiseaux pourraient se remettre à chanter, les papillons oseraient sortir de leurs chrysalides, les filles se remettraient à tourner dans les bras de leurs amoureux...
Vienne ce jour!
A quoi songe-t-on après presque cinquante ans de vie commune quand survient une séparation qui augure le passage de la mort ?
Il est des vérités trop brutales, tout aussi meurtrières que des mensonges.
Ma fille s' est insurgée. Elle trouve toujours injuste que le milieu social soit un frein à l'expression quelle qu'elle soit. Je partage son opinion. Combien d'êtres humains, parce qu'ils naissent du mauvais côté de la rive, n'auront jamais le droit à la possibilité d'exister, de créer et d'être reconnus ? Mais c'aura été encore plus dur pour les femmes de mon époque. Elles auront été niées, obligées de se taire, de se couler dans le moule de l'épouse et de la mère et d'étouffer ainsi leur raison d'être.
Lorsque je repose le combiné du téléphone sur son socle, malgré la chaleur du mois d'août, j'ai froid, terriblement froid. Du même froid qui vous étreint dans les cimetières lorsque le corps d'un être aimé et retourné à la terre. On a toujours froid dans les cimetières, même au cœur de l'été.
A Villey-Saint-Etienne, petit village des bords de la Moselle, chaque année au matin de Pâques, a lieu une grande distribution de vin ?
[...]
– En quoi consiste-t-elle exactement cette tradition pascale ? a demandé Jeannot.
– Chaque famille reçoit sa bouteille de vin, issu du vignoble local... Tout cela selon les vœux d'une famille de notables, les époux Davignon, formulés en 1634 !
Je réalise tout à coup que, préoccupée par papa, j'ai peut-être délaissé maman. On accompagne la personne malade et on oublie ses proches. Chaque parole, chaque pensée est tournée vers ce lit d'hôpital où un homme, un époux, un père, gît, sanglé, relié à un semblant de vie par des machines sophistiquées qui stimulent et prennent le relais des fonctions défaillantes. Mais comment aider son épouse, comment relier son cœur à elle à celui de cet homme ?
C'était peu après la mort de Louise. Clémence était perturbée et hésitait entre l'édition et le travail du bois. Elle disait avoir besoin de se colleter à la matière, à du concret pour ne pas sombrer. mais abandonner l'écriture, elle ne le pouvait pas non plus. Les lettres, les mots, les phrases font naître la musique de l'humain.
On se croit forte et on est si vulnérable.
En zone libre, il n’y a pas de couvre-feu. Mais la prudence reste de mise. Nous sommes tous sonnés, sidérés. Qui pouvait croire que la France serait à genoux face à l’Allemagne. Quelle humiliation !
L'amour n'est pas prison, mais cadeau.
Entre tous les arts, je n'en sais pas de plus aventureux, de plus incertains et donc de plus nobles que les arts qui invoquent le feu...
Leur enfant est né.
Tout va pour le mieux.
Enfin, presque.
Qu'on ne lui parle plus jamais de la grandeur de la France !
Et surtout pas des valeureux combattants !
Très tôt, Clémence avait su ce qu'était vivre dans la lumière. Il lui avait suffi d'observer sa mère aspirée par les feux de la rampe. Un attrait tel qu'elle ne voyait plus rien, pas même sa fille qui devait se contenter de l'ombre. Clémence n'en éprouvait aucune jalousie, c'était ainsi.
Celui qui écoute aux portes et lit un courrier qui ne lui est pas destiné écoute et lit sa propre honte.