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EAN : 9782073026019
Gallimard (05/10/2023)
4.8/5   5 notes
Résumé :
« Dans la nuit de cendres noires qui se substitue à la nuit étoilée, des messages alarmés circulent en chancelant dans la suie douloureuse. Les SMS se réveillent SOS : “Vous aussi, est-ce que vous avez cette odeur de cramé dehors ? Maintenant elle entre !” Ici, dans le Sud-Ouest, où la mère forêt se tord en vomissant ses hurlements de fumées colossales, on utilise le mot “cramé”. Je n’avais encore jamais senti cette odeur crématoire. Tous les animaux ont pris la fui... >Voir plus
Que lire après Incendire: Qu'est-ce qu'on emporte ?Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Première découverte d'Hélène Cixous. Et certainement pas la dernière même si la lecture de cet objet littéraire inclassable fut ardue car faisant référence à de nombreux évènements, certains peu connus, dans une narration éclatée. Néanmoins, j'ai été fascinée par le projet littéraire de l'autrice de mettre en parallèle l'incendie meurtrier qui a ravagé la forêt de Gironde en juillet 2022 et le sort des Juifs de sa famille dont certains ont péri en camp d'extermination et d'autres ont pris la fuite. Quand la menace se profile, que faire ? Attendre ? fuir ? Et qu'emporter dans sa fuite ?
L'autrice se joue des temporalités dans un rythme heurté et saccadé, comme des échos fous qui se répondent à travers le temps : 2022, le Grand Incendie, 1942, débarquement des alliés à Oran en Algérie et dans un passé mythique, incendie de Troie. Elle se joue des mots qu'elle bouscule, manipule, dissèque pour en inventer d'autres. Il est aussi question de lieux : Osnabrück ville natale de la mère de l'autrice, Oran, ville de l'exode où sa famille s'est réfugiée pendant la guerre, Mascara ville algérienne martyre où de nombreux juifs ont péri. Et bien entendu l'écrit, ultime témoin des disparus et gardien de la mémoire : journaux intimes, lettres, livres et le Livre. Sans oublier les chats, ceux que l'on réussit à sauver et ceux qui périssent dans les incendies.
Tous ces échos du passé, comme le feu qui couve sous la cendre, viennent percuter le présent et hanter les vivants.
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"Mon livre est extrêmement peuplé, les vivants et les morts ne s'y distinguent pas"(Hélène Cixous)

Évidemment, il n'y a pas d'histoire, ou plutôt toujours la même histoire, celle des « de quoi sommes-nous faits? Qui et Que portons-nous ?
Une histoire qui s'exacerbe lorsque quelque part, il y a le feu, qu'il faudrait fuir, qu'on s'affole, que les mots vont dans tons les sens : ou on oscille : « partir ? Rester ?»,
Qu'est-ce qui reste et qu'est-ce qui restera plus tard ?
Pour Helene Cixous c'est « juiffer. ». « Allo ! Juif ? C'est toi ? »
Livre hanté de transmission, d'héritage, de généalogie : le père mourant à Oran en 1948, le nazisme qui rejoue l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492, les fantômes errant toujours dans les KZ.
L'exode. « On est juif, on déménage, un peu trop souvent. »
L'identité : « Au deuxième étage ma grand-mère faisait de la cuisine allemande. Au troisième étage ma grand-mère faisait de la cuisine juive. C'était de la cuisine arabe. Nous avions un problème de synonymes. ».
Certains disent Israélites, d'autres Juifs : qui est-on ?
La fuite et l'odeur de cramé ; voilà les dénominateurs communs du massacre des Juifs perpétré par le régime Nazi et de l'incendie de juillet 2022 en Gironde –
Après la catastrophe, qu'emporte-t-on ? Tout ça : conscient et inconscient, et qui reste.
« Ah si je pouvais, j'emmènerais ma mère, c'est impossible me dis-je, je tremble de chagrin, si ma mère vivait encore je n'aurais pas la force de la soulever »

Mais quel style, ou plutôt quelle façon d'aborder l'écrit!
Long poème épique mais qui ne raconterait pas une histoire progressant dans le temps mais une histoire décloisonnée, tout en même temps. Comme du ‘Claude Simon' mais non découpé au scalpel, tout enflammé qui brule.
. En ouverture, le chant « tu pleures, papa ? »
-En final, le chant du livre et son interprète.
Et, au milieu, des flammes dans l' Incendire : celles de Dresden, en 1942. On entend passer le chat, on écoute passer les avions remplis de bombes, il y a des bruits de terreur. L'incendie de Troie, Énée, qui ne fuit pas avec son chat mais avec son père, Priam, sur le dos.
L'incendie de Gironde en 2022 : L'habitante de Cazaux et les cris des chats cuits qui l'arrachent au sommeil. La famille venue d 'Osnabrück et sa belle synagogue brûlée, les mots juifs et allemands. le cousin Klemperer, le général Bugeaud.
« Tout ce que nous ne savons pas vit encore comme les braises sous la terre L'incendie ne s'éteint
Jamais. Il se tait »

Dans une langue qui va dans tous les sens, qui crépite, qui nécessite plus un effort d'acceptation que de compréhension
"Il ne faut pas chercher à maitriser, il ne faut pas savoir ce que ça signifie, il faut vouloir recevoir".
Particulièrement difficile, c'est vrai, dans un Monde qui croit ou voudrait tout maitriser mais qui maitrise peu.
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critiques presse (1)
OuestFrance
24 novembre 2023
Les incendies qui ont ravagé le Sud-Ouest [...] ravivent les souvenirs toujours douloureux de la romancière. Un texte porté par une puissance d’évocation sans pareille.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
« On ne sait pas
Tout le monde a respiré l’air militaire, pendant des années, tous s’habillent, se fournissent, se rendent visite, militaire, on ne sait pas toutes ces rues qui ruminent
On va faire ses courses au marché Clauzel, on tâte les pêches et les tomates on ne sait pas, la généalogie du petit porteur, on ne sait pas, quel âge as-tu, qui sait, pas sale pas lavé pas d’eau, une force extraordinaire dans les bras, c’est la force de la pauvreté, rue Berthezène on ne sait pas on habite un bel uniforme,
Lorsque l’école républicaine vichyste cède les clefs à l’école républicaine libérée, on est juif autorisé à prendre place sur les bancs totalement interdits depuis 1940,on pénètre avec précaution dans la cour du Lycée Lamoricière on avance en s’aplatissant pour prendre le moins d’espace, à pas lents très lents les pattes de devant tâtent avec précaution de démineur le sol piégé, la partie gauche effleure la partie droite reste levée, comme si l’on savait que la terre est bouillante de haine, puis on fait un saut, en arrière, on n’est pas prête, la cloche sonne, on se jette dans le temps, ma mère dit que La Moricière rime avec la souricière, ça ne fait pas rire mon père, Lamoricière on ne sait pas, c’est un signifiant miné, »
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Revenons au commencement, c’était il y a dix jours d’une hauteur de dix ans : aussitôt toute l’actualité défile au-dessus de nos têtes, livre fou, cascade de chiffres enflammés, 13 000, à peine nous écrions-nous à l’idée d’une immense province de forêt calcinée que déjà ce chiffre semble avoir été bien maigre maintenant c’est une région entière qui est assassinée, 20 000 hectares se changent en cendres comme à Varsovie le chiffre des exterminés parmi les juifs paraît aujourd’hui bien modeste comme à Dresden comme à Osnabrück, les chiffres croissent jour après jour, la Destruction monte jusqu’au ciel. On ne compte plus les vivants, il ne reste que des réchappés, ceux-là souffrent comme les captifs de Polyphème, enfermés sous le hachoir quotidien

(p. 78)
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« Tu ne peux pas commettre une comparaison entre ces deux massacres me disent-ils, ces arbres ne sont pas tués par l’insane cruauté d’un dictateur. En outre les arbres meurent mais ils ne le savent pas. Voilà pourquoi le Livre a cessé de te suivre fidèlement tu ne sais même pas quand.
Et pourtant me dis-je, rêve ou livre ou réalité plus réelle pendant dix jours j’ai vu des forets entières de juifs jeunes vieux de deux mille ans entrer par rang entiers dans le bucher. Je vois encore ou je crois voir encore des wagons de troncs fumants, et personnes ne sait encore quoi faire avec tous ces restes. Selon mon ami Marcel, le résinier, ce bois mort debout est inutilisable, on ne peut pas l’usiner, on ne peut que le finit en cendres, ça prendra des années, qui va payer tout ça. Un vrai cimetière et tous ces nobles même pas squelettiques Inachevés »
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Que lit-on dans le ghetto ? demande le Témoin, le saint historien Emanuel. Et le Livre aussi attend, timide, la réponse. La voici : elle vient, émissaire surprise comme l’Oncle Fou, le même jour à Oran. Tout d’abord : on lit. Donc on rit. Je dois cette révélation magnanime à Emanuel, dit le Livre : Voilà un thème qui intéressera beaucoup le monde après la guerre, pense Emanuel. Vous me demanderez en effet à quoi les condamnés détenus entre les murs du ghetto occupaient leurs esprits incarcérés, je ne serai plus là pour vous répondre mais le Livre vous dira : nous qui savions que la mort ne nous raterait pas nous témoignons : nous n’avons pas perdu la clé de l’humanité, nous qui avons perdu la chance de vivre, dans les cages nous lisons et nous nous évadons à force d’imagination, nous nous adressons à la Littérature, nous discutons passionnément avec nos précurseurs

(pp. 83-84)
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Laisse-moi faire, sois naturelle. Je le vois, tu es de mèche avec de grandes ambitions : finir en beauté, oser l’épique, relever le Défi : écrire le plus difficile, le plus haut sommet, le MontJuif, ses innombrables, dangereuses faces, ses pics, ses pentes, ses crevasses, je te fais miroiter, dit le Livre, une myriade de facettes et de veines. Des mots graines à foison. Vois ici déjà : Défi, quel vocable ! Une grenade ! Et « minimum » alors ! Mot d’Ève. (Minimum) ça s’écrit comment ? Minnumminni, tu entends ? Minimum étendard magnifique d’Ève centenaire. À cent ans il est temps de préparer ses obsèques avec le messager des Pompes Funèbres. Ève anti-pompe, Souveraine, apprécie le mot Messager une mine pour les sages âgés.

(p. 124)
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Videos de Hélène Cixous (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Hélène Cixous
« On écrit toujours avec une main coupée »
Selon Hélène Cixous, l'écriture ne renvoie pas à un statut ni à une profession, mais à un acte : aussi écrit-elle en collaboration avec les voix qui l'habitent et la traversent. Dans cette perspective on peut à bon droit reprendre la formule par laquelle elle titre une séance de son séminaire : « On écrit toujours avec une main coupée». Ces ouvrages nous confrontent en effet au mouvement même de la vie et de la mort, à la joute entre Eros et Thanatos, au commerce des vivants et des morts. Ils équivalent à bien des égards à « sentir, penser, écrire avec les fantômes ». D'autant qu'à travers eux se déploie un continuel et profond questionnement : qui parle, qui écrit quand « j »'écrit ? On comprend dès lors que, dans ces conditions, Hélène Cixous soutienne : « Transformer sa pensée en poème, parce que c'est cela écrire ».
Première table ronde : - M. Marc Goldschmit, Directeur de programme au Collège international de philosophie : « Derrida, l'écriture, la littérature » ;
- Mme Marie-Claude Bergouignan, PR émérite, ancienne VP de l'université de Bordeaux IV: "Hélène Cixous et la cause des femmes" ;
- Mme Céline Largier-Vié, MCF Paris 3 : « 'Une présence incalculable' : l'Allemagne d'Hélène Cixous ».
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2654738/helene-cixous-mdeilmm-parole-de-taupe
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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