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Critiques de Ernest Hemingway (1189)
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Le vieil homme et la mer

À la manière d'un évangile, le Vieil Homme et la Mer est une lecture à interpréter, ce qui est la définition même d'une parabole. L'histoire en soi ne présenterait pas grand intérêt si sa valeur allégorique ne nous tracassait point l'inconscient au point de nous questionner de la façon la plus intime.



Quelle est donc l'allégorie qu'a souhaité peindre Ernest Hemingway ? Je vais vous donner mon interprétation et, plus que jamais, elle n'engage que moi et ne signifie pas grand-chose.



Voici donc un homme pauvre, un homme du peuple, comme ils sont des millions, correction, des milliards sur la terre. Il s'échine à essayer de vivre de son travail. Les jours s'écoulent, pareils aux précédents, abîmant chaque jour un peu plus ses vieilles chairs et ses vieux os, dans un combat sans grand espoir, celui de la fortune. Pourtant, à force de s'efforcer, à force de savoirs et de savoir-faire, le vieil homme parvient à accumuler un petit trésor — son petit trésor.



Mais de ce trésor-là, il est écrit, et partout sur la terre, qu'il n'en jouira jamais, car pièce à pièce, il lui sera dérobé, soutiré, par des requins divers. Qui peuvent bien être ces requins ? je vous le laisse deviner. Peut-être bien que les gens impeccablement coiffés qui peuplent les banques et autres malfrats autorisés à dents longues se sentiront (un tout petit peu) visés, qui sait ?



Le vieil homme s'en ira, aussi nu qu'il était venu au monde, et en pleurant tout autant sur ce qui lui arrive que lorsqu'il était nourrisson fraîchement sorti des entrailles chaudes et moelleuses de sa mère qui lui avaient fait croire à une vie facile.



Ce livre a donc une saveur plus aigre que douce, le Vieil Homme Est Amer, en somme, mais n'est-ce pas notre lot à tous ? Aussi a-t-il vu la vraie beauté ; le soleil qui scintille, la mer irisée, le beau poisson arc-en-ciel… le reste n'est que bagatelle. Demeure la fierté du travail accompli dans le cours de sa maigre vie et la sensation, vague, que la chance, au lieu d'un mince clin d'oeil, aurait pu lui sourire jusqu'au bout…



Au-delà de cette valeur allégorique sublime qui donne tout son intérêt à l'ouvrage, je suis un peu plus dubitative sur l'écriture, la magie du verbe et le plaisir purement littéraire de cette lecture. Personnellement, je n'y ai pas trouvé tout mon compte, d'où mes trois étoiles seulement, bien que certains passages soient d'une poésie minimaliste et épurée qui confine à l'art extrême-oriental, mais tout ceci n'est que mon misérable avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le vieil homme et la mer

Ernest Hemingway - Le Vieil Homme et la Mer - 1952 : On prête souvent aux génies des intentions qu'ils n'ont pas. Ainsi sur la fin de sa vie quand Picasso traçait un trait sur une toile, tout le monde y voyait l'expression d'une interrogation sur l'au-delà ou une matérialisation de la frontière entre la vie et la mort. L'artiste lui n'y voyait qu'un trait sur une toile et surtout une façon de faire facilement des liquidités en profitant d'un nom devenu au fil des années une véritable mine d'or. C'est un peu la même chose ici, tous les sens ont été donnés à ce livre mais l'allégorie de l'homme face à son destin est l’interprétation la plus souvent reprise par tous ceux qui l’ont commenté. Pourtant de l'avis même d'Hemingway ce n'était qu'un livre sur la pêche et le vieil homme un des compagnons qui l’accompagnaient sur les flots pour vivre cette passion remontant à son adolescence. Evidemment comme il s'agissait de son dernier livre il était facile d'interpréter psychologiquement le combat du pécheur contre les requins et de prétendre que cet engagement homérique avec la mer portait en lui les fruits d'une défaite contre le temps qui passe. L'homme au crépuscule de sa vie prenait enfin sa proie la plus formidable mais faute d'avoir encore les forces de sa jeunesse, il devait l'abandonner non sans combattre aux prédateurs qui peuplaient les grands fonds marins. Le vieil homme ne sombrait pas dans le désespoir mais il se résiliait avec fatalisme au sort commun à tous les êtres humains. Car cette vie il faut bien le dire est faite de grands bonheurs certes mais elle est surtout pourvoyeuse de chagrin et de terribles déceptions. "Le vieil homme et la mer" est un chef d'œuvre erratique qui démontre encore une fois qu'il suffit d'un personnage et de quelques pages habitées pour marquer durablement les lecteurs. En ces temps de surenchère on remplace souvent la qualité par la quantité. Noircir des centaines de feuillets correspond au cahier des charges boursouflé d'une époque déboussolé par l'immensité de l'offre littéraire. Ne voit-on pas des personnes posséder plus de trente mille livres dans leur lecteur numérique. Qui peut lire trente milles livre dans sa vie ? La simplicité de ce petit bouquin malgré le drame qu'il relate est réconfortante, sa brièveté le classe parmi ces plaisirs rapides qu'on prend à deux au coin d'une porte cochère, plaisir fugace qu'on garde toute sa vie en mémoire. "Le vieil homme et la mer" est le mémorandum indispensable d’une littérature américaine tellement foisonnante qu'il est difficile d'en sortir les œuvres prépondérantes. Avec ce livre Hemingway fermait ici le dernier chapitre d’une carrière qui fit de lui un grand écrivain mais surtout un des grands hommes de ce terrible vingtième siècle… bouleversant
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En avoir ou pas

William Shakespeare s'est fait une réputation avec la formule « to be or not to be ». Ernest Hemingway a eu l'idée d'une petite déclinaison avec « to have and have not » qui fut rendue en français sous la forme « En avoir ou pas ».



En avoir ou pas, certes, mais de quoi ? du cran ? des " cojones " (comme il l'écrit plusieurs fois) ? du pognon ? du bol ?… Ou bien est-ce de l'expérience ? de la morale ? de la suite dans les idées ? de l'alcool dans le corps ?… En avoir ou pas, est-ce tout simplement une femme ? des amis ? un bateau ? une arme à feu ? Ou même un bras ?…



Quel étrange titre et pourtant si bien trouvé pour chapeauter ce qui n'était au départ que trois nouvelles séparées et que l'auteur a eu l'idée d'agglomérer en un seul ensemble pour en faire un roman. (On dit " fix-up ", paraît-il, en pareil cas, bien que je répugne à utiliser ce mot : " Assemblage " sonne mieux à mes oreilles et rappelle l'opération vinicole qui consiste à produire un vin standard et acceptable à partir de cépages pas tous exceptionnels.)



J'ai trouvé l'écriture particulièrement intéressante, à la fois très épurée et très soignée, notamment d'un point de vue narratif. L'auteur, mine de rien, alterne les points de vue narratifs et c'est vraiment très bien fait.



Les deux premières parties (qui sont aussi les plus courtes) sont, de mon point de vue, absolument " al dente ". Hemingway y trouve les proportions exactes de mystère, de suspense et d'authenticité. Les dialogues sont impeccables et annoncent déjà par leur vigueur — rappelons que l'ouvrage est publié en 1937, c'est notable — ce qui fera, stylistiquement parlant, le coeur ardent de la littérature policière de la seconde moitié du XXème siècle et du début du suivant.



J'ai vraiment adoré ce livre tant qu'il se focalisait sur le personnage de Harry Morgan. Il est central dans les deux premières parties. Or, dans la troisième partie, sans pour autant abandonner le récit des aventures de Harry Morgan, de façon assez incompréhensible pour moi, l'auteur s'épanche pendant des chapitres entiers sur d'autres personnages, qui n'ont rien à voir avec Harry Morgan, ni de près, ni de loin, sauf peut-être à habiter le même patelin, et là, j'ai un peu perdu le fil…



Ainsi, au chapitre XI de la troisième partie apparaît un certain Richard Gordon, dont on n'a, finalement, rien à faire. Ensuite on revient à Harry Morgan au chapitre XII et, pour ainsi dire, l'histoire serait finie. Mais non, Hemingway nous embarque, sans trop y croire, lors des chapitres XIII et XIV avec ces personnages fantomatiques, Richard Gordon et consort. Puis il revient brièvement à Harry Morgan au chapitre XV, l'abandonne à nouveau au chapitre XVI. Pour finalement conclure au chapitre XVII. le chapitre XVIII, sans être complètement hors sujet comme l'étaient les chapitres XI, XIII, XIV et XVI, n'apporte strictement rien.



Et c'est dommage, franchement dommage, car elle était forte et prenante cette histoire de Harry Morgan : un fier briscard qui gagne sa vie en louant son bateau et ses services à des plaisanciers américains venus goûter aux joies de la pêche au marlin (une espèce d'espadon) entre la Floride et Cuba. Bien évidemment, l'activité ne nourrit pas toujours son homme, si bien que Harry fut parfois tenté par l'import/export de marchandises illicites…



Il n'est pas faux de penser que l'arrêt de la prohibition de l'alcool aux États-Unis en 1933 n'a pas complètement arrangé ses affaires. Mais les ferments de la révolution cubaine pourraient bien ouvrir la porte à un nouveau type de business, allez savoir…



Pendant plus des deux tiers du roman, je trouvais ce personnage très intéressant, très crédible, à la fois fouillé et mystérieux et puis, tout à coup, Hemingway lui-même ne semble plus trop savoir où il veut nous emmener. Alors, il essaie un coup à la Dos Passos avec son Manhattan Transfer, il essaie — maladroitement d'après moi — de nous dresser un portrait sociologique des habitants des Keys, ces îlots qui terminent la péninsule de Floride. Et là, ça devient mou, poussif, inintéressant. le fil tendu avec Harry Morgan se détend et on patauge des quatre fers dans le Gulf Stream en se disant : « Mais que voulait-il nous dire, finalement ? »



Bref, un roman qui avait vraiment tout pour être réussi et captivant mais qui, selon moi, a été un peu bâclé sur la fin d'où une impression terminale plus mitigée. Bien entendu, comme à chaque fois, ceci ne représente que mon avis — et on peut en avoir ou pas — donc, pas grand-chose.



P. S. : si j'ai pris le temps de vous ennuyer avec le détail des chapitres dans la troisième partie, c'est justement, peut-être, pour vous éviter la petite déception que je viens d'évoquer. Si vous voulez me faire confiance, sautez sans hésitation les chapitres XI, XIII, XIV, XVI et XVIII qui sont assez copieux et qui n'apportent (je le rappelle, d'après mon seul jugement) rien. Et là, vous aurez peut-être ce que je n'ai pas eu, un vrai bon roman, tonique et plaisant de bout en bout, si le coeur vous en dit…
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Le vieil homme et la mer

"Le vieil homme et la mer" est l’un de ces courts romans à l’effet durable comme "L’étranger" de Camus où "La faim" de Hamsun ; ce genre de livre qu’aimait lire Kafka. D’ailleurs, il est un livre populaire de grand mérite littéraire qui constitue une œuvre de maturité pour Hemingway et qui englobe la somme expérimentale de l’homme et de l’écrivain. Le roman est rédigé en 1951, et par conséquent sa dernière œuvre majeure, celle qui a convaincu le comité Nobel à lui décerner le prix de l’année 1954. Il s’agit d’un roman sublime, une œuvre achevée et profonde écrite avec une simplicité surprenante dans un style sobre sans artifice qui peut se lire d’un seul trait (il faut avouer qu’il est captivant et passionnant) et qui respecte le concept d’économie en vogue à cette époque littéraire.



Dans ce roman, on poursuit l’aventure d’un pêcheur, qui plus est un vieillard, qui part à la pêche plein d’espoir et d’enthousiasme après une longue série de malchance. (Deux éléments qui pourraient rebuter beaucoup de lecteurs : la pêche, le personnage du vieillard). Le métier de pêcheur a marqué le corps et l’esprit du vieillard. Ce dernier affiche un stoïcisme exemplaire (" Si tu peux, fais que ton âme arrive,/A force de rester studieuse et pensive,/Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté/(…)/Gémir, pleurer, prier est également lâche./Fais énergiquement ta longue et lourde tâche/Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,/Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler." La Mort du loup, Vigny) vis-à-vis l’indifférence de la nature et des hommes (sauf le petit garçon magnanime) et une vision optimiste de la vie (au contraire de son auteur qui, trop pessimiste, a choisi de mettre fin à sa vieillesse malheureuse). Malgré son indigence et les difficultés d’un métier trop épuisant pour son âge, le vieillard cabochard continue avec persévérance son combat tout seul, avec fierté, contre la malchance et les requins opportunistes avec un héroïsme viril impressionnant qui nous rappelle le héros de Montherlant dans "Les Bestiaires", un héroïsme à la Joe Dimaggio (son modèle dans le roman) qui joue en dépit de sa blessure. Le vieil homme a su meubler sa solitude par ses monologues à haute voix. Et chose curieuse, on ne s’ennuie pas le moins du monde en suivant le pêcheur qui parle à lui-même, qui parle aux poissons aussi comme s’ils étaient de véritables personnes. Il admire ce poisson courageux qui combat pour sa vie ; il mérite tout respect au contraire de ces requins.



"Le vieil homme et la mer" est un très beau texte sur la solitude, la vieillesse, l’espoir, la résistance de l’homme et sa relation avec Dieu. Hemingway a traité tous ces thèmes avec économie et simplicité (il se permet même de commencer son roman par la phrase « il était une fois » ; peu importe quand, l’homme est plus important). On considère souvent cette œuvre comme un livre ouvert à plusieurs interprétations comme l’est d’une manière automatique "La ferme des animaux" d’Orwell, ce genre de livres qui sont des allégories politiques. En ce qui me concerne, je n’aimerai pas souiller une œuvre aussi belle, aussi profonde par des interprétations politiques pour la simple raison de donner une profondeur factice au roman sous prétexte qu’il est terre-à-terre ou ennuyeux sans notre recours. L’histoire de ce roman est simple, certes, un vieillard qui veut pêcher un gros poisson, c’est tout, (et qu’est-ce que l’histoire d’Anna Karénine ? une femme mariée qui s’ennuie, qui aime un autre et qui se donne la mort). L’essentiel n’est pas là. C’est le comment, la manière de raconter qui prime. Comment captiver un lecteur avec cette histoire ordinaire si ce n’est avec la force de la narration, le réalisme des répliques du vieillard et son esprit simple et la portée universelle qu’Hemingway lui apporte. Hemingway confirme son statut de grand romancier « pour le style puissant et nouveau par lequel il maîtrise l'art de la narration moderne » (le comité Nobel). Ce roman est un aphorisme.

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Pour qui sonne le glas

Tout simplement magnifique...

La collègue qui m'a prêté ce livre m'a dit qu'il avait changé sa vision de la vie. Pour moi, c'est tout aussi fort, mais c'est exactement le contraire : 'Pour qui sonne le glas' illustre parfaitement et renforce ce en quoi je crois depuis toujours 'vivons la tête haute'.



Assez pour les superlatifs et la philosophie de comptoir, parlons plutôt de tous ces héros terriblement humains d'Hemingway, qui doivent dynamiter un pont pour favoriser l'attaque républicaine, avec quasiment aucune chance de s'en sortir vivants... Il y a d'abord Robert Jordan, l'Américain dit l'Inglès, le commandant de l'opération, homme de devoir, de bravoure et de calcul, mais aussi de tripes et de cœur, notamment face à la belle et pure Maria et au vieil Anselmo qui n'aime pas tuer. Puis Pilar, la femme rocher endurcie et enrichie par les mille vies qu'elle a vécues et les mille horreurs qu'elle a vues. Son mari Pablo, malin sans aucun doute, mais miné par l'alcool et la peur. Maria et Anselmo donc, mais aussi Rafael le Gitan, Agustin l'enflammé, Andrès le lucide, Fernando le pompeux, Sordo le sourd plein de panache, les officiers républicains...



Une galerie de personnages tellement humains dans leur héroïsme ou tellement héroïques dans leur humanité, pleins de doutes, de peurs, de paradoxes mais aussi d'amour, de bonté, de solidarité ou d'intelligence, et surtout de dignité... Me voilà à parler comme Fernando, et pourtant c'est vrai ! J'ai particulièrement aimé quand Jordan essayait de se convaincre qu'il n'était pas déçu au début de la dernière nuit du sac de couchage ou négociait avec lui-même à la toute fin. Ainsi que l'épopée d'Andrès, les récits de Pilar, le personnage fourbe et complexe de Pablo. Et évidemment l'histoire d'amour de Robert et Maria qui dure une éternité de 3 jours. 



Bref, c'est un chef d'œuvre à mes yeux, comme certainement aux yeux de beaucoup d'autres puisque Hemingway fut Prix Nobel de Littérature en 1954, que j'ai lu dans le cadre du challenge Nobel de Gwen21.
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Le vieil homme et la mer

Le vieux Santiago a la poisse : voilà des semaines qu'il ne ramène aucun poisson dans sa barque. Le Petit, qui l'accompagne partout, doit à présent aider sur un autre bateau, sur ordre de son père. Alors le vieux Santiago part tout seul.

Il ne peut pas rentrer les mains vides, pas une nouvelle fois, alors il va plus loin que les autres bateaux de pêche pour tendre ses lignes. Et cette fois-ci est la bonne : le plus grand espadon du monde vient de s'enferrer sur ses hameçons. Mais ramener une bête comme celle-là est une lutte de longue haleine.





A chaque fois que je lis "Le vieil homme et la mer", je me dis "ce coup-ci, c'est le bon, il n'y aura pas de requin". Quand le premier parait et qu'il se prend un coup de harpon, j'espère encore que les autres n'attaqueront pas. Quand Santiago se débarrasse des deux suivants, perdant toutes ses armes… Mais non, ça ne finit jamais et ce foutu espadon, si fier et noble, ce frère battu à la loyale et haute lutte, fini toujours dévoré par les charognards jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien que la tête et les arrêtes.

Ce que j'aime ce livre d'Ernest Hemingway !! Le combat du vieux pêcheur ne se fait pas successivement contre un espadon puis des requins, mais contre la vie, la malchance, le sort. La lutte avec le bel espadon est pleine de noblesse, invitant Santiago à déployer toutes ses forces et à profiter de toute son expérience de pêcheur, à se dépasser. Celui avec les prédateurs est sans issue, on le sait dès le départ. Santiago n'a aucune chance de venir à bout des prédateurs, mais il luttera jusqu'au bout, pour "son frère l'espadon", parce qu'il est ce qu'il est.

Le personnage de Santiago tient du héro tragique, qui transcende la malchance et l’acharnement au travers de son acception digne et humble à la fois de son sort. Il me fait penser à toutes ces vieilles gens, qui marchent le front haut, qui n'ont presque plus rien et à qui on pique le peu qu'ils ont encore. Le livre est magnifique et le personnage magistral. A lire et relire, puis à relire encore une fois… Vas-t'y savoir, gamin, si la prochaine fois, il n'y avait pas de requin…

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Le vieil homme et la mer

Je n'ai jamais aimé la pêche...



Un homme pour commencer : vieux, fragile, affaibli, "détruit mais invaincu" vogue sur sa barque parce qu'il "est né pêcheur", que c'est ce qu'il sait faire, ce qu'il fait, ce qu'il fera jusqu'à son dernier souffle. Seul, dans sa barque, sans plus avoir le recours d'une assistance jeune et affectueuse auprès de lui, l'homme est dans sa barque, coque de noix posée sur le grand océan.



Un océan pour poursuivre : vaste, immense, dur, un véritablement monde de requins et de méduses, peuplé aussi de bêtes magnifiques, tel l'espadon, qui apportent à l'homme nourriture, émerveillement et orgueil.



Une lutte entre l'espèce humaine et l'espèce animale dans un environnement naturel liquide, profond, à la fois source de vie et de mort. Un duel entre un homme et la mer, incarnée par un poisson immense, plus grand que la barque de l'homme. Une lutte entre la possession et la dépossession ; la survie et le besoin de vaincre face à la domination du plus fort, du plus féroce, du plus prédateur.



Je n'ai jamais aimé la pêche ; d'ailleurs, je ne comprends pas comment on peut aimer la pêche.



Pendant la lecture des 149 pages de ce roman aux allures de conte philosophique, mon cerveau a continuellement oscillé entre deux niveaux de lecture : le figuratif (les gestes de la pêche, la lutte pour tuer le poisson, les petites habitudes familières entre le "vieux" et le "gamin"...) et le psychologique sans jamais réussir à se fixer durablement sur l'un ou l'autre et ma lecture en a été compromise.



Cette oeuvre est hissée tellement haut dans l'estime des lecteurs depuis des décennies que, c'est plus fort que moi, je m'attends à chaque page à être transcendée par le style de son auteur et/ou sa narration et, hélas, je n'ai pas été transcendée, ni même touchée à vrai dire.



Je n'ai jamais aimé la pêche ; je m'y suis toujours ennuyée... une fois de plus, ça s'est vérifié.





Challenge NOBEL 2013 - 2014
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Paris est une fête

Un tourbillon joyeux et mélancolique de souvenirs dans le Paris des années 20, où malgré la pauvreté, le jeune Hemingway et sa première épouse ont été follement amoureux et heureux de vivre.

L'écrivain commença à rédiger ses " vignettes parisiennes " ( titre original de l'ouvrage ) pendant l'été 1957, mais l'introduction nous apprend que le livre, maintes fois remanié par les éditeurs, ne parut qu'en 1964, trois ans après le suicide de l'écrivain. Fort heureusement, le texte est maintenant réédité dans sa version d'origine, introduit par Sean Hemingway, son petit-fils.



Chaque " vignette parisienne ", fragment de vie, est un peu comme une coupe de champagne - avec plus ou moins de bulles, plus ou moins fraîche, issue d'un grand cru millésimé ou d'un simple assemblage - toujours élaborée avec précision, sans artifice ou effet littéraire. Un champagne peut-être un peu sec parfois, une écriture un peu trop épurée à mon goût par moments.



Largement autobiographique comme le dit lui-même Hemingway en introduction :

" Cet ouvrage contient des matériaux tirés des remises de ma mémoire et de mon cœur. Même si l'on a trafiqué la première, et si le second n'est plus. "

C'est en cela que l'œuvre prend toute sa valeur et a suscité mon intérêt. On ne croise pas tous les jours Gertrude Stein, Scott Fitzgerald, Ezra Pound, James Joyce... que l'auteur ressuscite pour son lecteur de façon très vivante avec des anecdotes souvent savoureuses.

Hemingway nous livre ici par touches des éléments de sa méthode de travail en cours d'élaboration, et ça, c'est aussi tout à fait passionnant.



Ode à l'amour, l'amitié, l'inspiration artistique, le talent sans oublier une vue panoramique somptueuse sur Paris !



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Le vieil homme et la mer

Hemingway possède l'inimitable capacité de dire moins pour laisser entendre davantage.



Dans le vieil homme et la mer l'auteur dépeint ses personnages avec une véracité étonnante. Il raconte l'histoire d'un vieux pêcheur pour qui seul compte le moment présent, avec les incertitudes, les joies et les surprises qui sont le lot quotidien de tous ceux qui ne vivent plus dans le passé ni encore dans le futur.



La mer est sa maison, son refuge, mais aussi celle qui lui procure sa survie, et pour cela il aime et respecte ses habitants. Il n'a pas grand-chose mais il profite de chaque moment. Il savoure avec bonheur chaque café bu le matin avant de partir à la pêche, il ressent de l'empathie pour les êtres plus faibles, ne parle que lorsqu'il est nécessaire et ne s'encombre pas de préoccupations inutiles.

Après une longue période sans attraper de poisson, mû par l'espoir qui est toujours ancré en lui, il part à la pêche et devra livrer une lutte acharnée avec un poisson où seul l'un des deux sortira vivant.

Il comprend que l'homme n'est pas fait pour la défaite. Il peut être détruit mais pas vaincu.



Hemingway nous donne une belle leçon d'humilité devant le fait que l'homme qui a gagné peut aussi tout perdre. C'est également un hymne à la mer et un éloge à la vie et à l'espoir qui maintient vivant.

Hemingway a su avec beaucoup de délicatesse et de tendresse, aborder le thème de l'amitié, de la vieillesse, de la déchéance et de la solitude.



Un classique incontournable.





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Le vieil homme et la mer

On s’en fout mais je le dis quand même, ce livre est MON livre. LE livre. Celui qui m’aura rendu amoureux. Amoureux de lire. Amoureux des mots. Amoureux des gens, de leur histoire. Un livre qui m’aura initié malgré lui, probablement, à la tolérance, à l’acceptation d’autrui, de ses souhaites, de ses aspirations, de son destin même peut-être.



Ce livre n’est pas un guide, il est le déclencheur.Quand, à 8 ans, je le lus pour la première fois, ma vie bascula, mon esprit chavira. Mon cerveau fit émerger une partie jusque là enfouie…. la curiosité, insatiable, inextinguible, inexpugnable et autres adjectifs à quatre syllabes.



Bref, ce livre, ce chef d’oeuvre, l’histoire d’un homme, un vieil homme même, et de sa vie, la mer.



« Il regarda la mer et sut comme il était seul. Mais il distinguait les prismes de l’eau sombre et profonde, et la ligne qui le tirait vers l’avant, et l’étrange ondulation du calme. Les nuages s’accumulaient maintenant sous le souffle de l’alizé, et quand il regarda droit devant il aperçut un vol de canards sauvages comme découpés contre le ciel et l’eau, puis s’effaçant, puis nets à nouveau et il sut qu’aucun homme n’était jamais seul sur la mer.«



Un combat, avec un poisson, un gigantesque espadon.



« Si tu n’es pas fatigué, le poisson, dit-il fort, tu ne dois pas être ordinaire. »



Un combat cruel, une lutte respectueuse et humble : »Poisson, dit-il, je t’aime et je te respecte beaucoup. Mais je t’aurai tué avant que ce jour finisse«



Je ne peux pas en dire plus. Je vous laisse découvrir par vous-mêmes les extraits suivants :



« Il vit d’abord une ombre très sombre qui prit si longtemps pour passer sous son bateau qu’il ne put en croire la longueur.



– Non, dit-il. Il ne peut pas être gros comme ça ?

Mais il était aussi gros que ça et lorsqu’à la finn du cercle il émergea à la surface à même pas trente mètres du bateau, il vit sa queue sortir de l’eau. Elle était plus haute qu’une grande lame de faux, et d’un bleu lavande au-dessus du bleu sombre de l’eau. Elle le suivait pendant qu’il nageait juste sous la surface et le vieil homme distinguait maintenant son énorme

volume, et les rayures mauves qui le zébraient. Il avait replié son épine dorsale, mais les nageoires pectorales étaient largement déployées. »



et la fin du combat :



« Alors le poisson eut un soubresaut de vie, avec la mort en lui, et s’éleva haut sur la mer, déployant toute son immense longueur, sa puissance massive et sa beauté. Il sembla suspendu en l’air au-dessus du vieil homme dans son canot. Puis il retomba dans la mer dans un écrasement qui renvoya son écume sur le vieux et remplit son canot. »



et ben non, le combat ne fait que commencer, éternel recommencement :



« Ils naviguaient bien, et le vieil homme laissait tremper ses mains dans l’eau salée et essayait de garder la tête claire. Il y avait de hauts cumulus, et assez de cirrus au-dessus d’eux pour qu’il sache que la brise durerait toute la nuit. Et tout le temps le vieil homme regardait le poisson, pour être sûr que c’était vrai. C’était une heure avant que le premier requin les attaque. »



Monsieur Hemingway, merci.



Finem Spicere,



Monsieur Touki.
Lien : http://monsieurtouki.wordpre..
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L'Adieu aux armes

Ernest Hemingway - L'Adieu aux armes - 1929 : Il faut entendre "l'adieu aux armes" comme le renoncement à tout ce qui pourrait faire le bonheur de l'humanité. D'abords la guerre hideuse et invraisemblable qui envoie des générations d'êtres humains à l'abattoir, ensuite les convenances qui empoisonnent la liberté de vivre et puis la maladie et la mort qui étouffent tant de destins. Ernest Hemingway fut un témoin lucide du 20eme siècle, on retrouvait dans ce roman les thèmes qu'il développera tout au long de sa carrière d'écrivain. Tiré de sa propre expérience d'ambulancier sur le front italien en 1917, il semblait traverser l'absurdité des combats avec un détachement proche du nihilisme. On peut d'ailleurs se demander quelles sont les motivations qui ont poussé cet américain à s'engager, rien ne laissant percevoir dans son comportement le moindre sentiment patriotique ni la plus petite aptitude au monde militaire. Blessé lors d'un bombardement, il va entamer de façon désinvolte une relation amoureuse avec une infirmière anglaise et malgré ses réticences, il y aura au bout du compte des sentiments et la fuite vers un pays neutre. Mais le bonheur est fragile, la tragédie rattrapera ces deux existences et détruira le peu d'humanité encore en lui... tout simplement un grand livre écrit par un grand homme.
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L'Adieu aux armes

Je découvre Hemingway avec ce livre. Il ne s'agit pas d'un coup de coeur mais je garde un excellent souvenir de cette lecture. Même si l'histoire se déroule pendant la première guerre mondiale, l'auteur privilégie de mettre en avant les relations humaines entre un groupe de soldats ainsi qu'une histoire d'amour entre le protagoniste et une infirmière anglaise.



Le personnage principal, Fréderic Henry est un jeune officier d'origine américaine engagé dans le corps médical de l'armée italienne lors de la première guerre mondiale. Sans attache familiale, il va faire la rencontre d'une jeune infirmière anglaise, Catherine Barkley. Cette dernière semble un peu spéciale mais cela n'empêche pas Frédéric de la fréquenter. Au début de leur rencontre, il est sûre de ne jamais l'aimer mais après un long séjour à l'hôpital suite à de graves blessures, leur liaison se fait plus régulière et entre ces deux êtres va naitre l'amour.



Les circonstances vont amenés notre couple à tenter d'aller vivre en Suisse alors que la guerre n'est pas encore terminée. Il va s'en suivre un ensemble d’évènements qui marqueront à jamais le jeune officier.



Même si l'histoire prend du temps à se mettre en place, la seconde partie du roman est très captivante. On sent dans ce récit une part de vérité, comme si l'histoire était inspirée de la vie de l'auteur.



Ce livre mérite d'être lu notamment pour ceux qui ne connaissent pas encore Hemingway.
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Paris est une fête

Paris est une fête, là-dessus je suis bien d'accord avec Hemingway... Pourtant, cette lecture n'a pas été la fête brillante et fascinante que j'espérais.



Le titre de travail qu'Hemingway avait donné à ce livre était 'Vignettes parisiennes', et c'est exactement de cela qu'il s'agit : une succession de morceaux de bravoure sur le Paris des années 20, celui qu'il a connu lorsqu'il y vivait avec sa première femme Hadley. Celui d'Ezra Pound, de la librairie de Sylvia Beach, des courses, des troquets, de la Closerie des Lilas, de Scott Fitzgerald, de Gertrude Stein, des jours de faim et des petits secrets d'amoureux qu'il partage avec Hadley.



Nul doute qu'Hemingway ait un talent fou pour faire revivre ses années folles et insouciantes ou pour décrire ses amis artistes, qu'ils soient fous, répugnants ou simplement gentils. Nul doute non plus que les passionnés de Paris se réjouiront de suivre ses itinéraires place de la Contrescarpe ou le long de la Seine. Nul doute enfin qu'Hemingway ait soigneusement travaillé ce texte, comme le montrent les fragments écrits et réécrits, rassemblés en fin d'ouvrage.



Cela dit, il s'agit d'une collection d'instantanés. Des instantanés certes justes et admirables, mais pas toujours liés entre eux et souvent un peu froids. J'ai parfois regretté de ne pas avoir l'histoire et les émotions, celles de sa vie avec Hadley et leur petit Bumby. Disons que j'avais bien aimé 'Madame Hemingway', le récit de cette période vue par les yeux d'Hadley, et que j'attendais d'en avoir le pendant masculin et plus littéraire. Hemingway a choisi de faire autre chose... Tant pis et tant mieux.



Challenge Nobel 14/15.
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Pour qui sonne le glas

Quelle souffrance! Une longue lecture avec la boule au ventre. Et pourtant, n’y a t-il pas là tout ce que j’aime : la guerre, la haine, les luttes fratricides, le fanatisme qui rend aveugle, les exactions des pauvres types dont le cerveau baigne dans l’alcool, les tortures, les viols les espoirs vains…Cette chronique étant susceptible d’être lue à une autre date que le 1er avril, il est peut-être utile de préciser que bien sûr, je plaisante. Et que c’est justement ce concentré de violence et de négation de ce que devrait être le vivre ensemble sur cette planète tournoyant dans le vide qui m’a tant éprouvée..



Je sais peu de chose de l’Espagne, certes le flamenco, mais aussi l’Inquisition, le chorizo dans la paella (ou pas) mais aussi Franco, l’art andalou mais aussi la corrida, et si l’on jauge les deux plateaux de la balance, il y a fort à parier qu’il penche du côté de la mort et de la souffrance.



Et pourtant, c’est une oeuvre majeure. Ecrite avec une conviction et une maitrise qui force le respect (tout en rendant la lecture d’autant plus pénible ), criante de vérité et de réalisme.

Et au delà du récit de guerre, c’est un réflexion profonde sur la mort, celle qu’on subit, celle qu’on inflige, au nom de principes fallacieux, s’arrogeant des droits sur ceux qui peut-être la veille étaient dans le camp des alliés.



Récit de guerre, d’amour, de mort. Eros et Thanatos au coeur d’une danse macabre, celle qui mène dans sa folle farandole les humains que leurs instincts primitifs rendent amnésiques.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Le vieil homme et la mer

Dans un premier temps, on peut se dire que tout un livre sur une partie de pêche en mer - quand cette activité vous laisse de marbre... ça peut lasser.

Mais, dans un second, en y réfléchissant un peu, on se dit que si le livre a obtenu le prix Pulitzer, ce n'est certainement pas dû à la présence d'une majorité de pêcheurs dans le jury.

Il doit y avoir autre chose...



Et comment, qu'il y a autre chose !

Il y a ce vieil homme, son entêtement, son endurance, son attachement à la mer (la compagne de toute une vie), son respect pour ce magnifique espadon contre qui il livrera son plus noble combat ; son humilité et sa fierté, aussi. Puis ses regrets et, enfin...

Enfin ?... lisez-le, vous verrez bien !

Je ne vais pas tout vous dire, non plus. Ce serait dommage, car ce livre vaut vraiment d'être lu.



Ah ! Et j'avais oublié un détail... ce prix Pulitzer... c'était en 1953.

Quand je vous dis que c'était une grande année !
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Le Soleil se lève aussi

"We're climbing two by two

To be sure these days continue

These things we cannot change..."

(D. Matthews, "Two Step")



Ernest, Ernest ! Que vais-je faire de toi ? Un de ces quatre je vais mettre tes bouquins dans un carton, et monter tout ça au grenier !

Je suis devant ma bibliothèque, face à tous ces inconnus qui me font un clin d'oeil - et parmi eux, qui vois-je ? Deux visages bien connus - Mr. Barnes, avec le sourire de travers sur son visage bronzé, et Lady Ashley, grande classe, l'indispensable verre à la main ! Ca faisait longtemps !

D'accord, OK, c'est reparti pour la "Fiesta" ! Rien que pour voir si à la fin, je vais encore essayer de calculer combien ils ont dû dépenser en alcool...



"Fiesta : The Sun Also Rises" ("Le soleil se lève aussi", dans la traduction française) est une histoire de deux personnes qui voulaient, mais ne pouvaient pas être ensemble. Elle laisse beaucoup de tristesse dans l'âme, et une étrange sensation d'oppression.

Jake et Brett - quel couple extraordinaire ! Lui, devenu impotent suite à une blessure de guerre, incapable d'aimer physiquement la femme qu'il aime; et elle - une alcoolique débauchée qui essaie de tromper la vacuité de sa vie par les mondanités et la boisson.

Ca commence dans les bars parisiens, et ça continue à Pampelune; la fête non-stop, afin de ne pas avoir le temps de penser à ce qui pourrait être, mais qui n'est pas.

Il y a de courts moments de répit; on va à la pêche avec Jake/Ernest, pour siroter le vin dans une gourde en cuir véritable et pour regarder la truite s'ébattre dans le soleil matinal - et ça peut même donner l'impression que la vie n'est pas si pourrie que ça... Mais cette illusion est de courte durée, alors on retourne dans le bruit et la fureur de l'arène de Pampelune, pour continuer à s'abrutir. Pour l'instant, ça marche encore...



Je crois que si Hemingway avait écrit son histoire cent ans plus tôt, on aurait pu le comparer à Tourgueniev ou à Tchekhov. Ses personnages sont les survivants d'une époque dont l'arrière goût est encore présent, tandis que les contours du futur sont assez flous. Je pense surtout à Tchekhov, dont les héros remplissent le vide dans leurs vies par les fêtes, visites, et des discussions interminables et stériles sur ce qu'ils pourraient, ou devraient faire, et comme cela pourrait être bien.



Mais on n'a pas besoin de faire une fête interminable comme Brett et Jake. Ce n'est pas indispensable de hurler à la corrida en admirant Pedro Romero diablement viril, avec son foulard rouge.

C'est juste une histoire qui parle de la vie.

Tous les jours, quelque part, se passe une des milliers de variations de "Fiesta". Les situations où on veut, mais on ne peut pas. Et c'est extrêmement cruel, parce qu'on ne peut rien y faire.



"Oh, Jake," Brett said, "we could have such a damn good time together."

"Yes", I said. "Isn't it pretty to think so ?"



Oui, Ernest - t'as écrit ça avec beaucoup de lucidité. Et c'est peut-être ça, la chose la plus cruelle.
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Paris est une fête

Je suppose que j'ai pris ce livre en mains pour en revendiquer le titre, comme un exorcisme contre les manifestations guerrieres de differents camps, contre les tags antisemites qui souillent les murs de la ville.



Paris est une fete. L'edition francaise du livre arbore ce titre mais l'original c'est "A moveable feast". La fete y est mais elle est mobile, portable, elle ne se passe pas qu'a Paris, mais aussi en Autriche.



Laissons le titre et ouvrons le livre. C'est le dernier d'Hemingway, paru après sa mort, après son suicide. Sachant cela ma lecture en a ete influencee. J'y ai vu un chant de cygne ou Hem (comme l'appellent ses connaissances dans le livre) se rememore le temps enchante ou il etait capable d'aimer, de boire, de jouer, de boxer, de voyager, de lire, et en meme temps d'ecrire.



Mais je suis conscient que c'est une lecture tres conditionnee. En fait, tout le livre ne tourne peut-etre qu'autour d'une passion: l'ecriture. Et de la discipline qui en decoule et qu'il s'etait impose a Paris dans sa jeunesse. Ne jamais boire après manger, ni avant d'ecrire, ni pendant l'ecriture. Par contre, a la fin d'une journee feconde, il s'octroie un verre de kirsh. Il renonce au journalisme et a ses emoluments parce que ca gene le travail de l'ecrivain. Quand il s'apercoit que les courses de chevaux lui volent trop de temps, il arrete, malgre ce que ca lui rapporte – car il a des tuyaux. Quand il mire une jeune fille qui s'installe pres de lui au café, il pense " tu m'appartiens, comme Paris m'appartient, mais moi j'appartiens a ce cahier et a ce crayon".



Les faits rapportes ne sont pas peut-etre pas rigoureusement autobiographiques, vu que l'auteur lui-meme indique dans sa preface q'on peut considerer le livre comme une oeuvre de fiction. Pour moi ils sont autobiographiques dans leur essence, sinon dans les details. Un americain pour qui Paris est un décor ou se rencontrent des Anglophones. Dans tous les portraits qu'il brosse (entre autres Gertrude Stein, Ezra Pound, Ford Madox Ford, Scott Fitzgerald), pas un francais (j'en ai peut-etre rate un?). Enfin, pas un ecrivain francais. Que des garcons de café et des concierges. C'est un peu choquant, l'autosuffisance anglosaxonne. Mais je me resaissis vite et je me dis qu'au XXeme siècle Paris n'aurait pas ete tout a fait Paris sans les etrangers, du moins en litterature. Bien sur Fargue garde une place de choix dans mon coeur, et beaucoup d'autres que je ne nommerai pas pour que ca ne devienne pas une liste. Mais Paris sans tous ces americains de la "generation perdue"? Sans Miller? Paris sans les "mitteleuropeens" de l'entre-deux-guerres? Sans les flaneries dans ses passages a la Walter Benjamin? Sans les saouleries dans ses cafes a la Joseph Roth? Sans les sudamericains de la seconde moitie du siècle? Sans le Marelle de Cortazar? Sans ces chinois qui s'y decouvrent et finissent par y recevoir le Nobel? On a fete Paris dans toutes les langues. Et ca continuera. Paris a ete une fete. Paris est une fete. Paris sera une fete. Paris continuera d'etre accueillant. Pourvu que les tags disparaissent.

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L'Adieu aux armes

C'est une histoire forte, belle et triste à la fois. C'est un roman de guerre ; un roman d'hommes qui s'interrogent, qui boivent, qui vont au bordel du front, qui se battent, qui meurent ou sont gravement blessés, qui essaient de comprendre où cela les mène. C'est une histoire d'amour qui dure une heure, une nuit, une vie ; qui comble le vide de la solitude de l'Homme face à l'horreur de la guerre ; qui grandit face à l'absurdité des grands mots tels « devoir et honneur ».

Un vocabulaire riche et un rythme très particulier fait de petites phrases et de nombreuses répétitions donne le ton italien à ce roman pourtant bien américain. L'auteur se sert des mots avec brio pour les descriptions, des combats notamment, et modifie son style en fonction de la nationalité et du caractère des personnages. C'est un roman bien documenté, un roman puissant, un roman vrai où l'Homme se retrouve nu face à ses peurs, face à ses joies, un roman moderne dans le ton, un grand roman !

Les premières pages m'ont un peu perturbées, je comprenais le sens sans pour autant comprendre le style et du coup, j'avais un peu l'impression d'avoir fait un mauvais choix quant au Challenge Nobel (Hemingway 1954). J'ai bien fait de persévérer, c'est très très bien écrit et l'histoire m'a beaucoup émue!
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Paris est une fête

"Passent les jours et passent les semaines

Ni temps passé

Ni les amours reviennent

Sous le pont Mirabeau coule la Seine..."

(G. Apollinaire)



Michel-Ange a dit qu'il n'a jamais créé aucune statue, car elles vivaient déjà toutes dans le bloc de marbre de Carrare, et tout ce qu'il avait à faire était de les en libérer. "Paris est une fête" aurait très bien pu naître de façon similaire. Hemingway a seulement ramassé les souvenirs et les mots que le vent a dispersés aux quatre coins de Paris.

Et pourtant, on a failli ne jamais pouvoir s'en délecter.



Les dernières années d'Hemingway, qui comptait toute sa vie sur sa robustesse et sur son élan vital, étaient assombries par la dépression, une maladie chronique du foie, de l'hypertension, et pire encore - il commença à perdre la mémoire. Lui, toujours si fier de sa capacité dickensienne à retenir les noms et les lieux...

En novembre 1956, il a retrouvé au sous-sol de l'hôtel Ritz deux valises bourrées de notes de son séjour parisien en compagnie de sa première femme Hadley, et les retravailler sous forme de ce livre était probablement une sorte de thérapie.

"Maintenant, jamais, il n'écrirait les choses qu'il avait gardées pour les écrire jusqu'à ce qu'il eut assez appris pour les écrire bien. En tout cas, cela lui éviterait d'échouer dans sa tentative. Peut-être n'arrivait-on jamais à les écrire, et peut-être était-ce pour cela qu'on les remettait à plus tard et qu'on ne pouvait pas se résoudre à commencer", réfléchit le héros des "Neiges du Kilimandjaro", l'écrivain Harry, sur le point de mourir. Et comme première de ces choses, il nomme Paris.

Hemingway a réussi in extremis, et trois ans après sa mort, grâce à sa quatrième femme Mary Welsh, le livre est parti à la rencontre de ses lecteurs.



Qui n'aimerait pas "Paris est une fête" ? Certes, ce n'est pas pour ces "vignettes parisiennes" qu'Hemingway a reçu le Nobel, mais même son fan le plus aguerri peut parfois ressentir une certaine lassitude à la vingtième description détaillée de la chasse au koudou. Tandis que ce charmant livret ne peut ennuyer ni offenser personne.

Hemingway n'a jamais vraiment séparé la réalité de la fiction, et sa forme prosaïque mal définie reste aussi légère et pétillante que le vin blanc de Mâcon dont il est souvent question dans ces sketches parisiens.

On s'immerge avec bonheur dans cette vie bohème, où la tâche la plus difficile de la journée était de se lever avant midi, et écrire quelques pages avant de se recoucher le soir. La vie entre bars, cafés, hippodromes, littérature et rencontres au gré du hasard. C'est au lecteur de décider s'il a envie de sauter le chapitre sur l'obscur poète Ralph Cheever Dunning, et lire plutôt celui sur l'éclatante grandeur d'Ezra Pound ou celles sur Gertrude Stein, dont on sait déjà un peu plus ; si ce n'est qu'elle a beaucoup influencé le propre style d'Hemingway, même s'il ne voulait jamais l'admettre. Vous serez touchés par la rencontre avec le barde aveugle d'"Ulysse", James Joyce, et à chaque apparition de F. M. Ford ou Wyndham Lewis, vous ressentirez une très forte envie de les frapper sur la tête avec un croissant. Sans parler d'inoubliables passages tragicomiques sur le triste chevalier de la nouvelle prose américaine, F. S. Fitzgerald. Et Zelda, bien sûr...



Tout ce beau monde mis à part, le livre est aussi un intéressant témoignage sur son auteur, qui se laisse aller à une douce nostalgie. On sait qu'Hemingway était plutôt susceptible, et habitué à régler ses comptes par de mordantes allusions littéraires. On sait aussi qu'il n'était pas exactement un modèle de constance amoureuse, et qu'il savait aller durement (néanmoins honnêtement) à la poursuite de sa carrière. Mais ici on a affaire à un jeune Hemingway vertueux, un innocent écrivain débutant plein d'audace et de rêves, et un mari aimant, heureux de vivre d'amour et d'eau fraîche.

Il fait revivre le Paris des années perdues de sa jeunesse, où le vin et la nourriture étaient bon marché, et où on pensait assister à quelque chose qui ressemblait à la grande renaissance des arts ; ces temps que personne n'a alors estimés à leur juste valeur, et tout le monde l'a regretté après.

Boulevards au printemps, cafés où on pourrait passer la journée entière à écrire devant un seul verre sans être dérangé par les serveurs, et la joie... que ce soit en observant les mots qui s'alignent aisément sur le papier, ou la belle inconnue qui attend un amant anonyme dans le même café.



"Paris" se lit facilement et laisse une agréable impression. Il coule comme la Valse n°2 de Chostakovitch. 5/5 à cette beauté pure ; qu'elle vive à jamais comme souvenir des temps insouciants !
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Le vieil homme et la mer

Le vieil homme et la mer.

Comment ne pas aimer ! D'abord, j'aime la mer et l'ambiance de l'homme livré à lui-même, face aux éléments. A cela s'ajoute l'humain. Une bonne prise qui ne pourra pas soigner sa vanité, ni le porter au rang des pêcheurs de renommée. Mais pour le vieil homme, un sacre. Une gloire miraculeuse que personne jamais ne soupçonnera. Ce livre, c'est une prouesse littéraire. Pour Ernest Hemingway c'est juste la plume qui court sur le papier. C'est une pure merveille que ce livre et je ne peux rester muette. Même si l'encre a déjà coulé, il faut jeter l'ancre à nouveau pour que du ciel lui tombe encore une étoile.
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