Citations de Françoise Bourdin (1310)
- Vous avez dix minutes d'avance, dit-il d'une voix réjouie.
[...]
- Dix minutes... Je crois que je vais les passer à dégueuler...
Elle était la pire merveille qui puisse arriver.
Elle s'étonnait d'être parvenue, sans même s'en apercevoir, à cet âge de la vie où les parents sont, à leur tour, consolés et rassurés par leurs enfants.
(p. 324 - Éd. Belfond)
Tu as vu les chiffres ? En France, un médecin sur deux est âgé de plus de soixante ans. Ils vont tous prendre bientôt leur retraite ans être remplacés. Nous ne sommes qu'au début de la catastrophe.
-probablement. Ca nous promet un avenir laborieux...
- d'autant plus que les jeunes médecins ne veulent plus entendre parler de ces horaires de folie, renchérit Diane. Vocation, pour eux, ne signifie pas sacrifice.
- Pas sûr qu'ils aient tort. Tu es déjà pressé comme un citron pendant ton internat, alors après tu veux une vie normale.
- une vie normale ?eh bien, ils se trompent de métier !
pour les médecins, faire grève revient à porter un brassard, mais certains se sont mis en arrêt maladie, d'autres ont démissionné. Quand aux aides-soignants, ils désertent carrément. C'est 'hôpital qui est malade.
-pourquoi ?
-Manque de moyens, personnel sous-payé, répondit Clément. Les internes travaillent soixante heures par semaine, souvent bien davantage, et les infirmières françaises sont les moins payées de toute l'Union européenne !
- le gouvernement fait la sourde oreille, ça finira par déboucher sur une vraie crise sanitaire, pronostiqua Caroline. La France n'est pas un pays sous-développé, les hôpitaux devraient être une priorité absolue. Certains sont dans un état de vétusté inimaginable, et en guise de solution on ferme définitivement certains services au lieu de les rénover.
- oui, mais il parait que les caisses sont vides.
-pour les jeux olympiques de Paris, railla Diane, on a facilement troué quelques milliards.
Il appartenait à cette génération de médecins persuadés qu'on doit cacher aux patients la vérité quand celle-ci est trop dure. Valérie restait sceptique. Pour sa part, elle refusait ce genre de préjugés. Elle préférait suivre son instinct, improviser selon la personnalité de ceux qu'elle soignait. Mais elle ne voulait pas contredire Roussel tant qu'il serait là. Plus tard, elle ferait comme elle l'entendrait. Y compris s'asseoir sur les lits, ce que le vieux cardiologue n'aurait jamais fait. Et oser parler de la mort quand elle se trouverait en présence de quelqu'un qui ne voudrait pas se laisser infantiliser.
Elle avait parfois discuté de ce problème d'éthique avec Mathieu mais il ne partageait pas son avis [...]. Elle insistait, demandait comment on peut lutter si on ignore la gravité de son cas, et il finissait par hausser les épaules.
[...] Depuis peu, le monde médical avait enfin pris en compte la douleur physique et commençait à la soulager systématiquement. On prescrivait dix fois plus de morphine, on ne laissait plus les gens souffrir. Alors pourquoi continuer à leur mentir ?
(p. 207 - Éd. Belfond)
"L'enfance sait ce qu'elle veut. Elle veut sortir de l'enfance."
(Jean Cocteau)
"L'amour aussi c'est une question d'habitude, un entraînement. Il faut savoir."
"_Je crois que tu l'aimais bien ma mère, Lucien...
Cyril continue, il est intarissable cette nuit. Lucien l'écoute mal. Sans vouloir l'admettre, il craint un peu la cruauté de l'autre. Oui, les enfants sentent beaucoup de choses et l'attachement de Lucien n'avait pas dû échapper à Cyril. Gâchis de tendresse inavouée : toute son ancienne peine est revenue à Lucien."
"_Imbécile ! Nous sommes ridicules à nous traîner ainsi dans la neige. Tu triches ! Toi non plus, tu n'as rien compris. Ru baises au lieu de faire l'amour. Tu méprises au lieu de connaître. Tu imagines au lieu de vivre. Tu t'accroches à des souvenirs qui sentent la charogne. Parce que tu as peur. Des autres. Des ombres. De la terre. De ne pas être à la hauteur."
"_C'est tout ce que tu prépares pour Noël ?
Il ne répond rien, elle se mord les lèvres.
_Après tout, Cyril, tu l'aimes ta solitude, non ?
C'est toi qui l'as construite.
_Non. Ce sont le autres qui se sont tirés dans l'au-delà."
"Qu'est-ce que c'est, la tendresse ? Sentiments, élans, grandeur, noblesse ...Les rêves des écrivains. Cyril est jaloux ce soir des héros enfermés dans la bibliothèque du Peyrou."
"Il règne ici un inexprimable désordre. Cyril butte sur une malle, il jure, ouvre, se remet à rire.
_La cantine de pépé transformée en chapelle !
Lucien se penche sur son épaule, il regarde à son tour et est envahi d'une curieuse émotion. Il pense au vieillard qui a installé ces quelques images, cette croix, ce chapelet.
Cyril tend sa main, prend le chapelet entre ses doigts.
_Alors, il y croyait, Raoul ? murmure-t-il.
_Tout le monde y croit un peu, répond Lucien."
Si j'avais encore ma mère, elle aurait parfumé la maison de l'odeur des châtaigniers. Si le père Noël existait, j'aurais versé de l'eau sur les braises de la cheminée pour lui libérer le passage. Si mon chien comprenait mon langage, je lui aurais raconté une vieille légende. Si j'habitais la ville, les rues en fête m'auraient sans doute attristé. (p. 69)
Je croyais toujours être plus libre l'année suivante. C'est fou comme le temps passe vite. On peut engloutir une vie sans y prendre garde. J'ai été aveugle. Les femmes ont le goût du dévouement...
(p. 88 - Éd. Belfond)
"Et il avait traversé, seul, les drames de son enfance à travers l'occupation étrangère. Pendant l'été de 1944, il avait suivi sa famille, réfugiée en Haute-Vienne, chez des parents. Le massacre d'Oradour-sur-Glane, l'incendie de l'église, les avions qui planent devant un enfant de cinq ans. Une vie entière pour oublier..."
"L'on sort, sans autre but que de sortir, on suit,
Le long de la rivière aux vagues herbes jaunes,
Un chemin de gazon que bordent de vieux aunes."
(Paul Verlaine)
Incapable de soutenir le regard de son frère, Nils gardait la tête baissée et se tenait un peu voûté, les mains enfoncées dans les poches de son jean.
– Elle aurait pu venir elle-même ! lança Victor d'une voix dure.
– Elle n'a pas osé…
– Et toi, tu oses ?
Ils durent s'écarter un peu pour laisser sortir le déménageur qui emportait les derniers cartons. A chacun des ses passages, l'homme leur jetait un coup d’œil intrigué, devinant l'âpreté de leur querelle.
– Je ne sais pas quoi te dire, avoua Nils.
– Alors ne dit rien ! Va la retrouver, je suppose qu'elle t'attend ?
Et puis c'est son droit de gagner sa guerre en ne la déclarant à personne. Même et surtout pas à lui. Lâcheté ? certainement pas. Une manière de ne pas souffrir, un clin d'oeil à la fatalité.
Personne n'a le droit de se satisfaire de la détresse des autres.