5 personnages qui ne se connaissent pas vivent dans une même maison. C'est un début d'intrigue classique mais qui fonctionne. On apprend d'abord à connaître les Dupleix. Lui, un homme important, rédigeant les discours d'un des interlocuteurs du ministère. Elle, une femme timide, discrète et dévouée, qui a rencontré son mari dans une maison de repos, où il se soignait d'une dépression. Mis en arrêt maladie pour surmenage - lui pense que c'est pour mieux le préparer à une mission secrète - on les incite fortement à gérer, en tant que locataire, une maison pour laquelle ils devront choisir des sous-locataires.
Petite pause: autant le thème - l'homme qui ne comprend pas qu'il a réellement été mis en arrêt maladie semble fréquent dans les romans néerlandais! - que l'écriture, froide, ne m'enthousiasment guère, j'ai une impression de déjà lu...
Arrivent les trois sous-locataires, présentés un à un, et je vous en laisserai la découverte. Ici, le roman se réveille. Chacun devient momentanément le personnage principal, et Mme Dupleix est le fil conducteur entre toutes ces personnes, là voilà qui se révèle!
Une fois n'est pas coutume, j'ai nettement préféré la fin du livre que le début. D'ailleurs, le roman commence par les Dupleix mais se termine sur les Bacchanales à Rome et deux personnages, Aebutius et Hispalia Fecenia, un récit dans le récit très intéressant, un peu à la manière de
Paul Auster.
Vous l'aurez compris, c'est un récit à tiroirs, mais on y retrouve tout de même des thèmes communs: pour commencer, une mythomanie et un narcissisme plus ou moins poussé chez chacun des personnages, une volonté de diriger et de réorganiser la société surtout chez Dupleix et le professeur qui vient y donner des cours du soir, et enfin, surtout, une solitude que Hella Haasse, dans une interview dit dominante aux Pays-Bas, pays justement surpeuplé.
Enfin, j'ai apprécié l'humour discret qui se cache tout au long du récit, qui rend la jeune étudiante Antonia adorable, elle qui ne voit absolument rien de ce qui se passe sous sa chambre et sera la seule à quitter cette maison indemne. Humour aussi dans ces lettres glissées entre le journal d'Antonia et qui n'ont rien à voir avec elle, lettres donc de correspondance entre les deux propriétaires de la maison qui observent de loin ce qui s'y trame et n'y comprenant rien.
Bien sûr, ce court roman m'a fait penser à
La Vie: Mode d'Emploi de Perec, il pourrait presque en être une petite partie, au moins en ce qui concerne le travail de recherches d'Antonia et les intrigues de Mme Dupleix. Mais c'est une pure coincidence, ce roman a été écrit avant celui de
Georges Perec.
Avec un peu de recul - une nuit!- je lui trouve une vraie profondeur, qui n'est pas apparente tout de suite et il y sûrement encore beaucoup à y chercher, et dans les élucubrations de Dupleix qui se prend pour un sauveur, et dans les recherches d'Antonia sur les Bacchantes.
Pour info, Hella Haasse est considérée, aux Pays-Bas, comme l'auteure la plus importante du vingtième siècle. En France, elle n'est traduite que depuis les années 90. Je vais continuer à la découvrir.
Lu dans le cadre du Challenge ABC 2014-2015