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Citations de Emmanuel Venet (158)


ette évoca­tion réveille quel­ques figu­res admi­ra­bles : la crapule désœu­vrée qui trouve dans un mur mitoyen une mine de « casus belli » ; l’hémorroïdaire acharné à se faire rembour­ser son papier hygié­ni­que par la sécu­rité sociale .…
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Malai­ses

Une fois à la retraite, mon grand père Joseph a fait trois chutes. Il avait l’habitude quand le temps le permet­tait, de péré­gri­ner des jour­nées entiè­res pour faire des cour­ses ou pour surveiller, en compa­gnie d’autres badauds, la bonne marche des chan­tiers des envi­rons ; Trois fois, donc ;, il rentra les genoux couron­nés, boitillant, endo­lori mais anor­ma­le­ment soucieux. L’affaire se soldait par du mercu­ro­chrome et des banda­ges, mais on la prenait telle­ment au sérieux qu’un des enjeux, à coup sûr, m’échappait. Rétros­pec­ti­ve­ment, j’ai compris que Joseph avait peur qu’on parle de malaise, et que ce soit fini de la vie paisi­ble.

Le malaise, concept central de toute expé­rience exis­ten­tielle, est affreu­se­ment mal traité par la méde­cine savante, qui le consi­dère au mieux comme une approxi­ma­tion à décons­truire. Il n’existe même pas, dans la litté­ra­ture spécia­li­sée, d’ouvrage consa­cré à ce sujet inépui­sa­ble. Osons le dire tout net, il manque à notre science un bon et solide« Traité du malaise », avec étymo­lo­gie, histo­ri­que, étude clini­que et tout le bata­clan. Moyen­nant quoi le patri­cien conscien­cieux parve­nant mal à distin­guer entre effet de langage et ennui de santé, craint systé­ma­ti­que­ment de passer à côté d’une mala­die grave et épuise son malade en examens inuti­les qui, bien souvent débou­chent sur un diag­nos­tic. De sorte que le patient pour­suit sa vie beau­coup moins serei­ne­ment que s’il n’avait pas consulté.
Joseph, lucide sur le risque, s’en remet­tait donc aux anti­sep­ti­ques et aux banda­ges. Vu qu’il tenait debout et gardait la vigueur de s’opposer à toute consul­ta­tion intem­pes­tive, on n’a jamais bien su les circons­tan­ces de ses chutes.
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J’entretiens égale­ment une compé­tence hors du commun pour le jeu du petit bac, mais j’ai rare­ment l’occasion de m’en servir.
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Elle aimait à répé­ter que la vieillesse est la pire des cala­mi­tés, mais chaque hiver, elle se faisait vacci­ner contre la grippe, et, à la moin­dre bron­chite elle extor­quait au docteur Comte des anti­bio­ti­ques. Pour ma part, si j’en arri­vais à trou­ver ma vie trop longue, je cesse­rais de me soigner et me lais­se­rais mourir une bonne fois pour toutes.
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Ça s’est passé à l’hôpital Pierre Wertheimer, l’homme qui n’avait jamais vu l’âme. Deux mondes s’y coudoyaient, sourds l’un à l’autre et jaloux de leurs prérogatives : celui des défaillances d’organes, et celui de l’universelle maladie d’être. C’est là que j’ai découvert la difficulté à concilier le bois dur des pianos et la substance des sonates ; le noir du saturnisme officiel et le bleu de Primo Levi ; la sécheresse du discours médical et la poésie des commères qui, sur le marché de Monplaisir ou d’ailleurs, s’entraînent à mourir.
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Avec l’hiver revenaient les ampoules, en général de fortifiants ou de vitamines c’est-à-dire de produits à peine médicamenteux. J’aimais leur amertume cachée sous un goût de liqueur, leur caractère d’apéritif sage qu’on peut se permettre d’oublier, mais plus que tout j’aimais la liturgie qu’elles organisaient : d’abord la petite scie en acier, l’air sérieux que prenait notre mère pour limer la première pointe, le bruit mat de la brisure et le miracle infiniment reproductible de l’absence d’écoulement. C’était fascinant, cette ampoule ouverte à un bout, emplie de liquide et le gardant captif au-dessus du verre. On écoutait volontiers les explications physiques de notre père, on acceptait même de les croire, mais on ne renonçait pas pour autant à tenir le phénomène pour magique. Deuxième crissement de scie, deuxième bruit de verre cassé et soudain le flux se produisait, aussi ordinaire que son suspens avait été étonnant.
J’ai très mal vécu l’arrivée des ampoules autocassables.
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On appelle onde nulle celle qui réalise une opposition de phase parfaite avec les ondes vitales. Pareil phénomène semble tenir du miracle, mais les témoignages ne manquent pas et leur concordance interdit de les attribuer au seul hasard hertzien.
Celui que frappe l’onde nulle éprouve d’abord une extrême mollesse intérieure. Son être fasèye, la vie clapote sans direction, s’englue dans un pot au noir. Dans cet état, il faut un formidable effort de volonté pour vaquer si peu que ce soit. Parler, même, devient exténuant.
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Mais à suivre de trop près le commentaire savant, on s’aveuglerait sur l’évidence du message : Freud a arpenté les mêmes sentiers que les grands fous ; à partir de 1910 il se sait rationnellement spéculatif, mais jusqu’alors il a eu peur d’être délirant. Nulle création, nulle pensée novatrice hors de ce chemin commun avec le psychotique. Il y a dans chacun de ces égarés qui échouent à l’asile un roitelet sans royaume et un génie sans œuvre. Un Freud, un Beethoven, un Flaubert ou un Picasso – ratés, certes, mais parfois de peu.
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Ma mère aimait beaucoup bavarder avec celle de mon ami Bonnardier, malgré leurs quinze ans d’écart. Toutes deux partageaient une même passion pour les maladies, surtout les maladies mortelles. Ma mère souffrait d’arthrite, celle de Bonnardier d’arthrose. Quand elles se rencontraient au marché de Monplaisir, elles n’en finissaient pas de se raconter leurs martyres respectifs et se livraient à un âpre concours de symptômes. Du côté de ma mère, les fulgurances dans les doigts, du côté Bonnardier les hanches broyées le soir. L’échange se terminait toujours sur un hypocrite constat d’égalité, chacune emportant au fond d’elle la certitude d’avoir gagné la manche.
Entre gens atteints de maladies aux noms si proches, on s’attend à une connivence instinctive. Il n’en est rien : les arthrosiques comprennent très mal l’arthrite, et vice-versa. Aux uns la douleur de simplement peser, aux autres un mal aggravé par l’ankylose. Aux premiers la douleur du soir, aux seconds celle du matin ; mal de vieux contre mal de jeune, évolution chronique contre poussées aiguës. Convenons que l’arthrite, médicalement parlant, sonne plus grave, mais la mère Bonnardier avait plus d’ancienneté dans la maladie et plus de pathos dans ses formulations : son statut d’invalide ne souffrait aucune discussion. (Rhumatismes)
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De sorte qu'il me semble trouver dans mon allégeance à la norme la condition de ma liberté, paradoxe que je ne parviens pas à dénouer et source d'un malaise que rien ne dissipe.
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(Les premières pages du livre)
Le premier incendie auquel fut confronté le père Philippe Ligné s’alluma dans sa culotte le dimanche 26 juin 1988, à l’occasion du baptême de Grégoire Mourron : Marie-Ange, la mère du nouveau-né, portait ce jour-là une robe d’été vert pomme au décolleté plongeant, et resplendissait comme une madone. Son petit ventre de jeune accouchée et son opulente poitrine affichaient son bonheur de présenter en public, au bras de son mari, le fruit de leurs ardeurs sexuelles. Subjugué, Ligné sentit naître un début d’érection qui lui valut des associations d’idées salaces au moment de faire renoncer l’assemblée à Satan, à sa pompe et à ses œuvres. À cette époque, il officiait comme simple curé à Sainte-Guénulphe, où il avait trouvé un équilibre de vie acceptable: Sibylle Stoltz, sa gouvernante, l’épaulait au quotidien et assurait tant bien que mal un rôle de trop-plein lorsque sa libido menaçait de déborder. Leur pacte s’était noué en douceur, un après-midi de printemps, alors qu’elle nettoyait les vitres dans le bureau où il tentait de rédiger son sermon de Pentecôte. Comme la bretelle de son soutien-gorge ne cessait de tomber sur son bras, il l’avait appelée pour lui murmurer à l’oreille que le diable lui envoyait de mauvaises pensées, à quoi elle avait répondu avec bon sens qu’il attribuait fallacieusement au diable de simples signes de bonne santé. Vite dénudée, elle lui avait demandé avec son fort accent alsacien de la prendre «à la levrette», à partir de quoi il avait suffi à Ligné de proclamer, de loin en loin, qu’il se sentait en excellente santé pour qu’elle lui donne le meilleur de son être, comme dit la chanson.
Après le baptême de Grégoire Mourron, Sibylle Stoltz eut fort à faire pour remplir sa mission d’exutoire à la vitalité de son curé. Ce brusque accès de fièvre surprit celui-ci, dans la mesure où il avait tranquillement accompagné Marie-Ange et son fiancé Guillaume au mariage, et les avait unis sous cette même nef en 1986. Certes, il l’avait d’emblée trouvée jolie et s’était dit in petto que Guillaume avait bien de la chance, mais sa vie pulsionnelle n’en avait pas été chamboulée. Aussi bizarre que cela puisse paraître, il avait fallu qu’elle devienne mère pour éveiller chez lui une passion charnelle qu’il calmait par des expédients. En 1990, il avait baptisé Garance Mourron, et en 1993 Géraud, qui se révélerait épileptique en raison d’une maladie génétique rare. Au fil des années, les Mourron formeraient une famille catholique de plus en plus typique. Sorti d’une école de commerce prestigieuse, Guillaume vendait avec profit du conseil optimisationnel en management délégatif, grâce à quoi Marie-Ange avait pu abandonner son emploi de professeure pour se consacrer à sa maisonnée. On les voyait souvent marcher bras dessus bras dessous dans Pontorgueil, encombrés de poussettes et de tricycles, indulgents et attentionnés envers leur progéniture – et ils ne rataient pas une messe dominicale à Sainte-Guénulphe. Tous les mois, Marie-Ange venait se confesser auprès du père Ligné, qui la repérait dès son arrivée dans le narthex et s’émoustillait au seul son de son pas. Elle avait péché, disait-elle, par colère contre Grégoire qui refusait de ranger ses jouets; par gourmandise lors de l’anniversaire de Géraud (elle avait repris deux fois du bavarois, qui certes venait de chez Bernichon mais était-ce une raison?); par paresse lorsqu’elle avait refusé d’accompagner sa mère chez le podologue, alors qu’il lui aurait suffi d’annuler son cours de gymnastique; par orgueil lorsqu’elle s’était surprise à mépriser le mendiant qui tendait sa sébile au portail de l’église. En revanche, si elle péchait par luxure, c’était surtout par omission. Dans un premier temps, Ligné en inféra que Guillaume était peu porté sur le sexe et nota que Marie-Ange s’en désolait : elle estimait avec bon sens que si Dieu lui avait rempli le bustier et ouvert des voies profondes, ce n’était pas à des fins purement décoratives. Elle aurait voulu s’en servir davantage pour croître et se multiplier, comme l’ordonnent les Écritures, et sans bouder son plaisir au passage, mais Guillaume ne voyait pas la sexualité du même œil. Curieusement, alors qu’il manifestait moins de piété qu’elle, il semblait craindre les voluptés de la chair et le démon de la lubricité. Elle en avait déduit qu’il était un homme continent, mais le considérait tout de même comme un bon mari. Sur quoi Ligné absolvait sa pénitente de ses peccadilles et la condamnait à dire trois ou quatre prières.
Puis il entrouvrait le rideau du confessionnal et la regardait prier, agenouillée, les fesses rondes, le corsage tendu: une madone.
Le coup de tonnerre arriva en l’an deux mille, quand Marie-Ange découvrit que Guillaume n’était pas aussi chaste qu’il voulait bien le faire croire. Il avait même une vie sexuelle débridée, mais avec des hommes. Cette révélation la peina d’autant plus que, durant leurs quatorze premières années de mariage, elle s’était interdit toute infidélité alors que le désir l’avait régulièrement taraudée et que les occasions d’y
céder ne lui avaient pas manqué. Pas étonnant, avait songé Ligné : malgré la quarantaine elle restait un tel monstre de sensualité qu’elle ne pouvait laisser personne indifférent – hormis les homosexuels de stricte obédience, bien entendu.
C’était l’époque où lui-même s’activait pour devenir évêque et succéder à monseigneur Chaivre, diminué par la maladie de Parkinson, et lorsqu’il annonça à Marie-Ange qu’il serait nommé à la tête du diocèse au printemps 2001, elle lui fit promettre de rester son confesseur et son directeur de conscience.
Une fois qu’il fut installé à la cathédrale Saint-Fruscain, elle traversa la ville deux fois par mois pour le rencontrer à travers la grille du confessionnal. Guillaume souhaitait divorcer, elle s’y refusait pour protéger leurs enfants.
De toute manière, selon Ligné, ce que le sacrement avait uni sur terre resterait toujours uni au ciel, conformément au dogme. Mais cela n’atténuait pas l’anxiété de Marie-Ange, d’autant que Guillaume se faisait pressant: il voulait recouvrer sa liberté quitte à régler une pension alimentaire et une prestation compensatoire astronomiques. Une lettre d’avocat arriva au courrier fin 2001, puis une convocation au tribunal pour constater la non-conciliation, et une deuxième, dix-huit mois plus tard, pour prononcer le jugement de divorce.
Redevenue Marie-Ange Lamastre, elle réussit à garder sa belle maison de pierre à toit d’ardoise au bas du vieux Pontorgueil, avec ses fenêtres à meneaux blancs par lesquelles elle voyait, entre les lilas et le tilleul de son jardin, les tours asymétriques de la cathédrale dominant la ville - mais il lui fallut reprendre son métier de professeure à mi-temps.
Comme elle avait grand besoin d’un secours spirituel et comme son emploi du temps lui laissait de vastes plages de liberté, elle s’entendit avec Ligné sur une confession hebdomadaire à jour fixe. Lorsqu’une obligation empêchait leur rencontre, ils cherchaient ensemble un autre moment dans la semaine. S’ils ne se parlaient pas de quinze jours, elle s’en plaignait amèrement, et il en souffrait sans oser le dire.
Ces rendez-vous leur étaient devenus aussi nécessaires que l’oxygène ou l’eau.

La question de la luxure prit davantage d’importance. Dorénavant, Marie-Ange péchait aussi en acte, abondamment : elle éprouvait des sentiments pour un homme qu’elle n’avait pas le droit de compromettre. Elle s’interdisait donc toute manœuvre de séduction, mais à grand-peine car son intuition lui disait que cet homme éprouvait en retour du désir pour elle. Aussi, la nuit, quand sa maisonnée dormait, se caressait-elle en pensant à lui. Son désir charnel devenait impérieux, tenaillant. Elle demanda à Dieu de lui pardonner l’achat par correspondance d’un godemiché, et Ligné lui donna l’absolution pour ce péché en bafouillant d’émotion, son imagination en feu et son cœur battant la chamade. Il semblait à Marie-Ange qu’elle perdait pied et ne s’occupait plus assez de ses enfants ni de ses élèves, tant ses obsessions
érotiques dévoraient sa vie. Pourquoi fallait-il qu’elle se soit éprise à ce point d’un homme interdit? Au lycée, en ville, partout des hommes la reluquaient, elle n’aurait eu qu’à s’inscrire sur un site de rencontres pour assouvir sa boulimie de sexe. Mais elle aimait un homme et un seul, que par malchance elle n’avait pas le droit moral de séduire. Un autre jour, comme elle s’accusait d’une voix lascive d’arriver au confessionnal avec des boules de geisha dans le vagin et de se trouver au bord de l’orgasme en demandant le
pardon de ses fautes, Ligné lui demanda d’une voix altérée si l’homme qu’elle s’interdisait de charmer était ecclésiastique, et elle avoua dans un souffle que oui. En réponse à ses questions, elle confirma qu’il était évêque, qu’il exerçait son sacerdoce à Saint-Fruscain, et qu’elle espérait qu’il se masturbât pendant qu’elle lui avouait enfin sa flamme. C’est ainsi qu’en 2005 ils connurent leur premier orgasme simultané, bien que séparés par une grille.
À partir de ce jour, les séances de confession prirent une tournure affolante. Toujours se vouvoyant, ils se murmuraient les questions les plus crues sur leurs désirs respectifs, leurs fantasmes et leurs lectures pornographiques. Au sommet du plaisir ils étouffaient leurs cris de jouissance, et par ailleurs se gardaient de toute rencontre en dehors de la guérite, dans l’espoir de garder clandestine leur connivence.
Sibylle Stoltz, à qui n’avaient échappé ni la régularité de leurs rencontres ni certaines taches sur les soutanes et les caleçons, nourrit très vite des soupçons – d’autant que monseigneur ne lui parlait plus guère de sa bonne santé, malgré les effets de croupe qu’elle multipliait en récurant son plancher.
Mais impossible de pincer les deux tourtereaux sur le fait, et le dimanche à la fin de l’office, Marie-Ange saluait Ligné comme si de rien n’était. Elle-même, de sim
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Elle cuisinait divinement bien les amanites.
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«Sommes-nous simplement le jouet du destin, ou les organisateurs de notre malheur?»
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Quand un poète égaré en médecine cherche un second souffle dans la psychiatrie, il lui plaît de devenir un paria aux yeux de ses confrères sérieux (...). Psychiatre, donc foncièrement insoumis, il soignera désormais des malades et non des maladies, privilégiera l'écoute sur l'examen, et préférera le langage de l'âme à celui des organes: autant dire qu'à son insu il deviendra médecin, c'est-à-dire juge de paix, confident et accompagnateur infatigable des causes perdues.
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Il a vingt ans. Il veut croire qu'on peut impunément concilier médecine et littérature, nourrir sa langue du coudoiement avec la maladie et la mort comme le feindra Destouches, ou s'en arracher avec panache comme l'a fait Breton. Il ignore encore comment la notabilité écrase un tel orgueil, voit à peine l'ornière dans laquelle il s'engage et s'amuse comme un chiot de ses premières embardées.
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Si la fonction consistant à soigner les psychismes pour rendre les patients plus libres devait céder la place à celle de réparer les cerveaux pour rendre les patients plus adaptés, les psychiatres, devenus nerviatres, se retrouveraient dans le rôle de fournir du "temps de cerveau humain disponible" aux logiques marchandes qui se le disputent. Ils deviendraient les acteurs d'une psychiatrie industrielle harmonieusement sertie dans le paysage de la marchandisation universelle. Comment oser prétendre que ce serait un progrès?
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Sur quoi, en navigateur habile à prendre l'air du temps, Michel Onfray produira un portrait de Freud en repoussoir absolu: philosophe et non scientifique, enrichi, coureur de jupons au point de coucher avec sa belle-soeur, et d'un pessimisme quasi maladif. Venant d'un philosophe qu'on imagine aisé, auteur d'un manifeste d'hédonisme et de réflexions désenchantées sur le désastre écologique actuel, on ne peut que se perdre en conjectures sur les mobiles qui l'ont conduit à une pareille autocritique en creux.
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Une maladie psychiatrique vieille de plusieurs millénaires a récemment disparu des classifications diagnostiques : l'hystérie. (...) Dans son extrême versatilité sémiologique, dans sa mise au défi de toute thérapeutique protocolisée, dans sa rétivité aux médications, l'hystérie ne pouvait pas plaire aux classificateurs modernes, ennemis des zones d'ombre et soucieux d'attribuer à chaque affection un remède à la désignation éclairante - antidépresseur, anxiolytique, thymorégulateur, hypnotique ou antipsychotique, terminologie qui permettra sans doute un jour à la plus simplette des intelligences artificielles de rédiger les ordonnances. On peut craindre que nos taxinomistes modernes, au nom d'un cartésianisme de pacotille, aient considéré que l'absence de médication antihystérique prouvait l'inexistence de cette affection. Mais chasser l'hystérie des classifications ne l'a pas fait disparaître de la réalité pour autant.
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J'ai personnellement reçu plusieurs jeunes patients qui, pour avoir fait deux ou trois tentatives de suicide dans le contexte d'une déception sentimentale, mais aussi pour compter un suicidé ou un suicidant dans leur famille élargie, se sont vu poser à la volée un diagnostic de bipolarité et le traitement qui va avec: thymorégulateur et/ou neuroleptique. Après quoi, un peu plus désespérés pour avoir pris vingt kilos et ne plus se reconnaître, ils arrivent dans leur service de secteur parce que le psychiatre expert qui a posé le mauvais diagnostic n'assure pas le service après-vente. Et c'est un long travail que de leur faire arrêter le traitement qui les détruit, et retrouver, par un accompagnement psychothérapeutique patient, la possibilité de reprendre leur vie en main et de penser le chagrin comme une épreuve de vie et non le symptôme d'une maladie chronique.
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Sur la vie entière, environ un tiers de la population a souffert, souffre ou souffrira d'une pathologie psychiatrique. Occasion de souligner qu'Homo sapiens sapiens, espèce qu'on pourrait croire protégée par ses performances cognitives hors du commun, fait preuve d'une extrême fragilité psychique.
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