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EAN : 9782707140524
154 pages
La Découverte (16/01/2004)
3/5   1 notes
Résumé :
Une approche multiculturelle de l'idée universelle du " genre ".

La collection " Les mots du monde " repose sur une idée simple : réunir dans un ouvrage un ensemble de textes qui s'efforcent de présenter la signification d'un même mot dans différentes aires géographiques et culturelles : Afrique sub-saharienne, Chine, États-Unis, Europe, Inde, monde arabe. Ces termes philosophiques ou anthropologiques ont acquis une épaisseur symbolique en cristallisa... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Contre les imbéciles satisfaits qui clament que les problématiques de genre – voire le féminisme tout entier – ne sont qu'un souci américain et français, voici un petit livre succinct et savant qui offre un aperçu de la signification des mots « masculin-féminin » dans six aires culturelles différentes : Afrique du Sud, Chine, États-Unis, Europe, Inde, monde arabe. Sans aborder les cas les plus éloignés de nous que représenteraient les micro-sociétés matriarcales survivantes, l'on peut déduire de l'ensemble des articles qui composent l'essai que la question du genre se pose partout, et (mais) que, dans chaque culture, elle est associée à des notions très profondément ancrées aux fondamentaux de la compréhension du monde qui lui sont propres : la relation entre le social et le religieux, l'individualisme jusqu'à la création par l'individu de sa propre identité, les mises en acte compliquées de l'idéal de l'égalité entre individus là où il a cours, le rapport à la modernité ou bien à la tradition, à la Nature, à la communauté, aux appartenances et identités collectives, les rituels et autres formes d'accession au genre... Si les chercheuses autrices de ces contributions sont toutes parfaitement informées sur les derniers outils conceptuels féministes occidentaux mainstream, par ex. sur l'intersectionnalité, elles sont tout aussi conscientes de la nécessité de contextualiser les relations patriarcales (le cas échéant) selon les cultures et dans leurs variations historiques. Fortes des acquis d'une anthropologie qui s'efforce de dépasser l'ethnocentrisme, elles peuvent avoir des positions d'interrogation ou de franche critique envers les féminismes et les théories du genre de matrice occidentale. Cependant, ces articles sont caractérisés par la grande liberté que leurs autrices se sont prise dans la manière d'affronter le thème du « masculin-féminin » dans leur pays : à l'exception (peut-être significative) de Cornell qui a retracé l'histoire des vagues féministes aux États-Unis, ils n'ont pas essayé d'aborder l'ensemble de la réflexion nationale sur le genre ni le paysage des luttes féministes actuelles ou historiques, ni même de se situer par rapport aux féminismes occidentaux. En particulier, la contribution conclusive, sur la petite ville rurale de Griquatown (province du Cap, Afrique du Sud), qui ressemble à une étude de cas tant elle est circonscrite, se détache considérablement des autres.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
7. [Linda Waldham, Afrique du Sud] : « Les gens allaient les uns chez les autres quand ils avaient faim, et j'ai souvent vu des femmes nourrir leurs voisins ou leur faire porter de la nourriture à d'autres habitants de la ville. La propriété individuelle était difficile à définir, il n'était pas rare que l'on portât les habits de quelqu'un d'autre ou qu'on lui empruntât des objets. L'expression rituelle d'une "grande famille" Griqua, où la femme était en charge de la maison, se reflétait ainsi dans leurs stratégies de survie et dans l'énergie désespérée avec laquelle elles s'efforçaient de nourrir, d'habiller et de loger leurs enfants. Les rituels mettaient en valeur le statut et l'autorité rituelle des femmes, tout en minimisant le rôle des hommes, tenus pour quantité négligeable dans leur maison, et relégués dans la catégorie d'"étrangers". » (p. 145)
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5. [Seemanthini Niranjana, Inde] : « En rattachant la question du genre à celle de l'inégalité sociale, on a favorisé un cadre analytique que l'on pourrait qualifier en gros de "stratifiant" : toutes sortes de différences sociales (disons, de classe ou de genre) y sont représentées en fonction d'un même principe d'égalité sous-jacent, de sorte que ces diverses strates apparaissent toujours comme des formes d'inégalité. […] Les débats socio-anthropologiques sur la société indienne, et plus particulièrement sur le phénomène des castes, ont montré que la logique hiérarchique qui y prévaut renvoie à une idée de la différence sociale qui contredit les principes égalitaires propres à l'ethos social occidental. En travaillant à partir d'un contexte non-occidental, on est amené à se poser des questions similaires sur le genre, et à se demander s'il est obligatoire de lier le genre et l'inégalité.
Derrière les conceptions (occidentales) de l'identité et de l'inégalité sexuelles, on trouve en effet la notion d'individu, elle-même indissociable d'une idéologie des droits, de la liberté et de l'égalité. Bien que cette notion ait été adoptée par l'État indien moderne dans sa Constitution, les conceptions de la "personne" s'avèrent différentes, puisque l'identité est davantage perçue en fonction de la place que chacun occupe au sein d'un groupe. Les concepts relatifs à la personne ne procèdent pas en Inde d'un noyau individuel doté d'une identité unitaire souveraine, ils apparaissent plutôt comme une identité tournée vers autrui. Cette perception du moi comme entité fluide, non pas individuelle mais "dividuelle", ou comme moi divisible, fait en sorte que, pour l'identité, tout l'accent est mis sur les relations avec autrui, dans un rapport symbiotique à la socialité. » (p. 102)
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4. [Li Xiao-Jiang, Chine] : « En Chine, Mao Zedong a mis en avant la fameuse théorie selon laquelle "hommes et femmes sont pareils". Son application à la société chinoise a permis à plusieurs générations de femmes "d'apprendre à être des hommes" : elles y ont beaucoup gagné ; et en ont beaucoup souffert. L'égal accès aux activités sociales pourrait aujourd'hui produire l'auto-effacement des femmes, si cette égalité devait être atteinte en brouillant les différences biologiques, critères de base du féminin et du masculin. Autrement dit, nous autres femmes, trouvons dans la pratique sociale visant "l'homogénéité" au nom de "l'égalité" à la fois une mise à mal de nos existences physiques et une existence sociale plus éloignée de l'identité à laquelle nous aspirons. Telle est la leçon que nous avons tirée des expériences du passé, et il se trouvera aujourd'hui peu de femmes chinoises pour penser qu'elles peuvent se permettre de soumettre leur différence physico-biologique à l'idée d'égalité sociale. C'est là un point de vue étranger à la vision hautement politisée de nombreuses féministes en Occident. Étrange, en effet, nous apparaît le contraste aigu qui existe entre, d'une part, leur attitude envers la Nature en général et l'environnement en particulier et, d'autre part, leur mise entre parenthèses, leur minimisation obstinée et délibérée des différences naturelles, qui font que les femmes sont femmes. Leur construction théorique exclut ce qui est fondamental. » (pp. 89-90)
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1. [Raja Ben Slama, Monde arabe] : « Comme dans la littérature néofondamentaliste, on parle désormais de "pervertis" ou "déviants" sexuels (shawadh). Alors que les Anciens situaient l'homosexualité dans la nature et l'anatomie, évoquaient l'homosexualité animale, considéraient le saphisme comme une "envie naturelle", et attribuaient l'homosexualité à des anomalies biologiques […], les Modernes, eux, considèrent celle-ci comme un vice contre nature dont même les animaux sont exempts. Et ce n'est pas la pathologie psychiatrique ou psychanalytique qui est invoquée dans cette "dénaturalisation" de l'homosexualité, mais une démonologie, jointe à un imaginaire identitaire de la communauté dont la purification appelle l'éradication de l'Autre et de ceux qui entretiennent des rapports avec lui : l'homosexuel tiendrait commerce avec le Diable ; il est le représentant des agresseurs occidentaux ou israéliens. Les campagnes menées contre lui seraient une sorte d'exorcisme politique pratiqué, dans la terreur sacrale, sur le corps imaginaire de la communauté. Et c'est parce que l'angoisse homosexuelle est trop pesante qu'on la projette sur l'autre, c'est parce que cet autre diabolique est extérieur-intérieur, haï-aimé, qu'on veut l'extirper en hurlant au sacrifice. » (p. 19)
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2. [Drucilla Cornell, États-Unis] : « […] Le développement de la théorie et du militantisme queer est lié au rejet par de nombreux homosexuels de l'égalité de genre, comme intrinsèquement conservatrice, qu'on l'interprète comme égalité substantielle, comme égalité juridique formelle ou comme terme de comparaison entre les hommes et les femmes tels qu'ils existent dans la réalité. Comme l'on compris bien des féministes, l'égalité pose la comparaison entre des groupes identifiables. Les théoriciens queer soutiennent plutôt que la libération de ces identités et des conditions qui les rendent possibles doit servir de fondement à l'analyse des contraintes imposées par le genre, et aux manières dont nous pouvons nous recréer, en nous libérant de l'homogénéité identitaire qui caractérise les conceptions féministes et libérales de l'égalité. La critique la plus pénétrante faite par ces théoriciens est qu'aussi longtemps que les féministes s'attacheront à l'égalité de genre, elles resteront prisonnières des identités qui nous enferment dans une définition prédéterminée. Dans sa variante la plus radicale, la théorie queer met l'accent sur le besoin de création de soi et sur une mobilisation éthique dépassant toute identité préétablie. » (p. 53)
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