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Citations de George Steiner (235)


Même là où ses intentions sont plus complexes et plus profondes Dostoïevski se conforme, pour le choix des situations, aux conventions du mélodrame contemporain. Vieux débauchés poursuivant des jeunes filles sans ressources, fils de famille corrompus par la débauche, héros sataniques hantés par le diable, « femmes perdues » au cœur d'or - voilà la distribution conventionnelle des rôles dans le répertoire mélodramatique.

Par la sorcellerie du génie ils sont devenus les personnages tragiques des Frères Karamazov. Et ceux qui prétendent que les confessions de Svidrigailov et de Stavroguine sont sans précèdent dans la littérature et ont dû jaillir de l'âme de Dostoïevski toute nue n'ont sans doute pas lu la Rabouilleuse de Balzac (1842), où le désir d'un vieil homme pour une fille de douze ans est assez clairement exprimé.
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L.A. Mais comment penser notre propre finitude ? grâce à la philosophie , A la connaissance de soi ?

G.S . Non , c'est le bon sens. Etre près des gens qu'on aime infiniment, se dire que cela a été merveilleux d'être ensemble. (p. 168)
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Nous avons tendance à oublier que les livres, éminemment vulnérables, peuvent être supprimés ou détruits. Ils ont leur histoire, comme toutes les autres productions humaines, une histoire dont les débuts mêmes contiennent en germe la possibilité, l'éventualité d'une fin.
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Peu après avoir appris la nouvelle de la mort de Dostoïevski, Tolstoï écrit à Strakhov:
"Je ne l'ai jamais vu, je n'ai jamais eu aucune sorte de rapport direct avec lui; mais quand il est mort, je me suis soudain rendu compte qu'il avait été pour moi le plus précieux, le plus cher et le plus nécessaire des êtres. Il ne m'est jamais même entré dans la tête de me comparer à lui. Tout ce qu'il écrivit était tel que plus il écrivait ainsi et plus je me réjouissais. La réussite artistique, l'intellect peuvent éveiller mon envie, mais une oeuvre venue du coeur, seulement de la joie. Je l'ai toujours considéré comme mon ami et je comptais très fort le voir quelque jour. Et brusquement j'apprends qu'il est mort. D'abord j'ai été complètement bouleversé et quand plus tard j'ai compris quelle valeur il avait eue à mes yeux, je me suis mis à pleurer."
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« Mon cher Gervinus, nous souffrons tous d’une certaine forme de cancer, tous ceux qui ont connu l’époque hitlérienne portent en eux la prolifération d’une force vitale anarchique. Que faire pour donner asile à ces énergies, à ces pouvoirs d’adaptation pathologiques que nous avons sécrétés pendant cette décennie en folie ? Le cancer n’est qu’un excès de vie sans finalité, ni plus ni moins. »
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Il est reconnu qu’il y a une poésie de la jeunesse et une prose de la maturité.
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On peut le voir à l'œuvre dans l'utopie pédagogique de Rousseau dans l'Emile, dans le diktat goethien selon lequel l'arbre de la pensée et de l'étude reste éternellement gris, tandis que celui de la vie en actes, de la vie-force et de l'élan vital est vert. Le pastoralisme radical anime la pensée de Wordsworth lorsqu'il affirme qu'une "impulsion printanière sur l'arbre" vaut bien plus que toute l'érudition livresque. Quelque éloquent ou instructif qu'il puisse être, le savoir que donnent les livres, et la lecture, vient en second. Ils parasitent la conscience immédiate.
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"Cela me chiffonne toujours un peu, avec les grands livres, qu'on en vienne tout de suite aux grands mots. L'Amour des livres, la Haine des livres, la fureur de lire... Ma foi, quand je pense aux livres, je ne vois pas un bûcher, je vois un jeune garçon assis au fond du jardin, un livre sur les genoux. Il est là, il n'est pas là ; on l'appelle, c'est la famille, l'oncle qui vient d'arriver, la tante qui va s'en aller : "viens dire au revoir! ; "Viens dire bonjour !" Y aller ou pas . Le livre ou la famille ? Les mots ou la tribu ? Le choix du vice (impuni) ou bien celui de la vertu (récompensée) . Quand Larbaud emploie cette expression de "vice impuni", c'est l'adjectif qui m'intrigue. Impuni, vraiment ? Il y aurait donc une sorte d'impunité de la lecture ? h bien oui. Un privilège de clandestinité qui permettrait en somme de poursuivre les opérations en toute tranquillité. L'oncle est là, la famille est rassemblée autour de la table, on parle de la situation, et le jeune garçon qui était au fond du jardin fait semblant d'écouter. Mais il a son silence, ses affaires personnelles, la course invisible de Michel Strogoff à travers la steppe, tout cela dans le brouhaha des carafes, des serviettes, des voix, des rires. Il a obéi à l'injonction, simple question d'espace, mais il continue de trahir en pensant à autre chose. On ne lit pas à table . Aucune importance, le livre continue à se lire en lui ; un peu de patience, et il y aura bientôt la chambre, le silence de la lumière derrière les persiennes. C'est tout l'admirable début de La Recherche, le paradis de Combray et des "beaux après-midi" de lecture à l'ombre du marronnier, le refuge dans la guérite où opère la métamorphose, un autre temps naissant à l'intérieur du temps, un autre monde surgissant des limbes. Les heures sonnent au clocher de Méséglise, mais le narrateur ne les entend plus - "quelque chose qui avait eu lieu n'avait pas eu lieu pour moi ; l'intérêt de la lecture, magique, comme un profond sommeil, avait donné le change à mes oreilles hallucinées et effacé la cloche d'or sur la surface azurée du silence".
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Au fur et à mesure que la civilisation urbaine et industrielle assoit sa domination, le niveau de nuisance sonore connaît une inflation exponentielle, qui confine aujourd'hui à la folie. Pour les privilégiés, à l'âge classique de la lecture le silence est encore une denrée rare accessible dont le prix cependant ne cesse d'augmenter.
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Chaque langue humaine représente l'une des possibilités d'un spectre vraisemblablement ouvert. Ces possibilités sont des lectures du temps et du monde auxquelles j'ai fait allusion. L'allemand "Weltanschauung" est précis et juste. Une langue remplit une alvéole de la ruche des perceptions et des interprétations potentielles. Elle articule une construction de valeurs, de sens, de suppositions qu'aucune autre langue n'égale exactement ou ne supplante. Parce que notre espèce a parlé et parle en des langues multiples et variées, elle engendre la richesse des milieux et s'adapte à eux. Nous parlons des mondes.
Babel aura donc été le contraire d'une malédiction. Le don des langues est précisément cela, un don et une bénédiction incalculables.
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Chacun de nous puise, délibérément ou par habitude, à deux sources linguistiques : la langue courante, qui correspond au niveau de culture personnel, et un fond privé. Ce dernier se rattache de façon inextricable au subconscient, aux souvenirs dans la mesure où ils sont susceptibles de verbalisation, et à l'ensemble singulier et irréductible que compose la personnalité psychologique et somatique. La composante privée du langage rend possible une fonction linguistique majeure et cependant mal comprise. Il est évident qu’on parle dans le but de communiquer. Mais aussi pour dissimuler, omettre. Le don qu’ont les êtres humains de fausser l’information emprunte toutes les formes possibles, du mensonge éhonté au silence.
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A la différence du chroniqueur et de l'historien de la littérature, c'est des chefs-d'oeuvre que devrait s'occuper le critique. Sa fonction essentielle est de distinguer non pas entre le mauvais et le bon, mais entre le bon et le meilleur.
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Enseigner sérieusement, c'est poser les mains sur ce qu'il y a de plus vital dans un être humain. C'est essayer d'accéder au plus vif et au plus intime de l'intégrité d'un enfant ou d'un adulte. Un maître envahit, entre par effraction, voire dévaste afin de faire le ménage et de reconstruire. L'enseignement médiocre, la routine pédagogique, un style d'instruction qui, délibérément ou non, vise avec cynisme des objectifs simplement utilitaires sont ruineux? Ils extirpent l’espoir à la racine? Le mauvais enseignement est, presque littéralement, meurtrier ; métaphoriquement c'est un péché contre l'esprit-saint. Il abaisse l'élève, réduit à l'état d'inane grisaille le sujet présenté. Dans la sensibilité enfantine ou adulte, il inocule le plus corrosif des acides, la morosité, ce gaz des marais qui a pour nom "ennui". Pour des multitudes, les mathématiques, la poésie et la pensée logique ont été tuées par un enseignement mort, par la médiocrité peut-être inconsciemment vengeresse de pédagogues frustrés.
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George Steiner
Nous sommes débordés de questions auxquelles nous ne sommes pas capables d'apporter des réponses. Le flot immense d'informations dépasse notre capacité limitée…
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Musique et poésie sont si étroitement mêlées que la mythologie leur attribue une origine commune.
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L'ambition et la portée du modèle hellénique et hébraïque étaient telles que les apports véritables et les trouvailles sont depuis restés rares. Il n'est pas de chagrin plus profond que celui de Job, pas de refus de se plier aux lois de la cité plus tranchant que celui d'Antigone. Pour de nombreuses cultures la cécité est la pire infirmité, le retrait du monde vivant ; dans la mythologie grecque au contraire, le poète et le prophète sont aveugles et, grâce aux antennes de la parole, voient plus loin
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Peut-être est-ce moi le Messie, le véritable Messie, le nouveau Sabbatai dont les abominations furent permises par Dieu pour ramener son troupeau au bercail. « Il fallait que le mystère de l’Holocauste fût afin qu’Israël recouvrît ses forces. » Ces mots ne sont pas de moi, mais de vos visionnaires, ceux qui se mêlent d’expliquer les desseins divins, le vendredi soir à Jérusalem. Ne devriez-vous pas me rendre hommage à moi, qui ait fait de vous des guerres, qui ait donné une réalité aux vieux songes creux qu’était Sion ?
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Je crois vraiment qu’il désirait que le temps s’arrêtât avec lui, que l’histoire, les cités et la race élue périssent avec lui. Dans le dernier embrasement. Sardanapale. C’est toute la poésie romantique allemande. Et c’était un romantique ! Fou à lier, mais quel virtuose !
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La musique, sous les formes du chant ou de la performance instrumentale, semble véritablement universelle. Elle est le langage fondamental pour communiquer sentiments et significations. La majeure partie de l'humanité ne lit pas de livres. Mais elle chante et danse.
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Si nous faisons exception pour les Ames mortes de Gogol (1842) Oblomov de Gontcharov (1859) et la Veille de Tourgueniev (1859), la grande époque du roman russe s'étend de l'émancipation des serfs, en 1861 à la révolution de 1905. Pour la puissance de création et la persistance du génie, ces quarante-quatre années peuvent légitimement se comparer aux âges d'or de l'Athènes de Périclès et de l'Angleterre d'Elisabeth et de Jacques 1er.
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