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Critiques de Günther Anders (46)
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George Grosz - Un mort est mort

Il nous manque aujourd'hui un George Grosz, quelqu'un capable de reprendre son entreprise visuelle de dévoilement de la laideur viscérale de la bourgeoisie et de ses sbires, cachés derrière leur démocratie de pure façade. Quelqu'un en mesure d'aller la débusquer, derrière ses sourires faux et son déguisement de bon aloi, pour montrer toute la médiocrité et l'ignominie résidant dans la persistance de son calcul égoïste. Dans ce petit ouvrage, Günther Anders démontre fort bien la terrible colère qui fut celle de George Grosz devant la réalité sociale de son temps; cette colère qui ne cessa d'alimenter l'acuité du regard qu'il portait sur un monde qui se dirigeait tout droit vers le nazisme. Outrancier Grosz? Mais où se révéla donc être l'outrance en finalité. Est-ce l'artiste, le dessinateur, qui "exagérait". Force est pourtant de constater que l'oubli où est tombé aujourd'hui un George Grosz tient en grande part à cette malédiction poursuivant ceux qui ont eu raison trop tôt mais aussi ceux qui désignant un mal en sont, par retournement, rendus responsables.
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La catacombe de Molussie

Tout se passe dans la cellule d'une prison politique. Un vieux prisonnier en accueille un nouveau, pour lui transmettre les récits qui lui seront nécessaires au cas où la Révolution adviendrait. Ensemble, ils les commentent et les analysent. La Catacombe de Molussie est l'histoire de ceux qui tentent de comprendre les histoires qu'ils inventent, et d'en inventer de meilleures jusqu'à ce que la Révolution ne puisse plus ne pas avoir lieu.



Pour la plupart, les mythes fondateurs des deux prisonniers, très inventifs, drôles, cruels, décrivent la perversité politique, et la façon dont la vérité se confond avec le mensonge (où le vrai devient un moment du faux, comme écrivait Debord). Günther Anders n'a pas peur de parler de vérité. Il ne craint pas non plus de désigner des adversaires, ayant lu Mein Kampf avant tout le monde et l'ayant pris au sérieux (au contraire de Brecht, son ami, par exemple, qui ne voyait en lui qu'un "barbouilleur").

Le propre des romans philosophiques est d'exercer l'esprit à identifier ce que, jusqu'à présent, par convention, il ignorait. Celui de Günther Anders nous donne à voir les mécanismes de divisions et d'exclusions animant toute politique non-marxiste, à l'aide d'un imaginaire qu'on pourrait qualifier de kafkaïen (on pense parfois à La Colonie Pénitentiaire).



C'est aussi un roman sur la façon dont les histoires s'inventent, se donnent, s'échangent et se transforment, sur l'utilité de la fiction, la pertinence des débuts et la nécessité des fins, et l'amitié si particulière qui naît entre deux personnes qui partagent un récit.

Ce qui est le plus ambigü, et donc le plus vivant, c'est la fonction du récit molussien pour les prisonniers Olo et Yegussa : est-il émancipateur, ou bien structure-t-il le néant auquel ils sont condamnés ? N'est-ce pas le roman lui-même qui permet au monde de se maintenir tel qu'il est ? En ce sens, La Catacombe de Molussie contient sa propre critique, et c'est pourquoi il est véritablement révolutionnaire. Une fois qu'on l'a lu, on n'attend pas la suite, on veut simplement que le monde change.



(D'après la postface, le manuscrit de ce roman a été caché par l'auteur dans un fumoir pendant la seconde guerre mondiale, et n'a pu être sauvé que grâce à l'opiniâtreté de Hannah Arendt. L'auteur écrit que le texte a senti le jambon fumé longtemps après la guerre.)
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La haine

Fragments d’une ébauche de tome 3 pour L’Obsolescence de l’homme. Poussant la réflexion jusqu’à son paroxysme, Anders en vient à un paradoxe choquant : la haine aurait disparu pendant ce XXe siècle ! Ces tueries massives, le génocide, ne sont-ils pas justement rendus possibles par la méconnaissance de l’ennemi, par sa mise à distance ? La destruction de l’ennemi est lointaine, abstraite, représentée par un nombre extravagant. Les historiens vont dans le même sens quand ils expliquent que les génocides du XXe (nazi, ou par exemple hutu) sont avant tout caractérisés par une industrialisation de la tuerie. Les génocidaires ne sont pas des "barbares", des "fous sanguinaires", mais bien des calculateurs froids, des scientifiques de la tuerie, des professionnels ayant diplômes et équipements. Ces bains de sang ne sont pas des régressions vers la bestialité mais des manifestations indésirables du progrès. Dans la continuité de la critique de la modernité d'Anders, c'est bien le progrès technologique qui permet une grande mise à distance de l'humain : appuyer sur un bouton dans sa chambre-cockpit avec des points sur un écran radar tient davantage du jeu vidéo que de l'affrontement. On pensera à l'épisode de Black Mirror, "Men Against Fire", traduit par "Tuer sans état-d'âme" où un soldat tue des sortes de zombies, en fait des sdf, handicapés ou rebelles, apparaissant à ses yeux comme des zombies à cause d'un implant... Le but étant d'éloigner tout sentiment dans cette phase de nettoyage de la société. Dans le fonctionnement idéal de nos sociétés technologiques, les sentiments humains sont inutiles, déplacés et même contre-indiqués.

L’ennemi et la haine de celui-ci sont devenues des fictions qui servent à se cacher à soi-même les intérêts plus terre à terre d'une tuerie : l'appropriation des biens et richesses du mort ; primes et médailles permettant une ascension sociale. Les génocidaires hutus interviewés par Jean Hatzfeld (Une saison de machettes) expriment bien le plaisir qu'ils ont eu à s'abreuver, à faire la fête sans compter, et à récolter les biens des voisins tués, tutsis avec lesquels ils avaient de très bonnes relations auparavant.

Cependant, si la technologie participe à cette mise à distance des sentiments, de la compassion, à la propagande d'une haine fictive, il n'est pas certain que la haine collective n'est pas toujours été une fiction construite. C'est la thèse de Voltaire dans Micromégas, ou de Giono dans la Lettre aux paysans, la guerre semble toujours être une question d'accroissement de pouvoir (acquisition de territoire, marchés) dans le jeu de stratégie des rois, présidents, patrons et grandes familles...
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Nous, fils d'Eichmann

Ce livre rassemble les deux lettres que Günther Anders a adressées au fils d'Adolf Eichmann, dans lesquelles il est précisé que le silence et la passivité face à l'injustice sont une autre forme de culpabilité. Adolf Eichmann était principalement responsable du transport des Juifs vers les camps de la mort de masse. Dans cette lettre ouverte au fils d'Eichmann, Klaus, Günther Anders aborde, avec la passion qui le caractérise, cette terrible période de l'histoire, et s'appuie sur elle pour rappeler que ces ignominies ne sont pas l'héritage exclusif du passé, puisque nous sont tous des enfants du monde d'Eichmann : le monde de l'extermination systématique, dont les effets monstrueux dépassent notre capacité à comprendre. D'où le danger que nous en venions à fonctionner comme des rouages ​​dans ces mêmes machines, sans résistance et sans conscience ; que notre force morale cède à sa puissance et que chacun de nous devient un autre Eichmann. Et surtout dans ce monde dans lequel on veut nous faire croire que nous sommes éclairés, informés, alors que nous ne voyons pas que nous ne voyons rien du tout.
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L'obsolescence de l'homme, Tome 2 : Sur la ..

Le texte original en allemand date de 1980.



Il décrit un monde où le temps et les distances se rétrécissent, où seul le présent compte. La réalité de l'Internet d'aujourd'hui a dépassé les extrapolations de l'auteur qui semblaient exagérées à l'époque.
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La haine

Comment lutter contre la haine. Comment combattre ce sentiment dévastateur en luttant contre toutes exagérations des faits qui déforment la réalité et tournent à la caricature, en rejettant les prévisions d'un authentique règlement de compte en prenant le pas sur le bon sens et la logique du raisonnement sans frôler la catastrophe.

Le conditionnement de l'éducation parentale est le socle sur lequel toutes autres formes d'apprentissages viennent se greffer par le développement personnel. Elles forgent l'identité première de l'adulte. Vient le décryptage manipulateur qui tend à infléchir tout bon raisonnement, dans le seul but de former un ensemble représentant la meute destructrice dans un formidable essai réunissant les bons ingrédients multipliant la théâtralité et les exagérations des situations pouvant mener aux débordements dramatiques.
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Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j'..

Dans cet entretien réalisé en 1977 par Mathias Greffrath, Günther Anders revient sur sa vie, ses influences et les principaux thèmes qui parcourent son oeuvre.

(...)

Excellente introduction à la pensée de Günther Anders, par un biais autobiographique.



Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Aimer hier : Notes pour une histoire du sen..

1947, en exil à New York, et deux ans durant, Anders va scrupuleusement prendre note de son histoire des sentiments sous la forme libre d'un journal qui a pour titre : Aimer hier. Ce penseur et journaliste - à qui l'on doit l'ouvrage intitulé L'obsolescence de l'homme - fut le premier mari d'Hannah Arendt ; il a été élève de Heidegger et de Husserl ; il est l'ami, entre autres, de Bertold Brecht, et le cousin de Walter Benjamin ; père du catastrophisme contemporain, il a tôt dénoncé la marchandisation et la déréalisation du monde. Grand désespéré, radical, ce "Monsieur Autrement" (de son vrai nom Stern) va ainsi s'essayer à comprendre ce qu'est advenu de l'amour en des temps sombres d'exil. Il y a des passages bouleversants, comme ce couple, séparé par la guerre pendant dix ans, prématurément vieilli par la tragédie et dans l'impossibilité d'avoir des enfants, qui, malgré cette faille temporelle dans leur existence commune, recommence une vie à deux faite de routines silencieuses et qui déclare, tout simplement : "ça va." Ou alors ces sept caisses, postées avant guerre, dont les destinataires ont disparu, finissent tout de même par atterrir chez Anders par un beau matin de mars 1948, déversant notamment leur contenu de correspondances reçues par sa grand-mère : des lettres de femmes datant pour la plupart des années 1880, des femmes qui souffrent d'être trompées par leur mari, mais qui se déclarent malgré tout "sauvées" par le mariage - le mariage, cet enfermement qu'Anders compare à de la violence. Aimer hier est un ouvrage atypique, entre le récit intime et la philosophie, collection de pensées, d'anecdotes, qui jettent du doute dans nos certitudes comme on jetterait un peu d'alcool sur le feu, pour raviver la flamme.
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La haine

« Seuls sont toujours aussi prudes dans leur langage

ceux qui ne connaissent pas la moindre pruderie dans leurs actes. »

(p 65)



Je dois avouer le plaisir coupable que je prends à relire La Haine de Günther Anders en plein milieu de l’après-midi un lundi, alors qu’il serait de bon ton que je travaille.



Je n’ai pas, à l’inverse de mon coreligionnaire Pascal Adam, d’obsession particulière pour le pouvoir, mais je nourris un hobby qui m’accompagne joyeusement à longueur de journées, toujours bien fringuant : je hais.



Cette activité périscolaire tonique, gratuite, qui me permet de me remettre de mon accouchement tout en gardant mes contacts dans le milieu du livre, est la seule d’ailleurs qui me permette de tenir dans mon environnement géographique, la campagne de Châteaudun, a-médiatisé, amorphe et utilitaire, alors que commencent à luire faiblement tout le long des routes défoncées les bandes réfléchissantes de gilets portés par la plupart, ici, toute l’année, dans une indifférence générale tout à fait entendue : il ne viendrait à l’idée de personne de se glorifier dans une vidéo carrée de réparer des routes ou de trier des papiers dans le bureau d’une sucrerie.



C’est vrai, je ne peux plus le nier : je hais, encore que bien moins, malheureusement, que lorsque je tentais d’habiter à Paris.



Tout ce que je peux, et du fond du cœur, y passe. Je nourris ce petit démon furieux d’une rage que je muscle avec le yoga.



Car voyez-vous, plus je peux faire le vide et prendre une distance soporifique avec le monde, plus je reviens forte, décantée, défragmentée : une belle place s’est créée, de l’espace entre mes disques, et mes cloisons internes plus tendues et plus saines peuvent à nouveau claquer au vent d’une nouvelle haine vitale. Pour ménager cette endurance, tenir le cap année après année, je sais me livrer à une discipline régulière. Lire la suite sur mon blog
Lien : https://pamelaramos.fr/la-ha..
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L'obsolescence de l'homme

L'obsolescence de l'homme.

Günther Anders.



L'obsolescence est un livre fondamental du 20e siècle. Il est toujours d'une actualité brûlante



C'est un livre philosophique qui ne fait pas de philosophie. Il ne s'agit pas de créer des concepts; il s'agit de penser le monde à partir du concret. On y voit une pensée, une représentation du monde se construire, une pensée qui chemine et explore, des allers -retours entre réel et abstraction dans une dialectique très hégélienne.



Les sujets abordés:



1 Le travail et son «instrumentalisation »; nous ne sommes plus des >, nous nous comportons comme les habitants d'un pays de cocagne qui consomment leur monde.



-Quand il vient à nous, mais seulement en tant qu'image, il est la fois présent et absent, c'est-à-dire



fantomatique.



-Quand le monde s'adresse à nous sans que nous puissions nous adresser à lui, nous sommes condamnés au silence et à la servitude.



-Quand il nous est seulement perceptible et que nous ne pouvons pas agir sur lui, nous sommes transformés en espions et en voyeurs.



3 Une analyse philosophique et morale de la situation nouvelle créée par l'arme nucléaire. Cette analyse de la possibilité de création de l'apocalypse reste à continuer avec les nouvelles conditions géopolitique et climatique.



4 Une très pertinente analyse de la pièce de Becket
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Le rêve des machines

On ne peut penser l'impact de la technologie aujourd'hui sans avoir lu et relu anders. Impossible de noter un tel classique. Lisez-le simplement, apprivoisez-le. On y retrouve les racines de l'éthique de la technique, de sa critique, et de son dépassement.
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La catacombe de Molussie

Philosophe, communiste, et juif, Günther Anders dut fuir l'Allemagne après l'ascencion d'Hitler au pouvoir.



Entre 1930 et 1938, il redigea la Catacombe de Molussie.



C'est un roman particulier, un long entretien entre deux détenus des prisons du régime.



La Molussie est devenue une dictature, qui opprime son peuple depuis des années, voire des siècles, et toute personne remettant en cause sa suprémacie se met en danger.



On suivra ici les entretiens d'Olo, ancien détenu, et de Yegussa, nouveau détenu, tous deux incarcérés à perpétuité dans une cellule non éclairée.



Dans cette cellule, une tradition se perpétue depuis des décennies, on se raconte des fables, du temps d'avant et du temps présent, on y raconte la liberté, et pourquoi il faudrait que le peuple se révolte.



Ces détenus politiques ont tous un peu de lumière en eux, qu'ils cherchent à partager, à entretenir, et à faire remonter, pour que le peuple prenne conscience de sa liberté et puisse un jour se révolter.



Un beau roman d'un auteur qui avait conscience du sacrifice que devrait faire le peuple pour un retour à la normale après la montée du nazisme.



Un roman qu'on identifie forcément à l'Allemagne, mais qui pourrait coller avec n'importe quel régime totalitaire, Günther Anders analyse avec précision les mécanismes sociaux, politiques, moraux favorisant l'apparition d'une dictature et l'y maintenant.



L'auteur porte aussi un regard critique, non pas sur la consommation mais sur l'industrialisation et la déshumanisation que pourrait apporter celle ci à long terme.



Un livre que je conseille donc vivement et qui n'est toujours pas désuet, quatre-vingt quatre ans après son écriture.
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Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j'..

Le titre de ces entretiens – quelque peu trompeur – illustre la pensée radicale de Günther Anders, qu’on dit souvent exagérée, qui semble regarder le monde en lui devinant un horizon sinistre. La vie d’Anders, son parcours aux alentours des guerres, donne le moyen de comprendre le cheminement de sa pensée : réaction morale à la destruction du monde par les technologies et leur industrie qui entraînent les hommes malgré eux, la nécessité de pousser les hommes à raisonner plus loin, chacun, aux conséquences, de faire travailler leur imagination pour diriger leurs actions selon leurs désirs profonds (en cela, Anders se rapproche de Platon : dans La République, les individus doivent connaître leur désir profond pour ne pas choisir le mal). Le choix d’une langue claire, accessible, est ainsi en soi révolutionnaire (comparé à la langue volontairement âpre des philosophes, pour se protéger comme l'explique Léo Strauss dans La persécution et l'Art d'écrire, ou plus sûrement par tradition pour faire intellectuel comme les structuralistes, ou mieux ecore parce que écrire de manière claire est plus difficile) , puisqu’il s’agit d’amener à chacun les outils pour penser là où les classes dirigeantes se servent d’expédient pour les rassembler, leur donner un ennemi commun. La littérature devient en soi un arme, visant d’une part à la propagation de thèses, mais surtout simplement à l’éducation du peuple. Comme le conceptualise Todorov dans Critique de la critique, la littérature ne porte pas un discours de vérité, comme la science, mais un discours de croyance. Il est question d'exprimer, de réfléchir, de partager, de diffuser ses peurs, ses envies, ses idéaux, son utopie. Afin qu'une société soit bien d'accord sur la direction qu'elle souhaite vraiment prendre, non qu'elle avance tirée par des forces inconnues, contradictoires et non désirées.
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La bataille des cerises : Dialogue avec Han..

L’objectif premier de cet ouvrage (du point de vue éditeur) pourrait être de ressusciter le souvenir de la jeune Hannah Arendt : son esprit aiguisé, fin, indépendant et fort ; ses petits mouvements, mots et attitudes marquant l’intérêt, l’admiration, l’analyse ou la distance… Anders se sert d’ailleurs de cette situation romantique de la dégustation des cerises pour en offrir un portrait poétique, féminin, tendre…

Mais si titre évoque les "cerises" en tant que symbole de l'été, de l'innocence, de la jeunesse, de l'amour, et la "bataille" comme disputio philosophique, il pourrait évoquer aussi, comme dans la chanson "Le Temps des cerises", le combat, l'engagement politique de l'auteur.

Et le sujet littéraire de ces discussions de jeunesse recréées est également un miel pour faire passer une réflexion philosophique difficile, inspirée des « monades » de Leibniz. Il est fondamental selon Anders de décentrer l’homme, de cesser de lui faire croire qu’il est au centre d’un tout, que les hommes sont résumables à une entité globale. Chacun doit penser à son autonomie, à son bien-être, tout en prenant en compte l’effet de ses choix sur les proches et sur l’ensemble qui n’est qu’un ensemble d’éléments indépendants. L’interdépendance d’éléments individuels est difficile à saisir et l’individu est souvent tenté de se replacer au centre du monde. Anders n'explicite pas de conclusions qui s'imposeraient (les laissant au lecteur), il se soucie davantage de la clarté du raisonnement (facilité par le jeu de questions d'Hannah Arendt, comme un bon élève qui ferait avancer le cours). Une conclusion pourrait être de condamner le darwinisme social de Herbert Spencer (fondé sur la survivance de l'individu le plus performant, déformation de la pensée de Darwin) et de mettre au centre de l'anthropologie philosophique de L'Entraide de Kropotkine.

Anders accuse le monde intellectuel de n'avoir pas tiré les conséquences de la révolution copernicienne : la Terre n'est pas au centre de l'univers, elle n'est pas non plus faite pour l'homme. Et cette intelligentsia s'aveugle et trompe les hommes, participant à la préservation d’un monde, d’un ordre social inégalitaire (basé sur le mérite individualiste), d’une direction de civilisation destructrice (exploitant les ressources de la planète en la détruisant). Si la pensée d'Anders paraissait rétrograde et anti-moderne à l'époque, elle paraît en avance sur son temps aujourd'hui où l'avènement d'une société plus juste d'entraide et d'une civilisation écologique est au coeur des préoccupations.
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George Grosz - Un mort est mort

Ce texte, traduit de l'allemand (langue précise et profonde, mais n'engendrant pas, à mon goût, la légèreté), analyse l'œuvre de George Grosz, artiste allemand. Ce dernier aura traversé l'histoire dramatique allemande du XXe siècle, et en aura été le témoin acerbe, ironique puis désespéré. L'auteur invente le concept, assez heureux d'après moi, de "nature assassinée" pour décrire la manière particulière de George Grosz d'aborder la nature morte. Le texte privilégie l'analyse de la technique picturale, au dépend du recueil d'éléments biographiques (totalement absents, ce qui peut être regretté), d'analyse psychologisante. L'édition économique ne permet pas un grand nombre de représentations d'œuvre.
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Vue de la Lune : Réflexions sur les vols spat..

Le philosophe Günther Anders analyse les bouleversements philosophiques impliqués par deux événements de l’après-guerre : les vols spatiaux et le largage de la bombe atomique.
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Aimer hier : Notes pour une histoire du sen..

Deux nouvelles traductions en puisant dans la richesse des Journaux que Günther Anders a tenus sa vie durant. Que l’on ne s’y trompe pas : ces Journaux là n’ont rien de personnel ou de strictement biographique, mais sont d’authentiques documents philosophiques
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La Menace nucléaire : Considérations radicales ..

C'est la lecture de cette information (Paul Warfield Tibbets Jr, le pilote américain qui était aux commandes du B-29 qui largua la bombe atomique sur Hiroshima, au Japon, le 6 août 1945, est mort jeudi à l'âge de 92 ans) qui m'a poussé à évoquer Günther Anders qui dialogua avec Claude Eatherly, le commandant de bord de l'avion météorologique qui accompagnait le bombardier Enola Gay.
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Dix thèses sur Tchernobyl

J'ai acheté ce livre pour me faire une idée du logiciel de pensée des militants anti-nucléaires (surtout allemands) dont Günther Anders est le maître à penser.



Il est ici donc question de "10 commandements" censés régir notre attitude et notre action face au nucléaire dont l'exégèse est ensuite faite par Bruno Villalba, professeur de science politique à AgroParisTech.



Le point de départ de la thèse est que que l'irruption de l'arme atomique dans notre monde et son emploi sur Hiroshima et Nagasaki ont engendré un "décalage prométhéen" entre les possibilités (immenses) permises par la technologie, et notre incapacité à nous représenter leurs conséquences (la destruction du monde). Il s'agit même d'une inversion puisque, "à défaut de se représenter un monde qu'elle ne peut encore produire, l'humanité a produit un monde qu'il ne peut plus se représenter". Bref, le slogan "j'en ai rêvé SONY l'a fait" est caduc, la destruction de l'humanité est inévitable et nous sommes tous en sursis.



Radical, soit. Pouvant évidemment s'expliquer par l'horreur des bombardements. Mais aussi par le parcours de Günther Anders. D'origine juive, traumatisé par la Shoah, il perçoit dans le processus ayant conduit à l'utilisation de l'arme nucléaire les mêmes perversions que celles développées dans le programme d'extermination nazie conduisant à la déresponsabilisation de l'homme, transformé en machine dans le cadre d'une division du travail déshumanisante.



Disons-le tout de suite : ce bouquin m'a heurté. Je ne vais pas commenter par le menu les 10 thèses exposées mais m'en tenir à quelques remarques sur les points clés selon moi :

1) La revendication du primat de l'émotion face à la raison. Cette démonétisation de la rationalité et plus spécifiquement du raisonnement scientifique plombe d'entrée de jeu le propos. Les affirmations "il est impossible de maîtriser le nucléaire civil" (sur quoi repose cette assertion et en quoi celui-ci ne serait-il pas concerné par les méthodes d'amélioration continue ?), ou alors quelques coquilles (*) dispersées dans le texte amènent à se poser la question : les auteurs maîtrisent-ils les fondamentaux techniques du sujet dont ils parlent ?

2) L'exagération revendiquée par l'auteur comme un outil rhétorique. Bigre... L'exagération n'étant jamais loin du mensonge.

3) La faiblesse de l'argumentation, les positions reposant plus sur un raisonnement en boucle habité par l'indignation et l'angoisse que sur un réel discours ordonné de type philosophique (encore moins scientifique). En ce sens, ces thèses se rapprochent plus du pamphlet.

4) Et le plus problématique de mon point de vue : l'outrance, voire la violence développées dans le propos : "créez la panique". "détruisez ceux qui sont prêts à vous détruire", etc...



Le cas du nucléaire civil mérite une analyse spécifique. La thèse n° 4 "DISTINGUER UN USAGE GUERRIER ET UN USAGE PACIFIQUE DE L'INDUSTRIE NUCLÉAIRE EST FOU ET MENSONGER" (autrement dit nucléaire militaire et civil) procède de l'amalgame pur et simple. D'abord parce qu'une centrale nucléaire n'a pas été conçue pour tuer des gens !!! Et ce sont deux choses complétement différentes. Même si certaines technologies "dual use" (très surveillées) peuvent être utilisées dans les deux domaines, il n'y a strictement AUCUN rapport entre une bombe A (à fission, qui explose) et une centrale EPR , mais vraiment aucun... S'agissant de la fusion, le rapport est encore plus lointain : une bombe H explose, alors qu'une (future) centrale à fusion (type ITER) ne fonctionne pas selon un processus de réaction en chaîne.

Il paraîtrait intéressant de se livrer à une petit exercice d'application de certaines des thèses à un domaine pertinent, en substituant au nucléaire civil disons... l'industrie du tabac : technologie moderne hyper-automatisée et sophistiquée, extrême division du travail, perte de vue par les exécutants de l'objectif qui est de "fabriquer un produit que l'on veut vendre à des gens dès leur plus jeune âge afin qu'il fument le maximum de cigarettes jusqu'à leur mort et que l'on maximise ainsi notre profit". Pas vraiment moral. Et très mortifère (8 millions de décès par an, soit des milliers de fois plus que le nucléaire civil). Faut-il empêcher les dirigeants de British American Tobacco de nuire, s'en prendre aux employés, etc... ? On voit bien les limites du raisonnement.



Bref un livre profondément déprimant mais qui a néanmoins le mérite réel de comprendre pourquoi le mouvement anti-nucléaire a émergé en Allemagne tout en éclairant la teneur de certains propos exprimés sur Twitter ou les plateaux télé par des associations comme Greenpeace, Reporterre, Négawatt, etc...



(*) j'ai noté en fin de page 20 la phrase suivante : "G. A. établit un lien consubstantiel entre le développement de la FUSION nucléaire à des fins civiles ou militaires" (... s'ensuit un exposé des incident intervenus sur des installations de FISSION, notamment à la centrale de Windscale renommée Selafield).

Cette phrase me laisse perplexe pour plusieurs raisons :

1) la fusion nucléaire civile n'existe pas. Seul existe à ce jour le démonstrateur ITER, en cours de construction, et dont la production du premier plasma est prévue vers 2030. Il paraît donc logique de penser que l'auteur veut parler de fission. mais ce n'est pas la même chose, en fait exactement le contraire.

2) Windscale a été renommé Sellafield et non Selafield

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L'émigré

À partir de son parcours personnel, le philosophe Günther Anders dresse un tableau poignant des conséquences existentielles de la migration forcée.
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Court roman de Truman Capote, publié en 1958, dans lequel le narrateur, anonyme pendant l'essentiel du récit, évoque en compagnie du barman Joe Bell leur ancienne connaissance commune, Holly Golightly. C'est l'histoire d'une belle jeune femme, un peu en décalage sur son temps : la vie n'a pas été tendre avec elle qui essaye de croquer la vie a pleine dent grâce a son arrivisme. Ce roman s'intitule : "................... chez Tiffany".

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