AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Emmanuel Ruben (146)


Qui parle de Jérusalem, qui écrit sur Jérusalem, qui marche dans les rues de Jérusalem, sait qu’il lui faut renoncer à distinguer de façon catégorique la part de fiction mythologique et la part de vérité historique. Impossible, à propos de Jérusalem, de se résoudre à une seule version des faits, impossible de toucher du doigt une réalité qui serait totalement débarrassée de sa gangue de légendes. La dichotomie biblique entre une Jérusalem terrestre et une Jérusalem céleste est à l’origine d’une situation paradoxale et mortifère : en aucun lieu de la terre l’imaginaire et le réel ne sont à ce point imbriqués que dans les pierres de la Ville sainte. En aucun lieu de la terre, l’imagination humaine n’a nourri et envenimé à ce point le réel, et nulle part l’enchaînement des faits n’a bafoué avec une telle violence les promesses de l’imaginaire. Si la ville existe au ciel et sur terre, tout se passe comme si cette double existence avait un prix et tout indique que les hommes n’ont pas fini de verser ce trop lourd tribut exigé par un Dieu jaloux de devoir partager son berceau. La glorification de la Jérusalem céleste s’est toujours faite au détriment des habitants de la Jérusalem terrestre : leur histoire n’est qu’une longue suite de sièges, d’exils, de carnages et leur situation actuelle, au regard de cette histoire tragique, pourrait passer pour un moment de répit s’il n’y avait chaque jour des indices qui nous font craindre le pire pour les années à venir.
Commenter  J’apprécie          30
Je crois même, que je cherchais à le perdre, mon temps : je me disais naïvement que chaque heure perdue, ce pouvait être une impression de gagnée, voire une personne de rencontrée.
(p..20)
Commenter  J’apprécie          30
Emmanuel Ruben
... Samuel a demandé un plan de la ville à la reception. Mais il a compris, aux yeux écarquillés du receptionniste, que Constantine, comme la plupart des villes arabes, se passait de plan ; il lui faudrait se fier à son instinct geographique, à sa chance, à son sens de l'orientation et à l'obscur sentiment des origines.
Commenter  J’apprécie          20
Mais il est important de sonder le passé, de faire parler les aînés, car, comme le rappelle souvent l'oncle Joseph, un proverbe algérien dit que celui qui ne sait pas d'où il vient ne sait pas non plus où il ira.
Commenter  J’apprécie          20
Ils se chamaillaient à propos de la Kahina, Djamila prétendant que cette princesse païenne ne s’était jamais convertie au judaïsme, Samuel niant le fait qu’elle aurait supplié ses fils de se convertir à l’islam. Djamila racontait le départ de sa famille en 1997, la pire année de la guerre civile, elle avait alors neuf ans, l’installation à Saint-Étienne, sa passion pour le théâtre, sa réussite au Conservatoire après deux ans de prépa ; Samuel racontait Grenoble et le lycée Champollion, puis la fac de géo à Lyon.
Commenter  J’apprécie          20
Je sais ce que tu vas dire, une Arabe… Ou une musulmane. Mais je ne suis pas arabe ni musulmane, Samuel. Comme la plupart des Algériens, je suis berbère.
Commenter  J’apprécie          21
Odessa la bariolée me ramène toujours en pensée à Marseille : c’est une ville que le visiteur adore ou qu’il abhorre, pas de place ici pour les tièdes et les mous, soit vous tombez raide dingue dès les premiers pas, soit ça ne prendra jamais ; on est odessite comme on est marseillais, fier de l’être et jaloux de devoir la partager.
Commenter  J’apprécie          20
Vlad a l'habitude de dire que, dans le fond, presque tous les hommes, pris individuellement, sont bons, que les vraies crapules sont assez rares et que ça vaut la peine de causer même avec un facho, même un facho a toujours un truc à vous apprendre ; selon lui, ce qui fait la connerie du monde, c'est la masse, ce sont les hommes agglutinés les uns aux autres et qui se croient puissants car ils font corps.
Commenter  J’apprécie          20
"Ce sera ma vanité. Vanité propre à toute mission qui s'arroge indûment un pouvoir de démiurge, puisque le démiurge, l'inventeur des mondes, est celui, d'abord et avant tout, qui départage les pays, trace des limites."
Commenter  J’apprécie          20
un bon vélo comme un bon livre doit servir à retrouver sa respiration (p.12)
Commenter  J’apprécie          20
À l’aéroport d’Odessa, seul un militaire armé d’une dague et d’un revolver nous rappelle que nous avons atterri dans un pays en guerre. Je le toise de la tête aux pieds. C’est la deuxième fois que je reviens en Ukraine depuis l’Euromaïdan et chaque fois je me demande comment cette armée de soldats mal fagotés, équipés à la va-comme-je-te-pousse, pourra se défendre contre la Russie de Poutine, la troisième puissance militaire du monde. Tous les hommes croisés dans le hall de l’aéroport me demandent si j’ai besoin d’un taxi, alors je désigne la grande boîte en carton que je traîne derrière moi et je dis :
– Velosiped !
– Quoi, un Français venu jusqu’ici avec une bicyclette en pièces détachées ?
– Mais pour aller où ? Jusqu’à Vladivostok ou jusqu’à Sakhaline ?
– Jusqu’à Strasbourg, messieurs.
– Vous avez à peine foutu les pieds ici que vous rebroussez chemin ? Tous ces efforts pour rentrer au bercail ?
– Non, tous ces efforts pour remonter le Danube, messieurs.
– Vous allez rouler à contresens de Napoléon, d’Hitler et de l’expansion européenne, mon pauvre ami ! Et vous avez bien raison quand on pense comment toutes ces aventures ont terminé : la bérézina vous pend au nez !
Oui, c’est pour traverser l’Europe à rebrousse-poil que nous avons débarqué dans cet ancien port russe puis soviétique, aux avenues tracées au cordeau par un Français, et qui n’a d’ukrainien que la langue écrite, celle qui se lit partout mais ne s’entend nulle part, tout le monde parlant, bien sûr, le russe. Oui, nous sommes venus remonter les flots danubiens, tels des Argonautes des temps modernes, des bouches de la mer Noire aux sources de la Forêt-Noire. Pour pédaler à contre-courant des vents dominants et de la plupart de nos congénères. Avec pour horizon un rêve d’enfance enfoui parmi les neiges et les épicéas du Wurtemberg. Mais pour l’instant : chut ! pas question de dévoiler ce qui nous attire là-bas car dans un roman d’arpentage, où l’on devine déjà le début et la fin de l’histoire, il faut bien ménager un peu de suspens.
Commenter  J’apprécie          20
En quittant la plage au coucher du soleil, (...) je pense aux enfants qui ne peuvent plus voir la mer pourtant si proche ; je pense aux enfants de Kalkilya, de Tulkarem, de Qibiya, qui n'ont plus d'autre horizon que la grande muraille de béton.
Commenter  J’apprécie          22
C’est en retournant me baigner que je comprends : la mer et le soleil n’appartiennent à personne, ni aux Palestiniens, ni aux Israéliens, ni aux Juifs, ni aux Arabes, or c’est ce pays que je voudrais adopter : la mer allée avec le soleil. J’ai horreur de l’expression citoyen du monde utilisée à tout bout de champ pour parler des grands voyageurs – car elle suppose, primo que le monde existe, et secundo que nous pouvons l’embrasser dans son ensemble et sans embûches, bref elle pue l’humanisme nigaud des mondialisateurs sans frontières. Mais pourquoi ne pas se considérer, plus modestement, comme frère du soleil, frère de la mer, frère des dunes et des nuages ? Je comprends soudain Romain Gary, le moins franchouillard mais le plus chauvin de nos écrivains, qui se moquait volontiers de ses lecteurs en racontant comment il avait inventé de toutes pièces sa promesse de l’aube mais qui n’aurait jamais troqué sa vraie mère juive et son passeport trafiqué contre un permis de voter et de verser son sang délivré par des rabbins sourcilleux : si sa grande trilogie romanesque s’intitule Frère Océan, ce n’est pas pour les chiens.
En quittant la plage au coucher du soleil, lequel a suspendu tous les gestes et stoppé les joggeurs – arrêt sur image dans le film Israël -, je pense aux enfants qui ne peuvent plus voir la mer pourtant si proche ; je pense aux enfants de Kalkilya, de Tulkarem, de Qibiya, qui n’ont plus d’autre horizon que la grande muraille de béton.
Commenter  J’apprécie          20
Ce livre n’est pas un roman ni un récit de voyage. C’est un témoignage ou un reportage ; c’est un journal de débord ou un carnet de déroute ; c’est le journal d’un géographe défroqué que la géographie rattrape dans son apostasie ; c’est une suite de réflexions où la littérature n’entre que par effraction ; c’est le contraire d’un itinéraire de Paris à Jérusalem.
Commenter  J’apprécie          20
Ce n'est pas la France qui a perdu l'Algérie, ni l'Algérie qui a perdu la France. [...]. L'Algérie a gagné la guerre, certes ; qu'a-t-elle perdu en échange ? Nos rictus de préfets ? Notre morgue ? Le droit de porter le guennour et le burnous des spahis et celui de se faire trucider dans nos tranchées ?
Commenter  J’apprécie          20
J'imagine, oui, si tu étais communiste ou compagnon de route, que tu devais en avoir assez de cette Troisième République qui n'était pas celle de tes ancêtres berbères ou livournais. Et j'imagine que tu ne regrettas guère la disparition de cette Troisième République revancharde et barbichue, née sur un massacre, bâtie sur le dos des coolies, défendue sur toutes les mers, cannoneuse de l'Amman et du Tonkin, maniant le sabre et le goupillon, mais qui se saignerait bientôt devant Verdun et finirait par se suicider à 569 voix contre 80 devant Pétain. Non, je m’égare. Mettons que tu versais des larmes sur le sort de cette Troisième République, lorsque te parvenaient via les ondes courtes des nouvelles de la Quatrième, qui était revancharde elle aussi, et versatile, et va-t-en-guerre. Seulement tu n’as pas eu le temps d’assister au suicide prématuré de celle-ci, et j’imagine que la Cinquième, que tu n’as pas vu naître, et qui ne veut pas mourir, et qui guerroie encore, tu la maudirais tout autant, si tu savais comme elle peine à reconnaitre les crimes des précédentes.
Commenter  J’apprécie          20
[...] oui, je voudrais écrire une sorte de rouleau original du Danube, un rouleau sans ponctuation, sans alinéa, sans paragraphe, sans chapitre un, deux ou trois, un rouleau sans début ni fin, un rouleau cyclique, évidemment, car c'est aussi cela le Danube, un rouleau compresseur qui malaxe les montagnes, qui malaxe les forêts, qui malaxe les plaines - hier encore, sur la route de Bucarest, j'ai braillé dans mon micro toutes les visions qui me passaient par la tête : devant nous vrilles de corbeaux, rires de mouettes, cymbales de tournesols, et toujours la même forêt rivulaire, cette frange infinie de millions d'arbres que rien ne distingue les uns des autres, saules cendrés, frênes cendrés, peupliers cendrés, hérons cendrés nichés dans leurs houppiers - la chaussée était défoncée, les cahots faisaient tinter ma sonnette et crisser mon guidon, le vent me donnait des ailes, je voudrais remonter le Danube ainsi jusqu'à son origine introuvable, et que ce voyage n'ait pas de fin, et que ce livre n'ait pas de fin ni de frontière - oui, il faudrait écrire un roman-fleuve car les fleuves sont ce qu'il y a de plus libres, un vrai livre doit être comme une rivière qui fabule, divague, digresse et se ramifie dans les plaines, mais il doit être aussi celui qui tranche, dézingue, érode, traverse les montagnes - il faudrait écrire uniquement des livres sans contraintes et sans intrigues, qui se jouent de tous les genres, de tous les styles, de tous les tons, des romans si l'on veut mais des romans sans obstacles, des romans vrais, pas des romans fabriqués - il faudrait que ce livre épouse au plus près la forme folle du Danube, un roman continu comme un long phrasé jeté dans l'inconnu, des virgules et des tirets mais pas de point, sauf lorsque la machine humaine s'arrête et met pied à terre, des virgules comme des vagues ou des coups de pédale, des tirets pour reprendre son souffle, des tirets comme des flèches dès que l'on prend un peu de vitesse dans une descente ou des tirets pause lorsque la route nous force à baisser la cadence - oui, des tirets pour respirer un bon coup, [...]
Commenter  J’apprécie          10
Les teintes qui dominent, ici, dans le delta, sont le bleu manganèse, le vert-de-gris, l'ocre jaune, voire la terre de Sienne ; si la Danubie était un pays, me dis-je en flânant sur les quais, s'il fallait donner des couleurs à son drapeau, ce seraient le bleu, le jaune et le vert, les couleurs de la Zyntarie, ce pays danubien que j'avais inventé dans mon enfance et dont je dois avouer que je cherche partout les traces.
Commenter  J’apprécie          10
Emmanuel Ruben
... Samuel a demandé un plan de la ville à la reception. Mais il a compris, aux yeux écarquillés du receptionniste, que Constantine, comme la plupart des villes arabes, se passait de plan ; il lui faudrait se fier à son instinct geographique, à sa chance, à son sens de l'orientation et à l'obscur sentiment des origines.
Commenter  J’apprécie          10
En avril 17, lorsqu'elle apprendrait la mort de Haï, le plus jeune de ses cinq frères, lorsqu'elle verrait sa mère ouvrir l'enveloppe timbrée par l'état major qui contenait le cruel éclat d'obus, Ma Mouna ne comprendrait pas. c'était donc ça, le bénéfice d'être français ? le privilège de crever dans une tranchée pour défendre quelques arpents de boue et une positions numérotée qui serait perdue le lendemain ?
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Emmanuel Ruben (368)Voir plus

Quiz Voir plus

Quand les aliments portent des noms insolites ou pas...

Les cheveux d'ange se mangent-ils ?

Oui
Non

10 questions
157 lecteurs ont répondu
Thèmes : nourriture , fruits et légumes , fromages , manger , bizarreCréer un quiz sur cet auteur

{* *}