Citations de Elizabeth Jane Howard (375)
" Belle journée" cria t-elle, [ au jardinier ] et il toucha son front en signe d'acquiescement. Belle pour certains, songea-t-il.
« Elle avait pris un bain et elle était toute fraîche ; sa peau sentait le géranium rosat. Il se rendait compte que ses charmes le touchaient , non de manière sensuelle , mais par le caractère poignant de leur fidélité » ...
« Il regarda apparaître la fossette si affriolante sous sa pommette droite, et la rejoignit ,ôtant le kimono de ses épaules .
Fraîche comme l’albâtre, chatoyante comme les perles ,sa peau avait la chaude blancheur des roses.
Ces pensées , il les eut, mais il s’abstînt de les formuler ; l’adoration profonde qu’il avait pour elle ne pouvait être énoncée; quelque part , il savait que l’image de Zoë et sa personne ne se confondaient pas, et il ne pouvait s’accrocher à l’image qu’en dissimulant sa fascination .... »
L'avantage à l'aéroport de Londres, c'est que tout le monde est aussi prévenant qu'avant une opération, ce qui est d'autant plus agréable qu'on ne va pas en subir une.
Je ne veux pas faire le bien, je veux qu'on m'en fasse.
« Alors je me suis dit que si je restais jusqu’à l’automne, vous auriez tout le temps de trouver une personne compétente. Je ne voudrais surtout pas vous laisser en plan. » Dans le silence qui suivit, elle chercha et découvrit un petit mouchoir de dentelle blanc dans la manche de son cardigan et se moucha avec autant de discrétion que d’inefficacité.
Il se souvint alors des propos réconfortants qu’il avait tenus à des soldats grièvement blessés – ceux qu’ils réussissaient à aller chercher la nuit sur ou derrière les barbelés ; des mensonges obligés, auxquels aucun ne croyait, mais que la plupart voulaient entendre. Ces hommes qui étouffaient dans la boue, empuantis par leurs propres excréments, aphones après une journée à crier pour avoir de l’eau, de l’aide, ou pour que tout ça s’arrête. Ils achevaient d’une balle, qu’ils tiraient à tour de rôle, ceux dont il fallait abréger les souffrances ; les quelques autres étaient hissés, hurlant, sur des brancards, afin de pouvoir au moins mourir au milieu de leurs camarades. Il avait souvent vomi après avoir rempli ce genre de mission…
« : Tu es d’accord , n’est ce pas ?
Les gens ont partagé davantage de choses—- en particulier des choses atroces , comme les bombardements , les séparations, le rationnement , et les hommes qui se sont fait tuer….
—— C’est vrai, la vieille arrogance a disparu , dit Sid …. n’ empêche , elle reviendra très vite sans un gouvernement travailliste » ….
On se connaissait beaucoup moins bien que les autres l’imaginaient, et c’était pourtant sur soi qu’il fallait se pencher pour réfléchir aux personnages d’un roman. Sans doute parce qu’on ne pouvait jamais être sûr de bien saisir les sentiments des autres à moins de réussir à se mettre dans leur peau. Ce qui signifiait en conséquence puiser en soi ; c’était un labyrinthe dans lequel elle se perdait, mais qui l’intéressa beaucoup.
Cet endroit ressemble de plus en plus à une île déserte, en beaucoup moins excitant que ne le seraient toutes les îles désertes.
Après avoir changé de chaussures, s'être rafraîchi et servi un whisky soda, il s'assit pour écouter les informations de dix-huit heures. Elles étaient encore plus déprimantes que prévu.
Les femmes savaient que c'était les hommes qui dirigeaient le monde, possédaient le pouvoir et, corrompus par lui, se battaient à la moindre occasion pour en acquérir davantage, tandis que l'injustice était omniprésente dans leur vie à elles. Il n'y avait qu'à voir ses soeurs vieilles filles. Comme pour elle, l'éducation qu'elles avaient reçue visait exclusivement le mariage, mais même cette carrière- là, la seule estimée convenable par la gent masculine, signifiait la dépendance vis-à-vis de l'homme qui, peur-être, les choisirait, homme qui, dans le cas de ces malheureuses Dolly et Flo, ne s'était jamais présenté.
P 433 Quai Voltaire
« Je doute que les femmes soient autorisées à occuper des postes intéressants , avait objecté Clary.
Elles ont le droit de se faire tuer à la guerre, mais pas celui de tuer elles- mêmes.
Une injustice de plus .
La question n’est pas là. La question, c’est que si les femmes avaient la même responsabilité que les hommes s’agissant de guerre , il n’y aurait sans doute pas de guerre .
Voilà mon avis » …..
... d'après mon expérience les gens n'apprécient les excentriques que quand ils sont morts ou alors à bonne distance. On est content qu'ils existent - comme les girafes ou les gorilles - mais il est rare qu'on en veuille sous son toit.
Pas étonnant qu'il soit difficile d'observer des animaux sauvages : il fallait patienter une éternité. Les animaux savaient que les gens étaient épouvantables et avaient l'intelligence de les fuir.
Mais au fil des années, des années de douleur et de dégoût pour ce que sa mère avait appelé un jour « le côté horrible de la vie conjugale », des années de solitude remplies d’occupations futiles ou d’ennui absolu, de grossesses, de nounous, de domestiques et d’élaboration d’innombrables menus, elle avait fini par considérer qu’elle avait renoncé à tout pour pas grand-chose. Elle était parvenue à cette conclusion par de petites étapes dont elle avait à peine conscience, comblant chaque fois son insatisfaction au moyen de quelque nouvelle activité qui, vu sa nature perfectionniste, ne tardait pas à l’accaparer. Mais dès qu’elle avait maîtrisé l’art, le savoir-faire ou la technique que requérait l’activité en question, elle s’apercevait que son ennui était intact et se bornait à attendre le moment où elle cesserait de s’amuser avec un métier à tisser, un instrument de musique, une philosophie, une langue, une œuvre de charité ou un sport, et se retrouverait confrontée à l’absurdité essentielle de son existence. Ainsi privée de divertissement, elle retombait dans une sorte de désespoir chaque fois qu’une occupation la trahissait, échouant à lui procurer la raison d’être qui avait été le motif initial pour lequel elle avait embrassé ladite occupation. Le désespoir était le nom qu’elle donnait intérieurement à son état ; ses souffrances jamais divulguées, s’apparentaient à une serre peuplée d’espèces exotiques dénommées tragédie, abnégation, cœur brisé et autres ingrédients héroïques censés composer son martyr secret. Etant donné qu’elle se voyait comme un être totalement distinct du reste du monde, elle ne pouvait avoir aucune amie assez proche pour renverser ce regrettable état de choses. Mais ayant elle-même largement dépassé le stade du vulgaire malheur, elle savait le reconnaître chez d’autres, et faire preuve envers eux d’une réelle bienveillance aussi active qu’efficace. On aurait dit quelqu’un qui souffrait d’un lumbago et faisait de bon cœur la vaisselle pour quelqu’un qui souffrait d’une migraine.
L'angoisse du voyage de retour n'arrête pas de rebondir vers moi puis de s'éloigner de nouveau ; elle vient juste de me revenir, telle une balle agaçante, à la fois idiote et impossible à éviter. Il y a une énorme différence entre savoir ce qu'il faut faire et le faire, et je suppose que l'on passe la plus grande partie de sa vie dans cet entre-deux.
D'après Dorothy, les gens devaient avoir envie de thé ; s'ils le refusaient, c'est qu'ils ne savaient pas ce qui était bon pour eux, étaient malades et avaient plus que jamais besoin de thé.
Je suis un petit homme qui craint que les meilleures années de sa vie soient passées pendant qu'il avait le dos tourné.
Tu n’arrêtes pas de me juger ! s’était-elle écriée.
— Toi aussi, avait répliqué Nora. Tout le monde juge tout le monde. En plus, je ne suis pas sûre que ce soit vraiment juger ; c’est plus une façon de comparer quelqu’un à des normes. Je le fais tout le temps pour moi, avait-elle ajouté.
— Et, bien sûr, tu es toujours à la hauteur.
— Pas du tout ! » L’innocente protestation avait fait taire Louise. Mais ensuite, en regardant les épais sourcils broussailleux de son amie et l’ombre légère, quoique indéniable, d’une moustache au-dessus de sa lèvre supérieure, elle s’était aperçue qu’elle se réjouissait de ne pas ressembler à Nora, et que ça, c’était une forme de jugement. « Je juge que tu es une bien meilleure personne que moi », avait-elle dit, sans ajouter qu’elle préférait malgré tout être elle-même.