Citations de Hermann Hesse (2211)
Vous devez apprendre à rire ; voilà notre exigence. Vous devez saisir la part d'humour que recèle l'existence.
L'être humain ne dispose pas d'une grande capacité de penser ; même le plus intellectuel et le plus cultivé des hommes voit le monde et sa propre personne à travers un prisme de formules très naïves, simplificatrices, qui travestissent la réalité. Car c'est, à ce qu'il paraît, un besoin inné et obligatoire de tous les êtres de se représenter leur moi comme une unité. Aussi fréquemment, aussi profondément que soit ébranlée cette illusion, elle se reforme et se consolide toujours immédiatement...
Réfléchir une heure ; rentrer en soi-même pendant un moment et se demander quelle part on prend personnellement au règne du désordre et de la méchanceté dans le monde, quel est le poids de notre responsabilité ; cela, vois-tu, personne n'en a envie ! Voilà pourquoi tout continuera comme avant ; voilà pourquoi jour après jour, des milliers et des milliers d'hommes préparent avec zèle la prochaine guerre…
ART DU VOYAGE
Voyager sans but plaît à la jeunesse,
Mais l'âge en venant m'affadit ce goût
Et je ne pars plus sans savoir pour où,
Sans qu'un but précis, un désir me presse.
Hélas, pour celui qui suit un dessein,
Voyager n'a plus la douceur première
Dont étincelait forêt ou rivière
A chaque nouveau détour du chemin.
Pour rendre à l'instant la fraîche innocence
Que n'occulte plus quelque astre rêvé,
Voyager doit être un art retrouvé :
Du vaste univers partager la danse
Et vers un lointain longtemps cultivé,
Même sans bouger, rester en partance.
(Traduction de Jean Malaplate)
Quand le moi sous toutes ses formes sera vaincu et mort , se disait-il , quand toutes les passions et toutes les tentations qui viennent du cœur se seront tues alors se produira le grand prodige ,le réveil de l 'Etre intérieur qui vit en moi et qui ne sera plus moi .
Rien n'est plus dangereux pour l'individu, rien ne détruit plus sûrement son moral que de s'occuper constamment de soi-même et de son état, de remâcher son insatisfaction, son abandon et sa faiblesse.
( " L'homme qui voulait changer le monde")
Chacun de nous tient ses souffrances pour les plus cruelles de toutes.
Et elle me raconta l'histoire d'un jeune homme amoureux d'une étoile. Il tendait les bras vers elle sur le rivage et l'adorait. Il rêvait d'elle et lui consacrait toutes ses pensées. Mais il savait, ou croyait savoir, qu'une étoile ne pouvait être embrassée par un homme. Il croyait que sa destinée était d'aimer sans espoir une étoile, et, avec ces pensées, il édifia tout un poème de renoncement, de souffrance muette, d'amour fidèle, qui devaient l'améliorer et le purifier. Mais tous ses rêves étaient pleins de l'étoile. Une nuit, il se trouvait au bord de la mer, sur un rocher élevé, et contemplait l'étoile, tout consumé d'amour pour elle. Et, dans cet instant de nostalgie extrême, il fit le saut et se précipita dans le vide au-devant de l'étoile. Mais, au moment de sauter, il pensa encore, en un éclair : c'est pourtant impossible! Et il vint se briser sur le rivage. Il n'avait pas su ce qu'est aimer. Si, au moment de sauter, il avait eu la force de croire fermement à l'accomplissement de son désir, il eût voler jusqu'à l'étoile et se fût uni avec elle.
Il y avait une fois un nommé Harry , sobriquet de Loup des steppes .Il marchait sur deux jambes , portait des vêtements et était un homme ,bien qu 'au fond ,il ne fût quand même qu 'un
Loup des steppes .Il avait appris bien des choses comme en peuvent apprendre des gens sensés ; et c 'était un homme assez intelligent .Mais ce qu 'il n 'avait pas appris , c 'est être content de lui-même etde sa vie . Cela , il ne le pouvait pas , il était un mécontent .Probablement par ce qu 'au fond de son cœur il savait ou croyait savoir qu 'en réalité il n 'était pas du tout un homme , mais un loup des steppes .
Les personnes gâtées par la fortune et le succès sont si faciles à tromper !
[Le conteur]
Un certain équilibre me manquait, comprenez-vous ? Autrefois, la peinture était mon Tout, mon unique préoccupation, mon amour, ma nostalgie et ma satisfaction. Il me semblait que ma vie serait suffisamment belle et riche si je réussissais à peindre encore un certain nombre de toiles d’un genre que personne d’autre que moi n’aurait pu exécuter. C’est pourquoi je faisais du bon travail. Or, à présent mes exigences ont un autre objet. Désormais, je n’ai plus rien à désirer que vous-même et il n’existe rien que je ne vous sacrifierais volontiers.
[Le peintre Brahm]
En amour, chacun, même le plus chanceux, commence nécessairement par une défaite.
[Le conteur]
On ne peut vivre intensément qu'aux dépens de soi-même.
La vérité existe, mon cher, mais la 'doctrine' que tu réclames, l'enseignement absolu qui confère la sagesse parfaite et unique, cela n'existe pas. Il ne faut pas non plus avoir le moins du monde la nostalgie d'un enseignement parfait, mon ami; c'est à te parfaire toi-même que tu dois tendre. La divinité est en toi, elle n'est pas dans les idées ni dans les livres. La vérité se vit, elle ne s'enseigne pas ex cathedra.
Pour, enfin gagner ma vie , je me fus libraire .J 'avais tout de même plus et de meilleurs rapports avec les livres qu 'avec les étaux et les roues dentées . Au commencement une sensation
d'ivresse m 'envahit , d 'être ainsi plongé dans la mer des nouveautés littéraires , d 'en être même submergé .
Quand nous haïssons un homme, nous haïssons dans son image quelque chose qui réside en nous. Ce que nous ne portons pas en nous ne peut nous toucher.
Vous connaissez cette conception erronée et fatale affirmant que l'homme constitue une unité durable. Vous n'ignorez pas non plus que l'homme se compose en vérité de diverses âmes distinctes, d'un très grand nombre de moi. De façon générale, on considère qu'il est insensé de diviser l'apparente unité de la personne en une foule de personnages. La science a même inventé le terme de schizophrénie pour désigner cela.
Le bourgeois apparaît ainsi par sa nature même comme un être sans grande vitalité, angoissé, craignant toute forme de renoncement à soi et facile à gouverner. Voilà pourquoi il a substitué le principe de majorité à celui du pouvoir concentré, la loi à la force, le vote à la responsabilité individuelle.
Ce jour-là, je vis et je sentis dès le midi que la soirée serait propice à la peinture. Pendant quelque temps, le vent avait soufflé. Chaque soir, le ciel semblait d'une pureté cristalline, et chaque matin, il se couvrait à nouveau, mais à présent régnait une atmosphère douce, un peu brumeuse, formant un voile léger qui enveloppait les choses comme dans un rêve. Ah, ce voile léger, il m'était familier ; je savais que vers la fin de la journée, lorsque la lumière deviendrait oblique, le spectacle serait admirable.
AQUARELLE
Pourquoi nous infliger, à vous et à moi, cette chose épouvantable ? Pourquoi nous imposer cet appareil atroce, ce trophée de notre époque, la dernière arme qui pourra permettre à celle-ci d'être victorieuse dans son combat à mort contre la culture ?
(N. B. : Hermann Hesse n'a jamais connu la liseuse, l'ipad, l'iphone et l'i-je-ne-sais-quoi-encore et pourtant il avait déjà senti le coup venir...)
Si un jour je me mettais à chercher avec qui j'entretiens volontiers les relations les plus fréquentes en dehors de ma femme et de mes fils, il apparaîtrait que c'est uniquement avec des morts, des hommes de tous les siècles, des musiciens et des peintres. Leur être, concentré dans leur œuvre, continue de vivre et revêt pour moi plus de présence et de réalité que la plupart de mes contemporains.