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Critiques de François Taillandier (63)
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Edmond Rostand, l'homme qui voulait bien fa..

Edmond Rostand, l'homme qui voulait bien faire n'est pas simplement une biographie mais c'est aussi la déclaration d'un homme à un artiste qu'il admire. L'homme, c'est François Taillandier, ancien professeur de français, écrivain et chroniqueur pour la presse. L'artiste, c'est Edmond Rostand, l'auteur de Cyrano de Bergerac, célèbre mais à la fois méconnu. Ce livre a mûri, longtemps, l'auteur nous révèle qu'il s'était promis de l'écrire un jour, et nous avons aujourd'hui entre les mains un ouvrage passionnant qui serait susceptible de plaire à tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à la pièce phare d'Edmond Rostand ou tout simplement à l'univers du théâtre. Ici, ce n'est pas simplement la vie d'un écrivain qui est présentée mais surtout celle d'un dramaturge en devenir puis auréolé de succès. Ainsi, toutes les relations avec ses pairs sont disséquées et nous offrent une belle vision de ce qu'est la vie d'un dramaturge. Bien loin du romancier parfois solitaire qui s'isole pour écrire, Edmond Rostand compose pour et avec les autres, les comédiens notamment, à commencer par Coquelin qui se voit soumettre le texte de Cyrano de Bergerac au fur et à mesure de son écriture. Edmond, l'artiste, veut bien faire. Edmond, l'homme, aussi. Il restera cependant un rêveur incompris. François Taillandier nous livre avec passion de nombreuses anecdotes sur Edmond Rostand, j'en connaissais certaines, j'en ignorais d'autres (sa relation avec Anna de Noailles, l'insuccès de sa première pièce qui deviendra une comédie musicale à New-York…) et j'ai pris plaisir à les découvrir. J'ai apprécié également le fait que le biographe n'hésite pas à égratigner gentiment le talent de son idole, notamment lorsqu'il commente avec beaucoup d'humour un poème intitulé « Les cochons roses », on est bien loin alors de la tirade du nez. C'est un livre qui rend un bel hommage au poète qu'était Edmond Rostand, et tous ceux qui ont goûté à ses vers savent que l'hommage est amplement mérité.

Je remercie Babelio et les Editions de l'Observatoire qui m'ont permis de découvrir cette biographie.


Lien : http://aperto.libro.over-blo..
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Anielka

Il y a certains auteurs auxquels le lecteur peut s'identifier, ou à certains de ses personnages, à travers tel ou tel questionnement, des questionnements existentiels assez banal, finalement, car tout le monde pourrait se les poser, réfléchir sur le sens de sa vie. François Taillandier est de ceux-là. Il sait trouver les mots justes, les émotions et les pensées adéquates. Il se met en scène lui-même, se questionne au sujet de ses personnages avec lesquels il entretien une relation d'auteur à personnage. Anielka est torturée par ses remise en questions, son passé, son présent, son avenir. Son statut de femme, de mère, d'amante. Mais c'est également la société qui est interrogée. L'auteur a une pensée très juste lorsqu'il dit que nous ne sommes que le produit de notre société, conditionnés par notre époque, notre lieu. On suit les errements et les errances d'Anielka à travers aussi ses relations, son travail, ses amants, ses aberrations... Taillandier sait s'arrêter sur ce qui fait mal, sur nos comportements, apparemment irrationnels. Pourquoi agit-on ainsi ? Alors que la raison nous commanderait de faire autrement. Quels sont nos illusions, nos regrets. Parfois, le mal-être côtoie la folie. Il sait replacer nos interrogations dans notre époque.

C'est un livre qui dérange. Le style peut aussi dérouter, avec ses phrases courtes, ses interrogations continuelles. Mais François Taillandier, avec ce livre, parvient à saisir notre quête de sens et réussit un véritable tour de force. Je vous le conseille.
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Edmond Rostand, l'homme qui voulait bien fa..

Les siècles ne tournent pas avec les années zéro. Les siècles tournent avec des événements qui marquent les esprits. le 19ème s'est terminé dans la grande sauvagerie patriotique de 14, après que les terres du nord eussent été gavées de chair humaine. Edmond Rostand n'a pas voulu connaître le siècle nouveau enfanté par ce martyre des humbles. Il est mort en 1918. Il savait que la lame de boue gorgée de sang qui avait englouti le 19ème siècle avait emporté avec elle le "raffinement extrême, le luxe verbal et prosodique" du théâtre en alexandrins. "Rostand a sombré en même temps que la Belle époque."



Cyrano de Bergerac, l'Aiglon ou Chanteclerc, auront été le bouquet final d'une époque incarnée par celui qui avait été, très jeune, auréolé d'une popularité sans égal. Difficile de déchoir quand on a fait plus que tutoyer, plus qu'embrasser, quand on a incarné la gloire. Après le triomphe de Cyrano, de l'Aiglon trois ans après, Edmond Rostand avait bien perçu la gageure qui est celle de durer dans le succès. Ce n'est donc que 10 ans plus tard, après moult remaniements et atermoiements, qu'il se décide à lancer Chanteclerc, dans une débauche de décors, d'acteurs emplumés, de déclamations tonitruantes. Mais le siècle est sur le point de tourner, dans l'apocalypse, emportant avec lui la Belle époque et la poésie classique.



Les grandes oeuvres sont des monuments qui jalonnent l'histoire de la littérature. Celles d'Edmond Rostand sont érigées à la croisée de courants littéraires. Le néo classicisme et son exubérance en l'art déclamatoire, devenu désuet, est supplanté par le surréalisme, plus déconcertant. Le figuratif et le démonstratif ont vécu. Place au suggestif. Chanteclerc, le fier et bucolique horloger des campagnes du 19ème siècle s'efface au profit du trivial et mécanique réveil matin. Le charisme n'est plus une valeur. L'algorithme ne sait pas le gérer.



Plus qu'une biographie du célèbre dramaturge, François Taillandier nous dresse un panégyrique de cet "éveilleur d'âmes" et de son oeuvre. Véritable déclaration d'amour à l'adresse de celui qu'il n'hésite pas interpeler dans de grands élans de familiarité, "mon Edmond", le plaindre parfois, "mon pauvre Edmond". Il a enchanté sa jeunesse et le fascine toujours, regrettant du même coup n'être pas né à la bonne époque, n'avoir pu devenir un grand poète lyrique. N'avoir donc pu connaître celui qui "incarnait le prestige de la littérature, magnifiait l'idée du poète." Il dégage de sa personnalité trois caractéristiques qu'il développe avec force argumentations : le conformisme, dans ses jeunes années, la gravité, et la démesure.



"Je m'étais promis d'écrire ce livre."



Le temps était donc venu de faire cette déclaration à son idole de jeunesse, parmi d'autres illustres versificateurs sans doute. N'imaginons pas de calcul avec le centenaire de la mort de Rostand, il y avait jusqu'alors comme une retenue. Dès lors, par delà le siècle, Edmond le lui commande. François Taillandier sent le moment venu de raviver une mémoire injustement élimée par les décennies oublieuses de "celui qui voulait bien faire" - sous-titre de cet ouvrage. S'interrogeant cependant toujours sur la raison de cette connivence d'outre tombe. Cet ouvrage est donc bien la confession rétrospective "d'une passion singulière, anachronique, d'un gamin de quinze ans dans la France des années soixante." Il est un non conformisme à la biographie, en ce sens qu'il dévoile l'intimité de son auteur avec son sujet. C'est l'oeuvre d'une passion. C'est ce qui le rend plus touchant que simplement historique.



Quand est venu le moment de faire parler le coeur, de dire le ressenti, la prose, plus apte à traduire les pensées, encore que, avoue son insuffisance et laisse la place à la poésie. "Le poète est un professeur d'idéal, de sens et de beauté."



Je n'arpenterai désormais plus la rue Edmond Rostand à Marseille avec le même regard. Je devrai à l'opération masse critique de m'avoir ouvert les yeux devant ce numéro 14, la maison natale du plus jeune académicien que la vieille dame du quai Conti dame ait compté sous sa coupole.



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Fragments : Nouvelles et récits de Grèce

Dans ces Fragments. Nouvelles et récits de Grèce, les éditeurs Vera Michalski-Hoffman et Catherine Fragou, ont commandé des textes à 5 auteurs grecs et 4 français. Il s'agissait de rendre hommage à la Grèce  dans le cadre de l'année 2018 (Athènes est alors capitale mondiale du livre de l'Unesco).



De très beaux textes d'auteurs grecs contemporains dont une sur la Nuit d'Arcadie, où ce voyageur, abreuvé par les textes des auteurs grecs de l'Antiquité, part sur les routes du Peloponnêse et découvre la "campagne parsemée de constructions et de routes qui couturaient le.paysage, de barrières qui délimitaient les propriétés" (p. 12). Une autre nouvelle sur la vieille maison de son père dans un village "entre deux montagnes pelées  en un lieu oublié de Dieu" ( p. 39) menacée par les projets immobiliers du maire du village de construction d'une route qui devrait permettre de transformer toute la région en pôle touristique.



Rêve et réalité, références à la Grèce antique et à la Grèce contemporaine, se mêlent dans plusieurs de ces nouvelles et nous donnent, par petites touches, l'image d'une Grèce bien différente des clichés des cartes postales pour touristes estivaux.





Une étude de deux Francais sur la richesse des bibliothèques du mont Athos et la relation des moines aux livres. Des textes d'auteurs francais sur leur decouverte et leur relation à la Grèce et un ensemble de photographies de la Grèce prises, dans les années 1950, par Jacques Lacarrière, grand connaisseur de la Grèce et de la langue grecque, auteur de l' été grec et du Dictionnaire amoureux de la Grèce.



Mais quel dommage, aucune présentation de ces auteurs ne nous est faite pour nous guider dans la découverte de cette littérature grecque contemporaine, trop méconnue. Aucune mise en contexte non plus.

Pas plus d'ailleurs que ne sont présentés les auteurs français dont les textes sont publiés à la fin du volume. Qui sont-ils ? A quel titre ont-ils été  sollicités ?



Bref, l'impression d'une publication, trop rapidement conduite, destinée à un cercle d'initiés.

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L'écriture du monde

Par Ecriture du monde il faut entendre le monde tel qu’il se construit, tel qu’il se grave dans la mémoire du temps, sachant que « Dieu ne crée que de l’irréparable. La créature est une catastrophe. Et l’existence à laquelle il nous appelle, le destin de chacun, si humble soit-il, consiste à tenter de réparer le dégât d’être né. » Voilà pour Celui qui préside à nos destinées. Il en prend pour son grade avec cette assertion de François Taillandier.



Auteur que j’avais découvert et célébré l’écriture avec son excellente biographie d’Edmond Rostang. Découverte qui m’avait au passage imposé le devoir d’aller visiter la villa Arnaga au pays Basque. Ce que j’ai fait et qui m’avait transporté de ravissement. Je confirme mon goût pour ce genre d’écriture avec cet ouvrage.



Une écriture riche que celle de ce phraseur érudit, une écriture qui pondère des sentences devenues par le fait lourdes de sens, d’une portée invitant à la réflexion. A l’introspection même, lorsque comme tout un chacun on s’interroge sur le sens de la vie et le rôle de la religion face à cette question sans réponse, devenue pour le coup fondamentale. Des religions devrais-je dire d’ailleurs, car dans le domaine de la croyance, il y a pluralité, il y a divergence et contre toute attente intolérance. Et donc malheureusement affrontement.



François Taillandier a choisi deux personnages qui ont laissé leur cicatrice sur la terre dans cette époque succédant tout juste à la chute de l’empire romain et nous ouvre aux formidables bouleversements consécutifs et aux appétits que cela a pu faire naître chez des peuples jusque-là sous domination : Cassiodore, un homme politique lettré qui a servi sous le nouveau maître de ce qui n’est pas encore l’Italie du nord, le roi ostrogoth Théodoric. Et Théolinda qui devint reine des Lombards et jouera un rôle prépondérant dans la conversion de ces « barbares » à la foi chrétienne.



Ce premier tome d’une trilogie que je me fais l’obligation de compléter dans ma PAL ouvre ses premières pages en un temps où la religion chrétienne commence donc à installer ce qu’elle voudrait bien être un monopole sur le vieux continent. En ce sixième siècle de notre ère, elle commence à prendre le pas sur le paganisme, l’arianisme et ne s’attend pas encore à voir poindre une nouvelle concurrente. L’ouvrage se referme sur l’année 630 avec l’entrée de Mahomet à La Mecque à la tête de quelques milliers d’hommes, bien décidé à imposer le culte exclusif d’Allah.



Superbe fresque historique d’un temps pour lequel les références écrites sont rares et sujettes à caution. Tout le talent de l’auteur est dans la précaution qu’il prend avec ces références et dans la crédibilité du liant qu’il applique aux faits avérés.

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Clermont-Ferrand absolu

François Taillandier nous présente SA ville, celle où il a grandi, celle qu'il a quitté, celle qu'il retrouve aujourd'hui. Il nous présente Clermont sans plan préétabli,au hasard de ses pérégrinations, de son inspiration, il évoque les lieux, l'histoire, les personnalités locales sans jamais rentrer dans les détails, juste de quoi nous donner l'envie d'en savoir plus. Il nous gratifie également au passage d'un peu de poésie, de chansons populaires. Les anecdotes qui émaillent ce livre parleront à la plupart des Clermontois. Quand aux illustrations j'ai aimé leur variété, la créativité de Bernard Deubelbeiss, il ne cherche pas forcément la réalité mais il nous livre en image ses impressions, il interprète...comme cette 2CV cachée derrière la silhouette du Puy de Dôme, les girafes du Puydedomanjaro ou encore ses navires accostants près de Notre Dame du Port.

Un livre qui se savoure comme une flânerie dans les rues de Clermont, une aventure ou la chronologie n'a aucune importance. Seul bémol : un plan de la ville (pages centrales ou rabat de couverture) aurait été le bienvenu.
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La croix et le croissant

« L'homme, sitôt sorti de ses routines habituelles et exposé à la nuit et à la solitude, est peu de chose, ou plutôt n'est rien. »



Cette citation empruntée à Marguerite Yourcenar dans Archives du nord exprime avec à-propos ce que des hommes, êtres de chair et de sang, ont ressenti quand, aux origines de l’édition, il leur a été demandé de laisser à la postérité la trace écrite du passage sur terre de leurs commanditaires. Des puissants bien sûr, pas des gueux. Des puissants tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils voulaient que leur mort ne soit pas une mort aux yeux des générations à venir. Survivre par l’écrit. Leur vie fût-elle couverte d’opprobre et de sang. François taillandier tient son propos à l’époque des rois dits fainéants. Epoque qui vit à l’Orient l’émergence de la foi musulmane. L’histoire des hommes se lirait donc sur ces supports qui deviendront des livres. Ecrits de main d’homme, bien avant l’imprimerie.



Mais qu’est-ce que l’homme à l’échelle de l’éternité : rien. Marguerite Yourcenar le scande et répète à l’envi. Encore cet homme ne sait-il même pas ce qu’il fait sur terre. Ce qu’il était avant. Ce qu’il devient après. Et il passe sa vie à se vautrer dans le luxe et la luxure, à se livrer à des bassesses qui de peu le rabaissent encore. A s’entredéchirer avec ses congénères pour des peccadilles qu’il n’emportera pas au-delà de sa vie, n’en déplaise aux pharaons. Il passe en fait sa vie à se distraire de l’idée de la mort.



Alors quoi ?



Alors Dieu ! Oui, Dieu !



L’homme est trop petit à l’échelle de l’univers, à l’échelle du temps, trop vil à l’échelle du mystère qui préside à cet obscur éclair de conscience qu’est sa vie. Instant au cours duquel un esprit est venu se contraindre dans un corps de chair et de sang.



Alors Dieu ?



Oui Dieu ! Hors de toutes échelles de temps et d’espace. Hors de toute convoitise, de joie, de peine, de naissance et de mort. Dieu éternel. Être sans substance. Non-être donc. Non-être qui dépasse toute vie sur terre depuis l’amibe sortie de l’océan jusqu’à cet être vaniteux pétri de concupiscence en même temps que de peur qui se fait appeler homme. Dieu est la réponse à l’insignifiance. Alors plutôt que raconter l’homme, fût-il roi sur terre, autant prôner ce dépassement de tout, cette transcendance : Dieu.



Ecrire ce que des hommes qui se sont dits messagers de Dieu, récepteurs de la parole divine, prophètes, écrire ce que l’instance supérieure, mystérieuse, inaccessible, invisible leur a dit. Puisqu’Il s’est rendu audible à eux. Ce que les hommes, ceux qui se disent grands, voulaient faire transcrire de leur vulgarité dans autant d’ouvrages du même niveau sera avantageusement remplacé par la parole divine dans un seul ouvrage. Le LIVRE.

La croix et le croissant de François Taillandier nous dit la gesticulation de la créature intelligente, et pourtant bouffie de défauts, pour s’élever, dépasser sa si courte existence, si médiocre existence et trouver le salut. En Dieu !



Mais même en cette intention les hommes n’ont pas trouvé de collusion. Le LIVRE est devenu multiple. Et encore en est-il pour clamer que la parole divine ne peut être écrite. Elle ne peut être entendue que par des élus et colportée par le Verbe.



Pauvre homme, pris entre la Croix et le Croissant, et peut être encore d’autres symboles de religions, celles-là moins extraverties. Plus confidentielles, moins belliqueuses, ne revendiquant pas le monopole. Pauvre homme qui n’a pas entendu le message d’amour que prêchent toutes ces religions qui se revendiquent du Livre, en même temps qu’elles le foulent aux pieds.



Formidable ouverture sur ces notions de désarroi de l’homme en sa condition que celle de François Taillandier. Pauvre homme en quête de dépassement des bornes de sa vie. Dépassement qu’il a trouvé en Dieu. Dépassement qu’il a transcrit dans le Livre pour associer sa pauvre existence à celle de son créateur. Et survivre ainsi avec lui dans l’éternité.



J’ai retrouvé avec délectation la hauteur de vue de cet auteur sur la condition de l’homme livré au mystère de la vie. Approche que j’avais découverte avec L’Ecriture du monde et que je m’impose de suivre dans le troisième volet de cette trilogie tant elle comble mon appétit de cette écriture érudite tout en restant accessible, sur ces questions que l’on qualifie de fondamentales.





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L'écriture du monde

Pourquoi ressusciter, dans un roman scrupuleusement historique, mais qui s’adresse à un lecteur du XXIe siècle, le personnage de Cassiodore, surtout connu pour avoir livré au moyen âge un condensé des sept arts libéraux ? Sans doute parce que l’époque de transition dans laquelle il a vécu, au VIe siècle, n’est pas sans rappeler notre époque, où la transmission d’une culture agonisante, la multiplication des contacts entre civilisations, les conflits politiques et religieux, peuvent évoquer les derniers soubresauts d’un empire romain que l’on croyait universel et éternel. L’évocation des « barbares qui piétinent à nos frontières » dans la bouche de saint Benoît ne restera peut-être pas sans échos… Mais surtout, parce que l’expérience d’un homme qui traverse et accompagne la course mouvementée de son siècle, et qui, à l’occasion, l’infléchit, ne peut qu’inspirer un romancier qui a toujours eu une vision d’ensemble de son époque et qui s’est laissé imprégner de ses courants, pour les accompagner ou les dénoncer. Gageons que derrière le jeune Cassiodore soucieux de faire converger les intérêts sociaux et réunir les cultures, se cache la même volonté d’« œuvrer en conscience, au risque de l’erreur », du romancier impliqué dans son temps. « Nous ne déchiffrons pas ce que nous inscrivons sur le Grand Livre », conclut-il : ce n’est pas la lecture, mais « l’écriture du monde » qui a donné son titre au roman. Nous l’écrivons à l’aveugle, mais sans l’homme, le monde resterait une page blanche. Alors, la question essentielle, pour chacun, est la manière dont il marquera le bref passage qu’il accomplit ici-bas. Pour tous ces héritiers d’un monde en déliquescence, l’effort est le même : « rassembler, pour léguer. » Peut-être est-ce cela que nous ressentons dans l’encyclopédisme brouillon du XXIe siècle.

Disons-le d’emblée : la partie purement historique, qui tente de retracer les grands équilibres des forces en présence, les motivations des personnages, glissements tectoniques qui écrivent le monde, passionnera à coup sûr l’historien par la précision des références et l’intelligence des interprétations. Malgré la clarté de l’exposé, le non spécialiste s’y sentira un peu perdu. Il y reconnaîtra quelques grands noms, saint Benoît, Grégoire le Grand, Justinien ou Boèce, figures imposantes qui servent surtout de prétextes à évoquer les grands domaines culturels ou politiques qu’ils ont fait progresser : la piété monastique ou ecclésiastique, le droit, l’érudition…

L’écrivain s’est amusé, surtout dans les premières pages, à créer une langue plausible et lisible, au léger parfum antiquisant obtenu par un imperceptible décalage lexical ou orthographique, l’usage de mots rares (haret pour chat sauvage) locaux (maremmes), latins (magister pour maître), archaïques (géhenner pour gêner), ou par l’usage discret du subjonctif imparfait. Il n’abuse pas du procédé, se contentant, par passages, de recréer une atmosphère vaguement archaïsante qui crée une atmosphère feutrée. L’écriture du monde passe aussi par l’invention d’une langue.

Derrière cette écriture du monde, c’est la sensibilité d’un personnage que l’on cherche. Et Cassiodore est écrivain. L’écrivain qui l’évoque sait de quoi il parle. En filigrane, nous lisons souvent les affres de la création, les doutes qui saisissent l’auteur lorsque son travail est achevé, « l’effondrement intérieur » de le voir lui échapper, dès qu’il est publié. Et puis, le « petit jeu » du succès, des critiques, des ventes, des réactions des lecteurs… Le vieillissement de la cinquantaine, décrit avec une brutale lucidité : « l’abdomen comme une outre usée, veinée de bleu » ; les « misérables et têtus obstacles » qui s’interposent « entre le vouloir et l’agir ». Le reflux du corps, le soir, dans la fatigue chaque jour plus vivement ressentie. « Alors vient le sommeil, qui te prend dans ses bras de prostituée sans sexe, et t’engloutit, inconscient, abandonné, infans, dans la matrice du silence et de l’oubli. » Et la hantise, soudain, d’être devenu un cœur desséché, « un inspecteur, un administrateur » qui ne s’exalte plus de tout ce qu’il a vu…

Les pages les plus fortes de ce roman, celles où l’on retrouve la puissance de La Grande Intrigue, sont les évocations grandioses des orgies romaines, ou les quatre rêves prophétiques où Léandre, admirateur posthume de Cassiodore, découvre l’avenir irrémédiable du genre humain. C’est ici que l’écriture visionnaire de François Taillandier se donne libre cours et que le roman prend tout son sens. C’est ici que le romancier vibre, et ne se contente plus, non, d’être « un inspecteur, un administrateur », mais un créateur, au sens plein du terme, qui parvient à faire vibrer le lecteur à l’unisson de sa vision.
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La croix et le croissant

Amateurs d'histoire, régalons nous! François Taillandier nous fait vivre l'Histoire, en se mettant dans le peau des grands de l'époque.



Début 7e siècle, Constantinople vacille. Le basileus Héraclius se désespère de la perte de Jérusalem au profit des perses, ne reçoit aucune aide de son vassal, le roi franc Dagobert, pendant qu'une menace pire que les perses naît au sein des cavaliers d'Allah.



1. Heraclius empereur faible, pense à évacuer Constantinople menacée par les Perses qui ont déjà repris l'orient et Jérusalem mais revigoré par l'amour que lui porte sa nièce Martina, part reconquérir tout ça, y remet de l'ordre pour peu de temps car arrivent les redoutables cavaliers noirs d'Allah.



2. A 35 ans, l'épicurien roi Dagobert se meurt à Saint Denis auprès son vieux précepteur Pépin de Landen (Landen, c'est mon coin;-) envieux de la richesse culturelle des romains et rêvant de faire évoluer les francs.



3. Quand il entre à Jérusalem, Omar, successeur de Mohamed, s'émerveille des livres et décide l'écriture du coran.



4. En l'abbaye Saint Martin de Wandre (Wandre aussi c'est mon coin;-) le moine Frédégaire est nommé chroniqueur par Pépin de Herstal.



5. Emergence de Karl, fils bâtard de Pépin de Herstal. Se sentant investi d'une mission il part combattre les hordes de soldats d'Allah et les arrête à Poitiers.

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François, roman

« François, roman ». Titre étonnant, le livre n'est pas un roman, il ne le revendique pas. C'est le livre de souvenirs d'enfance et de jeunesse d'un petit Auvergnat de Clermont-Ferrand.

Plus : il tente de répondre à la question « comment devient-on ce que l'on est ? ». Est-on ce que les parents ont fait de nous ? Ce que l'École a fait de nous ? Est-on le produit de nos amitiés, ou plus simplement de l'air du temps, de la mode, des événements ? de tout sans doute.

Voilà les question que se pose l'auteur en les illustrant par des épisodes successifs de son enfance, lui qui fut élevé dans un famille catholique et gaulliste, instruit à l'école privée, fut un temps gauchiste (de quelle obédience?), marxiste et se dit finalement socialiste.

Et finalement qu'est-il au sortir de sa jeunesse alors qu'il est déjà entré pleinement dans l'âge mûr ? Il le dit lui-même : "François (…) Celui de sept ans, celui de quatorze ans."

Zut ! Tout ce trajet, toutes ces épreuves, toutes ces défaites et ces victoires, pour revenir au point de départ : l'enfant fabriqué par ses parents entre l'âge de raison et l'adolescence en révolte. Non, cela ne vaut pas le coup ! J'avoue ma déception à ce point final du livre.

Un livre agréable à lire, bien mené, bien rythmé, qui nous fait traverser les années 60 et 70, années de liberté, pleines d'espoirs et de révoltes.
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Ce qu'ils font est juste

En 2015, suite à l'émoi international suscité par l'affaire Aylan Kurdi, l'enfant syrien noyé et échoué sur un rivage en Turquie, l'éditeur Points avait publié Bienvenue !, un recueil de nouvelles rédigées par « 34 auteurs pour les réfugiés », tous bénévoles, dont les droits seraient reversés au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Des noms célèbres avaient participé à cette publication, par des nouvelles très courtes.

En 2017, l'éditeur Don Quichotte (groupe Seuil) repropose une initiative semblable, au bénéfice des associations La Roya citoyenne et Terre d'errance, par un recueil de nouvelles sur le thème de l'accueil et de la solidarité aux migrants. Le titre : « Ce qu'ils font est juste » se réfère à la désobéissance civile à l'ignoble article L 622-1 qui, depuis un décret-loi de 1938 (antérieur donc à Vichy et jamais révoqué), instaure un « délit d'hospitalité ou de solidarité », indépendamment de la nature onéreuse ou gratuite des actes d'accueil – instrument juridique, donc, qui n'est pas utilisé uniquement pour la lutte contre les réseaux de passeurs clandestins, comme le prouve encore récemment l'affaire Cédric Herrou (étudiant aujourd'hui agriculteur à Breil-sur-Roya) et qui pourrait à tout moment rendre hors la loi et justiciables (sans modification législative) les centaines d'associations, organisations caritatives et de collectifs français qui portent assistance et secours aux migrants.

Cet ouvrage collectif, sous la dir. de Béatrice Vallaeys, comporte, après une section les planches du dessinateur Enki Bilal, les nouvelles de 27 auteurs. Par rapport à l'ouvrage de 2015 (en format poche), et malgré un nombre inférieur de participants, le nombre de pages de ce livre est pratiquement doublé : les nouvelles sont généralement beaucoup plus longues, et la « liberté fictionnelle » par rapport à la thématique impartie est également plus grande. Sans doute, la thème de l'hospitalité envers l'étranger se prête-t-il à une élaboration plus métaphorique que celui de la migration, peut-être le lectorat, en quelques années, s'est-il préparé à entendre des voix encore plus disparates et hétérogènes sur ces sujets. Toujours est-il que, grâce aussi à deux nouvelles traduites de l'italien et une de l'anglais, l'éventail des genres littéraires (y compris l'humour, la science-fiction, la mythologie antique, la poésie etc.), les cadres historiques et géographiques des récits, outre les styles s'avèrent très variés.

Ma préférence personnelle, pourquoi le dissimuler ?, va quand même aux nouvelles qui ont un ancrage dans le réel – contemporain ou historique.

Pour nommer quelques textes qui m'ont marqué, je mentionnerai : « Les étoiles de Platon » de Fabienne Kanor, « Laissez passer les loups » de Serge Quadruppani et « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » de Pascal Manoukian, qui met en scène un certain Pal, refoulé de France en 1948, et son fils Nicolas, qui naîtra (en 1955) et grandira en Hongrie, et sera donc décoré parmi les cadets du Parti, plutôt que d'accéder au Palais de l'Élysée...

La postface de Béatrice Vallaeys, « L'immigration, ça fait toujours des histoires », qui retrace l'histoire du fameux article L 622 en citant abondamment Patrick Weil – dont les essais sur les politiques françaises de l'immigration sont absolument essentiels – est également très appréciable.
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François, roman

Dans son dernier livre « François, roman », François Taillandier essaye de comprendre l’enfant qu’il fut et qu’il retrouve sur une photo à l’âge de 7 ans. Lorsque sexagénaire, François Taillandier recherche l’enfant qu’il était, forcément une existence propre de ce bonhomme à la frange mal taillée se dessine. Comment retrouver l’enfant au regard de l’adulte qu’il est devenu ?

En recomposant son quotidien et ses émotions, François Taillandier nous décrit une enfance solitaire plongée dans les découvertes littéraires qui ont forgé sa passion et enfance aimée par des parents, grands-parents, des grandes tantes et oncles, tout un ensemble d’adultes qui l’ont accompagné tout au long de ces années appelées les Trente glorieuses.

Dans la seconde partie, François Taillandier nous présente aussi le François à 14 ans. Cet adolescent découvre la sexualité dans un monde d’adulte où l’injonction est la libération sexuelle. Cette partie est une petite merveille d’ironie et de dérision. Ce jeune, la tête dans les livres, passe à côté des choses et sa maladresse à vivre y est largement décrite.

» Son petit ange gardien, François, » qui a vécu dans le passé toute son enfance peut à la fin du livre entrer dans l’âge adulte au présent. Et, sexagénaire, François Taillandier remercie ce gamin qu’il vient de re-connaître et avec qui il se réconcilie au fil des pages.

Quelle est la partie d’autobiographie et de fiction ? Qu’importe, car dans son propos, la vie de François est riche de découvertes et de curiosités, décrite sans nostalgique et sans regret, avec bienveillance et étonnement, tant l’enfant devient un personnage différencié au cours d’une époque qui n’existe plus et dont François Taillandier refuse d’en assumer les responsabilités tant il était jeune et en décalage avec l’humeur du moment.

Mais, au delà de l’histoire d’un enfant c’est le rapport avec la littérature que décrit l’auteur. Sans les mots d’Edmond Rostand, ceux de Balzac et tant d’autres, François ne serait l’historien écrivain de notre temps. François Taillantier étudie comment les mots d’un autre peuvent former, modeler, épanouir et révéler celui qui les lit. Pour la lectrice que je suis, ce fut un plaisir de voir l’auteur décortiquer ces moments solitaires !

Pas facile de se raconter après plus de trente livres à parler du monde et de littérature! Néanmoins, le récit de François Taillandier dans son « François, roman » prouve avec élégance que vivre passe forcément par la reconnaissance de l’enfant qu’on a été et lire peut être une manière d’apprendre à se connaître, à reconnaître le monde !
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Edmond Rostand, l'homme qui voulait bien fa..

Son coup de génie lui a apporté la gloire en 1897 : Edmond Rostand avec son Cyrano.

Mais la Grande Guerre a tout balayé, en condamnant à l’oubli son époque, y compris les goûts littéraires. Avec cet essai biographique, j’ai découvert le destin d’un poète tourmenté par la dépression, son manque de confiance et sa propre célébrité. Mes pages préférées sont celles qui évoquent la genèse de Cyrano. Le poète a eu deux indispensables collaborateurs : son épouse Rosemonde et le brillant comédien Coquelin.

Avoir placé l’œuvre et l’artiste dans le contexte historique - voilà le véritable point fort. Taillandier donne sa vision personnelle, sans tomber dans l’admiration béate. Un regret : des allées-retours entre le fil narratif et les autres moments clé de la vie du protagoniste, comme si le biographe redoutait la monotonie en gardant la succession chronologique.



Quant à la rupture générationnelle entre les traditionnalistes et les surréalistes, Taillandier écrit : « [ …] même Anatole France, qui a pourtant dénoncé la guerre, leur paraît une vieille barbe académique ; André Breton recommandera de cracher sur son cadavre. Nul doute qu’un Rostand encore vivant eût subi quelque provocation analogue », p 205. Cela a titillé ma curiosité. Je suis tombée sur les tracts surréalistes collectifs (voir site melusine-surrealisme).



Ensuite j’ai exploré de belles images : la somptueuse résidence Arnaga au Pays Basque et les portraits de Rosemonde et de Sarah Bernhardt, vêtues de robes blanches, avec volants et dentelles, très romantique !



Un extrait : « E R ressemble à son époque en ce qu’elle a pour nous de plus désuet, avec ses canotiers et ses cannes, son style tarabiscoté, ses exaltations cocardières, ses comiques troupiers et ses cocottes célèbres. [ ] Tout un monde insouciant et luxueux, follement narcissique, se fracasse à Verdun, aux Eparges, au Chemin des Dames. » p20

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L'écriture du monde

Alléchée par l'histoire contée par ce livre, les fondements de la civilisation judéo-chrétienne en Europe, j'ai acheté ce livre lors de sa parution.

Attention il s'agit d'un roman de lecture ardue (nombreuses références historiques). L'écriture choisie (peu de dialogues par exemple) en fait un roman ...peu romanesque !!!

Dommage car un style plus fluide, plus proche des protagonistes de cette histoire aurait permis que l'on s'attache aux personnages ...

J'ai continué cette lecture pour en savoir plus sur cette période.

Attention, amateur de roman historique basé sur des intrigues diverses, des histoires d'amours impossibles disposant d'un fond ou d'un contexte historique, passez votre chemin ! Dommage ...
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L'écriture du monde

Marguerite Yourcenar a donné la preuve que le roman historique pouvait être proche de l'essai, que la narration de faits passés et l'évocation des atmosphères des siècles pouvait aller de pair avec une réflexion, et d'une pensée sur l'actualité de l'auteur. "L'écriture du monde" illustre bien cela, et ses récits ont un charme prenant et une puissance de rêve à laquelle je suis sensible. Je vois bien aussi que l'atmosphère de barbarisation, de déculturation, rapproche notre vécu actuel de ce que nous imaginons des V° et V° siècles de Rome. J'aurais aimé toutefois que l'auteur soit plus attentif à éviter les anachronismes, dont la tentation est grande dans ce genre de sujet.
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Balzac

Voilà la vie de ce monstre de travail, de ce génie comme aima le dire Hugo lui même! On y découvre le choix très rapide du jeune Honoré d'embrasser la carrière des lettres. Précurseur du roman social, Balzac va dépeindre la société telle qu'elle est, et se heurter au mépris des critiques et à la censure... Pourtant il persiste, certain qu'il est l'artisan et d'un style et d'une œuvre! Infatigable ouvrier du texte, Balzac d'abord par passion, mais aussi par nécessité, les créanciers le poursuivront jusqu'à sa mort, il compose, il écrit! Plus de 2000 personnages et plus de 100 romans vont composer "la comédie humaine"!

Mais que serait l'écrivain sans les femmes, ses nombreuses maitresses sont la source de son inspiration, mais son véritable amour restera lui, fidèle à madame Hanska qu'il épousera...Trop tard...Hugo ami fidèle lui rendra un vibrant hommage...Livre très intéressant un brin trop court pour faire le tour de cet écrivain...

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Edmond Rostand, l'homme qui voulait bien fa..

Très bonne biographie de Rostand, où l'on comprend que la notoriété à écrasé l'homme et sa famille !
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Edmond Rostand, l'homme qui voulait bien fa..

L'adolescent (e) magnifie l'écrivain qui le bouleverse, l'accompagne, le forme, le console, le conforte et l'aide à grandir.

L'adulte prenant quelques distances (littéraires et autres) garde cependant blotti au fond de lui cette rencontre particulière de ses quinze ans.

François Taillandier le proclame, à cet âge, il a "rencontré" et donné une place primordiale à Edmond Rostand.

Le plus objectivement possible, il raconte la vie et l'oeuvre de cet auteur qu'il a intensément côtoyé et livre une analyse de ce qu'il fut et demeure (?) en cette année 2018 qui commémorera le centième anniversaire de sa disparition.

Parlez à chacun de cet écrivain, un nom surgit : "Cyrano de Bergerac".

Le héros perdure à travers les années et les époques, un peu moins ses autres oeuvres, plus du tout son oeuvre poétique...

L'époque, voilà le fil conducteur pour comprendre l'auteur dramatique.

François Taillandier cerne Edmond Rostand.

Il le situe à son époque (origines et famille, vie, amours, goûts, héritage culturel et littéraire, académisme...).

Le style "nouille" au goût du jour se retrouve dans sa poésie quelque peu alambiquée, excessive voire ridicule, emphatique, indigeste pour les lecteurs d'aujourd'hui.

Edmond Rostand est l'époque dans laquelle il s'insère parfaitement. La lecture que nous faisons sera "sociologique" et permettra de mieux percevoir son cheminement et d'accueillir les extraits proposés.

Qu'à cela ne tienne, l'intérêt est dans l'histoire d'une période, d'un milieu social et d'un cercle littéraire particuliers.

L'homme se profile, hypocondriaque, dépressif, cyclothymique, fragile, mégalomane.

Il traîne un parfum de "Belle-Epoque" et méconnaît la réalité vraie dans toutes ses revendications sociales, artistiques,...

La guerre 14/18 brisera le monde dans lequel Edmond Rostand se maintint.

Ses vers de l'époque sont presque choquants devant la boucherie des tranchées et l'oxygène renouvelé viendra du souffle d'une autre poésie : Apollinaire (qui vivra et dira la guerre comme elle doit être racontée), Valéry... et Aragon...

"L'homme qui voulait bien faire" émeut.

Dommage qu'il ne fut pas l'homme qui fit mais... l'époque, le milieu, "l'ombre tutélaire" de Victor Hugo, l'héritage culturel du romantisme, les doutes, le repli... l'ont emprisonné.

La conclusion du livre est juste et belle.

L'homme a fait ce qu'il a pu. Avec son propre "panache".



Mes remerciements à Babelio et aux Editions de l'Observatoire pour cette lecture où l'on apprend beaucoup.

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Solstice

Les deux précédents volumes de la trilogie de François Taillandier prenaient clairement le parti de la reconstruction romanesque, solidement appuyée sur une information et une réflexion historiques. Dans ce troisième volume, l'auteur semble paralysé devant la perspective de créer de nouveaux personnages aussi prenants que Cassiodore et Théolinda (I), ou Frédégaire et Omar (II). Le premier récit du volume III, "La sépulture de l'apôtre", relate pour la n° fois la conquête musulmane de l'Espagne sans point de vue narratif repérable, et la tentative de constitution du calife Abd-er-Rahman III en personnage romanesque, survenue en cours de récit, n'aide pas à assurer son unité. Ce n'est donc ni du roman, ni de l'histoire, mais un peu des deux et aucun des deux, faute de parti-pris bien marqué. La seconde partie, qui pourrait passer pour des mémoires fictifs d'Eginhard, contemporain de Charlemagne, ne prend pas : le personnage attend la mort, contemplant les ruines d'un empire en lequel il a cru, et se lamentant en vain sur son héros si sympathique. Enfin, la troisième partie, où l'auteur reprend le personnage de la légende antisémite du Juif errant, me semble aussi ratée que les deux autres. Pourtant l'auteur fait l'effort de passer au récit à la 3° personne, ce qui nous change des sempiternelles autofictions écrites en français de télévision et célébrées par la presse littéraire. L'auteur cependant, conscient du caractère antisémite douteux de la légende du Juif errant (puni d'immortalité et d'errance perpétuelle pour avoir refusé d'aider le Christ sur son chemin de croix), essaie de l'adapter en l'adoucissant : son Juif errant continue d'errer, pour des raisons semblables d'ailleurs, et raconte les siècles d'histoire juive dont il a été le témoin, de 33 à 810. C'est une sorte de touriste historique qui est partout là où il faut. Cela sent le procédé et ne convainc nullement, ni sur le plan historique (on se perd dans une sorte d'essai superficiel sur le haut Moyen-Age), ni sur le plan littéraire. Les deux volumes précédents laissaient espérer autre chose que ce ratage ennuyeux.
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La croix et le croissant

Une série de vignettes biographiques et romancées, composées et associées avec art, nous fait entrevoir ici les grands personnages (grands depuis que l'histoire comme récit littéraire les a faits tels) des VII° et VIII°s. Des mourants, des vaincus d'abord, comme l'empereur romain ("byzantin") Héraclius vaincu par les Arabes, ou le roi mérovingien Dagobert, incarnations d'ordres anciens qui s'écroulent. Des vainqueurs, arabes ou bien carolingiens : les premiers partis pour conquérir et islamiser le monde, les seconds pour réorganiser l'Occident en empire capable de leur résister. Et parmi tous ces traîneurs de sabre, ces hommes de sang, anciens maîtres légitimes ou nouveaux maîtres à légitimer, la figure discrète du moine historien Frédégaire, celui qui écrira la chronique de tout cela, le seul qui survivra par ses oeuvres à tous les empires effondrés, comme Cassiodore au premier volume de cette trilogie. Si ce n'est pas un roman historique acceptable à cause du caractère disparate de l'intrigue, ce livre donne au moins une agréable leçon de vulgarisation historique au lecteur, et peut-être le prévient discrètement sur ce qui l'attend.
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