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Critiques de Georges Simenon (2934)
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Les volets verts

On fait beaucoup de publicité pour le film sorti hier, avec Gérard Depardieu et Fanny Ardant. J'avais remarqué que c'était une adaptation d'un roman de Simenon. Je l'ai vu par hasard en librairie et cela m'a donné envie de le découvrir.



Bonne idée car je l'ai beaucoup aimé. Pas de commissaire Maigret ici. Non, le personnage principal, c'est Maugin, star vieillissante de cinéma et de théâtre. L'auteur disait s'être inspiré de différents monstres sacrés mais en donnant naissance cependant à sa propre créature.



Pendant toute ma lecture, Maugin était Depardieu, tant je trouve qu'ils coïncident parfaitement. Si vous lisez le livre, vous comprendrez. Les autres protagonistes de l'histoire ( sauf sa dernière femme, qui le sait fragile) le voient comme une force de la nature, mais Maugin s'essouffle, Maugin boit et mange trop. Une visite à un docteur lui fait comprendre que ses jours sont comptés, s'il continue à brûler toute son énergie sur scène, dans les films, en tenant à coups de gros rouge.



L'auteur explore finement les tourments, les tergiversations du personnage, grognon et souvent agressif en paroles mais bon et perdu intérieurement, et si seul finalement... C'est psychologiquement subtil et intéressant,Simenon sait ici aussi sonder les âmes...



Je pense que le film doit bien rendre l'ambiance du livre mais je me demandais quel personnage jouait Fanny Ardant, elle ne correspondait pas à l'âge de la jeune épouse de Maugin. J'ai constaté qu'elle était sa partenaire de théâtre, qui n'apparait pas du tout chez Simenon. Curieuse de voir cette libre adaptation, et de retrouver le beau duo d'acteurs que j'avais tant aimé dans " La femme d'à côté "...

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Les Demoiselles de Concarneau

Dans ce "roman dur" de 1936, nous retrouvons tout ce qui a fait le talent de romancier de Simenon : économie d'effets, subtile approche de la psychologie des personnages, descriptions précises des lieux en quelques mots.



Le destin de Jules Guérec patron pêcheur entouré, étouffé plutôt, par l'affection égoïste de deux de ses soeurs (les fameuses "demoiselles" du titre) enfermé dans une routine à la fois douillette et sclérosante et, qui croit trouver le bonheur après un drame m'a touché !



Et croyez-moi, il est rare que le sort d'un personnage de fiction me fasse cet effet !



Parlerons-nous de chef-d'oeuvre du roman francophone à propos de ce court roman ?



Pour moi oui, absolument !
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Le charretier de la providence

Dans ce deuxième volet, Maigret mène l'enquête sur l'assassinat d'une femme découverte dans l'écurie du café de la Marine le long du canal à Dizy. Il se retrouve dans un environnement qui lui est fort peu familier (moi aussi!), celui des transports fluviaux, des écluses, des mariniers.

Comme à son habitude, il va s'imprégner des lieux, des habitudes de chacun, de leur quotidien, l'oeil aux aguets. Il va aussi beaucoup pédaler. Au sens propre comme au figuré !



J'ai beaucoup aimé être plongée dans l'univers de la batellerie et le quotidien de ces hommes et de ces femmes. C'est un petit monde en marge du monde, un monde d'habitués, où tous se connaissent plus ou moins, où l'unité de temps est cadencée par la traversée des écluses, un monde qui a aujourd'hui disparu. J'ai été surprise de découvrir qu'avant l'apparition du moteur, les péniches étaient communément tractées par des chevaux sur les chemins de halage, le long des berges. J'aurais plutôt pensé qu'elles utilisaient un système de roues à aube ou de vapeur, voire de rames. Ben non. Elles utilisaient des chevaux et si on remonte plus loin encore dans le temps, des hommes. Epoque oblige, on découvre aussi les rivalités naissantes entre bateaux à traction, bateaux à moteur et bateaux de plaisance.



Par contre, le titre m'a un peu gâché le plaisir. Il fait porter dès le départ l'attention sur ce charretier alors que Maigret hésite entre plusieurs pistes. Cela reste néanmoins un bon livre d'ambiance qui met en scène des gens simples à la vie dure et d'autres plus aisés avec cet énergumène de Sir Walter Lampson, colonel en retraite de l'Armée des Indes qui remonte le fleuve sur son Yacht.

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Le port des brumes

Jamais deux sans trois. Apres Mac Orlan et Carco, Simenon se charge de m'embrumer dans cette enquete.





Elle commence a Paris mais devient vite portuaire, s'enfoncant dans l'epais brouillard normand de Ouistreham. Avec tous les mots des petits ports a ecluses, vivant entre jusant et revif, les mots des gestes, les mots des outils: “Une aussière tombe près de lui et quelqu'un la ramasse, la porte jusqu'à une bitte où il la capelle”. Encore? A votre plaisir: “ Et le capitaine du port alla décapeler l'amarre de la bitte. Et il largua le foc et le clinfoc, repoussa la goélette à l'aide d'une gaffe. Les manivelles grinçaient. L'eau s'engouffrait par les vannes ouvertes. La grand-voile de la goélette bouchait la perspective du canal”. Vous entendez les mots? Non? Vraiment pas? Ah, c'est la corne de brume qui etouffe tout.





Mais il n'y a pas que les mots, il y a aussi les gens, eclusiers et mariniers, taiseux au travail et bavards a la buvette, et les bourgeois du lieu, serrant des mains avec condescendance quand ils reviennent d'un sejour a Caen. Et Maigret. le commissaire Maigret, taiseux lui aussi, renfrogne, pipe en bouche, essayant de saisir la mentalite du lieu.





Maigret est un romantique. Comme on disait a l'epoque, il a du coeur. Quand il demasque le coupable et que celui-ci se suicide, il fait tout pour preserver l'honneur de sa femme: “Le médecin arrivait, un ami de la famille qui regardait le cadavre avec effarement. — M. Grandmaison s'est suicidé ! dit Maigret avec fermeté. À vous de découvrir de quelle maladie il est mort. Vous me comprenez ? Moi, je me charge de la police…”. Trois pauvres heres, meles au crime sans en etre responsables, qui avaient commis de faux pas que d'autres auraient juge delits, sont aussi relaches par lui. Il faut que la vie continue sa course, pour les pauvres bougres aussi, le plus tranquillement possible. Meme dans les brumes d'Ouistreham, qui se dissipent, des fois: “Le brouillard s'était définitivement changé en pluie et on distinguait maintenant toutes les lumières du port, toutes les silhouettes, le vapeur du Havre qui s'impatientait et donnait du sifflet”. C'est l'eclaircie, dans la meteo comme dans l'enquete. Maigret peut regagner Paris, mouille mais satisfait. Et moi je peux refermer le livre, repu, rassasie par ma lecture.





P.S. Elle: T'as fini de nous embrumer, oui?

Lui: C'est vrai, quoi… tu nous as saoules!

Moi: OK. OK. Y'a pas d'quoi s'enerver. C'est fini… pour l'instant.



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Les volets verts

1950. Maugin. Grand acteur, grand comédien, connu et reconnu de tous pour son talent d’abord, mais aussi pour sa mauvaise humeur légendaire, son goût pour le mauvais vin et la boisson en général. Maugin, un géant, dans tous les sens du terme, aussi fort, aussi grand, aussi gros que sa renommée. Un personnage, grognon, fier de son statut, imposant sa volonté aux hommes comme aux femmes, qu’ils soient artistes, scénaristes, producteurs, costumières, amantes ou épouses. Un personnage sans coeur, imbu de lui-même ? Pas si sûr. Car dès l’annonce de la sentence médicale, Maugin se replie sur lui-même, évoque et convoque son passé, et s’auto-analyse.



Alors le lecteur, peu à peu, comprend les gestes et les actes de Maugin et l’empathie s’installe naturellement avec ce personnage débordant d’humanité mais se cachant aux autres et à lui-même.

C’est terriblement bien écrit, bien décrit. L’analyse longue et lente est d’une touchante sincérité. La montée en puissance du témoignage révèle l’ascension extraordinaire de ce petit garçon issu d’un milieu défavorisé. L’observation à la loupe du corps et de l’âme de Maugin est un chef d’oeuvre de fine psychologie, un régal de lecture.



Une lecture que je vous conseille fortement et qui permet d’apprécier l’auteur, Georges Simenon, autrement qu’à travers son personnage de Maigret.

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Le train

Me l'étant promis il y a quelques mois, je visite ou revisite l'oeuvre de Georges Simenon.

Après - Le chat - inspiré lors d'une visite à sa mère vivant une relation de couple malsaine, voici - Le train - inspiré, lui, à l'auteur par les circonstances, en l'occurrence "lorsqu’il fut chargé de diriger avec les moyens du bord le centre d’accueil aux réfugiés belges à la gare de La Rochelle."

Car en 1939 Simenon se trouve à La Rochelle, qui fut sa ville d'adoption, et qui figure en bonne place dans trente-quatre de ses romans et nouvelles.

En 1939, c'est donc à La Rochelle qu'il apprend par la voix de la TSF la déclaration de guerre.

Chargé comme je viens de le mentionner de diriger le centre d'accueil des réfugiés belges, "La débâcle provoqua, de son propre aveu, une sorte de soulagement en lui. Comme s’il se trouvait débarrassé d’une vie qui lui pesait, qui n’avait plus de goût. La dure réalité des événements lui faisait prendre conscience de ses propres réalités."

Dans son roman, il y a donc un peu de lui dans ce Marcel Féron, marchand et réparateurs d'appareils radio, marié à Jeanne, une jeune femme issue d'une famille de petits bourgeois d'origine flamande, qui lui a donné une fille Sophie âgée de quatre ans, et enceinte de sept mois et demi lorsque les Allemands déclenchent, après presque une année de ce qui fut appelée la drôle de guerre, l'offensive qui allait balayer en quelques semaines la résistance impréparée de la France et de l'Angleterre, et donner une victoire éclair à Hitler.

Marcel a alors trente-deux ans.

Il est réformé à cause d'une myopie sévère.

Son obsession d'être séparée de ses lunettes fait qu'il a toujours à sa portée, dans sa veste ou son pantalon, une paire de secours.

Marcel est un garçon terne, le fils d'une mère rentrée nue et tondue un jour à la maison après l'armistice de 1918... une mère dont il est séparé à l'âge de onze ans.

Son père, fondé de pouvoir, rentre de la guerre alcoolique et trahi par une femme dont le comportement et la fuite vont renforcer son addiction.

À quatorze ans, Marcel tombe malade.

Il intègre un sanatorium dont il ne sortira guéri qu'à l'âge de dix-huit ans.

Ses quatre ans d'enfermement vont le marquer à jamais.

Lorsqu'il rencontre Jeanne, l'épouse, devient père, il a atteint ce qu'il croit être ce que la vie pouvait lui offrir de mieux.

Mais la guerre réveille en lui ce qu'il qualifie de l'appel du destin.

Le tragique lui rend, pour un temps, l'acuité qu'il avait perdue... un peu comme ses yeux de taupe auxquels ses lunettes permettent de voir ce que ses yeux ne devinaient qu'à travers des bourrelets de brume.

C'est alors la décision de l'exode.

Sa femme et sa fille montent à bord d'un wagon de voyageurs... lui doit se contenter d'une place dans un wagon à bétail.

Le convoi s'ébranle.

Au bout de quelques heures, le train est scindé en deux.

Marcel est séparé des siens.

Il n'éprouve rien d'autre qu'une liberté toute neuve, une liberté redonnée comme en cadeau... un cadeau à l'enfant qui en a été privé.

Marcel redécouvre la vie.

Dans son wagon, il y a une jeune femme, Anna Kupfer, une expatriée tchèque... une Tchèque juive...

Marcel et Anna vont vivre une passion amoureuse, qui va les conduire des Ardennes jusqu'à La Rochelle, et à La Rochelle dans un centre d'accueil.

Jusqu'au jour où, après des recherches sans précipitation, sans inquiétude, Marcel va retrouver sa femme qui lui a donné un fils.

Les adieux après la capitulation.

Le retour au pays.

Des années s'écoulent.

Marcel, à présent patron prospère, père de trois enfants, a tenu un cahier sur lequel il a raconté cette histoire... comme un legs à ses enfants pour leur prouver que derrière l'image de ce père morne, sans histoire, cet être embourgeoisé sans réelle envergure, se cachait un homme qui avait vécu...

Si le roman de Simenon a été très librement adapté par Granier-Deferre au cinéma en 1973... avec l'éblouissante distribution qu'on lui connaît : Romy Schneider, Jean-Louis Trintignant, Régine, Maurice Biraud et beaucoup d'autres très bons acteurs, si ledit film "élève" ses personnages, et surtout Jean-Louis Trintignant alias Julien Maroyeur alias Marcel Féron, le roman offre une approche moins flamboyante, moins lyrique, moins romantique... mais plus réaliste, plus terre à terre, plus authentique, et surtout moins héroïque... voire glaçante pour ce qui est de Marcel renvoyé à la lâcheté, à l'égoïsme et à la trahison d'un homme n'hésitant pas à sacrifier l'amour au bien-être quiet du conformisme, du renoncement... aux lunettes embuées mais rassurantes, simplement parce qu'elles sont là...

Mission remplie pour le romancier Simenon qui, en moins de 160 pages nous fait vivre certains des aspects de l'exode de 1940, ce que celui-ci put générer de parfois extraordinaire et inattendu chez des individus rendus inexistants par la banalité du décor de leur quotidien. Il nous fait traverser la France d'est en ouest.

Nous fait respirer le printemps chaud des Ardennes et les embruns de La Rochelle.

Nous raconte une déroutante histoire d'amour, allégorie de la vie des anonymes plongés brusquement dans la tragédie, convoqués par l'Histoire... chacun y répondant à partir de cet étrange mélange qui fait de nous ce que nous avons toujours été en voulant ou ne voulant pas l'être.

Du bon Simenon, de celui qui disait évoquant son oeuvre et son rapport à celle-ci : « Des idées, je n’en ai jamais eu. Je me suis intéressé aux hommes, à l’homme de la rue surtout, j’ai essayé de le comprendre d’une façon fraternelle… Qu'ai-je construit ? Au fond, cela ne me regarde pas. »
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Maigret et les vieillards

Simenon vous présente "ses meilleurs vieux"!

Cette enquête du célèbre commissaire, sent bon la fin des années 50.

Le milieu dans lequel enquête Maigret, se regroupe sur un territoire minuscule: Celui d'immeubles cossus et d'hôtels particuliers où vivent les classes parisiennes très aisées: Noms à particule, leurs notaires et médecins de pères en fils!

Il flotte, sur ce roman, comme une odeur d'encaustique, de cuivres fourbis et de livres reliés en cuir.

Maigret n'est pas à l'aise, dans cette enquête sur le meurtre d'un diplomate à la retraite, et la vérité risque d'être aussi terne et décevante, consumée comme cet amour long et impossible du Comte et de la Princesse.

La vérité viendra-t-elle de la bouche de Jaquette, la vieille bonne du comte, assistée de son encore plus vieux curé-directeur de conscience.

Le monde change, entre les vieillards qui se retirent et la jeune garde (représentée, entre autre, par le jeune chef de bureau du Quay d'Orsay) qui monte.

Simenon, comme à son habitude bien rodée, bien huilée, déroule l'investigation et le cheminement du commissaire. Un Maigret marqué par ses souvenirs des Saint Fiacre et heurté par une citation d'un article du Lancet britannique.

Maigret et les vieilards, enrichit encore l'expérience du célèbre commissaire, tout en captivant le lecteur.

Un bon Maigret...

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La Guinguette à deux sous

Certes le début de cette enquête est tiré par les cheveux. Certes avec un commissaire qui a tout pouvoir, il n'était pas besoin d'user d'une coïncidence à deux sous pour lancer Maigret sur la piste de la guinguette idoine.

Mais bien sûr avec Simenon l'essentiel est ailleurs, dans cette atmosphère unique, lourde d'humanité et de faiblesses humaines qu'il sait installer comme nul autre.



Et puis ce titre vaut aussi parce l'air de rien Simenon nous explique par la voix même de Maigret la construction en deux temps de ces romans. Un premier temps qui est celui de l'imprégnation de l'ambiance, où Maigret prend toute sa place, et qui fait mon bonheur de lecteur, un second temps plus mécanique, où l'enquête se résout presque par elle même, une avancée en entraînant une autre.



Probablement pas le meilleur Maigret donc, en aucun cas le dernier.

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Le passager clandestin

Les vahinés, les palmiers, une île paradisiaque

et l'océan pacifique à perte de vue.

Qu'est venu y faire le major Owens

qui préfère l'ambiance des pubs anglais

enfumés et le confort des palaces ?

Il recherche quelqu'un mais voilà il ne semble pas être le seul...

Simenon rime souvent avec commissaire grognon ;

là, pas de Maigret en vue mais un vieil Anglais bien sapé

un rien blasé qui ne sirote que du whisky.

Il n'a nullement envie de s'encanaquer

mais va se laisser couler tout doucement

dans cette vie simple pour le moins exotique.

Avec Simenon, les dialogues, l'atmosphère

et les personnages sont bien campés

et ce coup-ci bien dessinés et mis en valeur

par un illustrateur hors pair qui sait croquer

entre autres de belles vahinés en paréo.

Simenon et Loustal à Tahiti, c'est un grand pied au paradis.

Je remercie Babelio, Masse critique et Omnibus

pour ce dépaysant voyage à Papeete.

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Le chien jaune

Deuxième lecture de vacances avec billet rapide.



Il s’agit de mon premier roman de Maigret. J’avais lu un court recueil de nouvelles qui m’avait bien donné envie il y a quelques années. Le résultat est positif bémol.



J’ai bien aimé l’ambiance de Concarneau sous la tempête (m’a donné envie de visiter), l’atmosphère glauque de l’Hôtel de l’amiral, les journalistes qui, par leurs articles, soufflent sur les braises de la psychose qui s’empare peu à peu de la ville et le maire qui crise et veut que l’on désigne un coupable, quel qu’il soit. Face à tout cela, Maigret reste aussi serein qu’un bloc de marbre. Rien ne l’ébranle. L’expérience probablement. Le pauvre inspecteur Leroy qui l’assiste ne lui sert que de bras et de jambes supplémentaires, interdiction de penser (il essaie si peu).



Mais d’un autre côté, la lecture dans le train ou en fin d’excitantes journées de vacances était souvent soporifique, une vraie berceuse. Bon, j’ai déjà vu des Maigret à la télé et je ne m’attendais pas à l’inspecteur Harry, mais on a beau être prévenu…

Plus embêtant, l’absence totale de pénétration des personnages. On est incapable de savoir ce que les personnages pensent. Même Maigret. Surtout Maigret. Le narrateur déclare même à un moment « il est impossible de deviner les pensées de Maigret ». Un bloc de marbre inaccessible donc. Cela induit une absence totale d’indications sur la façon dont son cerveau fonctionne, comment il associe et corrèle les événements, comment lui viennent ses intuitions. C’est très frustrant. J’ai conscience cependant que cela participe à l’ambiance qui m’a plu.

Simenon ne sème pas d’indices qui pourraient faire participer le lecteur à l’enquête. Ce dernier n’est donc pas mieux loti que le journaliste ou l’inspecteur Leroy. Impossible de reconstituer ne serait-ce qu’une partie du récit qui est dévoilé au dernier acte.



Cette lecture était donc une expérience intéressante et pas désagréable, mais je ne suis pas sûr de retenter Maigret. A moins qu’on me dise que certaines affaires sont menées différemment.

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L'Aîné des Ferchaux

Dieudonné est l'ainé des deux frères Ferchaux, l'autre c'est Emile. partis de rien ils ont fait fortune en Afrique, dans les années 1920, à la confluence du Congo et de l'Oubangui, dans le caoutchouc. Les moyens employés pour y parvenir sont tous fallacieux et frauduleux, le principal étant de gagner de l'argent peu important les moyens.

Au bout de 3 ans Emile est rentré à Paris pour gérer la fortune familiale.

Dieudonné, lui a continué en Afrique, tuant 3 hommes africains, en état de légitime défense selon lui.

C'est ce qui lui sera reproché et l'amènera à rentrer en France, pour se cacher et se défendre.

Pour gérer ses affaires, Dieudonné embauche un jeune homme, Michel Maudet, la vingtaine, comme secrétaire, un peu à l'emporte pièce, Maudet lui forçant la main.

L'étau se resserrant autour de lui, Ferchaux, embarque pour Panama, emmenant avec lui Maudet, lequel laisse en rade de Dunkerque son épouse sans un regard et sans la prévenir.

Les deux hommes se ressemblent énormément, sauf que l'un a la vie devant lui et l'autre derrière lui, mais ça, l'un et l'autre le savent et Ferchaux n'est jamais dupe de l'issue de cette collaboration.

L'issue jouée d'avance et qui était, fatalement, programmée dès le départ.



C'est un grand livre que celui-ci, au point de vue littéraire d'abord, nul n'est aussi doué que Simenon pour dépeindre un endroit, une ville, une pièce ou un bistrot, peu de phrases voir de mots et l'ambiance est créée. Les personnages, ensuite, leurs caractères, leurs vies et antécédents, les comportements, travers, habitude sont brossés comme un peintre à petits coups précis de pinceau, de façon réaliste mais sans jamais de fioriture.

Maudet est une ordure, point, Ferchaux est un escroc re-point. Ces deux là se haïssent mais composent ensemble le temps que ce sera l'intérêt de l'un de l'autre ou commun. Mais, finalement, ils ont une certaine façon de s'aimer, de se supporter parce que l'un comme l'autre savent que l'un est le miroir de l'autre et réciproquement. n'est-ce pas la raison de l'embauche de Maudet, à carnassier, carnassier et demi, et ce dès le début.

La vacuité de cette vie sous un soleil de plomb mouillant, de transpiration le costume que l'on porte blanc ou jusqu'à l'os pendant la saison des pluies, augmente encore le climat pesant, s'il en est, dans ce roman, tel un personnage supplémentaire annonçant irrémédiablement l'issue programmée dès l'embarquement de Dunkerque?



Lu d'une seule traite avec infiniment de plaisir.



PS : mon exemplaire est de 433 pages et non 132 repris sur le descriptif de page de garde.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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La Mort de Belle

Un des "romans durs" dans l'oeuvre foisonnante de Georges Simenon.

Un livre dans lequel on retrouve les ingrédients qui font la recette du succès du père de Maigret : un homme tout à fait ordinaire dont la vie bascule telle la lame oblique et tranchante de la guillotine dans l'épouvante et le drame de l'extraordinaire. Une petite ville de province recroquevillée sous les frimas de l'hiver, sous les certitudes pesantes des règles et des codes moraux d'une communauté où les apparences font office de vérité et où les fidèles se rassemblent le dimanche pour obtenir du berger qu'il renvoie sa grégarité confortée vers les pâturages flous d'une semaine nouvelle débarrassée de l'idée absurde que le troupeau puisse se méconduire.

Spencer Ashby et sa femme Christine appartiennent à ladite communauté. Ils vivent dans une petite bourgade de deux mille têtes... pardon, deux mille âmes près de Litchfield dans la campagne new-yorkaise.

C'est un couple de quadragénaires... ils s'entendent bien, se sont mariés dix ans plus tôt... sans véritable amour, sans aucun intérêt.

Ils se sont mariés parce que...

Lui enseigne la littérature dans une école préparatoire.

Elle est une des gardiennes de la communauté... une femme irréprochable, une dame patronnesse dévouée, une compagnie agréable qui se plaît à jouer au bridge... comme ce soir où elle s'absente chez des amis pour participer à un tournoi.

Spencer ne la suit pas.

Il n'en a pas envie.

Il préfère s'enfermer dans son cagibi et travailler à son tour : la menuiserie est son violon d'Ingres.

Belle, une jeune fille de dix-huit ans rentre du cinéma et vient lui souhaiter une bonne nuit.

Belle est la fille d'une amie de sa femme qui est en pension chez eux depuis un mois.

Elle n'est que de passage... le temps d'un divorce parental.

Spencer vit dans son monde.

C'est un homme naïf, sans histoire.

Il aperçoit Belle mais ne l'entend pas à cause du bruit du tour.

Son travail terminé, Spencer monte se coucher et s'endort très vite.

Il se réveille...sa femme à ses côtés est rentrée tard... se prépare pour aller travailler.

Arrivé à l'école, la secrétaire l'informe que sa femme vient d'appeler et qu'il faut qu'il rentre séance tenante à la maison.

Il hésite... puis devant l'insistance de la secrétaire, il rebrousse chemin.

De retour chez lui... sa vie a changé... Belle a été retrouvée morte étranglée.

Les soupçons se portent sur lui.

Petit à petit, d'interrogatoires en suspicions, de non-dits en humiliations, de malsaines curiosités en rumeurs, de lâchetés en accusations anonymes... on goudronne le mur de sa maison d'un grand M ( Murderer = assassin ), il est mis au ban de la communauté.

Le sermon du pasteur dissimule à peine qui se cache derrière l'homme qui incarne le mal dénoncé.

Le proviseur lui demande de se mettre quelque temps en retrait.

Christine le soutient... par devoir ou par amour ( ? ).

Comme tout homme Spencer a un passé.

Son père alcoolique trainait dans les bas-fonds puis s'est suicidé à trente-huit ans.

Spencer a eu une scolarité solitaire... il a eu des copains mais jamais d'amis...

Il n'a jamais connu de femmes en dehors de quelques prostituées.

Sa femme et lui n'ont pas d'enfants...

C'est un coupable idéal.

Un après-midi il est reconvoqué par le chargé de l'enquête.

Est présent dans le bureau un psychiatre de renommée.

Spencer s'attend à être arrêté... il ne l'est pas.

Il est libre comme le gibier que l'on traque, que l'on a débusqué et qu'on s'apprête à...

Spencer n'a pas tué Belle.

Lui seul et le meurtrier le savent.

C'est trop et pas assez pour que sa vie s'en contente.

Dehors, il y a des lumières, des bars... et la secrétaire qui a tapé tous ses interrogatoires...

Vous aimeriez en savoir davantage ?

Lisez le roman.

J'ai apprécié cette lecture.

J'y ai retrouvé un peu de l'atmosphère provinciale de - Les inconnus dans la maison -.

J'y ai surtout retrouvé un élément très présent dans l'oeuvre de Simenon : la neige.

Elle est là dans - Les inconnus... -, dans - La neige était sale -, dans le final de - Le train -, dans - Le haut mal - etc... comme si neige, mort et deuil étaient indissociables.

Pour conclure, j'ai juste envie d'évoquer la mémoire du comédien exceptionnel qu'était Jean Desailly... acteur Simonien par excellence.

Sa prestation dans - La mort de Belle - de Molinaro est tout simplement épatante. Elle ne fait que précéder celle bluffante qu'il nous offrira quelques années plus tard en serial killer dans - Maigret tend un piège - de Delannoy.

Du bon Simenon qui, outre l'histoire, m'a offert une leçon d'écriture... ou comment dire sans le dire tout en le disant l'indicible, le cru, le violent, l'horrible. C'est assez remarquable.

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L'Affaire Saint-Fiacre

Dans ce roman de 1932, Maigret revient sur les lieux de son enfance pour enquêter sur le meurtre annoncé de la comtesse de St Fiacre...



Le château de St Fiacre où le père de Maigret était régisseur a bien changé depuis son départ et pas pour le meilleur.

L'ambiance y est délétère et on y sent la faillite morale et financière.



Maigret se montre parfois brutal dans cette enquête, c'est qu'on comprend bien que ce retour en arrière le rend furieux et amer; où est donc le temps de la splendeur des châtelains, où est le temps où le petit Jules admiratif des adultes de son entourage servait la messe ?

"Qu'a t'on fait de mes souvenirs d'enfance ?!" pourrait-il dire.



Pour le côté enquête policière, on est dans quelque chose d'assez classique ; un "whodunnit" traditionnel en fin de compte, mobile, moyen, opportunité, etc...

C'est comme souvent avec Simenon, l'ambiance et les personnages si bien décrite, si bien cernés, qui font les principaux l'intérêts du roman.



Je ne peux pas ne pas évoquer les adaptations de ce livre, j'en connais trois : le film de Jean Delannoy avec Jean Gabin et les deux téléfilms avec Jean Richard et Bruno Kremer, qui sont trois réussites chacune à leur manière.

Même si les scénaristes ont pris des libertés avec le roman ils ont tous gardé le principal, c'est à dire l'effet que la nostalgie a sur Maigret, sa façon d'enquêter et son humeur.

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Le Pendu de Saint-Pholien

Terminant une mission en Belgique, Maigret remarque un jeune homme au comportement curieux.

Intrigué, le commissaire le suit et échange sa valise par jeu et pour voir sa réaction.

Las ! Quand il s'aperçoit qu'il n'a plus sa valise le jeune homme panique et se suicide !

La valise, ne contenait pourtant rien de valeur (a priori), le commissaire, bien embarrassé par ce suicide (qu'il ne pouvait, au demeurant anticiper) va mettre un point d'honneur à éclaircir ce mystère, à commencer par l'identité du jeune mort...



L'affaire est, une fois de plus, rondement menée par un Maigret très anxieux d'avoir le fin mot de l'histoire.

J'ai trouvé le dénouement assez inattendu, j'étais, comme l'adjoint Lucas, parti sur une autre piste.



le pendu de Saint-Pholien, paru en 1931, est l'un de ceux que je trouve les plus réussis, peut-être même le plus réussi, parmi la douzaine de titres que j'ai lu jusqu'à maintenant, avec un Jules Maigret aussi bon policier que fin psychologue, la formule "comprendre et ne pas juger", s'applique particulièrement ici.
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La péniche aux deux pendus

Simenon est envoyé sur une affaire sordide : deux pendus dans une même péniche, l’Astrolabe. C’est ce que l’on nomme une péniche « écurie » car elle est tirée par des chevaux qui dorment à bord.

Les deux corps sont ceux des époux Aerts. Le marinier était bien plus âgé que son épouse, qui ne faisait pas mystère de l’avoir épousé pour hériter de sa fortune. Elle n’hésitait pas à le cocufier… Et il le savait !

Il y a quelque chose d’étrange dans les pendaisons. La femme est pendue avec une corde faite de draps, alors que l’homme est pendu avec une chaîne.

Maigret se mêle aux mariniers et éclusiers pour respirer l’atmosphère propre à ce milieu afin de deviner les tenants et aboutissants de cette sordide histoire.



Critique :



Un très court roman, ou une grande nouvelle. Vite lu, malgré son nombre restreint de pages, le lecteur s’imprègne très vite de cette ambiance des années trente. Pensez donc : une péniche tirée par des chevaux ! Aerts, le propriétaire de l’Astrolabe, la péniche échouée, est belge malgré que la péniche se trouve sur la Seine, ce qui nous montre à quel point les voies navigables sont de véritables « autoroutes » ou plutôt « pénicheroutes ».

Un Maigret qui passe la nuit à bord de la péniche « mortuaire » pour s’imprégner de l’ambiance ce n’est pas commun surtout pour le juge d‘instruction qui débarque au petit matin pour trouver le célèbre commissaire au milieu d’un chantier dans la calle de la péniche.

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45 degrés à l'ombre

45 degré à l'ombre,

Chaud, chaud le Simenon, Chaud !

Je l'ai trouvé en nage, en pleine canicule,

à la devanture d'une bouquinerie.

Cette jaquette orange me faisait de l'oeil.

Je me suis laissé tenter par la libraire rigolarde

qui m'a dit qu'il tombait à pic...entre mes mains moites.

Le Simenon d'occas' dans le sac.. de plage

l'aventure maritime pouvait commencer

à bord du paquebot Aquitaine reliant le Congo à Bordeaux.

Donadieu, médecin navigant aguerri

vieux loup solitaire

passe le plus clair de son temps,

quand il ne fume pas de pipes d'opium,

ou ne soigne pas,

à suivre de près la vie des passagers.

Particulièrement attentif à ceux qui dénotent.

Il remarque plusieurs fausses notes

dont un couple muni d'un billet de 2nde classe avec un bébé malade

qui atterrissent dans une cabine de 1ère classe,

le début d'un imbroglio à bord du paquebot...

Simenon s'avère toujours aussi fortiche

dans ses romans noirs psychologiques.

Ici, il nous plonge dans l'ambiance des colonies.

Dans la cale, les esclaves des chemins de fer

au second le petit peuple

et en première les gros propriétaires

les fonctionnaires, les aventurières etc...

Une flopée de coloniaux retournant à Bordeaux

qui partagent dans ce paquebot huis clos

bien plus qu'une partie de pêche...

45 degrés à l'ombre, pas suant du tout !
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L'Affaire Saint-Fiacre

Grand souvenir de ce roman étudié en classe de collège. Vu le film avec Jean Gabin dans la peau de Maigret bien après. Mais je revois encore le prof nous expliquer le texte de Simenon. Souvenir de l'ambiance, mais aussi de l'intrigue pour une fois. Ambiance de cette France rurale religieuse. Tout un monde ! Histoire d'enfants de cœur, d'aristocrates, de propriétés, d'église… Une de ces intrigues dont Simenon a le secret. Lire cet auteur, c'est se replonger dans le passé, souvent peu reluisant d'une époque qui n'a bien souvent rien à envier à la notre.
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Le chien jaune

Simenon situe l'action de ce roman de 1931 à Concarneau, ville déjà utilisée comme cadre pour l'un de ses romans durs: "Les demoiselles de Concarneau".



Cette fois, c'est Maigret qui vient dans ce port pour découvrir qui en veut à un groupe d'amis habitués de "l'hôtel de l'amiral".

Nous retrouvons des éléments chers à l'auteur ; un port, les intrigues d'une micro société bourgeoise, le mensonge et la dissimulation, qui seront d'ailleurs déjoués.

Les victimes et les coupables ne sont pas toujours ceux que l'on pense après tout...



Encore un sans faute avec ce "Maigret" de bonne facture, dont j'avais bien aimé l'adaptation en téléfilm avec Jean Richard.

Ha ! que le noir & blanc sied à l'univers de Simenon !
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Les Anneaux de Bicêtre

Voilà, j'ai replongé dans l'univers de Simenon. L'univers d'un de ses 117 romans durs... comme il les qualifiait.

Simenon pour moi est un rendez-vous littéraire nécessaire.

C'est un grand, un très grand auteur, trop souvent cantonné pour bon nombre à ses romans policiers, à son "double" le commissaire Maigret et aux nombreuses adaptations cinématographiques ou télévisuelles tirées du personnage et de ses enquêtes.

Or l'homme à l'oeuvre prolifique et à la vie "intense" a le sens de l'intrigue chevillé à la plume.

En peu de mots il sait vous peindre et vous rendre vivant n'importe quel personnage là où il faut des pages et des scènes ou des circonstances à des écrivains de talent.

Son narratif est toujours ou presque toujours implacable.

Sa littérature est autant un canevas excellemment et prestement exécuté d'actions, d'émotions, de psychologie, de descriptions, de dialogues - épurés - que de réflexion.

Nous sommes en 1962.

Lors d'une réunion avec son cercle d'amis dans un grand restaurant parisien, le tout-puissant René Maugras, patron de presse respecté, craint, courtisé... arrivé, est victime dans les toilettes de l'établissement étoilé, d'un AVC.

Transporté à l'hôpital de Bicêtre, il va devoir, s'il échappe à la mort, tout réapprendre, se reconstruire.

Simenon nous offre un voyage intérieur, le regard d'un homme soudainement devenu hémiplégique, aphasique, incontinent... dépendant.

De cette ouate foetale qu'est la maladie, dans ce cocon où il s'abrite, il voit, écoute, entend comme le ferait un nouveau-né qui s'efforce de tirer sur son cordon pour retourner dans la douce quiétude de l'amnios.

La maladie offre souvent l'envie d'une reddition sans conditions.

La maladie, souvent, nous révèle à nous-mêmes.

Que devient-on lorsqu'on sort "réparé" d'un tel accident.

A-t-on appris ?

A-t-on changé ?

Vit-on différemment ou reprenons-nous le cours de notre vie là où nous l'avions laissé ?

Simenon vous propose une réponse à travers René Maugras.

En dehors du fait qu'en 1962 je découvrais l'hôpital version patient et que quelques décennies plus tard j'ai eu affaire aux mêmes ennuis de santé que Maugras... je me suis parfaitement retrouvé dans cet univers d'un autre temps... eh oui ! le soin de naguère, ses structures, son personnel, ses connaissances, ses croyances et ses pratiques m'ont paru d'un autre âge... et pourtant !

J'ai lu pas mal de Simenon, dont certains que j'ai présenté ici.

Celui-ci fait partie des très, très bons car d'une maîtrise narrative qui ne souffre d'aucun défaut, offrant une galerie de personnages croqués de main de maître.

Un drame social et humain de haute volée !
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Maigret et la jeune morte

Après avoir vu le film Maigret de Patrice Leconte, avec Depardieu dans le rôle du commissaire, j'ai ressenti le besoin de lire le roman dont il s'est inspiré, c'est à dire Maigret et la jeune morte.



Leconte nous propose un film très réussi portant essentiellement sur les méthodes d'investigation de Maigret laissant une part importante à la reconstitution de la psychologie des victimes, de leur environnement et du mobile de leur assassin.



Leconte a pris des risques en gommant de l'histoire de Simenon tout ce qui ne pouvait être transcris au cinéma sans perdre le spectateur.



Il a gommé la mère de Louise, retirée à Monaco où elle passe son temps à jouer à la roulette du casino pour gagner sa matérielle, comme elle l'avoue à l'inspecteur Féret de Nice.



Il a gommé la guerre que se livre à distance Lognon, l'inspecteur Malgracieux et Maigret qui dresse de lui un portrait sans concession :

« Techniquement, il n'avait commis aucune faute, et aucun cours de police n'apprend à se mettre dans la peau d'une jeune fille élevée à Nice, par une mère à moitié folle. »



Il a gommé aussi l'histoire de Mme Irène la couturière :

« - Quand a-t-elle été condamnée la dernière fois ?

Il y a quatre ans ou cinq ans. Elle a d'abord été danseuse, puis sous-maîtresse dans une maison au temps où celles-ci existaient encore. »



Il n'a retenu que l'atmosphère de la société française des années 1950, restitué de façon admirable, le mariage de Jeanine Arménieu, plein de magnificence, la lumière sombre qui émane du personnage de Louise, la duplicité des personnages qui l'entourent et en font une victime désignée.



Il a retenu essentiellement la figure de Jules Maigret que Depardieu incarne à merveille en mettant au service de l'histoire son visage volontiers torturé et son cerveau hanté par la victime :

«  C'était curieux d'ailleurs. Car, ce n'était pas à l'assassin qu'il avait pensé, mais à la victime, c'était sur celle-ci seule que l'enquête avait porté. Maintenant enfin qu'on la connaissait un peu mieux, il allait être possible de se demander qui l'avait tuée. »



Le roman, comme le film d'ailleurs, est construit autour de la capacité de Maigret à retracer le parcours de la victime :

« Il la voyait entrer au Maxim's comme il la voyait, un mois plus tôt se faufiler , au Roméo, parmi les invités de la noce »

« Maintenant, encore, tout en parlant, il l'imaginait cachée sous le lit, chez Mlle Poré, puis plus tard, se disputant avec Jeanine Arménieu dans leur logement de la rue Ponthieu. Il la suivait dans son logement de la rue d'Aboukir et devant la boutique du boulevard Magenta où elle travaillait en plein vent. »

Maigret est tellement dans son enquête qu'il en rêve la nuit :

«  Il pensait toujours à Louise Laboine et aux autres personnages qui avaient surgi les uns après les autres, sortant de l'anonymat pour lui faire une sorte de cortège. La seule différence avec tout à l'heure, c'est que ces personnages devenaient flous et grotesques, qu'à la fin ils s'embrouillaient, jouant un rôle qui n'était pas le leur. (…) Maigret se crut en train de jouer aux échecs (…) prenait la reine pour le roi, les fous pour les cavaliers et ne savait plus où il avait placé ses tours (…) »



Enfin, il parvient à reconstituer le puzzle :

« Les vides, maintenant, étaient presque tous remplis. Il devenait possible de reconstituer l'histoire de la jeune fille depuis le moment où elle avait quitté sa mère, à Nice, jusqu'à la nuit où elle avait retrouvé Jeanine au Roméo. »



Une des enquêtes de Maigret les plus abouties dans laquelle il est aussi question de conflits des générations, de difficultés des jeunes femmes à faire leur place dans la société sans passer par la case « homme », des tentatives de rébellion de Louise Laboine contre ceux et celles qui acceptent les règles du jeu.

« Quand elle était embauchée comme vendeuse quelque part, il lui arrivait toujours une mésaventure. Ou c'était le patron, ou un chef de rayon qui essayait de coucher avec elle.

Au lieu de leur faire comprendre adroitement que ce n'était pas son genre, elle montait sur ses grands chevaux, les giflait, ou s'en allait en claquant les portes. Une fois il y a eu des vols dans l'établissement et c'est elle qu'on a soupçonnée, alors qu'elle était sûrement innocente. »



Son seul tort a été de croiser des personnes convaincues que dans la société il y a des loups et des agneaux et que pour ne pas être un agneau, il vaut mieux être un loup.



Un grand Maigret. Relu avec toujours autant de plaisir.

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