Pierrette est un livre peu connu de Balzac, présenté par son auteur dans sa dédicace à Mademoiselle Anna de Hanska comme « une histoire pleine de mélancolie »… Personnellement, je qualifierai plutôt ce roman d’illustration sordide de la maltraitance familiale ordinaire, de la négligence et de la non-assistance à une personne vulnérable en danger.
A douze ans, Pierrette Lorrain, orpheline, est confiée par ses grands-parents, ruinés, à Sylvie et Jérôme-Denis Rogron, des parents éloignés, merciers retraités, frère et sœur célibataires. Fraichement débarquée à Provins depuis sa Bretagne natale, la fillette est une belle enfant, spontanée, en quête d’affection ; les Rogron sont tout le contraire, calculateurs, mesquins, aigris… Ils occupent, à ce titre, une place de choix dans la galerie des célibataires de la Comédie humaine, vieille fille et vieux garçon exemplaires !
Tout au long du roman, Balzac donne à lire la montée en puissance du calvaire de Pierrette qui devient petit à petit la servante de la maison et le souffre-douleur de Sylvie Rogron. De réflexions désobligeantes en brimades, de jalousies en rancœurs, de violence verbale puis physique, de manigances en manipulations, la fillette devenue adolescente est littéralement et méthodiquement démolie. Souffrante, maladive, elle évite de se plaindre, n’est pas soignée à temps…
En parallèle, Balzac nous décrit par le menu la rivalité entre deux clans politiques rivaux de Provins, reflet de la situation de la France sous le règne de Charles X ; des luttes politiques locales opposent les légitimistes et les libéraux qui se répartissent dans les salons influents de la ville. En effet, Sylvie Rogron reçoit beaucoup dans sa maison et les Rogron participent à des intrigues diverses et variés, politiques et même matrimoniales. Si la situation de Pierrette est remarquée par quelques protagonistes, personne ne s’intéresse assez à son sort pour lui venir réellement en aide ou alors, bien trop tardivement.
Seul Jacques Brigaut, son ami d'enfance et amoureux, apporte un peu d’espoir à la jeune fille.
J’ai déjà parlé de mon intérêt particulier pour le docteur Horace Bianchon, qui fait partie des rares bonnes volontés de cette histoire, et que j’aime retrouver tout au long de La Comédie humaine, lors de ses apparitions… On le croise ici au chevet de la pauvre Pierrette.
La narration souffre parfois des habituelles longueurs balzaciennes, surtout quand il s’agit de planter le décor des luttes politiques locales et de décrire les tenants et aboutissants de la situation sociale des Rogron. On se perd parfois dans un certain nombre de digressions…
J’ai cependant apprécié les réflexions sur les mariages tardifs et les risques des grossesses à un âge avancé.
La morale de cette triste histoire est particulièrement sordide et cynique, même si les Rogron sont jugés pour les mauvais traitements infligés à Pierrette ; l’épilogue montre la réussite future des notables mis en scène dans le roman et l’oubli du destin tragique de la jeune fille.
Un livre cruel, pessimiste…
Un huis-clos provincial sans espoir, une tragédie intime supplantée par des luttes politiques sans la moindre envergure.
Un texte à découvrir pour sortir des sentiers rebattus.
Lien :
https://www.facebook.com/pir..