Jérôme Garcin vous présente son ouvrage "Écrire et dire : entretiens avec
Caroline Broué" aux éditions des Équateurs. Entretien avec
Jean-Claude Raspiengeas.
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Dès son arrivée à Buchenwald, Jacques comprend qu'on lui vole son pain, son malheureux quignon de pain sec. Il ne tarde pas à trouver le coupable.
« C'est un coquin, un voyou, un fainéant, un mauvais sujet», persiflent les autres prisonniers du Block. Louis Onillon a vingt-cinq ans, une tête brûlée, une jambe de bois, une petite cervelle, un langage limité (« son moignon parlait il disait tout ce que l'homme ne savait plus dire ») et il n’a en effet aucun scrupule. Après chaque distribution, il dérobe la maigre pitance de l'aveugle. Un jour, Jacques lui fait savoir qu'il sait. Mais, au lieu de le lui reprocher il propose de devenir son ami. En guise de réponse, Louis partage aussitôt sa couverture avec celui qui était sa victime, et dont il décide dorénavant d'être le garde du corps. Les deux garçons se découvrent en Anjou, des origines communes. Ce sont des pays. Louis est cordonnier.
Tu as fait de moi un jumeau qui n'a pu vieillir qu'en écrivant, c'est-a-dire en traçant sous abri son sillon, ligne apres ligne, champ après champ. Je te dois cet immense privilège : converser avec toi Ie plus naturellement du monde par la seule magie des mots. Le silence, qui est la vraie mort des absents, m’a été épargné. II me semble parfois que j'ai beaucoup de chance.
On n'est jamais vraiment certain du moment où l'on se croit guéri, où l'on commence à s’aguerrir. Peut-être sont-ce deux verbes jumeaux.
J’aimerais tant voir loin devant, savoir me projeter dans un monde neuf, mais j'ai beau me raisonner, je n'y parviens pas. Je suis définitivement rétif à la science fiction, indifférent à la futurologie, et sourd aux pythies. Plus le temps passe, plus l'obsessionnelle démarche de Marcel Proust me bouleverse, et plus les folles anticipations de Jules Veme me paraissent inutiles, futiles, gratuites.
Mais est-ce si enviable de survivre avec des cheveux blancs, le souci des jours qui s'en vont, le poids du passé qu'on traîne derrière soi, et la peur panique de l'accidentel qui frapperait les miens ?
N'y a-t-il pas aussi un privilège à partir tôt, à n'être ici-bas qu'un passant pressé ?
me laisse pas le monde
changer ton regard.
mais laisse ton regard
changer le monde.
A ses élèves qui veulent connaître la philosophie des Lumières, savoir si Diderot est matérialiste et Camus, pessimiste, ou si Mallarmé est "compréhensible", il ne donne pas de réponses définitives. Au contraire, il leur démontre que rien n'est aussi simple, que la littérature n'est pas une science exacte, il leur "donne des soucis" pour le plaisir de les faire penser par eux-mêmes. (p.151)
Il fait une découverte stupéfiante. Au lieu de tourner ses yeux morts vers l'extérieur, il les oriente vers l'intérieur, en lui-même, où il peut vivre, courir, dessiner, où tout est plus stable et plus amical qu'au-dehors, où rien ne distingue le jour de la nuit, où les ombres n'ont plus leur place, où il peut déplacer à sa guise l'horizon, où il a le sentiment d'aborder un continent neuf et vierge [..]
Alors il éclate de joie : ses yeux ne sont pas fermés, ils sont seulement renversés.
Parmi tout ce que tu m’as appris, il y a d’abord ceci : on écrit pour exprimer ce dont on ne peut pas parler, pour libérer tout ce qui, en nous, était empêché, claquemuré, prisonnier d’une invisible geôle. Et qu’il n’y a pas de meilleure confidente que la page blanche à laquelle, dans le silence, on délègue ses obsessions, ses fantasmes et ses morts. Tu m’as révélé l’incroyable pouvoir de la littérature, qui à la fois prolonge la vie des disparus et empêche les vivants de disparaître.
Tel Louis Pasteur, il résumait son art avec trois verbes et leurs adverbes décisifs : « Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours. »