Selon
Hella S. Haasse, il existe, dans l'existence, des symboles, des signes que l'on croise et retrouve à maintes reprises, parfois sans même les percevoir, et qui sont un peu les "clochettes" de la destinée, un peu comme le fil du collier de perles si on admet que les perles sont les évènements de l'existence.
Dans la première partie du texte qui se rapprocherait davantage de l'essai, l'écrivaine parle de ses origines familiales, et particulièrement de ses deux grands-mères aussi différentes qu'elles puissent l'être et pourtant toutes les deux bien éloignées de l'idée conventionnelle que l'on peut avoir d'une femme du dix-neuvième siècle.
Pour
Hella S. Haasse, il est acquis que la génération précédente influence la suivante : dans ses actes, ses attitudes, sa conduite, son esprit et également pour son vécu propre. Un peu comme s'il existait une transmission inéluctable de gestes ou de choix, des décisions prises - choquants ou pas en fonction de l'époque – entre les membres des générations différentes.
Cela serait une sorte de legs qui bâtit celui qui naît et vit, qui se dépose en lui à son insu, comme un bagage qui l'accompagnera tout au long de son existence même si à première vue, on décelle mal les iplications d'une génération à l'autre.
Elle cite, pour sa famille – au sens élargi – plusieurs exemples de l'incarnation de cet héritage et explique l'emblème du cygne, majestueux volatile qui apparaît au début du récit fortuitement et qui va "dérouler" l'écheveau des souvenirs. Je ne vous en dis pas davantage : il y a un tel bonheur à découvrir cet enchaînement incroyable de coïncidences qui ne sont peut-être que des clins d'oeil du destin, des étincelles de lucidité. le cygne joue un peu le rôle de la clochette déjà citée !
Elle évoque également son frère, longuement, parti s'installer en Australie et tombé en admiration devant les paysages et l'atmosphère du bush : cette immensité où la solitude s'incarne dans le silence.
Ce frère dont elle se plaît à souligner les affinités partagées notamment dans ses choix de vie, comme autant de corollaires à cet héritage familial évoqué bien qu'ayant une personnalité bien différente de la sienne.
La deuxième partie du livre est une nouvelle dont je vous dirai juste qu'elle reflète une partie de l'Art littéraire de l'écrivaine et de ses élans poétiques, elle distille aussi les thèmes qui lui sont chers et qu'on retrouve fréquemment dans ses romans. Et tout ce qui a été évoqué dans la première partie, tout ce qui n'a pas manqué de vous intriguer et de vous bouleverser, de vous manipuler, de vous enchanter y est entremêlé pour en faire une fiction. de tout ce qui était réalité, elle tisse un imaginaire riche et passionnant
Une courte partie qui clôt le livre, envisage ce que le récit imaginé aurait pu être en prenant d'autres chemins. L'écrivaine s'y laisse deviner presque encore davantage que dans la première partie lorsqu'elle évoque la mémoire familiale. Elle devient un peintre devant une toile blanche, choisissant les couleurs, les camaïeux pour s'exprimer à travers un tableau : tout devient possible, tout est suggéré.
On pourrait dire que ce livre s'adresse aux admirateurs de l'écriture d'
Hella S. Haasse ou alors à ceux qui vont la découvrir pour la première fois et désirent rencontrer, un peu, l'écrivaine, auparavant.Quoiqu'il en soit : un livre, rempli d'émotions, qui invite à réfléchir, presque à méditer…
"Ma vie est - a toujours été - dominée par ce que je ne sais pas. Ce qui est hors de mon champ de vision ou de ma portée excite ma curiosité."
(Mai 2022)