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Critiques de Hélène Cixous (52)
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Tambours sur la digue

Un livre merveilleux. Avant d'en lire le contenu, on peut découvrir un très bel objet : une belle couverture cartonnée, un beau papier très blanc (qui n'a pas bougé dans le temps depuis maintenant des années que ce livre est en ma possession) et cette astucieuse reliure faite de quatre petits cahiers noués entre eux par une ficelle apparente. Ce livre a quelque chose d'artisanal.



Ensuite on commence la lecture et la langue est si belle, si poétique, on dirait un livre écrit il y a longtemps dans la Chine ancienne, un livre sacré peut-être, ou un récit apocalyptique, une révélation...



L'histoire se déroule dans des temps reculés, dans l'empire chinois, où une crue menace. Face au danger, les hommes et les femmes révèlent leur vrai visage. C'est une réflexion sur la nature humaine, qui se dessine dans cette pièce de théâtre conçue, si l'on en croit le sous-titre, comme une «pièce ancienne pour marionnettes jouée par des acteurs».



Les hommes ne sont-ils pas, comme des marionnettes, les jouets d'une puissance qui les domine ? C'est ce que l'on se demande en assistant à l'agitation des personnages dans la tourmente.
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Incendire: Qu'est-ce qu'on emporte ?

Première découverte d’Hélène Cixous. Et certainement pas la dernière même si la lecture de cet objet littéraire inclassable fut ardue car faisant référence à de nombreux évènements, certains peu connus, dans une narration éclatée. Néanmoins, j’ai été fascinée par le projet littéraire de l’autrice de mettre en parallèle l’incendie meurtrier qui a ravagé la forêt de Gironde en juillet 2022 et le sort des Juifs de sa famille dont certains ont péri en camp d’extermination et d’autres ont pris la fuite. Quand la menace se profile, que faire ? Attendre ? fuir ? Et qu’emporter dans sa fuite ?

L’autrice se joue des temporalités dans un rythme heurté et saccadé, comme des échos fous qui se répondent à travers le temps : 2022, le Grand Incendie, 1942, débarquement des alliés à Oran en Algérie et dans un passé mythique, incendie de Troie. Elle se joue des mots qu’elle bouscule, manipule, dissèque pour en inventer d’autres. Il est aussi question de lieux : Osnabrück ville natale de la mère de l’autrice, Oran, ville de l’exode où sa famille s’est réfugiée pendant la guerre, Mascara ville algérienne martyre où de nombreux juifs ont péri. Et bien entendu l’écrit, ultime témoin des disparus et gardien de la mémoire : journaux intimes, lettres, livres et le Livre. Sans oublier les chats, ceux que l’on réussit à sauver et ceux qui périssent dans les incendies.

Tous ces échos du passé, comme le feu qui couve sous la cendre, viennent percuter le présent et hanter les vivants.

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Le rire de la Méduse et autres ironies



«  En 1968, je tirai des chaos une barque, un trésor, j'inventai l'Université de rêve, dans le bois enchanté de Vincennes. Une université avec des ouvertures, des passages, des alliances, des transes, comme leur modèle : Les Comédies de Shakespeare. Une Université d'Une Nuit d'Eté. Là on pouvait jouer les différences sexuelles, sauter le pas, être bel comme un âne et reine comme un rêve ».

« Il faut anticiper ».C'est à cela que l'on reconnaît les grandes écritures. Elles sont très éclairantes.

J'ai découvert Hélène Cixoux à travers le théâtre. Notamment à travers ses écrits pour le Théâtre du Soleil.

Je découvre l'écriture d'Hélène Cixous. Son énergie est étonnante. Elle pousse les lignes. Elle rythme. Elle pulse. Même si il est d'usage de dire que ce texte « s'inscrit dans une période qui rendait nécessaire. »..etc etc etc.... Stop !

Pas d'accord. Je ne suis pas d'accord.

Ce texte est d'actualité. « Actualité » même n'a aucun sens. Quand il s'agit de vérité, le temps doit disparaître de l'espace. Donc ouvrons les yeux et lisons.

Lisons cet Amour, cet amour autre, lisons son féminin, son masculin, son neutre, sa totalité.

«  faire signifier une loi universelle autre que celle de la division », de l'opposition, de la dualité.

Ils ont fait de nous des êtres binaires. On/off.Passif/actif. Nous sommes tous devenus esclaves de nos rôles. Sauvegardons nos complexités. L'écriture esr transformation, un océan de possibles.

Colette, Duras, Genêt, c'est en leurs textes que Cixous voit s'inscrire de la féminité en littérature française. Le féminin est un sextant pour Cixous , une possibilité, ce n'est pas une réponse, pas une question, pas un dogme, pas une loi, pas un sexe.

C'est un don. Un don venu de renaissance.

Autre. Autre amour. Le texte donc.

Il est. Présent. Multiple,mouvement, mouvant.

Le logos des femmes a t il un temps ? Deux mille ans de silence, - étroitesse de mon décompte j'en conviens - contre quelques années de parole ? Voilà tout ce qu'on concède à cette voix ? Et Le rire ? Et le jouir, son outrance, sa démesure, son élan, sa passion, sa folle envie ?

La belle est Rieuse , serait ce là le plus redoutable des maux ?

La langue des femmes ne siffle pas, ne persifle pas, ne rampe pas, ne s'entortille pas, elle n'est pas reptilienne, elle source de vie et de jouissance. Elle jaillit. Elle ne connaît pas de frontière.

«  L'imaginaire des femmes est inépuisable, comme la musique, la peinture, l'écriture : leurs coulées de fantasmes sont inouïes ».

Adieu petite sirène, ….c'est d'une grande sève que tu seras aimée.

«  la beauté ne sera plus interdite », adieu inutile sainteté sacrificielle, bienvenue à la bonté.

«  Alors je souhaitais qu'elle écrive et proclame cet empire unique.Pour que d'autres femmes, d'autres souveraines inavouées, s'écrient alors : moi aussi je déborde, mes désirs ont inventé de nouveaux désirs, mon corps connaît des chants inouïs, moi aussi je me suis tant de fois sentie pleine à exploser de torrents lumineux, de formes plus belles que celles qui encadrées se vendent pour de la galette qui pue. Moi aussi je n'ai rien dit, je n'ai rien montré ; je n'ai pas ouvert la bouche, je n'ai pas re-peint ma moitié du monde.J'ai eu honte. J'ai eu peur et j'ai bouffé ma honte et ma peur.Je me disais : tu es folle ! Qu'est-ce que ces que ces montées, ces inondations, ces bouffées ? Quelle est la femme bouillonnante et infinie qui n'a pas, immergée qu'elle était dans sa naïveté, maintenue dans l'obscurantisme et le mépris d'elle même par la grande poigne parentale-conjugale-phallogocentrique, eu honte de sa puissance, ne s'est pas, surprise et horrifiée par le remue-ménage fantastique des ses pulsions ( car on lui a fait croire qu'une femme bien réglée, normale, est d'un calme...divin.) , accusée d'être monstrueuse?

Qui, sentant s'agiter une drôle d'envie ( de chanter, d'écrire, de proférer, bref de faire sortir du neuf ) ne s'est pas crue malade ? Or sa maladie honteuse, c'est qu'elle résiste à la mort, qu’elle donne tant de fil à retordre ».

Vous avez dit ….dépassé ?

Chaque jour vous rencontrez ces folles de joie, ces fols espoirs, écoutez les.

Ce logos est il différent, que porte-t-il , qu'elle est cette différence. Existe t elle ? Est ce une folie ? Si elle l'est , et elle l'est, alors dieu n'est pas et elle est vivante.

On convient de dire que l'écriture n'a pas de sexe. L’écriture n'est pas un ange. Pas un mal, pas un démon. C'est le signe de la bonne santé de la Vie.

On convient. Qui convient. Qui codifie ?

C'est un appel au reveil. Un éveil de toute notre humanité.

«  a force d'affirmer le primat du phallus, et de le mettre en oeuvre l'idéologie phallocratique a fait plus d'une victime : femme, je n'ai pu être obnubilée par la grande ombre du spectre, et on m'a dit : adore-le, celui que tu ne brandis pas. Mais du même coup ont a fait à l'homme ce grotesque et, songes-y, peu enviable destin d'être réduit à une seule idole aux couilles d'argile. »

Bien sur l'écrit des femmes ira plus loin. Vers des contrées jamais visitées. La femme dira, partagera, ce qu'elle a touché, senti, ressenti, respirer en ce cosmos que son corps habite.

La femme ne possède pas, elle vole, émet, voyage, transmet, écrit. C'est « un désir qui donne ».

Voilà où l'oeil se blesse, là où la peur se dresse. Pathos, logos. Un corps, un esprit.

Un genre très particulier qui ne demande qu'à donner vie. Crééer. Comme une amante mère. Adieu donc ce vieux dieu le père, et adieu tous ces complices.

«  Qui n' a pas brouillé, tourné en dérision, la barre de la séparation, inscrit avec son corps, le différentiel, perforé le système des couples et oppositions, foutu par terre d'une transgression le successif , l'enchaîné, le mur de la circonfusion ? »

L'écriture de Cixous est poésie. Une goulée d'air, un éruption charnelle.

Corps de femme, » illimité cosmos qu'Eros parcourt sans repos, immense espace astral non organisé autour d'un soleil plus-astre que les autres. »

Il y a dans son chant plusieurs voix ; Venues du plus profond de nous.

Ni dépassé, ni présent, peut être ces écrits nous écrivent-ils d'Avenir ?

«  Je parlerai de l'écriture féminine : de ce qu'elle fera : que la femme écrive de la femme et fasse venir les femmes à l'écriture, dont elles ont été éloignées aussi violemment qu'elles ont été de leur corps ; pour les mêmes raisons, par la même loi, dans le même but mortel. Il faut que la femme se mette au texte – comme au monde, et à l'histoire, - de son propre mouvement. » «  de ses mille et un foyers d'ardeur ».

«  Il ne faut pas que le passé fasse l'avenir. ». Non la femme n'est pas d'un « continent noir » si lequel elle serait reléguée. Ce n'est pas un continent sale, putride, et interdit. Évidement ces dernières phrases peuvent pour certains et certaines occidentaux ( et encore l'occident n'est pas encore éveillé), paraître excessifs...subversifs ? ( souhaitons le) .

Mais regardons notre monde, lisons le rire de la Méduse et dites moi si vous ne voyez pas des millions de corps qui ne demandent qu'à se dresser, et se libérer, des corps tendus vers tous les espoirs ?

«  la femme tient de l'oiseau et du voleur comme le voleur tient de la femme et de l'oiseau : illes passent, illes filent, illes jouissent de brouiller l'ordre de l'espace, de le désorienter, de changer de place les meubles, les choses, les valeurs, de faire des casses, de vider les structures, de chambouler le propre. ».

Hymne à l'Amour autre, pour que nous puissiez briser le cercle oppressant des dualités. Ni Méduse en abîme. Choisir la vie. L'une et l'autre. Soi et le monde. Personne contre soi.

Et c'est à tous que s'adresse Cixous, quelque soit l'instant de sa connaissance de sa reconnaissance , à tous et peut être même très directement aux femmes. Car «  Contre les femmes ils ont commis le plus grand crime : ils les ont amenées, insidieusement, violemment, à haïr le femmes, à êtres leurs propres ennemies, à mobiliser leur immense puissance contre elle même, à être les exécutantes de leur virile besogne. La femme a peur et d’égout de la femme ».

Voilà comment le maître dresse ses plus fidèles gardes-chiourmes, ses complices. Voilà comment on voit des mères livrer leurs filles en pâture. Elles reproduisent pour le compte de ce qu'elles ont créés. L'homme elles ont font de dieux, de la femme elle en fait une coupable. Voici le vice sans fin d'un crime organisé.

Lire Cixous c'est être surprise par la modernité, la jeunesse du langage. La réalité d'une écriture.

C'est une leçon de maintien. Un rappel. Fulgurance, intelligence, rapidité. Culture sans dépendance apporte grand liberté.

Et en ces temps, j'avoue que cela fait grand plaisir de retrouver un écrit non consensuel, un écrit combattant, vision de grand angle. Ça fait du bien.

Donc lire Cixous devrait être une très saine occupation pour cette nouvelle année. Conseil donné à toutes et tous. Voyez comme nous allons être très bien occupés.

Astrid Shriqui Garain

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Le rire de la Méduse et autres ironies

Cet ouvrage est composé de textes réunis sur la condition féminine et la nécessité d'écrire.



Il est poétique est beau, difficile d'accès mais, si je n'en ai pas bien compris tous les détails, l'ensemble s'est révélé magnifique et puissant.



Cet élan nous vient de son travail et de celui d'une génération. Elle créa en 1974, au sein du département d'études anglo-américaines du Centre universitaire expérimental de Vincennes, le Centre d'études féminines, vrai laboratoire de recherches des études de genre. Elle y travailla notamment avec Antoinette Foulques et Annie Leclerc.



Le féminin, un continent à sortir du silence, un continent qualifié de noir longtemps, un prodigieuse force de création : "Je suis noire ET belle".



Les apports de Derrida et de Foucault sur sa pensée sont manifestes. le premier fut un ami et un complice fidèle ; elle fit partie du Groupe d'Information sur les Prisons (GIP) créé en 1971 par Michel Foucault.



Cette décennie fut riche. Hélène Cixous en France est une figure de proue, il ne faut pas l'oublier.
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Tambours sur la digue

Nous regardons ces " êtres intermédiaires " que sont la marionnette ou l’acteur et nous nous réfléchissons dans le miroir de leur " liberté contrôlée ".Georges BANU

" Nous, les marionnettes... Le bunraku fantasmé du Théâtre du Soleil ", extrait.

Selon Ariane Mnouchkine au théâtre sont représentées les passions.

"Attaquer les passions à la racine, c'est attaquer la vie à la racine" disait Nietzsche.

Alors faire vivre et revivre nos passions c'est être entraîné à vivre et revivre ce qui nous saisit et nous traverse de l'intérieur .

Il nous faut peut-être certains miroirs pour survivre à toutes nos passions.

Tenter de les comprendre, si cela est possible, un peu. Déjà bien les entendre.

« Le Visage de la marionnette est immobile. Sur ce miroir passent les innombrables expressions de nos passions. Le Visage immobile, l’espace n’en est que plus grand.

C’est à l’extase qui saisit le Visage qu’on aperçoit l’immensité des Dieux. »

Se porter à la rencontre, à l'entre-deux, et faire demeurer en nous, l'esprit de celles et de ceux qui nous « étrangent ».

Regarder notre étrange communauté. En jouer. La voir rejouer.

« La marionnette, l’esprit, le génie, le genre ambigu de la marionnette gagne, se répand dans le cours du fleuve comme dans le langage courant.

L’esprit d’indécision. Le balancement. Pourquoi avons-nous deux jambes sinon pour penser d’un pied sur l’autre. Une pièce peuplée de marionnettes joue la vérité que dans la société nous voudrions dénier : à quel point nous reculons en avançant, et en menaçant nous fuyons et en fuyant nous menaçons, le dos est notre autre face, et d’un instant à l’autre nous pouvons changer de destin, de choix, de foi, de fidélité, de genre, de direction, de parti et même de sexe !

Ce qui demeure inchangeable c’est la douleur. »

Le théâtre est ce lieu.

Tambours sur la digue est une pièce , écrite sous forme de pièce ancienne pour marionnettes. Plus précisément pour des marionnettes du bunraku, théâtre classique japonais datant du XVIIe siècle.

Le sujet de la pièce : l'approche de la fin d'un monde, un déluge annoncé, une inondation, la colère d'un fleuve à qui on voudrait donner le visage d'un dieu. Une apocalypse, un déferlement d'humains dans un déchaînement de passions.

Pouvoir, argent, mensonge, amour, meurtre, rêve, espoir, trahison, tout se déchaîne.

Les eaux montent, les digues céderont, la crue de toutes les passions humaines anéantit un monde avant même que la colère du fleuve ne l'emporte.

C'est un monde tel que nous le connaissons.

« Ah les temps sont terribles ! Nous voilà recrutés par le malheur »

Voilà l'armée fébrile de nos ombres.



« Il faut sortir du palais de temps à autre et s'en aller dans le « Rien de spécial » comme disait ma grand-mère. Ne jamais oublier le début, c'est le secret. »...



Le début,... comment, où et pourquoi tout cela a-t-il commencé…



« Hier le boisseau de riz a quadruplé de prix. Et pourtant les gens de la ville s'enfoncent dans l'oubli .On n'entend pas un chien. Le sang ralentit dans les veines.Des grands barreaux de lune tremblent sur l'eau noir du fleuve. Des bateaux fraîchement badigeonnés de pourpre et d'or dorment comme de grands chats luisants au ras des quais. On croit qu'il n'y aura pas d’inondation, on veut croire qu'il n'y a jamais eu de déluge dans l'univers. Maisons, palais, temples, veilleurs de nuit et de jour, guetteurs aux jambes fatiguées, écoliers, gens âgés, choses animées et inanimées.

Tout dort, vous dormez.

Le monde ne pense qu'à ne pas penser, mais la mort pense à tout le monde. »- Le fleuve.



Écoutez « les tambours sur la digue »…. Ce choeur étrange qui bat au rythme de nos fleuves.

Astrid Shriqui Garain

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OR, les lettres de mon père

Mes proches délicats... démesurés. Voici les livres d' Hélène Cixous . Ses bienveillants, ses rassurants.. Les nôtres à présent.

….Je me souviens. Je me souviens d'une musique, d'une tonalité, d'un prénom, je ne sais l'heure, je ne sais l'épelement, je devine son prononcement.

Je me souviens de l'essentiel. La lettre est une épaule.

Tout se qui nous demeure, tout ce qui nous antre, à l'angle du temps, ... le livre et moi, pages dans les mains, mains à travers mots, mots affleurant à la surface de l'espoir, comme murmures scintillants à la lueur de l'âme. Attends, je me prépare à l'instant.

J'habite l'instant de moi même dans l'inconsciente éternité de l'Autre. Lire c'est recevoir.

Ecrire s'est inviter. La projection d'un rêve. Une date . Une concordance des temps.

Elle écrit en mai. Comme on voudrait tant refleurir de septembre...

Les morts sont confidents, il n'ont que faire de cette peau de gisant dont nous les recouvrons.

Les morts, les livres, images et souvenirs.

On entre en lecture. Plutôt on y revient. En revient-on un jour ? Un puits ? Une caverne ? L'intériorité remonte et se projette. Tout ceci est un rêve, crois ce qu'écrit le Rêve, c'est la plus grande liberté du Vivant.

Connivence des retours. Le chapitre est au divan et le divin verse la coupe.

Enfoui sous la poussière du temps, un souffle, un fleuve, un geste, un souvenir, les lettres du « je », apparaissent , se glissent, s'éclipsent. Je de hasard.

Et pourtant, tout veut-peut s'écrire.

être ! Ecris !

Lire les textes d'Hélène Cixous c'est un événement.

Aérienne, musicale, féline annonciatrice, son écriture est acte de métamorphoses.

C'est un passé-présent, c'est un parfum réminiscent. Un ravivement. Presque chamanique par instant. Venu ...D'Egypte ? De l'Oural ? De Moravie ? D'Algérie ? De Grèce ? de tous les arrondissements de nos vies ? Mille voix, mille chants, un ensemble continent.

Elle ne brode pas, elle perce un mystère. Le point est subtil, solide, élégant, tranchant parfois, chirurgical.

Brûlant, haletant, et puis soudainement... suspendu, « étrangèrement » parlant.

Quelle route ? Quelle nuit ? Quelle porte  ? Nous savons, pressentons, depuis la nuit de temps.

Née sur les rives d'un fleuve à qui on aurait confié toutes nos légendes. Il y a du ravissement, :: de l'enchantement à entendre ce langage. Attends. Écoute...je.

C'est vers ces « échappées » ces « déchirantes » qu'il faut se diriger.

Vers elles se pencher. Songer vers elles s'anticiper.

Dans cet antre il faut te rendre .

Les lettres oubliées, dormantes, les feuilles nées d'un passé de mémoire repliée.

C'est un peu éployer son regard au dessus de l'éternité. Ouvre les lettres et ...vas !

Se dévoiler. Laisser passer montrer patte-visage à l'aimé. Entre deux mondes il se peut que danse la vérité.

Re-connaitre un père à ses lettres, accueillir sa revenance en six cents jours récités.

« Le voici rangé devant moi en père venu l’étranger ».

Pur sang d'un langage galopant sur la page.

En partance . Vers tous nos pères inconnus. A celui qui est mort de son Vivant. Chevalier, héros,ivre vainqueur Eros-Héros, mémoire à çelui qui décide du « revenir ».

Ce n'est pas la prière des morts que récite Hélène Cixous au dessus du tombeau de son père, non, honneur doit être faite au vainqueur, alors elle chante l'aube, celle qui revient toujours quelque soit la nuit, les ombres, les plaies, les cavernes profondes.

Chevalier, combattant, chercheur du Graal, elle écrie au-delà de sa mémoire elle écrit d'autre temps.

Elle porte l'éternité d'un langage. A son poignet :la montre du père. Chronos s'attache au langage. Les voilà fiancés.

Voici celui , ce fils-père, né du feu des dieux, …..Phoenix, Icare, Prométhée, Ulysse ?.

Je ne sais si ils ont existé si ils ont traversé l'espace de ce langage, mais je les savais se lever, venir, porter, témoigner de toute leur communauté. Leur chair nourrissait le ventre des phrases.

Navire chevauchant les brisants de tous les orages.

Mourir de son Vivant est bien plus honorable que de mourir de sa belle mort.

Qui peut déclarer la belle mort ? Un beau jour, oui. Cela existe.

La belle mort ? La belle mort, cette faucheuse, trancheuse, décaloteuse, scalpeuse. Celle qui écarte les rives des mondes. La mort ne donne rien, elle prend, elle impose le sommeil. Alors l'homme rêve, dedans sa tête, au creux de ses flancs, l'homme rêve, celui qui connaît son adresse a le temps.

Alors oui, elle, Hélène Cixous, parle en lui, par elle vers nous, ce capitaine de toute mer, avec lui, et peut être avec cet autre possible, elle connaît la veine de l' or, elle sait certain passage.

Fleuve d'ombres, de nuit, de « folire », de resurgir, fleuve tempête, fleuve calme, fleuve velours, fauve d'amour.

Quelle fut l'Annonce ? Ni ange, ni démon, mais quelques lettres. Non, beaucoup de l' être « De ce qui fut de l'être qui viendra ». Après son passage ? « De ce qui est advenu à ce qui sera ».

Dialogue intérieur. Acte de chair, de profanation, de création.

Il faut avoir la pleine conscience d'une âme pour donner sa force au visage d'un tel langage.

Certains parleront peut être de courage, j'aimerai employer le terme de passion. D'intranquille, vibrante, brûlante passion , qui offre valeur à toute vie. La peur infecte la mémoire. L'espoir est un glaive qui brisera tous les sceaux.

L'instinct du Vivant, cet or qui n'est pas celui des fous mais qui donne corps à l'esprit qu j'aime croire d'Amour.

«  le pouvoir d'amour est plus vieux que la lune et que la mort et plus jeune que le temps ».

Cela travaille en nous, cela nous parle, nous conduit, nous mène, nous élève, nous métamorphose.

Transe en dedans.

Reconnaisants, « sachants, ...enfin, voyants. « Alors je me souviens que tout est différent . Nous sommes des différents.Chaque être est un désaccord » . c'est un bouleversement.

La tectonique des absents... Absent-présent toujours en l'autre. L' empreinte est une absence.

« Des milliers d'années après la disparition du fuyard, à une fille ou un fils ou un autre dont aujourd'hui je n'ai pas la moindre idée, la course ultime sera révélée par la mise au jour d'un plume, dans un carrière de calcaire du sud de l'Europe, ou d'une lettre, ou dans les pages serrées d'un dictionnaire analogique de la langue française, ou bien allemande, ou une carte postale, ou bien une graminée fossilisée, il suffit d'une empreinte de la dimension d'un doigt, même pas, pour faire revenir le plus ancien oiseau de nos ancêtres ». Revenir et devenir.

«  Qu'on me trouve la plume. Et je soulèverai la planète »

Poésie. Poíêsis…

« Or les lettres de mon père » , me voilà différente.

Chaque jour est un devenir. Dans chaque lettre se trouve sa promesse.

18. II. 2017

Astrid Shriqui Garain



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L'Amour du loup et Autres remords

Derrida que Cixous cite est un ami proche. Influence dans des jeux de mots multiples, recherches d'influences, lapsus, similitudes troublantes (jamais roublardes ?) de mots, polysémies. Le tout est une habile mise en abyme puisque le livre n'est que le personnage du livre. Elle nous livre de nombreuses références littéraires, y compris à...elle-même.
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Une enfance algérienne

Un livre que j'ai adoré et qui a été à l'origine de mon projet d'écrire sur moi-même. Le premier des "livres d'enfance" de Leila Sebbar, collecte de souvenirs de ceux, Algérien ou Européens, qui sont nés dans la vieille Algérie coloniale. Un livre à la gloire des instits de la république, tant il y a de souvenirs qui se réfèrent à eux ! Ma préférée, la nouvelle de Mohamed Kacimi sur les petits écoliers qui décident que puisqu'il y a l'Indépendance, il n'y aura plus école (et ouf !) et qui partent en défilé à la ville, drapeau vert en tête, pour revendiquer leur droit à la paresse... Une guerre des boutons dans le Maghreb profond. Délicieux.
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Incendire: Qu'est-ce qu'on emporte ?

"Mon livre est extrêmement peuplé, les vivants et les morts ne s’y distinguent pas"(Hélène Cixous)



Évidemment, il n’y a pas d’histoire, ou plutôt toujours la même histoire, celle des « De quoi sommes-nous faits? Qui et Que portons-nous ?

Une histoire qui s’exacerbe lorsque quelque part, il y a le feu, qu’il faudrait fuir, qu’on s’affole, que les mots vont dans tons les sens : ou on oscille : « partir ? Rester ?»,

Qu’est-ce qui reste et qu’est-ce qui restera plus tard ?

Pour Helene Cixous c’est « juiffer. ». « Allo ! Juif ? C’est toi ? »

Livre hanté de transmission, d’héritage, de généalogie : le père mourant à Oran en 1948, le nazisme qui rejoue l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, les fantômes errant toujours dans les KZ.

L’exode. « On est juif, on déménage, un peu trop souvent. »

L’identité : « Au deuxième étage ma grand-mère faisait de la cuisine allemande. Au troisième étage ma grand-mère faisait de la cuisine juive. C’était de la cuisine arabe. Nous avions un problème de synonymes. ».

Certains disent Israélites, d’autres Juifs : qui est-on ?

La fuite et l’odeur de cramé ; voilà les dénominateurs communs du massacre des Juifs perpétré par le régime Nazi et de l’incendie de juillet 2022 en Gironde –

Après la catastrophe, qu'emporte-t-on ? Tout ça : conscient et inconscient, et qui reste.

« Ah si je pouvais, j’emmènerais ma mère, c’est impossible me dis-je, je tremble de chagrin, si ma mère vivait encore je n’aurais pas la force de la soulever »



Mais quel style, ou plutôt quelle façon d’aborder l’écrit!

Long poème épique mais qui ne raconterait pas une histoire progressant dans le temps mais une histoire décloisonnée, tout en même temps. Comme du ‘Claude Simon’ mais non découpé au scalpel, tout enflammé qui brule.

. En ouverture, le chant « tu pleures, papa ? »

-En final, le chant du livre et son interprète.

Et, au milieu, des flammes dans l’ Incendire : celles de Dresden, en 1942. On entend passer le chat, on écoute passer les avions remplis de bombes, il y a des bruits de terreur. L’incendie de Troie, Énée, qui ne fuit pas avec son chat mais avec son père, Priam, sur le dos.

L’incendie de Gironde en 2022 : L’habitante de Cazaux et les cris des chats cuits qui l’arrachent au sommeil. La famille venue d ’Osnabrück et sa belle synagogue brûlée, les mots juifs et allemands. Le cousin Klemperer, le général Bugeaud.

« Tout ce que nous ne savons pas vit encore comme les braises sous la terre L’incendie ne s’éteint

Jamais. Il se tait »



Dans une langue qui va dans tous les sens, qui crépite, qui nécessite plus un effort d’acceptation que de compréhension

"Il ne faut pas chercher à maitriser, il ne faut pas savoir ce que ça signifie, il faut vouloir recevoir".

Particulièrement difficile, c’est vrai, dans un Monde qui croit ou voudrait tout maitriser mais qui maitrise peu.

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Ruines bien rangées



Hélène CIXOUS. Ruines bien rangées.



Une très belle rencontre, triste mais réaliste. Hélène CIXOUS, nous promène dans la ville d ’Osnabrück, en Basse-Saxe, rue de la Vieille Synagogue. Elle nous plonge dans l’Histoire, la naissance, l’extension, la fin de vie et la quasi disparition du quartier juif. Avec nostalgie, elle guide nos pas dans ceux de ses ancêtres. Elle retrace l’historique complet de cette petite ville depuis sa création par notre empereur, CHARLEMAGNE, jusqu’à son bombardement en 1938 par les nazis. Et aujourd’hui, que reste-t-il de ce riche quartier, plus rien, des ruines ; une collection de moellons, bien ordonnés, bien rangés. Il n’y a plus rien que des grosses pierres, unique témoignage de la vie ensevelie sous les décombres. Si peu signalée que celui qui n’est pas prévenu, peut passer sans les voir. Un récit fort et puissant qui témoigne de l’exaction exercée par les nationalistes allemands à l’encontre de ces millions d’êtres exécutés sous la domination de Hitler. Un hommage à tous ceux qui ont résisté, mais qui ont péri, assassiné dans de vulgaires chasses aux sorcières, qui se sont succédé au cours des siècles



Elle nous fait part du séjour de sa mère à la prison Barberousse à Alger. Il lui a fallu fuir l’Allemagne, déclarée juive, gagner l’Algérie puis lors de l’indépendance de ce pays, elle se réfugie en France. Cette dernière ne l’accueille pas les bras ouverts. Déclarée juive, allemande, puis française, elle a perdu toutes ses nationalités l’une après l’autre. Elle est sage-femme et non femme sage. C’est également une ode à la féminité. Hélène CIXOUS est une grande féministe. Elle lutte sur tous les fronts pour les causes féminines.



Je recommande la lecture de ce témoignage. Si, au détour d’une visite à la bibliothèque de votre quartier, ou chez votre libraire, vous découvrez ce petit fascicule, n’hésitez pas à l’emprunter, à l’acheter. Il nous permet de nous recentrer sur notre passé, d’approfondir nos connaissances sur la judéité. La visite guidée dans cette partie juive de la ville d’Osnabrück est très enrichissante. Nous sommes au milieu de ce lieu symbolique et nous nous recueillons avec nos accompagnateurs, une mère et ses enfants. Nous assistons même à le remise de la médaille " Justus Möser"et aux retrouvailles d’anciennes compagnes de lycée. Que d’émotion…. C'est un véritable devoir de mémoire. L’écriture est fluide, compréhensive. Et cette ville renaît sous nos yeux et s’anime. ( 4/04/2022)
Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Lettres à Shakespeare

Qui êtes-vous Monsieur William Shakespeare ?

Sur la très belle couverture rouge électrique de cet essai édité en l'honneur du 450ème anniversaire de votre naissance, votre portrait est celui d'une "star", visage indéchiffrable caché par des lunettes. Voyez-vous nos rêves à travers les siècles ?



Lettres à Shakespeare est une très belle entreprise collégiale d'intellectuels réunie par D. Goy-Blanquet pour clamer leur affection et leur reconnaissance professionnelle à ce grand auteur classique. La formule inédite et très accessible réside dans des lettres contemporaines écrites par 16 auteurs, tous passionnés. Nul doute, l'oeuvre de William Shakespeare inspirée par l'Histoire de l'Angleterre et ses jeux de pouvoirs est encore bien vivante de nos jours. Dans la création littéraire (l'Oulipo) et l'expression théâtrale. Et au plus intime de nos expériences humaines quand résonnent en nous les émotions, les perceptions et les idées d'un texte.

Je me suis attachée au mystère qui entoure la personnalité de ce grand homme, "Un et Multiple", à la fois tous ses personnages et aucun.

Je me suis attardée sur les passages soulignant son écriture singulière, faisant souvent appel à l'inconscient, empirique et improvisée. (Hamlet).

Un jeu constant des contraires, des métamorphoses, des passages de haut en bas d'une noble pensée à l'action la plus vile.

Je me suis laissée guidée avec plaisir dans le "théâtre du Globe" à Londres où le décor minimaliste est uniquement rempli par la parole, le son de la voix, le langage métaphorique et, ... le silence, moteur essentiel.

Une poésie musicale de langue anglaise qui pour certains ne peut être traduite sans la dénaturer comme le célèbre "We few, we happy few, we band of brothers.."(Henry V)" repris tel que par Churchill en 1940.

J'ai admiré le fait que le travail de Shakespeare formaient les futurs juristes où les "Inns of Courts" puisaient matière à des cas d'espèce souvent très proches de la réalité.

En France, je me suis attardée sur l'adaptation très libre de Shakespeare par le regretté Patrice Chéreau qui en 1970 avait emprunté les arts contemporains du cirque et du music hall.

De même, la mise en scène spectaculaire de Ariane Mnouchkine de "Richard II" par le jeu du kabuki (masques, maquillages) au Théâtre du Soleil, dix ans plus tard.



Je ne peux terminer mon texte sans citer la très belle trouvaille poétique de Prospero (Les sonnets, la tempête) "Our little life is rounded with a sleep".



Un très grand merci aux éditions Thierry Marchaisse, partenaires de la célébration "Shakespeare 450" et aux auteurs de cet essai très formateur.



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Le rire de la Méduse et autres ironies

Un excellent essai, deux en fait puisque deux textes célèbres de l'auteur, et devenus introuvables, ont été réuni ici.

L'écriture très poétique d'Hélène Cixous a parfois été une barrière pour moi, mais après un petit temps d'adaptation, la richesse de son oeuvre ressort magnifiée par ce style.

L'écrit des femmes comme trame centrale, mais tant et tant de détours, du mythe à la psychanalyse en passant par Kleist , et un immense talent au service d'une étude et d'une réinvention de la femme et du genre humain dans sa dualité.

Et, je l'avoue, pas toujours très clair pour moi qui lis peu d'essais sur ce thème, mais ça m'a donné envie d'en découvrir plus.
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Osnabrück

Après la mort de sa mère, l'auteur repart sur les traces de sa famille d'origine juive allemande. Une quête ardue et émouvante.
Lien : http://www.telerama.fr/criti..
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Rêvoir

Il est très difficile de rendre compte de ce récit-réflexion-témoignage qui débute le 21/03/2020 . Les thèmes en sont : le Temps et ses différentes strates que la Mémoire assemble, la Mort qui advient toujours et jamais, l'absence d'Oubli par la grâce de la littérature.



La narratrice témoigne de cette période sans durée précise (« entre avril et septembre 2020 des années avaient passé ») , « sans mesure et sans air », « si vaine et sans évènement ». Elle lutte pour que cette période ne soit pas sans mots.

Tout commence par le départ, sans rien, « autodévalisée », et celui-ci ravive « la scène ancestrale de l'exode, génération après génération ».

La pandémie rend présentes d'autres pestes : celle d'Athènes relatée par Thucydide, celle de Londres transcrite par Daniel Defoë.

Pendant cet An du Lent Silence intérieur, comme elle le nomme, où « on n'avait ni futur ni figure » se compose le Rêvoir, une autre façon de voir, de rêver, dans laquelle les récits les plus anciens se mêlent, date à date, et donnent sens au récit actuel, lui donnant une portée mythologique.



Tout cela emporté par la majestueuse beauté de la langue d'Hélène Cixous, ses créations de mots qui élargissent le réel.

La phrase se module au rythme de la pensée, qui est vive comme l'éclat de l'écaille d'un poisson qui remonte le courant. Elle est longue, souvent non terminée, sans point, comme la pensée qui ne s'arrête jamais.

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La venue à l'écriture

Encore une belle lecture découverte lors de mes recherches pour le mémoire! Puisque je travaille sur des romans exclusivement féminins (ou presque), j'ai voulu m'intéresser à cet ouvrage consacré à "La venue de l'écriture".

La première partie, d'Hélène Cixous, qui a donné son titre à l'ouvrage, regorge de très beaux extraits sur la langue, sur le "je" féminin, sur le langage liquide des femmes. Si mon mémoire m'a appris quelque chose, c'est bien que la femme est associée au liquide à un point que je n'imaginais pas. Elle est larmes, elle est sang, elle est flux et reflux: "femme qui se fait et se défait avec la vague qui l'engendre", nous dit d'ailleurs le poète Saint-John Perse. Elle est écoulement jusque dans son écriture.



La deuxième partie de l'ouvrage ("mon corps dans l'écriture") illustre bien ce trait de l'écriture féminine, puisque la prose de Madeleine Gagnon est brute, sauvage, pareille à un torrent déchaîné.



Je suis passée plus rapidement sur la troisième partie qui n'était pas pertinente dans le cadre de mes recherches. J'en ai apprécié l'écriture sublimement féminine, délicate et parfois à la limite de l'érotisme.



Un excellent ouvrage dans le fond et dans la forme, si ce n'est quelques idées quelques peu surannées (mais si peu présentes dans le livre que je ne les exposerai pas ici, puisqu'elles n'en gâchent pas la lecture).
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Dedans

L'onirisme du texte, agréssif, parfois sanglant, ne fait qu'un avec sa "théorie". Ambiguïté de l'iris blanc, fleur et oeil d'aveugle. Métamorphose du moi qui glisse sur lui-même dans une métaphore incessante entre chair et peau. Les "souvenirs d'enfance" sont soumis à un traitement phantasmatique qui les intègre au processus de libération textuelle. Car l'écriture de l'enfermement apparaît, en dernière analyse, comme l'unique moyen de rester dans le larynthe sans y mourir.
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Ruines bien rangées

Il aura fallu plusieurs années, entre son décès et ce moment. Plusieurs années pour se décider à vider les lieux. A vider une vie. Un appartement. Celui de sa mère.



C'est sur les ruines maternelles que l'héroïne entraîne son fils, sa fille. Ses lecteurs. Des ruines scrupuleusement rangées. Dans des valises. Méticuleusement codées et organisées.



Osnabrück d'abord, en Allemagne.

Les vestiges d'une synagogue. Et les souvenirs d'Eve, ses souvenirs d'hommes et de femmes persécutés. Torturés. Brûlés.

Des cendres de guerre.

Sa famille. Ses voisins.

Et la fuite déjà.



L'Algérie ensuite.

Comment Eve devient sage-femme. Lutter pour la vie après tant de morts. Les valises toujours prêtes. Parce qu'on sait. On a compris. Nulle part ce n'est chez soi.

En 1971, après la prison, à nouveau on la chasse.



Eve embarque pour la France.

Accumule ses ruines.

Pour ne pas oublier.



C'est avec ces ruines-là que l'auteure s'emploie à reconstituer l'essentiel. Des événements, un peu. Des émotions, tellement. On flirte avec l'urgence, à bout de souffle, on suit Eve, on porte ses valises, on lui prend la main, on marche vite, de plus en plus vite, pour rester à sa hauteur.

La plume est adroite, nuancée.

Que dire. Si ce n'est le plaisir de découvrir cette auteure.

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Animal amour

Un tout petit livre acheté pour faire connaissance, sans savoir qu’il s’agissait d’une conférence destinée à un public d’enfants. Ce qui aurait pu être une mauvaise pêche s’est avéré un heureux hasard. Si vous n’aimez pas les animaux de compagnie passez votre chemin. S’ils vous touchent vous ne les aimerez que d’avantage. Loin d’un texte lénifiant Animal Amour m’a donné l’envie d’en connaître plus sur le travail et la vie d’Hélène Cixous et d’embrasser encore une fois mes deux chattes.
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Homère est morte...

« Homère est morte… » Hélène Cixous (Galilée, 215 pages).

Je n’avais jamais lu Hélène Cixous. Flottaient seulement dans ma mémoire ou mon imaginaire à son propos un nom taillé à la hache, une aura de grande intellectuelle impressionnante et de féministe, quelque chose des parfums de l’Algérie, et une coupe à la garçonne sur un visage émacié. Je savais par une critique survolée dans un magazine que son livre parle de la mort de sa mère, mais il a fallu que je l’aie entre les mains pour que le jeu de mot du titre me saute aux yeux (Ho, mère est morte…). Il y en aura d’autres, des jeux de mots.

Pas de quatrième de couverture pour ce livre étrange, c’est rare, est-ce un choix de l’éditeur ? Mais un prologue d’Hélène Cixous nous éclaire sur son objet. C’est l’histoire de l’accompagnement de sa mère en fin de vie dans sa cent troisième année… Mais non c’est idiot de dire cela, ça n’a rien d’une histoire. Ce serait plutôt le récit, ou le journal de … Mais non, ce n’est pas plus un récit, ni un journal, ni une chronique. Tout juste une longue, une immense plainte, oui, voilà, un cri de 210 pages, avec des saillies de lucidité et d’intelligence extraordinaire, éclairé de références qui parfois intimident mes lacunes « en culture », comme s’il s’agissait d’une adresse à quelques happy few possédant toutes les clés de la psychanalyse, de la mythologie... Un râle avec des pauses et des errances (un pas sur place, un pas de côté, deux pas en arrière, puisqu’il n’est plus question d’avancer, juste de retenir le temps en le trompant), tout cela sorti d’un cahier de notes, des notes qu’H.C. a reprises rapidement, qu’elle a reprisées comme on ravaude, apparemment en les retravaillant à peine (impression peut-être fausse), avant de jeter directement au lecteur la souffrance indicible de la perte qui vient, de la perte qui est. Le cahier est le véritable troisième personnage de ce livre, le cahier-témoin du face à face fille-mère. Les mots de la fille incrustés des mots de la mère, dans une fusion inouïe. D’emblée, j’ai cru que le prénom « Ève » était un prénom inventé pour la mère d’adoration, celui de la première femme, de la mère de toutes les mères, de toutes les femmes et de tous les hommes, avant de saisir que c’était le vrai prénom de la mère d’Hélène Cixous.

Ce livre, c’est d’abord un grand foutoir qui déroute ; c’est un chantier, mais un chantier de déconstruction, et surtout de déconstruction du langage. Certaines phrases entamées ne se terminent pas, il n’y a pas de point final, c’est le style télégraphique qui se conserve dans cette réécriture du journal de bord. Mais ce n’est apparemment pas la seule volonté de maintenir la vérité de l’écriture immédiate, il y a souvent un effet recherché, l’emploi de nombreux néologismes (« l’odyssée souterrienne », « multitudineux », « surmourance »…), des phrases parfois construites de telle manière qu’il faut quasiment se mettre la tête à l’envers pour les saisir, et d’autres telles que même la tête dans tous les sens je n’ai pas réussi à les comprendre (et les points d’interrogation au crayon dans la marge ne sont pas tous effacés), et puis des phrases-bébés mises en bouche de l’aïeule, des majuscules qui interpellent, des tricotages de mots à tiroirs… toutes les règles de l’écriture sautent, ça donne parfois le vertige.

Mais peut-être n’est-ce pas si grave de ne pas toujours tout comprendre, car j’en découvre assez pour finalement ne pas me sentir exclu de cette pensée-là, de ce cheminement. Dans ce chantier, dans cette grande pagaille des mots et des émois sans mots, dans ce dévidoir des heures hors du temps, au fil des pages, partout des tournures font mouche, des pierres précieuses comme des évidences, des sentences incontestables traversent…

De cet amour filial insensé, de cette fusion revendiquée d’une fille dans sa mère, de cet accompagnement au quotidien d’une femme qui passe dans le passé, ou qui attend que sa fille soit prête à la laisser partir, tout nous est dit (la proximité de deux êtres, les soins d’escarre, le parcours des combattantes du pipi-caca, le corps sanglant qui se défait morceau par morceau, la bouche qui n’est plus bouche et refuse les aliments donnés à la cuillère mais tolère les baisers), sans que jamais l’on ne se sente voyeur ou pris en otage d’un pathos. C’est bouleversant, incompréhensible comme la mort, c’est la vie de la mort qui s’organise et se déploie sous nos yeux. Il y a des phrases sublimes, des paragraphes entiers que l’on voudrait apprendre par cœur, pour un amour hors de raison.

Un livre d’émotion brute, mais qui tend les bras pour d’autres rendez-vous, car tout est loin de s’épuiser à la première lecture.

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Rêvoir

Rêvoir, sorte de journal du confinement où Hélène Cixous consigne ce qu'elle voit en rêve, fait le "récit accroché au Récit". Sa technique : elle réinvente une écriture avec néologismes et mots-valises, brouille les genres, libère la ponctuation et l'emploi des majuscules, personnifie sa syntaxe et conduit ainsi le lecteur dans son univers où morts et vivants se retrouvent, passé et présents se mêlent, la mémoire vainc l'oubli. On rencontre sa fille, sa mère Eve, sa grand-mère Omi, le grand-père un "Icare Juif" tombé au front en 1916 à Baranovia, son ami philosophe et bien sûr ses chats. Récit très personnel qui révèle une grande sensibilité et une grande culture !

Moi qui ne connaissais que son travail de dramaturge avec Ariane Mouchkine, cette prose m'a enchantée.
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Écrivains et critiques face à l'impressionnisme

" Des femmes emplissent de leur accroupissement cucurbitant la coque des tubs... ; des avant-bras, dégageant des seins en virgouleuses, plongent verticalement entre les jambes pour mouiller une débarbouilloire dans l'eau d'un tub où des pieds trempent. " (🐱)

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