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Citations de François d` Epenoux (138)


Après tout, l'important, c'est que ça marche ! Et ça marche. Ca marche même tellement bien que Francis, en annexe de son établissement, a ouvert un bar appelé "Les Mangeoires" (toujours la caution rustique). On y trouve des tartines au jambon de pays et des oeufs à la truffe "à se damner", dixit les magazines de fooding. Le champagne, lui, vient de Reims. Les Russes adorent s'en arroser quand ils viennent, ça fait danser sur les tables leurs femmes top models qui rient très fort pour donner le change. Elles sont couvertes de sigles prestigieux. Ici comme ailleurs, les griffes des grandes marques ont remplacé celles des loups.
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...Et pour le restant de ses jours, décida d'une façon générale que la discrétion et le silence valaient mieux que le bruit inutile et les coups dans les murs...
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Retour une heure auparavant. Nous sommes le 20 septembre 2002, un dimanche. Comme il le fait une fois l'an, Gaby a gagné Versailles pour se rendre au chevet de la vieille femme, maintenant septuagé¬naire. Le voilà garé devant les grilles du parc. Du haut de leur majesté, les cèdres ancestraux semblent narguer la condition humaine des visiteurs, dont l'existence ne se mesure qu'en piètres décennies. L'endroit est assez luxueux, une sorte de résidence des flots bleus avec vue imprenable sur la mort.
Au rendez-vous fixé, Gaby frappe à la porte, entre dans le studio et se dit voilà : j'ai devant moi le balu¬chon du dernier voyage, toute une vie dans une pièce, quatre pans de mur noués autour d'une canne de vagabonde sédentaire. Autour de lui, quelques lointains portraits de proches, deux ou trois meubles de famille, des bonbons et des cachets, un téléphone à grosses touches semblable à ceux que l'on offre aux enfants en phase d'éveil. Au milieu trône un lit.
«Gaby, c'est toi ?» demande une voix venue de l'extérieur.
Gaby trouve que ça pue, sans doute l'odeur rance des brioches qu'elle n'a pas touchées, le jus acide des fruits maintenant pourris dans lesquels elle n'a pas osé mordre. Toute cette vie déjà périmée. C'est trop tard, à présent, voilà ce qu'il pense. Va falloir qu'elle laisse derrière elle tous ces jolis souvenirs. Va falloir qu'elle parte, en somme. En prenant soin d'avaler ses médicaments, d'être à l'heure pour le dîner - ce soir c'est fête, il y a du flan aux cerises - et de faire un petit pipi avant d'aller se coucher pour une poi¬gnée d'heures, ou de siècles, ce sera selon.
«Gaby ?»
Gaby lui en veut de lui jeter à la gueule l'image de ce qu'il va devenir un jour. Pour le reste, il est content de lui avoir trouvé une place dans cet éta¬blissement de bonne tenue. Ce n'est certes pas somptueux, mais c'est suffisant. Le personnel se montre aux petits soins pour ces gamins aux cheveux blancs. Les escaliers aux larges marches se prêtent indulgemment à leurs ultimes escapades - un bridge dans le salon, un bingo dans la salle de télévision. Chaque studio possède sa terrasse «privative» (dixit le catalogue). C'est justement là que sa mère est installée.
«J'arrive, maman. Une seconde.»
Allongée sur son pliant, elle tient tête à un soleil dont elle sait que, bientôt, il va briller sans elle. L'ombre la gagne, ça lui fait du bien, mais c'est l'ombre quand même. Et si Gaby ne peut s'empêcher d'y voir comme une préfiguration, ce n'est pas tant cela qui l'affecte que certains détails accablants : les jambes de sa maman, blanches, prises dans des chaussettes de contention de couleur chair; la marque de l'élastique sous les genoux; ce pauvre décolleté décharné; ses dents tachées de rouge à lèvres, clownerie impardonnable chez celle qui fut une aristocrate coquette; les veines de sa main, enfin, saillantes, dont l'aspect funestement sombre lui donne au moins l'illusion qu'il y coule vraiment du sang bleu.
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C'est dans sa voiture, en écoutant la radio, que Gaby Bobobska prend connaissance des dernières statistiques de I'Insee : soixante-dix-huit ans d'espérance de vie pour les hommes en France. En temps normal, la nouvelle ne lui ferait ni chaud ni froid -pas davantage, du moins, que n'importe quelle information humaine ou terrestre. L'ennui, c'est qu'en l'occurrence il revient juste de l'hospice. Il y a rendu visite à sa mère, parmi des vieillards qui, eux, n'espèrent plus rien de la vie depuis longtemps, sinon, précisément, une longévité dont ils semblent avoir fait l'enjeu d'un concours morbide.
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Qui n’a jamais enfoncé une barre de chocolat dans un tronçon de baguette fraiche ne sait pas ce qu’est la volupté
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Il me fait rire, le Vieux. De son temps, tout était plus net, on était pour, on était contre, avec ou sans Dieu, avec ou sans maître, on était soldat ou déserteur, d'un côté ou de l'autre d'un rideau de fer bien commode finalement. Aujourd'hui, tout se dilue et tout s'agrège dans une pâte uniforme qui nous colle à la peau. On nous a appris à avoir peur, à suivre, à nous montrer consensuel. Le monde est une ampoule suspendue dans le noir, avec sept milliards de mouches posées dessus. Demande-t-on à une mouche si elle est pour ou contre l'ampoule qui l'attire? Non. Elle s'accroche et attend de mourir au contact de ce qui est, malgré tout, chaud et lumineux.
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Je suis un papa du dimanche. Du dimanche, comme on dit d'un pêcheur qu'il est un pêcheur du dimanche, avec tout ce que l'expression peut revêtir d'amateurisme, de tendresse, de passionné aussi. Papa de l'impro, papa des cours de rattrapage, papa au long cours et au petit matériel. Papa qui rame, qui rit, qui pleure.
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- En gros, tu me laisses le week-end pour détruire ma vie.
- C'est ça.
- Juste deux jours à tuer. Et ma famille avec.
- (...) Pardonne-moi de te le rappeler, mais c'est toi qui as décidé de rompre avec ta vie. Je t'entends encore me dire que tu allais tout quitter. Partir. Que c'était mieux comme ça. C'étaient tes mots. Tu le sais bien.
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Marc referme la porte derrière lui. Se persuade une dernière fois, et sans mal, qu’il est grand temps de quitter ce siècle abominable, avec ses réseaux sociaux à la con, son narcissisme obscène, sa haine omniprésente partagée, likée, sa planète en train de brûler et de fondre à la fois, une véritable omelette norvégienne.
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- Tu ne connais pas Skip ? enchaîne le Vieux, ravi de son effet.
— Skip, c’est une lessive, papa. Oui, je connais Skype.
— Skaïïïïpe, si tu préfères, oh là là !… Vous et votre anglais…
— Désolé, on le prononce comme ça, je n’y peux rien, mais ce n’est pas la question, la question est : qu’est-ce que tu fais sur Skype, là, maintenant ?
— Moi aussi, je suis content de te voir.
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Et quand Gégé (Germaine) boit, elle boit beaucoup.
Elle ne boit pas, elle se bourre la gueule à s'en péter les veines, à s'en arracher le coeur, à s'en déchirer la mémoire.
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Carole. Carole la généreuse, qui parle et rit et embrasse à gorge déployée, et dont la chemise Lacoste si joliment remplie donne soudain aux hommes l'envie d'en découdre à mains nues avec un crocodile.
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Aujourd'hui, la "soupe toute simple au serpolet façon grand-père" est à cent vingts euros à la carte ; les étrangers viennent en hélico pour la goûter, et tant pis pour les chamois que ça dérange ou les aigle qui regardent ailleurs. C'est que la neige, en bonne gourgandine, ne se donne qu'aux plus offrants, ceux qui peuvent monter aussi bien en altitude que dans les enchères. Peu importe si ce sont précisément ceux-là qui font le plus mal, à coup de grosses bagnoles et de bars lounges bling bling crachant du gros son dans la vallée pour faire danser les parvenus, Cristal Roederer à la main. Ironie de la vie et d'une nature corrompue, quand tout sera investi par les ploucs en tong et les déchets plastiques, les mêmes seront les derniers à pouvoir contempler du haut de leur yacht, les ultimes paradis vierges d'un monde qu'ils ont contribué à détruire.
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Le silence est souvent la petite fierté des lâches.
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– Quand je vais dans les magasins, il y a des télévisions partout ! Des écrans dans tous les coins ! Impossible d’y échapper ! Pas plus qu’à la musique, d’ailleurs… Enfin, musique… Entendons-nous ! Des rythmes d’hommes de Cro-Magnon ponctués d’éructations haineuses. J’essaie d’éviter, mais quand mon regard croise ces images, excuse-moi, je suis bien obligé d’y voir ce que j’y vois : des chimpanzés en rut, le froc sous les fesses, le caleçon apparent, entouré de filles de joie qui remuent le cul.

Je prends le parti d’en rire.

– Pas mal quand même les filles de joie, non ?

– Franchement ? Même pas. Elles n’arrivent pas à la cheville…

– De Sophia et de Gina, je sais. N’empêche que tu regardes.

– On me force à regarder, nuance. On me force à écouter ou, du moins à supporter. Là encore, est-ce que j’ai le choix ? Non. Alors j’essaie d’en voir le moins possible. Je fais comme la Lionne quand on traverse une zone commerciale pleine de panneaux publicitaires et de fast-foods : je poursuis mon chemin.

– Mets lui des oeillères autour des phares, comme aux chevaux de trait, dis-je en rigolant.
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Il y règne comme partout, une odeur d'éther, d'urine et de cantine. Il sait qu'au rez-de-chaussée les larges parois vont s'escamoter pour laisser le champ libre à une vision de cauchemar. Celle d'un troupeau de fœtus centenaires attendant de sortir du ventre de la vie.
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... Quand à la planète, après la grande fête des trente glorieuse et la fin du XXe siècle, elle n'a plus grand-chose à promettre, sinon de devenir un buffet dévasté, couvert d'assiettes mal vidées, de bouquets clairsemés et d'oiseaux empaillés, trempé de verres renversés et de glaçons fondus, avec, d'un côté, des peuples bien décidés à finir les restes à coups de coteau et, de l'autre, réfugiés sur les hauteurs de leurs cavernes de Megève pour ce protéger de la montée des eaux, des australopithèques milliardaires, nus sous leur fourrures, frottant leurs pierres précieuses pour faire jaillir un dernier feu avant de s'entre-dévorer.
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Jour après jour, je ne me lasse pas de voir évoluer ce garçon. Si l'avenir du monde est à son image, s'il incarne une parcelle de ce que sera l'humanité demain et s'il y a une toute petite chance pour qu'aux quatre coins du monde les Malo soient nombreux, alors il y a lieu d'espérer.
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Ne pas craquer quand se brise pour la énième fois la biscotte de Lise. Ne pas s’emporter quand Vincent décide de vider le Nesquik directement dans son bol, sans l’aide d’une cuillère - il va sans dire que le contenu de la boîte se déverse chaque fois d’un seul coup, remplissant le bol d’un terril de poudre chocolatée. Ne pas s’énerver quand les deux grands se chamaillent pour un coude mal placé ou un problème d’équidistance entre le pied de la table et le frigo. Mais manger des yeux Lise dont la tête disparaît dans un bol plus grand qu’elle, les doigts comme des étoiles de mer et le pouce replié sur le rebord. Observer l’épi hallucinant que les plis de l’oreiller ont érigé sur l’occiput de Vincent et se demander combien de litres d’eau seront nécessaires pour le dompter. Contempler la douceur d’Alice, la grâce avec laquelle, du haut de ses onze ans, elle quitte peu à peu le coton de l’enfance pour se glisser dans le jean froid et râpeux de l’adolescence. Goûter chaque minute de leur présence, ce naturel avec lequel ils remplissent l’espace et le silence, se dire que la plus exaspérante des disputes est la plus belle façon de conjurer les heures qu’on a passées à être mal, loin d’eux. Improvisés, sinon imposés, voilà les commandements des papas du dimanche, et je les fais miens avec gourmandise.
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Pardon, mais comme tu allais l'apprendre un jour, il n'y a pas d'école des parents. On apprend sur le tas, on fait ce que l'on peut avec ce que l'on a, et puis tout à coup, l'enfant qu'on filmait hier en essuyant sa morve vous dépasse d'une tête, vous répond, vous en veut, vous fait payer vos fautes, ces fautes qui n'en sont pas.

p.39
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