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Citations de Jean Giono (2649)


Il n'avait jamais rien fait d'autre que tout faire pour elle.
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Il est vrai que j'ai une façon bizarre de me servir des choses. Je me sers de ce pavillon comme de fuseaux pour une belle au bois dormant. Peut-être faudrait-il aussi changer l'usage de tout pour être heureux ?
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- Vous êtes si malheureuse que ça ?
- Qui t'a dit que j'étais malheureuse ?
- Vous dites que vous n'aimez personne et que vous n'avez que vous.
- Eh bien! où vois-tu du malheur dans tout ça ?
- Si je n'aimais personne et si j'étais toute seule, moi, je serais malheureuse.
- Tu te prépares une drôle de vieillesse. il vaudrait presque mieux mourir maintenant dans ce cas. Mais tu changeras.
- Je suis sûre que je ne changerai pas.
- Moi aussi j'étais sûre.
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Si ce n'est pas le livre, c'est le journal ; si ce n'est pas le journal, c'est la télévision ; si ce n'est pas la télévision, c'est le cinéma ; si ce n'est pas le cinéma, c'est le théâtre, si ce n'est pas le théâtre, c'est le cri du public : tout ça animé par les mêmes gens, le même esprit et dans le même but ; toute la laideur imaginaire du monde se déverse par tombereaux à mes pieds, à chaque instant et où que je sois. Tout en est sali : le baiser que je donne à ma femme, la main qui caresse la tête de mon fils, mon âme soi-disant immortelle.

[La laideur]
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L'homme ne s'additionne pas. Deux hommes ne sont pas mathématiquement plus forts qu'un seul ; ils n'ont pas deux fois plus d'idées, d'initiative, d'intelligence, d'esprit, d'efficacité, de noblesse, de science. Presque toujours, c'est le contraire. Les bulletins de vote s'additionnent ; c'est où la démocratie déraisonne.

[Chinoiseries]
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Je vous reconnais tous, et je vous revois, et je vous entends. Vous êtes là dans la brume qui s'avance. Vous êtes dans ma terre. Vous avez pris possession du vaste monde. Vous m'entourez. Vous me parlez. Vous êtes le monde et vous êtes moi. Je ne peux pas oublier que vous avez été des hommes vivants et que vous êtes morts, qu'on vous a tués au grand moment où vous cherchiez votre bonheur, et qu'on vous a tués pour rien, qu'on vous a engagés par force et par mensonge dans des actions où votre intérêt n'était pas. Vous dont j'ai connu l'amitié, le rire et la joie, je ne peux pas oublier que les dirigeants de la guerre ne vous considéraient que comme du matériel. Vous dont j'ai vu le sang, vous dont j'ai vu la pourriture, vous qui êtes devenus de la terre, vous qui êtes devenus des billets de banque dans la poche des capitalistes, je ne peux pas oublier la période de votre transformation où l'on vous a hachés pour changer votre chair sereine en or et sang dont le régime avait besoin.
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Mais, quoique souvent pris de court devant nous, dans cette foule qui ne se faisait pas faute de jouer des coudes, ni les uns ni les autres ne bousculaient ma grand-mère. Il faut évidemment penser à la gentillesse générale de cette époque, où presque tout le monde se piquait tant de politesse que la blouse était souvent plus noble que le frac, mais, malgré tout, les frégates avaient le visage arrogant, et plus d’une lèvre molle suçait des restes de vin rouge dans le poil des moustaches, et il y avait de petits yeux mi-clos assez méchants sous les visières, et, en fin de compte, chacun avait autre chose à faire qu’à respecter une redingote en poult. Cependant, ils ont tous fait des écarts, ou des glissades, ou des pas de côté, quitte à bousculer le voisin pour laisser à ma grand-mère, au milieu même de la foule, le petit décimètre de trottoir sur lequel, à chaque pas, elle cherchait vainement une terre qui ne serait jamais plus sous ses pieds. Avaient-ils conscience de la grandeur tragique de cette obstination éperdue ? Certes, non, comment veux-tu, dans un clin d’œil, au passage, qu’ils aient pu comprendre ce que tu as mis si longtemps à comprendre, à peine éclairé par des milliers de détails minuscules pendant des années ? À moins qu’il y ait une sorte d’aura intéressant l’instinct, semblable au halo sentimental qui affole les chevaux un kilomètre à la ronde des hangars d’équarrissage et qui entourait le malheur de ma grand-mère. Ce serait beau de savoir que le désastre dans lequel elle perdit son monde est aussi répugnant que la mort. Mais je crois que, simplement, ceux qui venaient en face de nous, malgré la foule, malgré le soleil d’après-midi, malgré l’excitation de la vie hâtive, égoïste et joyeuse, ne pouvaient pas ne pas voir, devant eux, cette chose si extraordinaire qu’était ma grand-mère, cette absence d’être, cet emplacement de rapt. Et ils s’écartaient à tout hasard, comme un cheval devant une ombre.
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Cette même nuit, vers les deux heures du matin, l’aubergiste de La Croix de Malte à Briançon monta réveiller un maquignon de Monetier qui était à l’auberge pour la foire de Sainte-Marie. Il le fit descendre pieds nus jusqu’à l’étable pour examiner à l’abri des regards indiscrets un cheval noir encore tout frémissant et très triste. Il l’avait acheté, disait-il, il y avait à peine quelques heures, et la bête refusait l’avoine. Le maquignon regarda sous les sabots du cheval, vit le matricule de la cavalerie royale marqué sur les fers et demanda alors fort benoîtement où se trouvait l’uniforme. On le lui sortit d’un coffre à grain. Quand il vit qu’il s’agissait d’un uniforme de colonel, il jura les grands dieux qu’il ne voulait pas entendre parler de cette histoire-là. Il y avait sûrement là-dessous quelque chose qui allait faire du bruit. D’ailleurs, à son avis, la bête était si belle et si tendre qu’elle allait sûrement se laisser mourir de chagrin maintenant qu’elle était séparée de son maître. Finalement, il fit la bonne manière de vouloir bien se charger des risques en achetant le cheval pour trois écus, mais après qu’on lui eut assuré que le colonel, nanti d’un vieux costume de terrassier en velours blanc, était depuis longtemps sorti de la ville par la porte d’Embrun.
Angelo était en effet sorti très rapidement des murs de la forteresse. Pour éviter les patrouilles, il se tint à bonne distance de la route et marcha à travers les oseraies et les bois d’aulnes au bord de la Durance. Il éprouvait un grand plaisir physique à se trouver dans un costume trop large pour lui. Le velours des manches un peu longues frottait le dos de sa main et le rappelait à chaque instant à jouer ce jeu d’audace et de domination de l’ombre si cher aux cœurs italiens. Il traitait les forêts de sapins et les chaumières que lui montrait la lune avec une suave duplicité. Il avait gardé un très beau poignard qui pesait dans la contre-poche de sa veste. Il était dans un état d’exaltation extrême. « Je suis au pays natal de la liberté », se disait-il. Il vit l’aube rouer comme un paon au-dessus des montagnes.
Il marcha tout le jour sans se permettre de faire halte ou de demander à manger, quoiqu’il croisât dans les sentiers, aux abords des villages et des fermes, de jeunes paysannes qui le regardaient avec sympathie. Sans qu’il s’en doutât, ses yeux avaient les feux de l’amour le plus vif. « Voltaire et Montesquieu, se disait-il, se respirent ici comme l’air même. Le plus pauvre contadin de Montezemollo joue sa vie et le pain de sa femme et de ses enfants contre le petit espion noir qui se promène en soutane à travers ses champs. Cette servitude absolue rend peut-être nos paysans plus subtils que ceux-ci, mais quand je les rencontre au coin de quelque haie, ils me détruisent le sublime. Et s’il n’est pas possible de croire des âmes nobles aux hommes les plus simples, comment pourrais-je conserver ma propre noblesse et avoir du goût à vivre ? »
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Mais tout tyran mérite son libelle et le voici. Il doit réparer la longue étourderie des intellectuels, à l'heure où les pistes d'athlétisme comptent plus dans la réputation d'une université que ses amphithéâtres ; où le moindre philosophe met tout son orgueil à rappeler son classement au tennis si ce n'est l'ancienneté de sa vocation de gardien de but amateur. Le lecteur de cet ouvrage à ne pas lire en survêtement peut être sûr d'une chose, je n'ai jamais frayé de près ou de loin avec le despote que je me propose de dénoncer. Chaque jour, je reprends la devise d'un nonagénaire ventru et alcoolique qui expliquait son insolente longévité en crachant le grisou de son cigare : «Jamais de sport.»
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Voilà ce qui se passe: quarante mille personnes s'assoient sur les gradins d'un stade et vingt-deux types tapent du pied dans un ballon. Ajoutons suivant les régions un demi-million de gens qui jouent au concours de pronostics ou au totocalcio1, et vous avez ce qu'on appelle le sport. C'est un spectacle, un jeu, une combine; on dit aussi une profession: il y a les professionnels et les amateurs. Professionnels et amateurs ne sont jamais que vingt-deux ou vingt-six au maximum; les sportifs qui sont assis sur les gradins, avec des saucissons, des cannettes de bière, des banderoles, des porte-voix et des nerfs sont quarante, cinquante ou cent mille; on rêve de stades d'un million de places dans des pays où il manque cent mille lits dans les hôpitaux, et vous pouvez parier à coup sûr que le stade finira par être construit et que les malades continueront à ne pas être soignés comme il faut par manque de place. Le sport est sacré; or c'est la plus belle escroquerie des temps modernes.
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le chemin que suivait le cheval d'Angélo frappa de la tête contre un de ces rochers en forme de voile latine, et il se mit à l'enlacer en direction d'un village dissimulé dans les pierres comme un nid de guêpes.
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Il y a environ une quarantaine d'année, je faisais une longue course à pied, sur des hauteurs absolument inconnues des touristes, dans cette très vieille région des Alpes qui pénètre en Provence.
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Homme plus libre que la liberté des fumées, si seulement tu comprenais ta grande liberté.
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Tout était chargé. L'air lui-même. Au lieu des bourrasques sèches et brutales qui m'accueillaient jadis, soufflait une brise souple chargée d'odeurs. Un bruit semblable à celui de l'eau venait des hauteurs : c'était celui du vent dans les forêts.
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Une autre source de gaieté est que ces montagnes ne vous forcent jamais à l'exploit (où il faut s'alambiquer). Elles ne vous proposent que du bon sens. Si vous valez quelque chose, ici personne ne le saura mais le pays vous affirme que vous pouvez être heureux fort simplement. Je suis, en fin de compte, au moment où cette affirmation rassure. Le complexe d'Icare, c'est bien beau mais, même après un atterrissage parfait, on n'a pas prouvé grand-chose. Curieux comme on veut toujours pousser l'aventure humaine dans des chemins numérotés de mètre en mètre où chaque pas peut être ainsi porté à un crédit. Alors que dans la malédiction : « Tu feras ton chemin sur ton ventre et tu mangeras de la terre», il y a des ressources illimitées. À mon avis, il faut plus de courage (et du plus beau) pour être maçon pendant cinquante ans que pour organiser et parfaire une expédition à l'Himalaya. Et du courage plus probant. Il n'est pas question de jeunesse ou de vieillesse dans le fait de choisir l'une ou l'autre de ces formes de courage, mais de conformation de la tête. Les hommes qui ont de tout temps habité les petits caps occidentaux de l'Europe ont la tête conformée de façon à être heureux sans délires et sans prophètes.
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Le vent éparpille le bruit des clochettes comme des gouttes d’eau. Le côté gauche du bois est comme d’un coup tout effondré et c’est un val. Un chemin ouvre sa bouche au ras de la route. Il a dû ramper à travers bois et monter, et s’enlacer pour venir jusque-là. Il est mort. Il est tout vert d’herbe. On le voit immobile, allongé sous les chênes. Les feuilles se collent sur lui, les herbes poussent à travers lui comme à travers un serpent mort. (p. 9)
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Oui: pour s'engager sur dix mètres d'une eau qui a à peine un mètre cinquante de profondeur, on est joué dans les hasards. On sent qu'on est sur une matière qui ne porte que par artifice ; ce n'est plus le pavé qui n'engoutit rien, sauf intervention du diable (et c'est très rare). Si l'on ne comprend pas ce que je dis, il faut observer les petits amoureux de Venise quand ils se séparent après le rendez-vous du soir. Je veux parler de l'ouvrier plombier, du manœuvre maçon ou du petit télégraphiste. C'est Paul et Virginie. C'est la mort dans l'âme. L'un est dans le bateau, l'autre est resté sur l'estacade. On peut vraiment parler de consternation peinte sur le visage. On ne sent jamais cette fin de tout à Paris ou à Londres, nulle part sur terre ferme où l'on ne sait qu'à défaut de moyens mécaniques, on aurait toujours, en dernier ressort, la ressource de courir pour rejoindre celle qu'on aime. Ici, il y a, tout le long du jour, cent petites séparations définitives de cette sorte. C'est une source de mélancolie pour tout le monde. Comme on craint le ridicule, on l'attribue à l'air des lagunes.
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Ce qui m'ennuie quand je parle d'un tableau, c'est qu'il m'est impossible d'exprimer la couleur. C'est cependant l'essentiel. J'ai beau dire rouge, vert, bleu, jaune, ces mots ne font rien voir. J'ai remarqué que les habiles font alors intervenir des métaphores. Cela fait croire à tout le monde qu'on a réussi. Mais qui peut affirmer qu'il a vu un tableau quand on le lui a décrit avec des mots ? Le décrire avec des sentiments (ce qui, au premier abord, paraît mieux) ne sert finalement qu'à brouiller les cartes. C'est que, pour exprimer, il faut un alphabet commun. La Madone de Stephano me fait penser aux prairies du mont Viso en pleine floraison de juillet (me donne une joie semblable). Mais qui est arrivé exactement à la même heure que moi, dans la même lumière que moi, dans le même état d'esprit que moi, dans le même angle de vision que moi aux prairies du Viso, le 6 juillet 1915 ? Il y faudrait aussi avoir vingt ans, être soldat au 159e régiment d'infanterie alpine, dans une compagnie qui a un bon sergent, faire grand-halte avec une faim de loup, entamer un casse-croûte de sardines à l'huile, aimer les sardines à l'huile, sentir qu'on a toute une bonne heure pour reposer ses pieds et savoir qu'on a encore tout un bon mois avant de partir pour la guerre. Je ne parle pas de la lettre de la maison que j'avais reçue la veille, et du mandat qu'elle contenait. J'avais aussi un très bon copain près de moi. Enfin, il était dix heures juste. (À dix heures et demie, c'était déjà différent à cause du vin de mon bidon qui avait tourné pendant la marche.)
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L'établissement, sur la terrasse duquel nous avons passé la soirée précédente, a une fort jolie machine à faire le café. La mécanicienne est une jeune femme charmante. Elle me dit que le boulanger n'a pas encore livré les croissants. Il faut qu'Il signor Cavalliere attende un petit moment. Je suis très honoré du titre qu'elle me donne.
Une autre jeune femme qui est derrière un inventaire de corbeillons à pâtisserie vient la rejoindre et, pour me faire passer le temps, elles font un peu de coquetterie. Je les félicite de leur magnifique percolateur. Aussitôt, elles le font jouer pour moi. C'est un tel concert de sifflements, de hoquets et de jets de vapeur que nous prenons peur tous les trois. Le garçon qui répandait la sciure vient et rétablit l'ordre, ou, plus exactement, donne au désordre un sens plus profond. Il m'explique que cet ustensile n'est pas spécialement destiné à distribuer des jets de vapeur et que, convenablement manié, il est capable de produire sept ou huit sortes de café. Il me laisse entendre qu'il est, lui, en particulier, expert en la matière. Là-dessus, les deux jeunes femmes le prennent à partie et me font juge. Nous décidons de mettre ce garçon au pied du mur. C'est un endroit où il va volontiers. On aligne quatre tasses sur le comptoir car, de tout évidence, nous sommes quatre copains engagés dans une affaire qui ne porte pas à rigoler. Après une première manipulation, et qui me semble à moi fort habile, nous avons une rasade. Le garçon me demande ce que j'en pense. C'est de l'excellent café. Tourné vers les dames, il triomphe. De l'excellent café ! disent-elles. Et après. Tout le monde sait qu'on fait ici le meilleur café de Brescia. Qu'à cela ne tienne, voici une deuxième manipulation. Celle-là, j'avoue qu'elle me laisse un tantinet pantois. Il faut à la fois soulever un couvercle, abaisser un levier, tourner une roue, fermer un robinet et donner un fort coup de poing sur une pédale. La machine rue comme un cheval de rodéo. Les jeunes femmes s'écartent. Le garçon les rassure avec un bon sourire et, d'une voix de capitaine courageux, il leur dit d'approcher les tasses. Nous avons une deuxième rasade. C'est de l'excellent café. Non, non, non; on me fait remarquer le léger cerne doré qui reste sur la tasse. Suit une conversation animée en termes techniques où j'ai un rôle muet. Les jeunes dames ont l'air complètement subjuguées. Le garçon a ce triomphe modeste si insupportable à celui qui ne triomphe pas.
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A mesure que les châteaux de nuages s'éloignaient l'un de l'autre découvrant de plus en plus du ciel, l'azur vira au bleu de gentiane et tout un ostensoir de rayons de soleil se mit à rouer à la pointe extrême des nuées.
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