AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Georges Bernanos (309)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Journal d'un curé de campagne

Ce pseudo-journal est en fait l'occasion de sonder l'âme humaine. Pour son premier "poste", un jeune prêtre d'une trentaine d'années se heurte à bien des problèmes : la circonspection de ses ouailles, voire leurs moqueries et rébellion, sur tout durant le catéchisme, les tracas de la famille noble du coin, une difficulté croissante à prier (presque une crise de foi !), et enfin une santé vacillante, des maux d'estomac qui reflètent toutes les autres difficultés...

Sans être passionnant, ce texte est pourtant addictif et d'une richesse fascinante. La langue y est en effet d'une grande beauté, et même s'ils sont longs et parfois indigestes, je le reconnais, les développements sur la foi, l'Eglise, l'humain en général, font tout le sel de ce roman.

Au final un classique quasiment incontournable, qui m'a charmée sans que je sache vraiment pourquoi. Le charme suranné des grands auteurs du XXème...
Commenter  J’apprécie          130
La joie

Entre lumière et ténèbres, Georges Bernanos dans La joie, mystique torturé, jette le lecteur avec force dans le spectacle dantesque, celui de la pure, "trop sage" Chantal de Clergerie, emplie de La joie de Dieu, qui, par "simple ignorance de sa vie intérieure" plonge dans "le regard ténébreux" semblable à celui "des bêtes corrompues"du Colonel Fiodor, chauffeur russe de son père, qui la devine.

L'enfer de Bernanos, brûlerait-il semblable à celui de Sartre dans Huis-clos (dont les mots d'Ines sont un exemple: "Vous m'avez volé jusqu'à mon visage, vous le connaissez et je ne le connais pas.")?

Mais se connait-on vraiment soi-même et qui peut vraiment prétendre nous connaître?

Seule la mort, la folie ou l'oubli délivrent du paradoxe.

Une oeuvre classique magistrale!
Commenter  J’apprécie          130
Un crime

Le thème central du roman est le mensonge et la difficile perception de la vérité. Il faut se méfier des visages "qui inspirent la sympathie", il faut se méfier des rêves et des délires engendrés par la fièvre. Il faut se méfier des impressions trompeuses une nuit d'orage dans une maison isolée dans la montagne... L'atmosphère du village perdu est d'ailleurs bien reconstituée dans la première partie, donnant l'impression d'un huis-clos.

Il faut également se méfier du titre du roman lui-même, il nous ment lui aussi. En effet, il n'y a pas un crime, mais plusieurs : la vieille dame, et le vagabond - dont on ne soupçonne la réelle identité que dans les dernières pages ; et la gouvernante morte d'overdose, est-ce vraiment un suicide ou est-ce un meurtre ? et le jeune garçon retrouvé noyé, "un accident, un crime ou un suicide ?" comme le titre un journal local ?

Il faut donc se méfier de tout le monde dans ce roman, chaque personnage semble avoir un secret, chaque personnage ment, ou ne dit pas tout. D'ailleurs, est-ce que mentir par omission est un mensonge ? Voilà une question qui mériterait d'être posée à un prêtre dans un confessionnal ... Ne pas tout dire à ses subordonnés quand on est un juge d'instruction, ou à son procureur pour ne pas que ce soit lui qui résolve l'enquête, mais garder pour soi ses déductions, est-ce un mensonge ? Et par-dessus, tout, le lecteur doit se méfier de l'auteur, qui ne dit pas tout, ne révèle rien clairement et explicitement, ne présente qu'à la fin un - ou plus une - des personnages-clef du meurtre. Pas de Sherlock Holmes ou d'Hercule Poirot pour exposer doctement à la fin tout ce qui s'est passé, des motivations du tueur à ses actes.

Non, ici, nous sommes dans l'implicite, le subtil et le non-dit. C'est pour cela que je ne qualifierai pas ce roman de roman policier, puisque l'enquête, la découverte du coupable, n'est pas au cœur de l'ouvrage.

Je ne sais pas si ce roman a fait scandale à sa sortie. Cependant, je dirais qu'en tant que lectrice du XXIème siècle, je n'y ai pas vu ce que les lecteurs contemporains pouvaient y voir et qui pouvait les heurter ; au contraire, j'y ai lu assez vite ce qui permet de résoudre l'énigme. Aujourd'hui, avec un regard cynique, ou du moins un retrait du fait religieux dans la société, voire avec une vision anti-cléricale, on se méfie quand on lit la description d'un jeune prêtre qui fascine un bel adolescent et l'emmène à l'écart lui parler secrètement, on pense forcément à la pédophilie - et le fait que le prêtre soit jeune et beau n'est pas une circonstance atténuante. On comprend les allusions à l'homosexualité féminine, et à la manipulation perverse, la femme inconnue qui écrit sa confession se présente elle-même comme une perverse narcisissique en quête d'une "proie" qui a manipulé l'héritière à Chateauroux. Et ces éléments d'interprétation permettent de comprendre plus vite ce qui s'est réellement passé.

Un roman subtil, qui ne livre pas facilement son mystère.
Commenter  J’apprécie          120
Sous le soleil de Satan

histoire d'un énième illuminé qui avance dans la glaise humaine avec ses gros souliers ferrés et une poignées d'orties fourrées dans la culotte, collé de près par un type pas très catholique qui lui susurre de belles paroles à l'oreille pour le faire chavirer. Mais l'illuminé, il est vraiment têtu, et il avance comme une bête de somme dans le seul sillon laissé par le "très haut", pas même ému par la pauvre Mouchette, championne du côté sombre, corrompue jusqu'aux tréfonds de son âme...Au début j'imaginais bien Depardieu en Abbé Donissan, un peu brutal et totalement torturé par le poids de l'expiation, et puis au fil du bouquin, le personnage a repris une autre forme, plus modeste, plus humaine, trop humaine?
Commenter  J’apprécie          120
Sous le soleil de Satan

Certains lecteurs verraient dans le titre de cette œuvre un oxymore. Selon notre imaginaire, nourri à ses ténèbres depuis Dante jusqu’aux films qui l’invitent à sa table, Satan n’aime rien tant que la nuit et pas le soleil, symbole de la lumière (qu’il portait cependant jadis, Lucifer signifiant en latin le « Porteur de lumière »).

Et pourtant, ce sublime roman de Bernanos nous montre à quel point il éclaire nos vies de sa lumière trompeuse, ce Satan qui intervient ici sans cornes, ni queue fourchue, mais avec un sens aigu de la répartie désespérante : « Ah ! si vous saviez le salaire que ton maître [Dieu] vous réserve, tu ne serais pas si généreux, car nous seuls – nous, dis-je – nous seuls ne sommes point ses dupes et, de son amour ou sa haine, nous avons choisi – par une sagacité magistrale, inconcevable à vos cervelles de boue – sa haine… Mais pourquoi t’éclairer là-dessus, chien couchant, bête soumise, esclave qui crée chaque jour son maître ! »

Satan n’aura pas l’âme de l’abbé Donissan, qui deviendra un saint, mais il aura celle de Germaine Malhorty, laquelle avait suivi sa route auparavant, via le vice puis le meurtre. Était-ce par goût du Mal ou désespoir face à la monotonie d’une vie de province toute tracée ? À chacun de le déterminer… Toutefois, puisque l’abbé conduira la suicidée, mourante et ensanglantée jusqu’à l’autel du Christ, peut-on dire que Satan l’a vraiment eue cette âme de jeune fille perdue ? Autre question…

Mais qu’importe la narration stricte des faits contenus dans le récit, car ce serait bien pauvre de raconter cette confession textuelle qui se lit avec un sentiment extrême de pesanteur, d’angoisse même. Ce n’est pas l’histoire en elle-même qui importe mais sa profondeur.

Bernanos a en effet ce don particulier de transmettre son tourment comme on fait avec le témoin dans une course de relais. Ici pleuvent les aveux sans concession et désenchantés d’un croyant qui a très tôt eu peur de la mort. La mort rôde effectivement dans ces pages.

Il y a aussi l’obsession du péché, résumée dans cette phrase : « Que le péché qui nous dévore laisse à la vie peu de substance ! » Péché qui, à force d’être entendu au confessionnal, dans les mêmes termes d’année en année, recèle une « effrayante monotonie » pour l’abbé Donissan, lui qui connaît les ressorts du Mal.

Ce Mal le harcèle sans répit dans sa lutte contre le « prince du monde », Satan. Ce simple serviteur de Dieu, écrasé par le poids de sa mission, se meurtrit alors le corps et l’âme à la fois. « Ce vieux cœur, qu’habite l’incompréhensible ennemi des âmes, l’ennemi puissant et vil, magnifique et vil », dit le texte. Car Satan fascine autant qu’il rebute, c’est un fait. D’où la tentation de lui céder…

Livre exalté à l’extrême, Sous le soleil de Satan, à part quelques personnages satellites – dont cet odieux écrivain parisien, Saint-Marin, qui « exerce, depuis un demi-siècle, la magistrature de l’ironie », sorte de caricature d’Anatole France –, est d’abord l’histoire d’un combat intérieur, en plus d’une résistance à la tentation du Mal.

Ténébreux, tourmenté, triste, effrayant, etc., quel espoir offre le récit de Bernanos ? Pour ma part, le défi final ne m’a pas soulagé d’une lecture éprouvante en ce sens qu’elle remue trop profondément notre âme. Un chef-d’œuvre tragique en somme…



Commenter  J’apprécie          122
Les grands cimetières sous la lune

Ce livre est un pamphlet, donc le ton est donné. Bernanos est un personnage assez à part, royaliste et de droite chrétienne bien revendiqué dans ce livre.

Disons que ce livre nous livre un portrait sans concession des fascismes, en particulier celui de la guerre d'Espagne. J'y ai retrouvé ce que me racontait à demi mot ma grand-mère, la terreur diffuse, la délation, les assassinats en masse, la collaboration active de l'Eglise catholique.

Bref un "comment en est on arrivé là!".

On constate que Mussolini, et Hitler étaient perçus comme des personnages presque insignifiants, lointains et surtout on ne mesurait pas l'étendue de leur dangerosité.

Ce qui m'agace de l'écrivain, c'est que sa déception comme chrétien devant les agissements de l'Eglise catholique est assez pédante et répétitive, mais bon c'est une autre vision, un autre siècle.



Ce livre est une belle leçon à retenir pour ce que nous risquons peut-être de revivre avec certains personnages politiques troubles mais pas encore retenus dangereux.
Commenter  J’apprécie          120
Un mauvais rêve

Bernanos s'est un jour avisé de s'essayer au genre policier, peut-être plus rentable quand on a famille nombreuse et qu'on vit de sa plume. Mais voilà, Bernanos ne sait faire que du Bernanos.



Grande oeuvre que ce "Mauvais Rêve", moins connue mais tout aussi sidérante que "Sous le Soleil de Satan". Le personnage sur le fil du rasoir entre sainteté et gouffre de l'enfer est cette fois un personnage féminin, madame Alfieri. Grande, grande dame.



Ce roman est composé de deux parties :



- la première partie campe le décor et présente les protagonistes. Elle ne manque pas d'intérêt même si elle semble parfois un peu "phraseuse."

Bernanos y évoque le monde sans idéal qui a survécu à la guerre des tranchées, écorche au passage le microcosme littéraire et ses idoles, Anatole France et André Gide. Il caricature la bourgeoisie, sa vaine médiocrité, ses peurs, sa suffisance.

Pourtant, même s'il tourne en dérision les groupes humains (communistes, écrivains, mondains, rentières avaricieuses, jeunes paltoquets cérébraux et sans nerfs), il ne condamne pas les individus qui les composent et qui tous luttent, souffrent et font ce qu'ils peuvent pour échapper à leur enfermement dans une médiocrité qu'ils n'ont pas créée seuls mais qui est oeuvre collective.



- La seconde partie est somptueuse, le roman atteint là son apothéose. Et l'on saura enfin qui triomphera, de l'ange ou du démon.



On peut ne pas aimer Bernanos, mais cet homme-là savait écrire.
Commenter  J’apprécie          120
La France contre les robots

Georges Bernanos a d’abord publié ce livre au Brésil, à la fin de la deuxième guerre mondiale, pendant son exil. Il a pour sujet l’avenir de l’humanité et l’éventuel rôle que la France, pays de la Révolution et de la Liberté, aurait à jouer dans cet avenir.

Il m’a beaucoup rappelé le livre de Simone Weil, « L’enracinement », écrit à peu près à la même période. Les deux auteurs se rejoignent sur le rôle néfaste de l’Etat qui, en France, a remplacé le mot de patrie par celui de nation et dans d’autre pays a pu aboutir au totalitarisme. Si mes souvenirs sont exacts, Weil insistait sur le rapport des français aux impôts et à la police. Bernanos s’en prend davantage à la conscription et au fichage, à commencer par les cartes d’identité. Mais les deux auteurs partagent une même aversion face à l’oppression et la toute-puissance de l’Etat. Tous les deux s’interrogent aussi sur l’Histoire de France et peut-être se rejoignent-ils encore sur ce point : la France est traditionnellement un pays de révolte. En tout cas, pour Bernanos, c’est évident, il l’écrit clairement dans « La France contre les robots ».

Et Bernanos est révolté par la mise à mort industrielle de la guerre moderne. La Technique est la cible privilégiée de Bernanos. Peut-être un peu trop alarmiste, marqué par la guerre, Bernanos est quand même étonnant par son ton prophétique.

D’un point de vue formel, « La France contre les robots » est un modèle de pamphlet. Pas seulement un livre écrit pour provoquer l’indignation ou le rire aigre, mais aussi un discours qui sait enflammer et faire vibrer. L’édition du Castor Astral est complétée par des lettres et des conférences écrites au Brésil sur le même sujet et parfois inédites.
Commenter  J’apprécie          120
Les enfants humiliés

Bernanos, peut être un peu trop vite oublié, se livre ici à l'analyse de l'impact de la guerre de 14 sur le moral et l'esprit de ceux de devant et de ceux de derrière. Il fait le constat que cette victoire ne pouvait déboucher que sur l'effondrement de 39. La cécité des gouvernants de l'époque, conduisant à laisser le revanchard Hitler à préparer et à déclarer la guerre! ensuite il se livre à une analyse, assez intéressante du comportement d'Hitler, celui qui selon lui avait le choix entre le suicide et l'action à d'abord choisi l'action! A relire quand même pour se faire une idée des similitudes avec notre époque...
Commenter  J’apprécie          120
Journal d'un curé de campagne

Diatribe, ce roman est un récit désenchanté, une protestation contre la société de 1936.  

 

Colère et Douleur

Une colère contre un ordre établi où les riches, les gens titrés dominent les pauvres sans que leur mérite ne justifie leur domination. Mais les humbles, les opprimés ne valent guère mieux ». Misère et la luxure, brutalité et vulgarité, les gens sont décrits vivant sans foi, ni piété sincère : les simagrées tiennent lieu de convictions religieuses tandis que leur avilissement est le résultat d’une civilisation matérialiste, fustigeant la réussite, l’argent et le prestige. Le cinéma hebdomadaire pervertit les enfants, tout le monde cherche à s’enrichir frauduleusement. La machine a créé une nouvelle forme d’esclavage, multipliant les chômeurs. Quant à l’Église, elle pactise avec la pouvoir, elle aide les puissants à maintenir les faibles dans la soumission. Les banquiers sont mêmes qualifiés de dieux protecteurs !

Pendant ce temps, le curé éprouve de la sympathie pour les non-conformistes, pour ceux qu’écœurent la résignation de masse et l’outrecuidance des nantis. Il rêve de rétablir le pauvre dans tous ses droits et sa dignité. Mais, malheureusement, pour les profanes et même ses confrères, il leur apparait naïf empli d’illusions, mal adapté à la vie sociale. Traité avec condescendance, le curé est un personnage souffrant, souffrant dans son cœur mais aussi dans son corps. Il souffre d’un cancer à l’estomac. Pour autant, cet être pur est en proie à une lutte perpétuelle contre le Mal.

 

Le Mal et la Grâce

La créature est l’enjeu d’une lutte incessante que se livrent Dieu et Satan. Le monde est un champ clos où s’affrontent le Bien et le Mal. Le Mal prédomine, il pousse les hommes à pécher, revêt parfois la forme de l’ennui, tout en mettant l’amour en échec. Les villageois vivent une vie terne, sans joie, subissant les événements avec résignation, attendant la mort. On meurt d’ailleurs beaucoup dans le village. Comme il n’existe aucun esprit de communion, les morts sont vite oubliés. A ceux qui osent se révolter par pitié, colère ou soif de justice humaine, le malheur leur est réservé. Le Mal ne donne sa chance qu’à la haine !

Commenter  J’apprécie          112
Journal d'un curé de campagne

Un jeune curé nouvellement affecté à une paroisse de campagne, au milieu du XXᵉ siècle, livre à son journal les épisodes marquants de sa vie, ses doutes, ses impressions et ses états d'âmes.

Un livre dense, mystérieux, intime, je dirais presque mystique à certains moments. Il faut s'arrêter souvent, refermer le livre et réfléchir à ce qui y est écrit.

Commençons d'abord par ce qui m'a moins plu : cette manière très fin XIXᵉ de peindre des personnages souffreteux, indécis, si sensibles qu'ils ne peuvent exprimer leurs sentiments sans changer de couleur, tomber en pâmoison ou se diluer dans des pensées abyssales.



Le décalage de l'époque, une interprétation, une compréhension, une habitation de la pensée chrétienne de Bernanos donne lieu quelquefois à une écriture hermétique, à des illuminations que l'on a parfois du mal à élucider. C'est une des forces de ce livre. On n'en ressort pas indemne. Bernanos nous rentre dedans, ne nous laisse pas en repos. Ce prêtre ingénu qui se croit indigne de tout, renverse pourtant des hommes et femmes-montagnes par sa simplicité sans fond et son absence totale de vanité. Sans aucun sens politique, sa seule présence ou sa parole, lorsqu'il ne la retient pas, touche l'âme des gens comme le regard lucide et sans barrière d'un enfant.

L'enfant, c'est bien là, je crois, le thème central du livre. D'ailleurs, lui-même n'est touché que par des enfants, une petite et une grande. C'est une immersion dans un christianisme qu'on imagine originel, celui des pauvres, des humbles et des simples. Dans l'âme de ce prêtre habite le Dieu chrétien qui ne se reçoit qu'avec une simplicité d'enfant. Il s'accommode mal des raisonnements casuistiques et ne peut sans se perdre s'approcher trop près des puissants.



Qu'a perdu le christianisme au fil des siècles ? Que vaut l'homme face à Dieu, jeté dans cette existence insensée ? Questions torturantes, existentielles, qui ne quitte pas vos pensées sitôt le livre fermé.

Commenter  J’apprécie          112
Sous le soleil de Satan

Je n'ai pas été conquise du tout par ce roman qui fait pourtant partie des grands classiques de la littérature française.

Bernanos nous livre ici un récit empreint de ferveur catholique, voire de mysticisme qui reprend l'éternel thème de la lutte entre le Bien et le Mal. Le père Donissan, jeune curé de campagne qui fait preuve d'une extrême rigueur religieuse, connaît une expérience spirituelle qui lui confère une forme de "sainteté" et se donne pour mission de sauver la jeune Mouchette du démon du vice qui semble l'habiter.



Je n'ai pas du tout adhéré à la psychologie des personnages qui m'ont paru artificiels. Ce n'est pourtant pas faute pour l'auteur d'y avoir consacré des pages (et des pages et des pages...), puisque près de la moitié du livre est consacrée aux expériences (délires) religieuses du prêtre. Mais rien à faire: le mysticisme exacerbé du père Donissan me laisse complètement hermétique, et le dévergondage de Mouchette m'est également incompréhensible.



L'écriture est très inégale, tantôt lumineuse, avec des phrases ciselées tels des bijoux, tantôt brouillonne à la limite du compréhensible.



Je comprends que ce livre soit un monument en son genre et je concède bien volontiers qu'on n'en écrit plus des pareils aujourd'hui.

Toutefois, je suis restée sur le pas de la porte. Le thème de l'opposition entre le Bien et le Mal est intemporel mais traité selon un angle beaucoup trop mystique et surtout trop long et trop rébarbatif.



J'arrête là avec cet auteur, c'est certain.

Commenter  J’apprécie          113
Journal d'un curé de campagne

Un curé de santé fragile, dans une campagne obscure écrit ses impressions dans un journal. Quoi de plus banal ? Sauf si on s’appelle Georges Bernanos, lequel manie les mots à la perfection, même si, écrit-il par la voix de son curé : « C’est une des plus incompréhensibles disgrâces de l’homme, qu’il doive confier ce qu’il a de plus précieux à quelque chose d’aussi instable, d’aussi plastique, hélas, que le mot. »



À travers ce journal, le narrateur scrute son sacerdoce avec une acuité extrême, lui cet enfant pauvre devenu homme de Dieu et qui n’oublie pas l’injustice faite aux siens : « Reste qu’un pauvre, un vrai pauvre, un honnête pauvre ira de lui-même se coller aux dernières places dans la maison du Seigneur, la sienne, et qu’on n’a jamais vu, qu’on ne verra jamais un suisse, empanaché comme un corbillard, le venir chercher du fond de l’église pour l’amener dans le chœur, avec les égards dus à un Prince – un Prince du sang chrétien. »



La prêtrise n’est pas chose aisée : « Nous payons cher, très cher, la dignité surhumaine de notre vocation. » Une vocation éprouvée par des situations, des êtres, par leur cruauté parfois. Heureusement, il reste la grâce, et des voix viennent aux secours de ce curé, comme celle de son confrère de Torcy, un sage qui fait ainsi parler le Christ pour, lui aussi, accabler l’injustice propre à l’espèce humaine : « Que mon bras s’écarte un moment, l’esclavage que je hais ressusciterait de lui-même, sous un nom ou sous un autre, car votre loi tient ses comptes en règle, et le faible n’a rien à donner que sa peau. »



Ce journal est donc une introspection tant existentielle que spirituelle, où des généralités côtoient des vérités intimes : « Je n’avais jamais été jeune, parce que je n’avais pas osé. » Puis : « Je n’ai jamais été jeune parce que personne n’a voulu l’être avec moi. » Ou comment dire sa solitude…



Et puis il y a l’entretien à cœur ouvert avec Mme la Comtesse – point culminant du roman et modèle d’espérance –, où les deux se livrent à une lutte pour qu’enfin cette dure femme de race infléchisse son implacable orgueil, vaincue par des phrases telles que celle-ci : « Oh, vous pouvez bien cacher aux misérables les vices de vos maisons, ils les reconnaissent de loin, à l’odeur. […] Il n’est pire désordre en ce monde que l’hypocrisie des puissants. »



Bernanos, qui « montre d’abord une heureuse négligence pour les “lois du roman” » (André Malraux), déploie ici encore ses inquiétudes mystiques, avec ce talent inouï qui le caractérise. Il n’accompagne pas le lecteur : il le lessive littéralement et non moins littérairement. C’est un texte qui s sous le signe de Dieu, mais un Dieu de vérité, pas d’apparence ainsi fustigée : « Je crois, je suis sûr que beaucoup d’hommes n’engagent jamais leur être, leur sincérité profonde. Ils vivent à la surface d’eux-mêmes, et le sol humain est si riche que cette mince couche superficielle suffit pour une maigre moisson, qui donne l’illusion d’une véritable destinée. »



Enfin, ce Journal d’un curé de campagne se lit aussi comme une confession et c’est ce qui la rend si attachante…

Commenter  J’apprécie          110
Journal d'un curé de campagne

Le curé d'Ambricourt aime tous ses ouailles, des paysans aux aristocrates. Mais ce n'est même pas là sa qualité la plus notable. C'est avant tout qu'il voit son rôle non pas dans celui d'aider à combler les injustices mais d'abord dans celui de faire accepter le monde et son lot de pauvreté. Et pour cela, il entend faire comprendre à chacun qu'il faut laisser entrer un peu du Christ dans son cœur. On peut le regretter, n'y rien comprendre, s'en offusquer même, mais y reconnaître, déjà, une mission ô combien plus ardue que de se donner le beau rôle en enflammant le cœur des foules par des discours bien sentis.

C'est que pour Bernanos, si la vérité du christianisme est porteuse d'une révolution, elle n'est pas là où l'on croit. Et si elle s'adresse aux pauvres, car, rappelle le curé, "c'est à eux que Dieu nous envoie d'abord", ce n'est pas pour leur annoncer la fin de leur misère, mais bien plutôt avec ce message : "reconnaissez votre Reine (la pauvreté), jurez-lui hommage et fidélité ».

Dans de telles circonstances, comment espérer ? Comment rester fidèle au message même de l'Église ? Comment exiger d'un affamé qu'il respecte une telle parole ?

Notre Curé n'en démord toutefois pas : l'homme de foi n'a pas d'autre choix que d'espérer en acceptant le Christ. Mais on aurait tort de croire que le christianisme de Bernanos est celui d'un homme conservateur, qui invite à la soumission et valorise les inégalités. La vraie révolution au contraire, selon lui, tient non pas dans la substitution d'un ordre (qui risque de remettre au goût du jour de nouvelles inégalités) à un autre d'un système, mais passe par la rupture avec le système de valeur en place : c'est cela accepter la pauvreté (contrairement à la misère qui est souffrance de sa condition). Accepter la pauvreté, c'est renoncer à la richesse, car ni le vrai ni le juste ne s'évaluent en quantité d'or.
Commenter  J’apprécie          113
Un crime

Tout d'abord je remercie les éditions Voolume et Babelio pour ce livre audio, lu par Delphine Alvado, qui m'a été offert dans le cadre d'une opération masse critique.



Le curé de Campagne c'est la spécialité de Georges Bernanos, alors rien de plus normal que d'en retrouver un au coeur de ce polar de commande publié en 1935, intitulé "Un crime".

Dans un village reculé des Alpes où la nature est rude, le nouveau curé arrive en pleine nuit à la surprise de Mademoiselle Céleste la vieille domestique. Cette dernière apprécie rapidement sa jeunesse et son apparente sensibilité qui contrastent avec ses prédécesseurs mais aussi le mystère qui l'accompagne puisqu'il arrive dans des conditions étranges à Mégère.

Cette arrivée nocturne va bouleverser rapidement la tranquillité des notables du coin. Des bruits suspects, cris et coup de feu entendus par le curé, vont l'entraîner à donner l'alerte. le maire accompagné des gendarmes vont découvrir un moribond dans le parc du château et la châtelaine morte. Il y a une belle énigme à résoudre d'autant plus que le titre du roman est "Un crime" alors qu'il y a deux morts.

Ce livre commence donc très bien d'autant plus que les personnages secondaires sont tous intéressants. J'ai bien aimé mademoiselle Phémie la sonneuse ou encore le petit clergeon. Il y a aussi un procureur débauché et une gouvernante insoupçonnable mais suspecte. Quant au juge, c'est en lui que le curé place sa confiance car il a des choses à révéler en lien avec l'enquête et sa liberté et son honneur sont en jeu.

Alors le juge à l'accent balzacien va lui laisser du temps…



Georges Bernanos a vraiment un très beau style. Pour autant, j'ai trouvé la deuxième partie moins intéressante que la première tout simplement parce que je n'ai pas compris qui était coupable.

En fait, comme j'ai écouté la version audio, ce n'est pas comme un livre papier, il est difficile de revenir en arrière et j'ai trouvé certains passages très confus.

Je me suis donc surtout intéressée à la psychologie de personnages troubles aux relations équivoques.



Commenter  J’apprécie          110
La grande peur des bien-pensants

Pour ceux qui connaissent et apprécient le Bernanos opposé au nazisme, ce texte a de quoi surprendre. Oeuvre de jeunesse, l'écrivain y fait l'apologie à peine nuancée d'Edouard Drumont, son maître à penser et célèbre auteur de La France juive.

Evidemment, l'oeuvre est difficile à saisir pour nos yeux qui lui sont trop peu contemporains : les événements recensés paraissent inimaginables ou à tout le moins orduriers, les succès de tels livres en feraient bondir plus d'un et les points de vue sont si excessifs qu'ils nous atterrent. Cependant, tout l'intérêt de cette lecture est de saisir la complexité de ces temps si peu manichéens. Bernanos est un homme pensant plus que bien-pensant. Il se trompe, il se corrige, il se nuance et toute la profondeur de sa dialectique passe aussi par la découverte de ses errances. Ainsi, on ne saurait comprendre La Grande peur des bien-pensants sans découvrir Les Grands cimetières sous la lune, autre tournant de sa réflexion politique sur les idées extrêmes. Les deux ouvrages apparaissent alors comme les deux pans d'un même diptyque, où les idées même les plus éloignées des nôtres nous paraissent étayées et pertinentes, pour être aussitôt après mises à mal par de nouveaux éléments.

Un livre passionnant d'un point de vue historique et indispensable d'un point de vue dialectique !
Commenter  J’apprécie          110
L'Imposture

[Roman audio, lu par André Rannou, pour le site litteratureaudio.com]

Je reste pantoise à lecture de ce roman, tout en étant persuadée de n'avoir pas la maturité suffisante pour en saisir complètement l'ampleur.



C'est superbement écrit. Vingt fois, j'ai arrêté ma lecture en me disant qu'il faudrait que je me rappelle ces mots si percutants de justesse. Les personnages sont nuancés, complexes, passionnants et tellement touchants.



Mais comme je l'ai dit, je manque de maturité pour complètement tout bien appréhender. Voici un livre que je devrai relire plus tard, mais grasse auquel je découvre Bernanos avec ravissement.
Commenter  J’apprécie          111
Journal d'un curé de campagne

Le livre ultime sur la foi... dans tous ses états. Pour moi, il ne s'agit pas que de foi religieuse dans ce livre, bien au contraire. Il s'agit de la foi tout court, celle qu'on est prête à éprouver lorsqu'on se trouve dans le dénuement le plus total. Rien que pour cela, ce livre est beau et universel car il questionne ce que nous avons de plus beau et de plus mystérieux en nous : notre propension à lâcher-prise (ou pas) pour quelque chose (ou quelqu'un?) qui nous transcende et nous dépasse : Dieu, l'amour, la vie... ce qui vous convient.
Commenter  J’apprécie          110
Journal d'un curé de campagne

Voilà quelque temps déjà que je souhaitais lire cette œuvre majeure de Bernanos. « Le Journal d’un curé de campagne » est un classique intemporel empli d’un questionnement existentiel d’une richesse insoupçonnée de prime abord. L’histoire en effet est fort simple, un prêtre nous conte son quotidien dans une paroisse rurale dans l’entre deux guerres. Il se dit fragile et peine à s’imposer dans cet univers. Il va se retrouver bien évidemment face à la mort, celle des autres tout d’abord puis la sienne.. ce qui va l’amener à confronter ce qu’on lui a enseigné au séminaire avec la vie dans ce qu’elle a de plus injuste. C’est à partir du moment où ce doute l’enveloppe peu à peu que l’on voit véritablement le roman s’envoler : « On ne prie jamais seul. Ma tristesse était trop grande, sans doute ? Je ne demandais Dieu que pour moi. Il n’est pas venu. » Le style de Bernanos est l’un des plus beau que l’on puisse lire dans la littérature française. Il est aussi simple que profond de par le sens qui s’en dégage. J’ai dévoré cette seconde partie du roman et tout particulièrement l’échange entre le médecin morphinomane et son patient, deux condamnés, deux façons d’appréhender l’inacceptable idée de notre propre mort. Je ne sais si le fait d’être croyant rend la lecture de Bernanos encore plus enthousiasmante. Peut-être pas au fond ? J’aime ce doute qui habite la foi de Bernanos tout comme celle de ce prêtre qui au contact de la vie voit peu à peu ses certitudes s’étioler jusqu’à n’être plus lui-même que nuit.. Mais « qu’est ce que cela fait ? » puisque « Tout est grâce. »
Lien : https://thedude524.com/2011/..
Commenter  J’apprécie          110
Sous le soleil de Satan

Je suis atterrée!

Ainsi, pour Bernanos - le très grand écrivain très chrétien,- l'une des incarnations possibles du Mal, ce serait ça: une gaminette de 15-16 ans, adolescente révoltée, qui pour fuir son milieu étriqué se persuade qu'elle s'est amourachée du séducteur local.... Meurtrière par accident (mais ce n'est pas cela le plus grave, et le Bon Prêtre lui-même l'en absoudra).

De cette "Mouchette", d'autres écrivains, assurément, auraient fait une belle héroïne dévoyée, une "Ingénue" fièrement libertine... Mais chez Bernanos, non: une lointaine fille d'Eve, et qui revendique sa liberté! Donc coupable, forcément coupable - et néanmoins (bien sûr!) forcément pardonnée!...

Alors oui, de temps en temps, le souffle du surnaturel, de l'angoisse métaphysique . Par ailleurs, une belle écriture - presque trop belle, cependant, c'est-à-dire trop forcée, trop elliptique, et par moments ,sur certaines phrases, confinant presque à la charade.... (Que veut-il dire exactement?)

Mais bref, je m'étonne :

Juste après les grands charniers de 14-18, et sans prescience aucune des horreurs à venir, le Malin aurait donc eu du temps à perdre pour venir tenter un pauvre prêtre de campagne? C'est donc à cela qu'il s'amuse, le Diable, dans ces campagnes françaises en voie de déchristianisation? Il n'a pas bien d'autres choses à faire, des projets d'une bien plus considérable envergure, pour mener la pauvre humanité à sa perte?

"Sous le soleil de Satan"... Avec un si beau titre je m'attendais à la description ( tout au moins, le pressentiment) d'un troupeau sans dieu, voué à son propre anéantissement, dans un univers dévasté. Un regard sur cette humanité affolée, courant éperdument à l'abîme, telle qu'on l'envisage parfois de nos jours, et telle que les adversaires de la modernité pouvaient, je pense, la pressentir déjà en 1926, lors de la parution du roman. Mais non: rien d'autre que des préoccupations de soutane, de sainteté personnelle, de "directeur de conscience".

Cela semble si loin de nous, désormais: toute cette hiérarchie chrétienne, ce besoin forcené d'humilité, d'obéissance, et cette obsession du péché, qui certes structuraient toute la société... mais à quel prix!

En somme, un roman difficile à appréhender de nos jours, je le crains, sans une appétence mystique confirmée. Personnellement, je crois , et depuis bien longtemps, que j'ai perdu la clef....
Commenter  J’apprécie          113




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Georges Bernanos Voir plus

Quiz Voir plus

Le journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos

En quelle année ce roman a-t-il été publié ?

1930
1933
1934
1936

12 questions
18 lecteurs ont répondu
Thème : Georges BernanosCréer un quiz sur cet auteur

{* *}