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Citations de Jean Echenoz (753)


C'était contrariant mais on ferait avec, et on partit en hâte dans la Volvo de Parisy vers le 16è arrondissement qui, partant de Château-Rouge, est pratiquement à l'autre bout de Paris, l'équivalent de la Nouvelle-Zélande intra-muros.
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(...) il finit par expliquer que ses idées, quelles qu'elles soient, lui semble toujours rester en prison dans son cerveau. (p.104, les Éditions de Minuit)
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Il sait très bien ce qu'il a fait, il n'y a pas de forme à proprement parler, pas de développement ni de modulation, juste du rythme et de l'arrangement. Bref c'est une chose qui s'autodétruit, une partition sans musique, une fabrique orchestrale sans objet, un suicide dont l'arme est le seul élargissement du son. Phrase ressassée, chose sans espoir et dont on ne peut plus rien attendre, voilà au moins, dit-il, un morceau que les orchestres du dimanche n'auront pas le front d'inscrire à leur programme. Mais tout cela n'a pas d'importance, c'est seulement fait pour être dansé. Ce seront la chorégraphie, la lumière et le décor qui feront supporter les redites de cette phrase. Après qu'il a fini, un jour qu'il passe avec son frère près de la fabrique du Vésinet : Tu vois, lui dit Ravel, c'est là, l'usine du Boléro. (p.79, les Éditions de Minuit)
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Allongé, il s'efforce de somnoler un moment mais, comme sa nervosité se bat contre sa faiblesse, ce conflit n'aboutit qu'à amplifier, exaspérer l'une et l'autre jusqu'à produire un malaise tiers, physique et moral et supérieur à la somme de ses composants. (p.25, les Éditions de Minuit)
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Gregor, de toute façon, ne semble plus beaucoup croire à tout cela. Malgré sa petite gloire et son succès mondain, sa succession d'échecs l'amène pour la première fois à ne plus rien vouloir faire, sans amertume ni ressentiment : il n'y a plus qu'à attendre et voir, c'est ça, la vie n'est plus qu'une longue salle d'attente, pas même pourvue de magazines froissés sur une table basse ni de regards furtifs que l'on échange entre patients.
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Arrêtons-nous quelques instants sur le jeune Angus Napier. C'est un garçon de petite taille à l'air apeuré quoique dangereux, sournois bien qu'une innocence parfois égarée dans son regard, naïve et butée comme celle d'un ange, fasse concurrence à cet aspect chafouin et donne l'impression d'un enfant assez fou, capable de torturer quelqu'un à mort tout en le serrant en larmes contre lui, lui vouant son amour et sa vie entre deux séances au fer rouge ...
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Jean Echenoz
Dès lors, Gore-Tex, Lampoule et Victoire dormirent ensemble agglutinés dans leurs vêtements dans des abris de fortune, des chantiers de construction ou de démolition mais aussi sous une bâche, une toile peinte, un film plastique et sans pratiquement jamais rien de sexuel entre eux. On ne savait comment Gore-Tex, quand on commençait d'avoir faim, redécouvrait toujours au fond d'une poche les mêmes trente-cinq francs permettant à Victoire d'accompagner Lampoule chez l'épicier discount.
Ils vécurent ainsi deux ou trois semaines à Toulouse, se déplacèrent dans d'autres villes de la région, puis vint l'été. Puis il advint que, dans le nombre de municipalité, les citoyens moins que les élus se lassèrent de voir des vagabonds, souvent accompagnés d'animaux familiers, investir leurs cités bien peignées, vaguer dans leurs parcs, leurs centres commerciaux, leurs quartiers piétonniers, vendre leurs magazines misérables aux terrasses de leurs si jolies brasseries. Donc nombre de maires conçurent d'ingénieux arrêtés prohibant la mendicité, la station allongée dans les espaces publics, le regroupement de chiens sans muselière ou la vente de journaux à la criée, sous peine d'amende et de mise en fourrière suivie de frais de fourrière. Bref on entreprit d'inciter les gueux à courir se faire pendre ou simplement se pendre ailleurs. D'où la pression chaque jour plus forte exercée sur Victoire et les siens de se replier sur des cités moins importantes ou d'aller battre la campagne.
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Isolée, Victoire rencontrait cependant des difficultés croissantes pour seulement se nourrir. Un jour elle envisagea bien de se prostituer comme elle l'avait projeté quelques semaines plus tôt, mais il était tard à présent : trop mal vêtue, trop malpropre, elle n'était plus assez présentable pour être un tant soit peu désirée. Sans doute nul passant ne se laisserait tenter, seuls peut-être accepteraient ce marché ses semblables qui, justement, n'auraient pas les moyens de payer.
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Jean Echenoz
Arriva le jour où, voyant s'amenuiser dangereusement ses ressources, Victoire dut envisager de bientôt mettre un terme à ses déplacements de village en village à travers la forêt. Elle allait se voir contrainte de s'approcher des villes, plus vastes et peuplées, où se retrouvent les personnes sans domicile fixe qui peuvent y parvenir à survivre moins difficilement. Mais plus tard. Elle resterait à la campagne tant qu'elle le pourrait. Puis arriva encore ceci, dans le miroir d'une pharmacie, qu'elle n'aurait pas cru voir se produire un jour : comme elle n'avait presque plus de vêtements de rechange, ni de produits de maquillage ni quoi que ce fût pour se laver, ni plus aucun argent pour y remédier, son apparence avait commencé de se dégrader. Elle se rapprocha du miroir : bien que n'ayant jamais rien entrepris dans ce sens, toujours différé cette idée, il était clair qu'avec cette tête il était un peu tard pour chercher un emploi ou quelque chose, et le lendemain de ce jour on lui vola naturellement sa bicyclette.
Le bourg qui s'appelle Trensacq inspire confiance et ne laissait rien présager de tel.
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Ce faisant elle se voyait fébrile, s'inquiétait et se moquait de sa fébrilité, poussait irrégulièrement de brefs éclats de rire. L'un après l'autre elle ouvrit les placards, les tiroirs, les nettoyait après les avoir vidés de leur contenu qu'elle remettait en place également nettoyé. Le rez-de-chaussée, d'abord, puis l'étage : sa chambre puis l'autre chambre jusqu'à l'armoire contenant, dans le tiroir du bas, ses balles de golf et son argent liquide sous les draps. Il était alors près de six heures du matin.
Mais une fois les draps retirés, elle resta presque une demi-minute immobile en essayant de comprendre ce qu'elle voyait. Puis elle passa sa main dans le fond du meuble, à plusieurs reprises, comme si cela ne pouvait la convaincre que, si pas une balle ne manquait, en revanche il ne restait plus un seul billet. Tout l'argent s'en était allé.
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Le jeune homme, malgré tout, la vouvoyait toujours, ayant du mal à se mettre au tu. Même quand la nuit, couchés, voluptueusement on roulait à la deuxième personne du singulier, il suffisait d'un rien, pause ou diversion, pour qu'il reprît l'usage du pluriel. Et parmi tous les agréments qu'il procurait, les promenades en voiture avaient aussi du bon. Doué pour la mécanique, entretenant soigneusement une Simca Horizon périmée de couleur beige qui ne présentait ni le charme de l'antique ni le confort du neuf, Gérard fit faire à Victoire quelques tours dans le pays, plages et Pyrénées, allers-retours en Espagne, déjeuners dans les épiceries de montagne égrenées sur le pointillé de la frontière. Ce fut au cours d'un de ces déplacements que la voiture, une fois, fut arrêtée par un contrôle de police routinier : papiers du véhicule. Pendant que Gérard fouillait ses poches, Victoire s'était légèrement tassée sur son siège en regardant droit devant elle, une main crispée sur la poignée de la portière. Puis, comme on les avait laissé repartir, Gérard en se tournant vit que Victoire avait changé de visage, ça n'a pas l'air d'aller ? Rien, dit Victoire, non. Vous faites une tête, insistait Gérard, c'est la police ? Non, répéta Victoire, rien. Il eut un de ses sourires, ils se turent avant de parler d'autre chose deux kilomètres plus tard.
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Après le départ de la propriétaire, demeurée seule devant le pavillon, Victoire le regarda comme si c'était quelqu'un, non sans méfiance, prête à se défendre comme elle se tenait souvent avec les hommes quand même rien ne pouvait la menacer, mais suggérant ainsi qu'on le pût lorsqu'on ne pensait rien de tel. Sans doute ce regard avait-il joué son rôle dans la brièveté des emplois occupés jusqu'ici par Victoire, dans le non-renouvellement de ses contrats à durée déterminée. De fait, ces derniers mois, Victoire n'avait examiné qu'évasivement le marché de l'emploi, cherchant moins qu'attendant une opportunité, comptant moins pour vivre sur ses économies contenues à présent dans son sac que sur Félix qui s'était occupée, jusqu'à la veille, de tout.
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Après qu'on se fut extrait des tunnels, Victoire assourdie s'enferma dans les toilettes pour compter la somme retirée à la banque, ayant soldé la plus grande part de son compte courant. La somme s'élevait en grosses coupures à près de quarante cinq mille francs, soit assez pour tenir quelque temps. Puis elle s'examina dans le miroir : une jeune femme de vingt-six ans mince et nerveuse, d'aspect déterminé, regards vert offensif et sur ses gardes, cheveux noirs coiffés en casque mouvementé. Elle n'eut pas de mal à gommer toute émotion de son visage, faire s'évaporer tout sentiment, cependant elle n'en menait pas large et regagna son fauteuil.
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C’est qu’une des plus ingénieuses ruses des riches consiste à faire croire qu’ils s’ennuient dans leurs quartiers, au point qu’on en viendrait presque à s’apitoyer, les plaindre et compatir à leur fortune comme si c’était un handicap, comme si elle imposait un mode de vie déprimant. Tu parles. On a tout à fait tort.
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Bref il suffit, comme en prison, de compter, de quantifier le temps de tout ce qu’on fait – repas, vidéo, mots croisés ou bandes dessinées – pour tuer l’ennui dans l’œuf. Quoique on puisse également ne rien faire du tout, passer une matinée à lire sur sa couchette en T-shirt et caleçon de la veille, remettant à plus tard de se laver et de s’habiller.
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Son engagement artistique semble s'être ensuite effrangé, cédant la place à une consommation accélérée d'hommes plus ou moins jeunes, tous dotés d'une très brève espérance de lit en attendant de trouver mieux, ce mieux étant un amant à péremption plus tardive qu'elle suivra aux îles Baléares.
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Ne fût-ce qu'à cause de ces deux-là, le pou, le rat, obstinés et précis, organisés, habités d'un seul but comme des mono- syllabes, l'un et l'autre n'ayant d'autre objectif que ronger votre chair ou pomper votre sang, de vous exterminer chacun à sa manière - sans parler de l'ennemi d'en face, différemment guidé par le même but, il y avait souvent de quoi vous donner envie de foutre le camp.
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Le pigeon, pourtant.
Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain.
Jamais émouvant, profondément inaffectif, le pigeon minable et sa voix stupide. Son vol de crécelle. Son regard sourd. Son picotage absurde. Son occiput décérébré qu'agite un navrant va-et-vient. Sa honteuse indécision, sa sexualité désolante. Sa vocation parasitique, son absence d'ambition, son inutilité crasse.
Incomparable au moineau qui détient du charme, au merle qui sait donner de la voix, au corbeau qui n'est pas sans classe, à la pie qui possède un style, pire que le charognard qui a au moins un but dans la vie, aussi sensuel qu'un rat, aussi racé qu'un taon, moins élégant qu'un ver, encore plus con que le catoblépas.
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« les crapauds digéraient à présent, chantant paisiblement en chœur. Pour exécuter leur petit concert, ils se répartissaient en trois sections, les uns reproduisant des piailleries de volatiles, les autres une sirène de police et les troisièmes un émetteur de morse. Chœur frénétique, simultané, sans un instant de répit, le morse et la police à l’octave, le souffle grave du générateur tenant en même temps lieu de basse continue et de diapason. Par-dessus les chorales batraciennes, depuis les branches d’un arbre à pluie, quelque soliste ailé projetait parfois un bref énoncé mélodique en contrepoint, quelques riffs en tierce. » (p.136-137)
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« Derrière le brouillard des conversations, comme au-delà d’une chute d’eau ; l’orgue Hammond déclinait discrètement des sons poisseux, des arguments sinusiteux alternant avec des quintes de toux, des souffles de forge. »
(…) « l’orgue continuait de parler du nez, tartinant des accords en marmelade ou peinant comme une bête de somme. » (pp.112-113)
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