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Citations de Hella Serafia Haasse (60)


Après la mort d'Isabelle, Charles avait été rempli d'un étonnement amer plus que d'un vrai chagrin ; il se demandait, morose, si c'était ainsi que devait s'écouler sa vie : un long voyage sans autres escales que le deuil et la catastrophe. Parmi les documents ayant appartenu à son père, il avait trouvé une poésie ; il se souvenait qu'à l'époque le ménestrel Herbelin avait mis ces vers en musique. C'était le chant où était décrite la forêt de Longue Attente, ce lieu désolé, pareil à un labyrinthe ; au milieu des dangers et des horreurs de l'existence, l'homme s'égare, il erre et cherche, mais ne trouve pas l'issue. Lorsqu'il était enfant, Charles n'avait pas compris cette image ; maintenant, il était frappé par la comparaison et aussi par la manière dont elle avait été formulée. Il trouvait les vers harmonieux, ils éveillaient en lui un sentiment pour lequel il n'avait pas de nom, qui lui apportait le réconfort, mais en même temps le chagrin et l'agitation intérieure. Souvent, il répétait en pensée ou à mi-voix les premiers vers du chant ; sans en savoir lui-même la raison, cela lui procurait une étrange satisfaction, comme si quelque chose venait frapper à son cœur pour y pénétrer, mais qu'était-ce ?

"En la forêt de Longue Attente
Chevauchant par divers sentiers... "
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Rudolf avait l'impression de ne pas avoir assez de ses cinq sens. Il était subjugué par la lumière, les odeurs qu'exhalaient les buissons chauds, la majesté du paysage qui s'étendait à ses pieds et dans le lointain. Dans la plaine scintillaient les rizières inondées ; la ligne de faîte des collines semblait décolorée sous le soleil de midi. Mais par-delà les cimes glissait l'ombre, d'un bleu intense, de nuages surgis comme par enchantement des hautes couches d'air opaques.
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Un coquillage, frêle structure d'invisibles couloirs en colimaçon, était un objet magique. Les méandres, les cercles concentriques, tous les ornements composés d'entrelacements m'attiraient irrésistiblement. Il en est encore de même aujourd'hui. Les formes, les phénomènes, les caractères et les rapports humains n'ont de signification pour moi que dans la mesure où ils sont compliqués, mystérieux.
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Quelle étrange expérience ! Des sons familiers éveillaient en moi de vieux souvenirs et, surtout le chant des oiseaux me replaçait totalement dans l'entourage d'autrefois, alors qu'en réalité peu de choses de cet entourage ont subsisté. (...) Ce qui m'a particulièrement frappé, c'est la beauté de la nature à Gamboeng. Je peux mieux en juger aujourd'hui qu'autrefois, quand je ne connaissais au fond que notre propre cadre.
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Tout au fond du terrain, derrière la maison, il y a un figuier banian. De jour, c'est pour moi le plus bel arbre du monde, si large, touffu et riche, avec toutes ses feuilles et ses fruits, ses racines aériennes qui retombent et se fixent à l'aide de petites ventouses et forment de nouveaux troncs - et aussi avec les oiseaux et les chauves-souris, les cigales qui le peuplent et les guêpes qui vrombissent autour des figues ; c'est un arbre qui bouillonne de vie. Mais le soir, je n'ose m'en approcher (...), la nuit ce n'est plus le même arbre, ou plutôt même plus un arbre mais une chose très différente pour laquelle les hommes n'ont pas de nom. Il faut se tenir sur ses gardes. La nature a cette force, nous sommes impuissants.
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En été, le feuillage murmure, il semble qu'il n'existe pas de plus riche mélodie pour celui qui est allongé dans l'herbe tiède ; mais l'on change d'avis en automne, lorsque les feuilles roussâtres bruissent dans le vent ; et pendant les longs mois d'hiver l'on entend, encore plus ému, le bois gelé craquer et le givre tomber de branche en branche. Infinie est la diversité des images d'un solstice à l'autre ; (...)
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....les âmes bigotes,ignorantes et pusillanimes soupçonnent toujours des excès chez ceux qui ont une pensée indépendante et que,toujours des éléments ambitieux et autoritaires savent exploiter au bon moment et au bon endroit des dispositions négatives de ce genre . P. 103
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Depuis qu'il avait pénétré dans le bois, il n'avait rencontré personne, et n'avait rien entendu, sinon le chant des oiseaux, ainsi que les bruissements et les craquements familiers dans les frondaisons et les broussailles. Au cours de ces dix-neuf années de vie, rien n'avait jamais égalé le plaisir intense qu'il avait à séjourner dans le bush. Il éprouvait la nature comme "sienne" tout en sachant qu'elle gardait un élément d'impénétrable altérité.
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Mais la seule idée des grands magasins en décembre, surchauffés et violemment éclairés, me remplit de dégoût. Des cages de verre gigantesques, des machines à vendre qui aspirent les consommateurs ; des espaces où tout bourdonne et résonne sans interruption.(...) C'est plus qu'un phénomène physique, j'en ai des suées froides, quand je songe à cette force aspirante qui évide les personnes, les réduit à l'état de figures sur un graphique, unités constitutives de la masse qui a une importance économique.
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Il revit sa chambre d'autrefois : les boomerangs au mur, le poster d'une star de la pop music, morte depuis longtemps mais qui le fascinait toujours, Jim Morrison.
Son visage, pareil à celui d'un ange exterminateur, crinière au vent, sur fond de nuées orageuses et d'éclairs. En dessous, ce texte : "No one here gets out alive*."
Il identifiait ce poster à l'image du chaman faiseur de pluie dans la culture des Aborigènes, chantant nu sous un ciel chauffé à blanc, jusqu'à ce que le vent se lève, que les nuages s'amoncellent et que l'eau salvatrice déferle du ciel avec la violence d'un raz-de-marée.


* Personne n'en sortira vivant.
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Qu'avait-elle à faire avec un Dupleix, une Cornette, un Walter, avec les citadins et les paysans d'un pays où, hormis les peines et malheurs du quotidien, il ne se passait rien, rien qui fût digne d'être retracé par une plume vouée à Clio, la Grande Histoire?
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Si je ne peux pas reprendre mon travail, je deviendrai folle, les images qui parfois s'interposent entre le monde visible et moi prendront le dessus. Ce sont plus que des souvenirs, un peu différents de rêves, personne ne peut me convaincre du contraire. Impossible de leur donner un nom. Comment appelle-t-on ça, quand les frontières de la conscience s'estompent, quand mon temps, le temps de ma vie se volatilise comme un fin nuage, devient un non-temps, l'omniprésent ?
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C'est moi-même que je tourmente le plus. Je vis dans l'incertitude. Je suis vulnérable de tous les côtés. Que suis-je ? Une énigme ambulante, une aberration. Partout je me heurte au silence, aux contradictions. Je préfère la pire vérité au doute.
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« C'est là, dans l'étreinte de la forêt vierge, qu'il souhaitait vivre à jamais. »
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Hella Serafia Haasse
Ma façon d'écrire a radicalement changé. En la forêt de longue attente est un roman traditionnel, linéaire, écrit avec force détails dans la tradition du XIXe siècle. Or, l'expérience de la vie, la perception que nous en avons, est bien plus composite, imbriquée, faite de strates successives. J'ai donc changé ma manière pour La ville écarlate et Un goût d'amandes amères. Le récit est composé comme un puzzle, le lecteur progresse par associations, et c'est à partir des éléments distribués dans le texte qu'il appréhende le tout.

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/livre/l-art-de-conter-d-hella-haasse_807660.html#limwFB1IQgOUv8Fz.99
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Au fond de chaque être se cache – j'en suis convaincu- un sentiment de jalousie envers la nature, qui si elle est mortelle, ne cesse de se renouveler. Comment fixer à jamais cette richesse périssable et pourtant éternellement vivace de formes, de couleurs et de lignes, comment capter l'essence de la beauté, l'élément fugace qui sans cesse nous séduit et nous trahit?
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Le médium se cacha le visage dans ses mains. Il réussit encore à articuler "Mouzique ! Mouzique !" puis se dirigea en titubant vers une petite table couverte d'accessoires de prestidigitation... A cet instant la rampe s'éteignit, de même que les petites appliques de lumière rouge fixée sur les murs. Il ne resta qu'un seul projecteur qui jetait une lueur fantomatique, d'un bleu verdâtre sur le visage effrayé de Rakatra.
"La suite !" exigeait une moitié de la salle. "Le sac !" hurlait la moitié de l'autre. Un "boum" retentissant mit fin au différent. Sorti des coulisses, un nuage de fumée phosphorescent, d'un vert soufré, se répandit sur la scène et dériva dans la salle. La panique gagna les premiers rangs. On cria "au feu! Au feu!", tandis que les lamentations de Rakatra Jakatra dominaient le tumulte : "Mes illousions ! Mes vabeurs phosphoriques !" Suivit une nouvelle pétarade. La salle fut prise sous un tir de rayons de feu, des fusées éclairantes montèrent vers le plafond du théâtre comme des ballons lumineux et éclatèrent en une pluie d'étoiles scintillantes. Des feux de Bengale embrasèrent la scène, colorant alternativement en bleu, en rouge et en violet le plateau, ainsi que Rakatra qui tournait en rond comme un hystérique. Le public était déchaîné et réclamait de la lumière et de l'air. Au milieu de cet indescriptible chaos, je réussis à échapper à mes gardiens en me faufilant à travers les spectateurs qui criaient et se bagarraient.... A cet instant un soleil crépitant illumina tout le décor d'une lumière crue. J'entendis le notaire crier : "Il est là ! Attrapez-le ! Au voleur ! Au voleur !" Des pétards explosèrent un peu partout sur la scène. Je sautai lestement par-dessus les cordes et les praticables et m'engageai dans le dédale des coulisses. La première personne que je vis fut la pauvre Fatima, qui, à moitié évanouie de peur, s appuyait contre la paroi.
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Qu'est-ce qui inspirait Dée ? Un effort pour combler un manque qui avait dominé sa vie, pour apaiser une faim affective ? Je pense qu'elle avait un intense besoin de participer à tous les combats, quels qu'ils soient, où qu'ils soient, en faveur de la liberté et de l'accomplissement de soi, de la reconnaissance de la dignité et de la valeur de l'individu.
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Les choix qu'a faits Dée au cours de son existence _ j'en connais certains mais je dois deviner les autres _ sont issus, je pense, d'un sentiment d'incertitude profondément enraciné. Jadis, je n'en ai jamais rien remarqué, bien au contraire, je trouvais que Dée faisait preuve d'une assurance provocante et qu'elle se situait, par son ironie, au-dessus des préjugés de la société coloniale de l'époque.
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A la marquise de Merteuil :
Vous êtes, sans contredit, le personnage féminin le plus tristement célèbre de la littérature européenne. On vous a appelée un Richard III en jupons, un démon déguisé en humain, un Tartuffe féminin, une Ève satanique. Avec le concours d'un homme qui fut un temps votre amant, le roué vicomte de Valmont, vous avez mené à sa perte une innocente enfant, conduit à la démence et à la mort la jeune et vertueuse épouse d'un respectable magistrat ; qui plus est, vous avez, vous seule, offensé, humilié, plongé dans le malheur et l'affliction un certain nombre d'autres personnages. Ces actes criminels, vous les avez presque tous perpétrés "à distance", par la seule magie du verbe, par l'art de la suggestion.
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