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Citations de Italo Calvino (992)


Dans le vaste échantillonnage de mythes qu’est le poème dans son entier, le mythe de Pallas et d’Arachné peut contenir à son tour deux échantillonnages à échelle réduite orientés dans des directions idéologiques opposées : l’une pour inspirer une crainte sacrée, l’autre pour inciter à l’irrévérence et au relativisme moral. Si on en inférait que tout le poème doit être lu de la première façon – étant donné que le défi d’Arachné est sévèrement puni -, ou de la seconde – étant donné que le rendu poétique favorise la coupable et victime -, on commettrait une erreur : les Métamorphoses entendent représenter l’ensemble du racontable transmis par la littérature, avec toute la force d’images et de significations que celui-ci charrie, sans décider – selon l’ambiguïté proprement mythique – entre les clefs de lecture possibles. C’est seulement en accueillant dans le poème tous les récits et toutes les intentions de récit qui courent dans toutes les directions, se pressent et se bousculent pour se canaliser dans la mesure ordonnée de ses hexamètres, que l’auteur des Métamorphoses sera certain de ne pas servir un dessein partial, mais la multiplicité vivante n’excluant aucun dieu, connu ou inconnu. (« Ovide et la contiguïté universelle », 1979)
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Mais, à y bien regarder, la menace d’une perte de la mémoire revient à plusieurs reprises dans les chants IX-XII : d’abord avec l’invitation des Lotophages, puis avec les drogues de Circé puis, encore, avec le chant des Sirènes. Chaque fois, Ulysse doit s’en garder, s’il ne veut pas tout oublier à l’instant… Oublier quoi ? La guerre de Troie ? Le siège ? Le cheval ? Non : sa maison, le cap de la navigation, le but de son voyage. L’expression qu’Homère utilise dans ces cas-là, c’est « oublier le retour ». (« Les Odyssées dans L’Odyssée », 1981)
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Combattre avec un compagnon auprès de soi est chose bien plus belle que de combattre seul ! On s'encourage, on se réconforte, le sentiment d'avoir un ennemi et celui d'avoir un ami se fondent en une même chaleur.
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Agidulfe Edme Bertrandinet des Guildivernes et autres de Carpentras et Syra était, sans conteste, un soldat modèle; mais tous le trouvaient antipathique.
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Lire, c' est aller à la rencontre d' une chose qui va exister.
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Italo Calvino
La chance n'est que le sourire du talent
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Italo Calvino
Si l'homme devait être un fruit il serait une pomme car il a la même couleur que le sang de la vie
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"Voyons : il me faut maintenant représenter les terres traversées dans leurs pérégrinations par Agilulfe et son écuyer. Tout doit tenir dans cette page : la grand-route poudreuse, la rivière ; sur la rivière, un pont ; Agilulfe vient précisément de le franchir,sur son cheval au sabot léger : toc-toc, toc-toc... Il ne pèse pas lourd ce chevalier sans corps, sa monture peut parcourir des lieues et des lieues sans se lasser ; quant au maître il est increvable. Tiens, sur le pont, voici que passe un lourd galop : toutoutoum! C'est notre Gourdoulou, qui fonce, accroché à l'encolure de son cheval ; leurs deux têtes sont tellement rapprochées que c'est à se demander si c'est le cheval qui pense avec la tête de l'écuyer ou l'écuyer avec la tête du cheval ...je trace sur mon papier une ligne droite, avec par-ci par là quelques brisures : c'est le trajet d'Agilulfe. Et puis cette autre ligne, toute en tortillons et en zigzags: ça c'est la route de Gourdoulou. Sitôt qu'il voit voleter un papillon, il pousse son cheval à sa suite et se figure qu'il est en selle non du cheval mais du papillon, alors il s'égare et s'en va flanant par les prés. Pendant ce temps, Agilulfe tient son cap et s'avance, droit comme un i . (p129)
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Si la puissance d'une armée se mesure au chahut qu'elle mène, certes la retentissante milice des Francs apparaît dans toute sa force quand sonne l'heure du rata. Le bruit se répercute à travers plaines et vallons, très loin pour se confondre avec l'écho d'un autre charivari, qui provient des marmites infidèles. L'ennemi aussi, à la même heure, s'applique à ingurgiter une exécrable soupe aux choux. La bataille d'hier était moins assourdissante. et surtout moins nauséabonde. (p75)
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La porte de l’hôtel est demi-close. Il y a des gens qui entrent, des hommes en haut-de-forme, des femmes voilées. Dans le vestibule je suis déjà saisi par une lourde odeur de fleurs, comme d’une végétation en putréfaction, j’entre au milieu des bougies de cire qui brûlent des corbeilles de chrysanthèmes des coussins de violettes des couronnes d’asphodèles ; dans le cercueil ouvert capitonné de satin je n’arrive pas à reconnaître le visage couvert d’un voile et enveloppé dans des bandelettes comme si jusque dans la décomposition des traits sa beauté continuait à refuser la mort, mais je reconnais bien le fond, l’écho de ce parfum qui ne ressemble à aucun autre, fondu désormais avec l’odeur de la mort comme si depuis toujours ils avaient été inséparables.
Je voudrais interroger quelqu’un mais ce ne sont tous que personnes inconnues, des étrangers peut-être, je m’arrête près d’un homme âgé qui plus que les autres a l’air d’un étranger, un monsieur au visage olivâtre, avec un fez rouge et une frac noir, qui se tient recueilli à côté du cercueil, je dis à voix basse mais distinctement, sans m’adresser à personne : « Et dire qu’à la minuit de cette nuit elle dansait, et qu’elle était la plus belle de la fête… »
L’homme au fez ne se retourne pas et dit à voix basse : « Que dites-vous là, monsieur ? À minuit elle était morte. »

[ In Le nom, le nez ]
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Sous les caresses elle semblait docile par moments, et par moments violente, griffante. Elle me laissait découvrir des endroits cachés, explorer l’intimité de son parfum, à condition que je ne soulevasse pas le masque de son visage.
« Pourquoi tant de mystère, enfin ? m’exclamai-je exaspéré. Dites-moi où et quand je pourrai vous revoir, c’est-à-dire : vous voir !
— N’en faites rien, monsieur, répondit-elle. Une menace pèse sur mes jours. Taisez-vous : elle est là ! »
« Je dois suivre cette personne, dit la dame. Oubliez-moi. Quelqu’un exerce sur moi d’abominables pouvoirs. »
Et avant que j’aie pu lui dire : « Faites confiance à mon épée ! » déjà elle s’était éloignée précédant le domino violet qui laissait dans la foule des masques une traînée de tabac oriental. Je ne sais par quelle porte ils parvinrent à disparaître ; je les ai poursuivis inutilement, et inutilement j’ai harcelé de questions les connaisseurs du Tout-Paris.

[ In Le nom, le nez ]
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Des coups. Dans la pierre. Sourds. Rythmés. Comme un signal ! D’où viennent-ils ? Tu reconnais cette cadence. C’est l’appel du prisonnier ! Réponds. Frappe, toi aussi, contre la paroi. Crie. Souviens-toi, le souterrain communique avec les cellules des prisonniers d’État…
Lui ne sais plus qui tu es : libérateur ou geôlier ? Ou plutôt quelqu’un qui s’est perdu sous terre, comme lui, coupé des nouvelles de la bataille là-haut dans la ville dont dépend son sort ?
S’il est en train d’errer hors de sa cellule, c’est bien le signe qu’ils sont venus lui ôter ses chaînes et ouvrir toutes grandes les grilles. Ils lui auront dit : « L’usurpateur est tombé ! Tu vas remonter sur le trône ! Tu reprendras possession du palais ! » Puis quelque chose a dû mal tourner. Une alarme, une contre-attaque des troupes royales, et les libérateurs sont partis en courant à travers les galeries, le laissant seul. Évidemment il s’est perdu. Sous ces voûtes de pierre aucune lumière n’arrive, aucun écho de ce qui se passe là haut.
Vous allez pouvoir vous parler maintenant, vous écouter, reconnaître vos voix. Lui diras-tu qui tu es ? Que tu as reconnu en lui celui que tu as tenu incarcéré pendant tant d’années ? Celui que tu entendais maudire ton nom et jurer de se venger ? Vous êtes à présent tous deux perdus sous terre, et ne savez pas lequel des deux est roi, lequel prisonnier. Il te semble presque que, de toute façon, ça ne change rien : il te semble avoir toujours été enfermé dans ce souterrain, envoyant de là des signaux… Il te semble que ton sort a toujours été en suspens, comme le sien… Un de vous deux restera ici-bas… Et l’autre…
Mais peut-être que lui, ici-bas, s’est toujours senti là-haut, sur le trône, avec la couronne sur la tête et le sceptre en main. Et toi ? Ne t’es-tu pas toujours senti prisonnier ? Comment un dialogue pourrait-il s’établir si chacun d’entre vous, au lieu des mots de l’autre, croit entendre les siens propres, répétés par l’écho ?

[ In Le roi à l'écoute ]
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Ne te fixe pas sur les bruits du palais, si tu ne veux y rester pris comme dans un piège. Sors ! fuis ! prends le large ! Hors du palais s’étend la ville, la capitale du royaume, de ton royaume ! Tu es devenu roi pour posséder non pas ce palais triste et sombre, mais la ville variée, bigarrée, pleine de vacarme, aux mille vois !
La ville est allongée dans la nuit, lovée, elle dort et ronfle, elle rêve et gronde, des taches d’ombre et de lumière se déplacent chaque fois qu’elle se retourne d’un côté ou de l’autre. Chaque matin, les cloches carillonnent en signe de fête, sonnent le tocsin ou battent à toute volée : elles envoient des messages, mais tu ne peux jamais être sûr de ce qu’elles veulent vraiment te dire : avec les son du glas te parvient une musique éclatante de bal, emportée dans un même souffle de vent ; et, avec un carillon joyeux, une bordée de furieux hurlements. C’est le souffle de la ville que tu dois écouter, un souffle qui peut être aussi bien entrecoupé et haletant que serein et profond.

[ In Le roi à l'écoute ]
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Il est possible, et même probable, que chaque bouffée de sons prenne dans ton oreille la forme d’une plainte de prisonnier, d’une malédiction proférée par des victimes, de la respiration haletante des ennemis que tu n’arrives pas à faire mourir…
Tu fais bien d’écouter, de ne pas relâcher un seul instant ton attention, mais sois convaincu de ceci : c’est toi-même que tu es entrain d’écouter, c’est au fond de toi que les fantômes prennent voix. Quelque chose que tu n’arrives pas à te dire à toi-même cherche douloureusement à se faire entendre… Tu n’en es pas convaincu ? Veux-tu une preuve certaine de ce que tous ces bruits viennent de l’intérieur de toi, non de l’extérieur ?
Jamais tu n’auras une preuve absolue. Car il est vrai que les souterrains du palais sont remplis de prisonniers, défenseurs du souverain prisonnier, courtisans suspects d’infidélité, inconnus tombés dans une de ces rafles que ta police fait périodiquement par précaution intimidatrice et qui finissent oubliés dans les cellules de sûreté… Étant donné que tous ces gens n’arrêtent pas, jour et nuit, de secouer leurs chaînes, de frapper à coups de cuillères contre les grilles, de scander des protestations, d’entonner des chants de sédition, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que quelques échos de leur vacarme arrivent jusqu’à toi, bien que tu aies fait insonoriser les murs et les sols, et revêtit cette salle-ci de lourdes tentures. Il n’est pas exclu que ce qui te semblait tout à l’heure l’écho d’une percussion rythmée, et qui est devenu maintenant une espèce de tonnerre bas et sourd, vienne justement des souterrains. Tout palais repose sur des souterrains où quelque vivant est enterré, où quelque mort n’a pas trouvé la paix.

[ In Le roi à l'écoute ]
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Italo Calvino
Il ne suffit pas d’un vicomte complet pour que le monde entier soit complet.
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Italo Calvino
Le docteur Trelawney m’avait beaucoup déçu. Ne pas avoir levé le petit doigt pour que la vieille Sébastienne ne fût pas condamnée à la léproserie – tout en sachant que ses taches n’étaient pas de la lèpre – était signe de lâcheté.
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On faisait la guerre aux Turcs. Le vicomte Médard de Terralba, mon oncle, chevauchait à travers les plaines de Bohême. Il se dirigeait vers le camp des chrétiens. Il était suivi d’un écuyer appelé Kurt. De blancs vols de cigognes traversaient, près de terre, l’air opaque et figé.
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Si tout ce qui est entier pouvait être ainsi pourfendu ! dit mon oncle, couché à plat ventre sur l’écueil et caressant les spasmodiques moitiés de poulpe. Si chacun pouvait sortir de son obtuse, de son ignare intégrité ! J’étais entier, et toutes les choses étaient pour moi naturelles, confuses et stupides comme l’air ; je croyais tout voir et ne voyait que l’écorce. Si jamais tu deviens la moitié de toi-même, et je te le souhaite, enfant, tu comprendras des choses qui dépassent l’intelligence courante des cerveaux entiers.
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La nuit durait vingt secondes, et vingt secondes aussi le GNAC. Pendant vingt secondes, on voyait le ciel bleu traversé de nuages noirs, la faucille dorée de la lune croissante, entourée d'un halo immatériel, impalpable, puis des étoiles dont les multiples points scintillants - plus on les regardait - allaient s'épaississant jusqu'aux nuages de poussière de la Voie lactée. Tout cela vu très vite, très vite: chaque détail sur quoi on s'arrêtait vous faisant perdre quelque chose de l'ensemble, car les vingt secondes finissaient tout de suite, et le GNAC commençait.
Le GNAC était une partie du panneau publicitaire SPAAK-COGNAC qui se trouvait sur le toit d'en face, qui restait allumé vingt secondes et, vingt secondes, éteint. Quand il était allumé on ne voyait rien d'autre. La lune pâlissait brusquement, le ciel devenait uniformément noir et plat, les étoiles ne scintillaient plus, les chats et les chattes qui, depuis dix secondes, miaulaient amoureusement en se frôlant, l'air langoureux, le long des gouttières et au faîte des toits, se blottissaient sur les tuiles, le poil hérissé, dans la fluorescente lumière du néon.
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