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Citations de Gilles Marchand (526)


Il m’est arrivé de me sentir d’humeur badine, et de répondre : « Je compte quoi… et bien c’est une excellente question… » Et je pars pour la demi-heure la plus longue de la vie de mon interlocuteur. C’est assez jouissif d’observer le regard de celui qui ne comprend pas que son trait d’esprit ait pu être pris au sérieux : son expression passe de la surprise à l’ennui, puis à l’effroi lorsqu’il prend conscience que je peux faire montre d’une endurance insolente. Quand je suis dans un bon jour, je peux tenir une heure et demie sur le sujet, le secret étant de couper systématiquement la parole afin d’anéantir tout espoir de changement de conversation. Un débit non-stop appuyé de données chiffrées (ne jamais négliger les chiffres après les virgules), d’anecdotes à base de calculatrices ou de règles de trois, et la liste exhaustive des manuels dont j’estime la lecture indispensable pour devenir un bon comptable. Si ça ne suffit pas, je raconte ma journée.
Expliquer mon métier est un excellent moyen de ne plus être invité à tort et à travers. Finis les repas et les pots obligatoires sous prétexte que l’on fait plus ou moins partie de la même énorme entreprise. « Et toi tu fais quoi ici ? Je ne crois pas t’avoir déjà vu. – Je suis comptable. – Et tu comptes quoi ? » Mauvaise pioche mon bonhomme… Je suis devenu le mauvais convive, le raseur, mais j’ai gagné en tranquillité. Je suis rentré dans la boîte alors que j’avais à peine dépassé la vingtaine et à présent que ma quarantaine a déjà dépassé son mitan, j’ai acquis l’expérience nécessaire à l’obtention d’un environnement professionnel d’ascète.
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Il n’était pas du genre à mettre des pronoms dans ses phrases, Moriceau.

Il s’est assis, les yeux dans le vague. Il tapotait nerveusement les doigts de sa main gauche contre le bois de la table.

J’avais l’habitude, la plupart étaient comme ça. D’autres débordaient de paroles. « À vous, on peut bien le dire. » Je crois que j’ai entendu toutes les histoires qu’ils n’en pouvaient plus de garder pour eux. Tout ce qui venait hanter leurs nuits et qu’ils désiraient épargner à leur famille.
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On a tous une histoire d’amour intense, forte, dévorante. Une qui a tout emporté sur son passage et qui ne s’est pas finie, ou qui n’a jamais eu lieu parce qu’elle n’était pas réciproque. Une qu’on n’a pas osé déclarer, une qu’on a gardée pour soi parce qu’on avait peur. Et même quand tout se passe bien, on a encore peur : que l’intensité s’en aille, que la passion se soumette comme un animal sauvage à qui on aurait appris à lever la patte.
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« A Verdun, une division dans l’espace d’une relève, laisse en moyenne 4. 000 hommes. La terre elle-même change de forme; les collines, sous le coup de rabot des obus, perdent leurs reliefs, leurs contours. Le paysage prend cet aspect jamais vu, cet aspect de néant, cette apparence croulante de fourmilière et de sciure, où des échardes, des fétus, des débris des choses mêlés comme de la paille dans du mauvais pain, rappellent qu’il y a eu des bois, des fusils, des brancards, on ne sait quoi concassé là. On ne vit plus… on ne dort plus, on ne mange plus, on range les morts sur le parapet, on ne ramasse plus les blessés. On attend le moment fatal dans une sorte de stupeur, dans un tressaillement de tremblement de terre, au milieu du vacarme dément ».

(Epigraphe)
Lettre du 25/02/1916, d'Emile Gillet, 22 ans. Exposée au fort de Douaumont.
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Un merle noir grignotait son troisième lombric de la matinée, se disant que ce n’était pas raisonnable mais qu’on n’avait qu’une vie.
Une feuille de chêne chutait, parce qu’après tout l’automne viendrait, à quoi bon attendre ?
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J’ai pris un train et j’ai marché jusqu’à un joli village qui venait d’inaugurer un joli monument aux jolis morts de la jolie guerre. Il en fleurissait partout. C’était à qui aurait le plus beau, le plus grand, celui avec le plus de noms. J’avais même entendu des histoires de villages qui se battaient pour savoir à qui appartenaient les morts. Des paysans qui avaient habité entre deux communes et qui étaient devenus importants grâce à leur dépouille patriote.
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Si j'avais su qu'un boche c'était rien qu'un Français qui parle allemand, on aurait eu du mal à continuer à leur tirer dessus.
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Un automne triste arriva. Lentement suivi par un hiver maussade, un printemps déprimant et un été lugubre. Une année morte, une année pour rien. Lucie ne savait pas si Emile était mort ou vivant. Nous étions en 1915.
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L'amour ça se partage bien, t'en prends un bout, il en reste autant à celui qui t'a raconté l'histoire. C'était facile d'être généreux.
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Ce sont les au revoir. C'est comme ça. On a beau mettre une foule en décor, elle ne fait pas le poids face à la solitude.
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Avec les tranchées, les soldats se sont transformés en rats. Il n'y avait plus ni gagnants ni perdants. Des rats. Des rats allemands, des rats français. Et des anglais, des canadiens, des italiens. On venait du monde entier pour se transformer en rats.
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Je repensai à un vieil officier qui m'avait dit un jour que les dates gravées sur une pierre tombale n'avaient pas de valeur en soi : que ce qui comptait, c'était le trait d'union.
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Je ne voulais pas prendre le risque de les trouver sympathiques. Si on avait su qu’un boche c’est rien qu’un Français qui parle allemand, on aurait eu du mal à continuer à leur tirer dessus.
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Je me croyais un peu ivre et très légère, j’étais très bourrée et un peu lourde, je me croyais libre et indépendante, j’étais niaise et prude.
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Le bon vieux temps, c'était le bon vieux temps où le restaurant était une salle de concert, le bon vieux temps où il y avait des musiciens sur la scène plutôt que dans le juke-box, le bon vieux temps où nous finissions de jouer au bout de la nuit, où les clients quittaient la salle ivres d'alcool et de musique, où nos oreilles bourdonnaient de longues heures à cause de la violence des décibels, où la salle empestait la clope et la bière, où nous pensions que nous aurions bien le temps de nous occuper de nos oreilles, nos poumons et notre foie. Le bon vieux temps, quoi.
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Il est plus facile de vivre avec des questions qu’avec des différences.
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Je pensais que le monde se divisait en deux catégories : ceux qui traient leur linge avant de faire la lessive et les autres. Je me suis trompé : en fait, la différence est entre ceux qui sont dans les réalités de la vie et ceux qui sont en dehors. Ceux qui sont dans deuxième catégorie y sont enfermés à jamais, ils peuvent lutter pour faire bonnes mesure mais seront toujours démasqués.
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Il l'a rencontrée en balayant l'un de ses vieux rêves.
Elle était seule, debout à la sortie du magasin. Elle avait fait tomber une larme qu'il avait ramassée au cas où elle voudrait la récupérer. Elle n'en voulait pas, alors il l'avait mise dans sa poche. En me racontant cette histoire, il me la montre et je dois bien admettre qu'il s'agit effectivement d'une jolie larme.
Il l'avait revue le lendemain. Cette fois-là, c'était un rêve qu'elle avait fait tomber. Il s'était brisé sur le trottoir, il en avait ramassé les morceaux un à un et l'avait reconstitué le soir. Une histoire d'amour comme il en balayait tous les jours.
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Pour autant, la perspective du vieux couple ne m'effrayait pas. Vieux couple, cela ne signifiait pas grand chose. Pourquoi l'accolage de ces deux mots était-il devenu si péjoratif ? Faire partie d'un vieux couple, je ne rêvais que de cela. Voir vieillir Lélie à mes côtés, observer mon enfant se transformer en adolescent puis en adulte. L'idée était plutôt réjouissante. J'aurais des cheveux blancs, nous aurions des rides en plus, quelques kilos également, peut-être des douleurs au dos et aux articulations. Des vergetures seraient apparues sur le ventre de Lélie, je les caresserais comme on caresse un souvenir. Je passerais mes doigts sur le ventre de Lélie et suivrais le tracé de ses vergetures, pour y découvrir les secrets que la vie nous avait chuchotés. Je n'avais pas peur de devenir membre d'un vieux couple.
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Le discours d'adieux c'est la main du noyé qui se dresse une dernière fois à la surface de l'eau parce qu'il sait que dans quelques instants si l'on parle encore de lui, ce sera uniquement au passé.
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