AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Friedrich Hölderlin (28)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Hypérion

Hypérion évoque un dieu de lumière. Dans une Grèce encore asservie il visite des sanctuaires, il ne cesse de solliciter avec un cœur plein de nostalgie, de passion, mais aussi de désespoir, comme si le monde tout à coup n’était plus que vide et chaos, ses dieux et ses génies. Pour Hölderlin, qui dans ce roman s’est personnifié en Hypérion, la Grèce représentait une sorte d’âge d’or, d’unité primitive, où l’on célébrait partout la vertu et la beauté, bref une vie naturelle et libre. Il y a parfois dans son évocation de cette nature des accents panthéistes qui transforment ce roman en un long poème sacralisé, bien que le doute, comme un poison mortel, s’y immisce partout, l’abattement succédant aux élans les plus vifs, du cœur et de l'esprit. Tout nous rappelle ici la fragilité de la condition des hommes, la présence des dieux, mais aussi l’œuvre du destin et de la mort. Hypérion est d’abord un jeune homme déchiré mais sa rencontre avec Diotima va le transfigurer. Il s’éveille à l’amour mais aussi à l’héroïsme, en prenant part à l’insurrection de son pays. Il lui faudra voir cependant la barbarie de ses propres compagnons et Diotima ne résistera pas au chagrin de la séparation. Dans ce roman tout renvoie à la vie de Hölderlin, sa relation malheureuse puis tragique avec Susette Gontard, amour adultère devenu impossible, les troubles de la révolution française qu’il avait d'abord accueillie avec la fougue et les idéaux nobles de la jeunesse, et au bouillonnement intellectuel de son époque, Hölderlin ayant été au Stift de Tübingen en compagnie de Hegel et de Schelling.
Commenter  J’apprécie          785
Hypérion

C'est grâce à Philippe Jaccottet que je suis venu jusqu'à Friedrich Hölderlin. Jaccottet qui était un grand germaniste, était particulièrement sensible à l'oeuvre du poète allemand. Il lui réserva plusieurs études et des traductions dont Hypérion ou l'Ermite de Grèce publié en 1965 chez Gallimard.



Composé de deux parties, Hypérion ou l'Ermite de Grèce a été écrit en 1797 (une seconde partie viendra compléter la première deux ans plus tard). Plus qu'un recueil de poèmes, Hypérion paraît être davantage un roman épistolaire, un récit poétique.



Hypérion est le nom d'un jeune poète du XVIIIème siècle, d'origine grecque. Dans toutes les lettres qui composent le recueil, il s'adresse à son ami Bellarmin. Au travers de ses voyages, il lui confie ses rêves, ses ambitions, l'éducation qu'il a reçue de son maître spirituel Adamas, de l'initiation à l'art de la guerre qu'il a eue en rencontrant Abalanda, agitateur qui lutte pour libérer la Grèce du joug ottoman. Plus tard encore, Hypérion relate son retour en terre natale (l'île de Tina, dans la mer Égée) où il fait la connaissance de Diotima, jeune fille qui incarne la sagesse et la beauté. C'est le début de leur histoire d'amour.



La correction m'oblige à ne pas en dire d'avantage sur la suite et la fin de l'histoire du jeune Hypérion, la curiosité et la sagacité du lecteur seront largement récompensées.



Ce qui m'a plu dans la lecture de ce recueil, c'est la remarquable maîtrise du récit, la beauté du style, le portrait saisissant qui est fait d'Hypérion. Dans cette oeuvre, Hölderlin y a introduit beaucoup de données autobiographiques (l'exemple le plus frappant est le personnage de Diotima qui a été inspiré par Susette Gontard, qui fut la muse mais aussi le grand amour du poète allemand) et historiques, marquées notamment par son vif intérêt pour la Révolution française.



Tout au long du récit, on y retrouve toutes les composantes liées au romantisme : la recherche d'idéal, la quête d'absolu, la dualité entre le Bien et le Mal, les références au paganisme, le rapport étroit avec la nature environnante, le destin amoureux, etc. Hypérion est sans cesse soumis à l'oeuvre de sa conscience, aux actions du Destin. Tout cela est décrit dans une prose fluide et passionnée qui unit de magnifique manière la pensée et la poésie. Ces raisons font d'Hypérion ou l'Ermite de Grèce une oeuvre vraiment marquante.
Commenter  J’apprécie          270
Poèmes

La poésie d'Hölderlin n'est pas simple à appréhender dans sa globalité explicite, même, si on sent immédiatement venir, l'influence du romantisme allemand, rêveur, onirique, empreint de mythologie, d'esprit de conte et bien sûr de divin ineffable. En nous transportant dans un voyage au pays de l'âme universelle suprême par les images, les songes, les impressions, l'auteur nous balade aux quatre coins d'une l'Europe mystique idéalisée, des bords du Rhin à la Grèce antique, du Danube à l'île de Patmos, partout, Hölderlin sent le souffle de l'Unique, de la présence transcendantale, sous des formes diverses et paraboliques.

Toute la beauté de la terre, de sa patrie l'Allemagne, comme le domaine des dieux mythologiques, la Grèce, sont l'oeuvre divine, les hommes, les femmes y demeurant, étant guidés dans leur labeur, leur création par la conscience olympienne. Cependant, en observant la nature, l'auteur au fil de ses vers la glorifie, l'admire, usant d'allégories, de métaphores transfigurant les éléments naturels en essence métaphysique sacrée, proche d'une philosophie panthéiste immanente, où tout ce qui nous entoure est déité.

Si pour le poète, la substance est consubstantielle, cela l'incite également quand il évoque l'amour de sa vie disparu, d'en parler dans des termes mystiques sublimés établissant une relation imaginaire lointaine, mais sûrement d'une dévotion salutaire pour lui.
Commenter  J’apprécie          191
Odes

Ces odes, élégies et hymnes sont, de l'avis de Friedrich Beissner qui dirigea une édition critique des œuvres d'Hölderlin, "le cœur, le noyau, le sommet de l'œuvre". Même en traduction, on ne peut qu'être ému, bousculé, étonné par la puissance évocatrice de ces poèmes. Ce sont de magnifiques chants d'amour à la Nature, un appel lancé aux hommes pour retrouver la beauté du monde par un "retournement natal", qui n'est pas un replis vers la patrie mais, au contraire, une ouverture vers l'Orient solaire de la Grèce antique, vers les origines asiatiques de la poésie et de Dionysos, pour déclencher, en retour, par un jeu très complexe d'oppositions (Orient et Occident; passé et avenir; hommes et dieux; …) une fraternité nouvelle, une conscience heureuse d'appartenance à un Tout à la fois unique et multiple.
Commenter  J’apprécie          153
Oeuvres

Hölderlin fait partie de ces nombreux écrivains dont les oeuvres ne furent reconnues pleinement qu'après la mort de leur auteur. La vie du poète souabe fut une suite d'échecs et de désillusions. Fut-elle à l'origine de son basculement dans la folie à l'aube du XIXe siècle, alors qu'il n'avait qu'une trentaine d'années ?

Ce volume rassemble bien sûr les grands poèmes d'Hölderlin, ses odes, élégies et hymnes, mais les accompagne de ses premières tentatives poétiques, de sa nombreuse correspondance et de ses essais sur les principes de la tragédie ou sur sa lecture du théâtre grec qui (je n'en suis pas sûr) ne furent jamais publiés en France. On peut le comprendre, ils sont d'une complexité effrayante et ont donné lieu à des interprétations différentes de la part de nombreux spécialistes. L'ensemble est présenté de manière chronologique, ce qui permet de suivre l'évolution de son style et de sa pensée. Mais beaucoup de poèmes sont regroupés de manière thématique puisqu'aucun recueil n'avait vu le jour du vivant de l'auteur. L'appareil critique est très riche et a le souci d'éclairer le lecteur sur les aspects les plus énigmatiques de l'œuvre.
Commenter  J’apprécie          146
La Mort d'Empédocle

Je n'ai pas lu La Mort d'Empédocle dans la traduction de cette édition d'Actes-Sud mais dans celle de Robert Rovini pour La Pléiade. N'étant pas germanophone, je ne peux pas évaluer la réussite d'une traduction, mais ma lecture de cette tragédie inachevée fut un grand moment de plaisir. Hölderlin s'est inspiré d'une œuvre de Diogène Laërce, auteur grec du IIIe siècle après J.C. La pièce suit les tourments intérieurs d'une sorte de prophète exaltant une Nature non soumise à une humanité dominante, mais totalité infinie englobant aussi les êtres humains. Chaque unité de ce Grand Tout fusionnant alors par sa vie et sa mort à son renouvellement perpétuel. Figurent trois versions de la tragédie, ainsi que deux plans initiaux qui mettent en lumière l'évolution des différents projets d'Hölderlin. La Mort d'Empédocle est une œuvre poétique intense et philosophique qui pousse à aller respirer l'air des montagnes, regarder le ciel étoilé et contempler un coucher de soleil.
Commenter  J’apprécie          140
Hypérion

Hypérion est un jeune grec exalté à l'extrême et plein de potentiel dont nous suivons les années d'apprentissage puis ses diverses actions et tentatives dans le monde. Il connaîtra des hauts et des bas, et disons-le, il a parfois tout d'un maniaco-dépressif hypersensible. Mais Hölderlin lui met dans la tête et dans la bouche de telles réflexions profondes sur le monde, la nature, les hommes et leur vie, et ce d'une façon tellement poétique, que vous serez peut-être comme moi impressionné.



Au XVIIIe siècle, la Grèce est sous domination turque, et ce contexte historique sert de prétexte pour nous servir discours patriotiques et idées révolutionnaires. Comme par hasard, ce roman à justement été élaboré dans cette dernière décennie du XVIIIe siècle...



J'ai bien aimé le premier tiers avec le mentorat d'Adamas, les nouvelles expériences et la rencontre d'Alabanda. J'ai un peu moins embarqué vers le milieu où l'amour pour Diotime est longuement analysé et où les épisodes dépressifs se succèdent. Vers la fin, les thèmes abordés redeviennent plus variés.



Tous ceux qui aspirent à un monde épuré de quelques-uns de ses défauts tenaces, qui apprécient l'enthousiasme communicatif et qui se délectent d'une écriture raffinée trouveront ici maints passages stimulants.
Commenter  J’apprécie          130
Odes

"Odes, Elégies, Hymnes" est un recueil de poésies de Friedrich Hölderlin, poète allemand mystique, figure incontournable du début du dix-neuvième siècle. A cette époque, l’’idéalisme allemand était représenté par le «trèfle» constitué de Hölderlin, Hegel et Schelling, étudiants en théologie ensemble. Hölderlin n'est pas relié aux deux principaux mouvements littéraires de son époque, le classisme ou le romantisme. Son style et ses pensées puisent des éléments à ces deux grands courants. Ses tourments et son hyper-sensibilité le mèneront lentement vers la folie.

Mon côté germanophile, et mon goût pour Brahms, m’avaient conduit il y a quelques temps à l’achat de ce recueil. Il est parsemé d’illuminations et d’éclairs de beauté, véritables fulgurances à l’état brut, en particulier dans les éloges à la contemplation de la nature qui nous entoure. Cependant, malgré cela, la majeure partie des textes proposés est hermétique et très, très mystique… Citons quand même « Heidelberg » et « Der Rhein », fameuses odes sur la ville et le fleuve.

Je suis resté à la porte de cet auteur, ou plus précisément je n’ai fait que l’entrouvrir. A laisser reposer et à reprendre dans quelques années, comme un bon Bordeaux, ville dans laquelle Hölderlin a passé quelques années ?
Commenter  J’apprécie          110
Hypérion

C'est l'œuvre musicale "Fragmente-Stille, an Diotima" de Luigi Nono qui m'a porté vers Hypérion et plus largement les œuvres d'Hölderlin. Ce roman-poème épistolaire est une grande élégie à la Beauté, à une Nature divinisée du monde. Les lecteurs amoureux de la nature seront comblés par le regard contemplatif et émerveillé du protagoniste sur les brins d'herbe, les arbres, les étoiles ou la mer. Mais les lecteurs philosophes y trouveront aussi leur plaisir. Hölderlin, nourri de ses lectures d'Héraclite, Platon, Kant, Rousseau ou Spinoza inscrit le mystère divin non pas comme extérieur au monde, comme un maître en surplomb, mais à l'intérieur du monde, donc à l'intérieur de tous les éléments qui le composent. Le multiple est donc un et l'un est multiple. Et le malheur de son temps était pour lui la perte de cette fusion des hommes pour la divine Nature et la mise sous tutelle de la poésie et de la liberté enfantines par les carcans mercantiles et prosaïques des adultes.

Hölderlin déjà portait un regard lucide sur une humanité qui se croyait en-dehors de la nature et avait perdu tout amour pour elle, donc pour l'humanité elle-même. On en voit les terribles résultats aujourd'hui.
Commenter  J’apprécie          104
Hypérion

Poète largement méconnu, à mon grand tord, je le méconnaissais encore il y-a une semaine. Et puis, vous savez ce qui arrive. Quelqu'un vous dit, j'ai une pépite! Une pépite? Alors vous allez acheter votre NRF chez votre libraire de votre quartier et bam la révélation.

Le recueil? Le roman? L'oeuvre se présente sous la forme épistolaire. Le lecteur suit les transports, les désillusions, les espoirs, les révélations du jeune Hypérion à travers des lettres qu'ils adressent à son ami et confident Bellarmin. Certaines sont adressés à Diotima, l'âme de sa vie, cependant elles sont insérées directement dans le récit qu'il en fait à son ami.SI je dois porter un seul mot pour "caractériser" Hypérion, ce serait "exaltation". Du lyrisme, une ôde à la Vie, à la Nature, à sa propre Humanité. Amoureux de la culture antique, de la belle et grande Grèce, ce livre est pour vous!
Commenter  J’apprécie          102
Poèmes

Hölderlin serait-il vénéré si quelques grands noms ne s’étaient pas intéressés à sa poésie ? Citons Heidegger par exemple qui, on s’en souvient, a produit un essai illisible dont on se passe le petit secret de génération en génération de prof de philo. Walter Benjamin, qui s’est pourtant intéressé à des sujets qui méritaient vraiment le détour. Paul Celan encore, qui trouvait certainement là matière à justifier sa propre poésie, pas des plus universelles. Et d’autres, que vous chercherez peut-être si vous n’avez rien d’autre à faire.





Voilà, je ne sais pas comment expliquer autrement le succès de Hölderlin. Ah, si, peut-être faut-il recontextualiser l’œuvre, comme on dit lorsqu’on n’ose pas avouer qu’on n’aime pas. Ouais, Hölderlin semble avoir produit un choc poétique culturel en tentant d’inscrire la présence de l’ineffable. Oui, bon, il aurait aussi pu se taire mais sans doute l’innommable n’était-il pas si réticent que ça à se transformer en parlotte. Il faut dire qu’il est arrivé au bon moment puisqu’au siècle dernier, il s’est produit moult événements dont on n’osa pas dire le nom immédiatement.





Si vous n’aimez pas la Bible à cause de ses petites insinuations ésotériques, ne lisez pas Hölderlin. Il vous faudra constituer une exégèse laborieuse qui, en outre, ne vous apportera pas les bénéfices d’une bonne lecture biblique.





P.S.: J'essaierai quand même de lire dans une autre traduction, on sait jamais.
Commenter  J’apprécie          80
Oeuvres

Auteur allemand qui eut un destin tragique et dont ses précieux manuscrits furent sauvés de justesse par quelques amis,car vers la fin de sa vie, il bascula dans la folie et tenta de détruire ses oeuvres. "Hypérion",considéré comme un roman épistolaire,est d'une très grande beauté poétique reflétant à merveille le mouvement romantique qui influença de nombreux français après l'exil du 18ième siècle.
Commenter  J’apprécie          81
Empédocle sur l'Etna

Empédocle exilé par son frère prend refuge sur « notre père Etna » où il veut mourir en apothéose. Il dialogue avec Pausanias puis Manes avec un lyrisme violent et visionnaire : enthousiasme pour la solitude et la nature, défense du « noir péché » - l'orgueil d'avoir choisi sa mort -, dérision pour le peuple, rappel des thèmes du présocratique, l'Un, les principes opposés de l'amour et de la discorde sauvage, et les quatre éléments.



Et quand l'orage souterrain 

À présent éveillé en fête jusqu'au siège de nuages 

Du proche parent, le dieu tonnant,

Jusqu'à la joie s'envole, alors me croît aussi le coeur,

Avec les aigles je chante ici le chant de la nature.



Car je veux mourir oui. Ceci est mon droit. 



Ainsi retentit s'éloignant ce que sur moi le temps a entassé,

La lourdeur tombe, et tombe, et claire fleurit 

La vie, l'éthérée, par-dessus. 



Sur ses fermes rivages bouillonne et repose 

La vieille mer, et la montagne s'élève 

Avec le tintement de ses fleuves, bruissante s'abaisse en vagues

Sa verte forêt de vallée en vallée. 

Et en haut demeure la lumière, l'éther tranquillise

L'esprit et le plus secret désir.



La mort elle est dès le commencement, la subite,

Tu le sais bien, pour les déraisonnables,

Qui sont tes égaux, départie d'avance.



Qui sont les personnages ? Pausanias apparaît dans le Banquet et Empédocle nomme Platon quand il congédie son disciple. Manes est un sage rencontré « près du Nil lointain », mais certainement pas Mani, né sept siècles après Empédocle. Et qui est la femme qui dit les dix derniers vers, particulièrement obscurs ? Hölderlin a inspiré des gnoses et des récupérations par Heidegger, le troisième Reich et les psychanalystes. le lecteur de poésie doit s'abstenir d'interprétation savante : Empédocle sur l'Etna se prête à la jubilation simple.





Au théâtre de l’Épée de Bois, Bernard Sobel a mis en scène une « Mort d’Empédocle » (Ariane Mnouchkine n’est pas nommée). Il s’agit ici de « fragments » tirés sans précision des trois versions du grand poème de Friedrich Hölderlin, « fragments » beaucoup plus longs pourtant que sa troisième version, « Empédocle sur l’Etna », qui est la version du livre filmée par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub.

La présente pièce jouée sans décor ni costume sur plus de deux heures est superbe et superbement interprétée, mais l’intrigue ne se résume plus à une méditation sur la vanité de la vie et l’incompréhension du monde. Quand, dans « Empédocle sur l’Etna », Pausanias n’est qu’un écho craintif de la pensée du maitre et Manès son contradicteur, « La mort d’Empédocle » s’étend longuement d’Agrigente à l’Etna et fait intervenir le grand prêtre d’Agrigente, le père de Pausanias, deux femmes et un chœur de jeunes gens. Bien qu’on y trouve toujours les passages fulgurants, la version théâtrale donne un sentiment de dilution (je précise toutefois que je n’ai pas vu le film de Huillet et Straub). Aux notes claires que je citais ici en 2016, j’ajoute deux notes sombres :

En chassant Pausanias :

« Car je veux mourir oui. Ceci est mon droit ».

Et à l’apparition de Manès :

« Depuis que pour les vivants

Je suis mort, les morts se lèvent »



Commenter  J’apprécie          71
Hypérion

Au travers de cet extraordinaire roman épistolaire, le Lecteur découvre Hypérion ; un écorché vif incarnant pleinement le Romantisme. En effet, le Lecteur retrouve les thèmes bien-aimés de ces êtres déchirés : le rapport privilégié avec la Nature, l'exaltation des sentiments, la glorification de l'Ancien Temps, la recherche de l'Idéal, la quête de l'Absolu et la dualité entre le Bien et le Mal.



L'action se situe en Grèce ; terre pleinement et magnifiquement célébrée, représentante de cet Ancien Temps, d'un âge d'or où la Beauté, la Nature, la Vertu, l'Insouciance et la Liberté sont souveraines. Ce panthéisme, cette Nature divinisée, transforme ces échanges épistolaires en un somptueux poème sacralisé.



Cet ouvrage illustre brillamment les élans d'espoirs et de désespoirs sans limites de la Jeunesse, ressuscite un Paradis Perdu (celui de la Poésie du Monde et la nôtre) et confirme que le Divin n'est pas mort mais qu'il continue de nourrir le coeur des hommes.



Un sublime livre de chevet à chérir avec tendresse, cher Lecteur.
Commenter  J’apprécie          60
Hypérion

Mon poète préféré, une inépuisable inspiration ! Un chef d'oeuvre méconnu !
Commenter  J’apprécie          60
Hymnes, élégies et autres poèmes

Faire une critique/chronique/commentaire des poésies de Hölderlin n’est pas une mince affaire, sachant que les plus grands penseurs, critiques ou poètes du 20e siècle s’y sont essayés, de Walter Benjamin à Theodor Adorno, de Martin Heidegger à Michel Deguy, de Pierre Bertaux à Jean Wahl, d’Armel Guerne à Philippe Jaccottet pour n’en citer que quelques-uns.

Loin de moi l’idée de proposer une interprétation originale de la poésie holderlinienne, je dégagerai juste quelques thèmes que j’interprèterai en fonction de ma sensibilité, de mes lectures. J’ignore si Hölderlin est Le Poète avec un grand P, « le poète du poète », celui qui dégage l’essence de la poésie, s’il est parvenu à restituer le pur langage, s’il a su dépasser les apories de la pensée, etc., mais je retrouve dans ses mots une beauté qui a du sens, il sait me parler, m’émouvoir comme peu de poètes y parviennent. Tant la richesse thématique est grande chez cet auteur, j’aurais pu mettre en avant sa fascination de la nature, comment il chante l’amour et surtout la Grèce antique, mais je pointerai du doigt surtout sa conception du poète et son rapport aux dieu/divin/sacré et ce qui est considéré comme « la césure », à savoir la prise de conscience du désenchantement du monde, la disparition/l’exil des dieux.



Le monde de l’enfance est un monde magique, enchanté ; il suffit à un enfant de demander à ses parents quelque chose pour qu’il l’obtienne. Ce monde que l’enfant ne comprend pas, il le découvre peu à peu en interrogeant les adultes. Oui, ce monde lui est très mystérieux, avec des géants qui le peuplent (les grandes personnes). Ce monde est celui d’avant « la mort de Dieu ».



« Quand j’étais un enfant

Un dieu souvent me retirait

Des cris et des fouets des hommes.

Je m’amusais alors en sûreté. » (Quand j’étais un enfant)



Mais il s’agit du monde de l’enfance où les dieux sont présents. Qu’en est-il du monde des adultes ?

« Un dieu me parle, vivifiant, du profond de son temple.

Vivre ! ah ! je le veux aussi ! déjà le vert revient ! et c’est comme un appel

De la lyre sacrée venu des monts argentés d’Apollon ! » (Lamentation de Ménon)



Le poète est-il capable d’entendre encore, tel un enfant, la parole sacrée des dieux ? Apparemment. À moins que ce ne soit une illusion tant désirée ?

« Allons ! ce fut un rêve ! » dit-il dans le vers suivant et dans l’élégie Pain et vin, il s’interroge ainsi :

« Delphes dort, et sa voix où la fait-il entendre, le grandiose Destin ? »



Si les dieux ont déserté le monde des hommes, Hölderlin s’interroge alors sur la vocation du poète :

« — et des poètes à quoi bon, dans ce temps d’indigence ?

Pourtant ils sont, dis-tu, tels les prêtres sacrés du dieu du vin

Qui dans la nuit sacrée, passaient de pays en pays. » (Pain et vin)



Ce temps d’indigence (ou de misère, selon les traducteurs) est celui du désenchantement du monde. Les dieux vivent, mais hors de portée des hommes. En attendant leur retour, c’est au poète de chanter, de ramener l’espoir, de parler à leur place, de rappeler qu’ils existent toujours, en quelque sorte de ré-enchanter par leurs chants le monde :

« Puisqu’il demeure et apporte lui-même aux sans-dieux, ici-bas

Dans la ténèbre inférieure, le vestige des dieux enfuis. » (Pain et vin)



Hölderlin est le poète qui a pris conscience du phénomène de « la mort de Dieu ». Le mot de Nietzsche dans le Gai Savoir : « Dieu est mort » signifie qu’en Occident, à la fin du 18e siècle, il s’est passé un événement exceptionnel. Jusqu’alors l’humanité croyait que tout ce qui se déroulait était les conséquences d’un dessein extérieur, transcendant : les dieux, le Dieu unique, la Providence, Les voies du Seigneur, le surnaturel, les esprits, etc. Que les lois (structurant le monde et la société) provenaient de cet ailleurs et que des représentants de cette transcendance devaient gouverner les hommes : prêtres, pharaons, césars, rois, empereurs, etc. À la fin du siècle des Lumières, il n’en est plus ainsi, c’est l’homme qui impose les lois, tant du niveau politique (la révolution française), que du niveau gnoséologique (de la connaissance des choses, du monde. La révolution kantienne – « nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes » – ou scientifique avec Laplace : « Dieu ? Je n’ai pas besoin de cette hypothèse pour expliquer le système du monde »). Or, Nietzsche dit que cet événement a été silencieux, que le commun des mortels n’en a pas eu conscience dans l’instant. Hölderlin, lui, est la personne, le poète, qui a pris conscience de cet événement sans précédent et il en rend compte dans ses poésies. C’est peut-être cela qui le rend si exceptionnel dans l’histoire de la pensée, pour cela qu’Heidegger, par exemple, voit en lui le poète des poètes.



Et c’est cette tâche à laquelle Hölderlin invite les poètes à accomplir :

« Les poètes, il leur faut aussi,

Ces hommes de l’esprit être des hommes de la terre. » (L’unique)



… Rendre compte du spirituel, du sacré, du transcendant à la terre des hommes, au monde, à la société.

« Mais c’est à nous, pourtant, sous les orages de Dieu

Ô poètes ! à nous qu’il appartient de se dresser et tête nue,

C’est à nous de saisir de notre propre main

Jusqu’au rayon du Père et de le tendre ainsi,

Recelé dans le Chant, ce don du ciel, de l’offrir aux nations. » (Aux poètes)



Oui, Hölderlin s’est donné tout entier à sa tâche poétique. Pour lui, être poète donnait un sens suprême à sa vie, lui qui fut malheureux en amour, lui qui voulait retrouver la Grèce antique, lui qui a finalement sombré dans la folie.

« Mais qu’un jour me soit donné de réussir

Ce qui me tient à cœur, l’œuvre sacrée de poésie (…)

J’aurais vécu comme les dieux, et il n’en faut pas plus. » (Aux Parques)

Pas de doute, il a parfaitement réussi sa tâche de poète.
Lien : http://quoi-lire-apres.blogs..
Commenter  J’apprécie          60
Hypérion

Hypérion est un grand roman épistolaire du poète allemand Friedrich Hölderlin rédigé entre 1797 et 1799, alors que son auteur n’avait pas 30 ans. Situant l’action du récit dans la Grèce moderne alors que la colonisation ottomane se fait de plus en plus pesante et que des lueurs d’espoir se font entrevoir, Hölderlin trace un fil conducteur entre la tradition antique et la lutte pour la liberté des Grecs qui lui était contemporaine. La libération de la Grèce de près de trois siècles de domination turque, un épisode de l’histoire de l’Europe récente que l’on oublie trop souvent, a soulevé l’enthousiasme et les passions des artistes ou des intellectuels occidentaux tant l’évocation de la civilisation hellénique fut marquante dans la formation de ces élites. Hölderlin a un rapport très particulier à la Grèce, dans laquelle il place fréquemment l’action de son théâtre, de sa poésie : la Grèce est pour lui le point oméga, l’aboutissement et la cause, de la création artistique. Hypérion est porté par ce grand élan qui préfigure le romantisme et qui emmène avec lui cet héritage créatif de l’Europe. Le personnage de Diotima, avec lequel Hypérion correspond très essentiellement dans la deuxième partie du roman, est inspiré par la muse de Hölderlin, Susette Gontard, avec qui il entretient une relation empreinte de ferveur et de déchirement. Cette « Dame », à la fois idéalisée et délaissée au profit d’une cause politique, n’est pas sans rapport avec les constructions littéraires médiévales des troubadours occitans et provençaux ; elle donne une chair à cet incroyable roman, aux antipodes de la littérature sèche et journalistique telle qu’elle se fait aujourd’hui, qui puise sa force tragique dans les origines de la poésie européenne ainsi que dans la tension entre l’amour absolu et l’impératif collectif de se battre contre les injustices faites au peuple.
Commenter  J’apprécie          50
Odes

Le monde, jadis, était encore peuplé de dieux et des lumières. Hölderlin tente de toucher à la joie, à la présence des dieux dans le fleuve ou sur la montagne, à des lueurs de Grèce en Allemagne (étrange accord, aujourd'hui…). Il chante l'essence de la vie, le sentiment d'être là, la terre pas encore séparée du ciel. Sans doute déjà naît la mélancolie, mais les dieux ne sont pas encore morts. Wagner n'a pas encore volé l'or du Rhin. Hölderlin, le dernier, voit dans le monde plus que le vide habillé de fantômes.
Commenter  J’apprécie          50
Odes, Élégies, Hymnes

Friedrich Hölderlin (1770-1843) est certainement l'un des plus grands poètes allemands. Mais qui le connaît en France, en dehors de quelques germanistes ? Le fait que sa période de production littéraire ait été brève avant qu'il ne sombre dans la folie, rend particulièrement attractif ce génie insolite. J'ai osé ouvrir le recueil des "Odes, Elégies et Hymnes" publié dans l'excellente collection Poésie/Gallimard. En fait, c'est l'une de mes premières incursions dans la poésie en langue étrangère. Aux difficultés intrinsèques du texte, elle ajoute la gageure de la traduction en français, évidemment bien plus difficile pour la poésie que pour la prose.



Osons la vérité: Friedrich Hölderlin est l'un des poètes les plus difficiles que j'aie lu. J'ai eu beaucoup de mal à lire, vraiment lire, quelques-uns (seulement) de ses textes. Non pas seulement les comprendre, mais aussi saisir leur construction, leur rythme, leurs allusions, sans parler de leur "musique". J'ai mis en citation, dans Babelio, une version de "L'Unique", traduit dans ce recueil de manière à suivre de très près le texte original, non seulement dans son champ lexical et dans son sens, mais aussi et surtout dans son esprit. Ainsi, j'ai lu en français des vers étranges, qui respectent au mieux la version allemande, et qui peuvent tout aussi bien fasciner que rebuter les lecteurs. Comme chez d'autres poètes considérés ici comme obscurs - Valéry ou Mallarmé, par exemple - une seule lecture ne peut en aucun cas suffire. Une explication de textes détaillée, proposée par des commentateurs compétents, serait même très utile. Faute de ce nécessaire soutien, je me suis un peu perdu dans ce recueil...

Commenter  J’apprécie          40
Derniers poèmes

Un coup de cœur pour ce très beau recueil des Derniers poèmes du très tourmenté Hölderlin : les saisons défilent mais ne lassent pas, et l'on se délecte de ses descriptions de la nature parsemées de réflexions sur l'homme et l'Humanité.



J'ai sottement commencé par ses derniers poèmes, il me faut maintenant remonter la chronologie...
Commenter  J’apprécie          30




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Friedrich Hölderlin (375)Voir plus

Quiz Voir plus

Des sports cérébraux

C'est le bazar !

Mots mêlés
Mots brouillés

10 questions
236 lecteurs ont répondu
Thèmes : sport , jeux de motsCréer un quiz sur cet auteur

{* *}