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Critiques de Jean-Philippe Toussaint (578)
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L'échiquier

Coincé dans son appartement bruxellois par le confinement consécutif à la pandémie de mars 2020, Jean-Philippe Toussaint organise ses échappatoires. Ses après-midis seront consacrés à la traduction de la nouvelle de Zweig, Le Joueur d’échecs, dont le protagoniste Monsieur B., assigné à résidence par la Gestapo, ne tient le coup que parce qu’il a réussi à subtiliser un ouvrage consacré au jeu d’échecs. Et puisque, lui aussi, comparant ce jeu à la vie, y voit une façon rassurante d’approcher le monde, le matin il écrira son prochain livre, L’Echiquier. Un programme qui devrait d’autant plus lui convenir en cette période déstabilisante qu’il se fait cette réflexion : « Qu’importe ce que je recherche à travers l’écriture, qu’importe, finalement, ce que les livres racontent, l’écriture est cet abri mental dans lequel je me réfugie pour résister au monde. Le livre, pendant que je l’écris, devient un sanctuaire, un lieu clos où je suis protégé des offenses du monde extérieur. »





Dès lors, structurant son texte en soixante-quatre fragments pour arpenter la géographie de sa mémoire, non pas de manière linéaire mais par bonds et gambades à la manière du cavalier dont la polygraphie ne lui permet pas moins de parcourir toutes les cases de l’échiquier sans jamais repasser par la même, l’écrivain s'observe, à mesure que, de souvenirs en souvenirs, il commente la genèse de ce premier ouvrage autobiographique, entreprendre « un parcours vers les origines », une plongée à la rencontre de son « continent englouti », là où sous la surface du visible gît « quelque chose de noué », un « nœud secret qu’il s’agit d’élucider ». Et ce qu’il met au jour, en une sorte de dédoublement qui lui fait assembler des éclats de son enfance, de son adolescence et de sa vie avec Madeleine en un tout romanesque – souvenons-nous que Monsieur B., à force de jouer dans sa cellule, mentalement et contre lui-même, les parties proposées dans son livre, s’est lui aussi dédoublé au point de se retrouver au bord de la schizophrénie –, ce qu’il découvre, avec beaucoup d'émotion, qui explique ni plus ni moins que sa vocation d’écrivain en même temps que son goût pour le jeu d’échecs, c’est sa relation à son père.





Maniant ainsi, comme Nabokov qu’il analyse avec admiration, la virtuosité de la ligne – c’est-à-dire de la construction d’ensemble du roman : « C’est très technique, et cela demande beaucoup de préparation. Cela me fait penser à certains coups d’échecs, apparemment anodins ou innocents, qui préparent en réalité une subtile combinaison à long terme » – et la virtuosité du détail – « c’est quand Nabokov, délaissant les grands desseins de la composition, s’empare d’un pinceau très fin et intensifie un contour, accentue un cil. C’est la souplesse, c’est la ductilité de son trait de plume, c’est la précision de sa touche, pour souligner un détail, faire vivre un reflet de lumière sur le velouté d’une épaule, chatoyer une couleur, briller un rayon de soleil sur le pare-brise d’une voiture ou dans les lunettes d’un personnage, dans lequel on aperçoit soudain, en reflet, avec un frisson d’incrédulité, la tête chauve de l’auteur – qui vous fait un clin d’œil » –, il réussit, par petites touches servant, au millimètre près, un dessein d’ensemble savamment calculé, encore une fois dans le droit fil de la métaphore du jeu d’échecs, un livre assurément brillant, original dans sa construction, drôle et émouvant dans l’intimité de ses questionnements existentiels, d’une grande beauté enfin quand il évoque sa relation à son père. Un père qui, très symboliquement, refuse soudain de se mesurer à lui lorsque le fils se retrouve assez fort pour le battre aux échecs, mais qui, effaçant toute rivalité, l’encourage à devenir écrivain comme lui.





Entre journal de confinement et exercice autobiographique, un récit aussi brillant que singulier qui, filant la métaphore du jeu d’échecs, déroule, en même temps que la bobine de vie de l’auteur, son rapport à l’écriture et, à travers elle, à la vie et à la mort. Aujourd’hui plus que jamais, si Jean-Philippe Toussaint a la passion des échecs et de la littérature, c’est parce qu’ils lui offrent « une protection intellectuelle inégalable contre les menaces du monde extérieur. »


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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L'instant précis où Monet entre dans l'atelier

Les Nymphéas… Bleu aquatique, bleu transparent, bleu ciel renversé. Reflets et ondes, brumes, buées faites toile, les bleus azurs mêlés de vert, vert des saules pleureurs, vert d'orage et de menthe, frissonnant de grains poivrés, flottent aux côtés des bleus profonds mêlés de rose-thé, fleurs aux racines noyées, symbiose mauve ponctuée de ci de là de touches de blanc, et de quelques gerbes éclatantes de jaunes venus pimenter et réchauffer des couleurs aux tonalités plutôt froides. Reflets luxuriants de papier peint suranné.

Un panorama apaisant peint durant la Première Guerre Mondiale, havre de paix et refuge pour Monet pour ne plus penser aux horreurs du moment. Un panorama qui semble contenir en filigrane « la substance même, éphémère et palpitante, de la vie », du peintre même, comme dissous dans son oeuvre.





Jean-Philippe Toussaint propose un tout petit récit, si petit hélas, pour parler de ce moment devenu rituel au fil des années, ce moment précis où Monet entre dans son atelier lorsque, à la fin de sa vie, il peint des années durant Les Nymphéas. C'est ainsi qu'au début de ce texte, au moment précis où il entre dans son atelier la guerre fait rage, l'atelier devenant refuge le coupant du monde, condition même de son art mais aussi fuite loin de la tristesse du monde. Puis le moment précis où Monet entre dans son atelier est le moment de l'Armistice et Monet souhaite offrir son tableau à l'Etat comme symbole de paix, par l'intermédiaire de Clémenceau. La peinture doit alors être parfaite. le moment où Monet entre dans son atelier les dernières années de sa vie, sera ensuite cette d'un impossible achèvement. « Ce sera l'éternelle toile de Pénélope qu'il tissera et détissera jusqu'à son dernier souffle ».





La recherche de la perfection, même lorsqu'il perdra presque la vue, fait dire à Toussaint : « Ce que Proust avait fait avec des mots, en transformant ses sensations et son observations du monde en un corpus immatériel de caractères d'imprimerie, Monet le fera avec des couleurs et des pinceaux ».





L'écriture est certes belle, le projet est original, mais que c'est court ! Impossible d'éprouver de l'empathie, impossible de ressentir, de voir avec le regard du peintre comme avait réussi à le faire avec talent Alain Yvars avec Van Gogh dans "Que les blés sont beaux : l'ultime voyage de Vincent Van Gogh". Je suis restée totalement sur ma faim après ces dix minutes de lecture. C'est bien dommage et frustrant, Les Nymphéas font partie de mes tableaux préférés.

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L'instant précis où Monet entre dans l'atelier

J'ai aimé lire ces lignes de Jean-Philippe Toussaint. Il nous raconte quelques instants de la vie de Monet, ces instants dans son atelier, pas seulement ceux où il y entre, mais surtout ceux où il peint les Nymphéas.

Les Nymphéas, qui ne connait cette célèbre toile de Monet, que le peintre a mis des années à peindre sans jamais la déclarer terminée.

Monet est à la fine de sa vie, l'atelier est son refuge et grâce aux mots de l'auteur nous l'imaginons parfaitement le pinceau à la main, perpétuel insatisfait. Il vieillit, et achever cette toile serait accepter sa mort prochaine.



Un texte sobre dont chaque paragraphe aborde une facette de la fin de la vie de Monet, sa peinture, sa vue qui baisse, son opération, le don qu'il fait à la France, ses hésitations sur la disposition des oeuvres.

Mais justement, et c'est là que je suis restée sur ma faim, un paragraphe c'est court, trop court. J'aurais aimé vivre un peu plus de ces instants, partager plus en détail ces instants de vie.

Un texte très riche, foisonnant, mais trop court à mon avis.
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L'échiquier

* ZUGZWANG mot compte triple *



Et me voilà bien obligée de jouer, de mettre à la disposition de vos mirettes mon humble critique de ce bouquin.

Pourtant ce n'est pas facile !

Tel le Mogadon (mais sans accoutumance), l'échiquier a sur moi un effet soporifique bienfaisant et bénéfique.

* Fini la vie de Panda, grâce à l'échiquier, vous ne serez plus cernés !*



Jean-Philippe Toussaint nous livre sa vie en 64 cases. Il fallait bien trouver quelque chose à faire pendant le confinement. Partant de là, ca peut être bien ! Le bonhomme écrit bien... j'ai de lointains souvenirs de Fuir qui n'était pas trop mal.



Et que nous raconte l'auteur ?



Je vous livre ça en vrac :

- Son écriture et ses livres, ses difficultés de traduire Zweig

- Sa rencontre avec Madame

- La mise en scène de sa pièce Echecs

- ses souvenirs de parties d'échecs

- ses amis d'enfance

- ses simultanées

- ses amis disparus

- maman, papa,...



Le problème, Jean-Phi, il a oublié de roquer !

Et de là, on a l'impression qu'il ne maitrise plus son autobiographie et qu'il y a trop de cases sur son échiquier. J'aurais préféré un blitz ou un 50 coups.

Rien grand chose n'a éveillé mon intérêt, le zygomatique n'a nullement frémi, l'oeil n'a pas frisé.



Une chose est certaine, il ne m'a pas damé le pion !









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L'échiquier

Jouer avec la vie

ou

vivre pour jouer ?



Vivre. Apprendre à vivre. C’est un peu comme prendre le train en marche. On n’a pas le choix : il n’y a ni cours ni mode d’emploi. Désolé, Georges.



C’est brutal. Alors, l’on ressent le besoin de se protéger, peut-être en intercalant quelque chose entre soi et les faits nus. Un sens, quelque chose qui donnerait, qui ferait sens. Ou au moins, qui reformulerait les données, qui procurerait l’illusion du contrôle que l’on souhaiterait avoir. Peut-être même, quelque chose qui permettrait de vivre ailleurs…



Si la vie est affaire tellement sérieuse, pourquoi ne pas choisir un jeu ? Un jeu dont la complexité serait telle qu’on pourrait s’y perdre ? Et qui conférerait aux joueurs une maîtrise quasi totale : connaissance parfaite des règles, par ailleurs fixes, des buts, des moyens et du territoire. Est-ce pour cela que, jeune, Jean-Philippe Toussaint a été séduit par le jeu d’échecs? Un jeu qui, avec ses dix à la puissance cent vingt parties possibles, avoisine la complexité de la vie humaine, mais où l'on peut choisir où et quand jouer.



Mais même le grand maître ne crée pas le jeu d’échecs. Il le joue, il domine peut-être ses adversaires, mais il subit autant qu’eux les règles et le chronomètre. Tandis qu’il est des activités où le joueur peut créer le jeu même. Par exemple en littérature. Est-il étonnant que Jean-Philippe soit devenu écrivain ?



Mais la vie peut, tout à coup, contourner les meilleures défenses. Un virus, le confinement, mettent à plat la vie professionnelle de l’auteur. Qui, dès lors, redéploie ses armes pour faire face. Pour occuper le vide laissé par les conférences que l’on ne donnera pas, les voyages qu’on ne fera pas, les rencontres qu’on n’aura pas, il décide d’écrire. Traduire une nouvelle de Zweig faisant une large part au jeu d’échecs - voilà qui est indiqué ! Et puisque l’écriture et le jeu sont des vies symboliques, des manières de négocier la vie, bien réelle, pourquoi pas un ouvrage autobiographique ? Un ouvrage où l’on essayerait de démêler les faits, les écrits, les jeux, qui ont structuré cette vie au point d’en former le tissu, la substance ?



C’est ce livre que je vous propose de lire.



Ah, j'oubliais. L'auteur est un grand anxieux. Il n'arrête pas de se rassurer en nous expliquant ses mérites littéraires. Allons, Jean-Philippe, respirez bien à fond, comptez jusqu'à dix, dites vous bien qu'on vous aime. Ca va mieux ? Bon, alors continuons. Mais avec quatre étoiles au lieu de cinq. A force de carillonnades vous vous faites sonner les cloches.

















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C'est vous l'écrivain

J’ai toujours apprécié les romans de Jean Philippe Toussaint et je me suis plongée avec délice dans son essai qui révèle les coulisses de la création littéraire.

Jean Philippe Toussaint nous parle en toute sincérité de son travail d’écrivain et des exigences de l’écritures et c’est comme s’il nous ouvrait les coulisses de son propre théâtre intime, nous laissant approcher les décors, toucher les accessoires.

A propos de coulisses, il dit précisément : « Je me demande d’ailleurs si je n’ai pas toujours été davantage fasciné par le processus de création que par l’œuvre produite ».

L’auteur est un véritable personnage, quelqu‘un qui laisse son quotidien de côté pour se consacrer à l’écriture qui devient un voyage en solitaire.

« Je suis le narrateur de mes livres. Ou, pour le dire différemment, le narrateur de mes livres n’est pas la personne privée que je suis »

L’auteur de « La vérité sur Marie » roman couronné du prix Médicis et du prix Décembre, avoue en toute sincérité ses manies et ses rituels d’écriture.

« Rituels : Pendant les périodes d’écriture, je suis très organisé. Je me couche tôt, je ne sors pas, je ne bois pas d’alcool. D’une certaine façon, cela s’apparente à la préparation d’un sportif, la veille est déjà une préparation du lendemain. »

La relecture fait aussi partie de ses fondamentaux, et l’on voit que le travail d’écrivain s’apparent au travail d’un artisan qui fabrique des pièces uniques.

« Je me relis plus que je n’écris. C’est d’ailleurs ça, écrire, c’est le fondement même de l’écriture, se relire, se reprendre, raturer. Il ne peut y avoir d’écriture littéraire sans relecture. »

Il y a aussi tout un chapitre passionnant sur la ponctuation, et l’on découvre à quel point l’auteur est exigent envers le point ou la virgule qui ont leur importance dans la structuration du texte.



Au détour des pages, on apprend l’amitié sincère qui lie l’auteur à son éditeur, Jérôme Lindon, le premier à l’avoir édité aux éditions de Minuit. Il s’agissait de « La salle de bain » et depuis, Jean Philippe Toussaint est resté fidèle à son éditeur et ami.



J’ai beaucoup aimé découvrir la genèse de certains romans que j’ai aimés et les anecdotes qui ponctuent leur écriture.

Un essai sans prétention et passionnant que je conseille vivement à tous les fans de Jean Philippe Toussaint, et je pense qu’ils sont légion

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Autoportrait (à l'étranger) : Précédé de Le Mans

Le titre le dit bien, la douzaine de textes qui composent ce livre ne sont pas des récits de voyages. du Japon, du Vietnam, de Berlin, Prague ou du Cap Corse, on ne saura rien, sauf que l'auteur s'y est rendu, au prétexte d'un colloque ou en touriste. Un brin égocentrique, il se contente de se raconter, de livrer un peu de lui à l'occasion d'anecdotes plus ou moins banales ou extravagantes, allant d'une victoire à un tournoi de pétanque local à une érection soudaine sur la route de Sousse, en passant par une soirée dans une boîte de strip-tease japonaise qu'il trouve écoeurante, et par une joute acharnée avec une charcutière berlinoise peu accommodante.

Question contenu, l'intérêt de ces anecdotes m'a échappé. Au niveau du style, c'est un peu plus fourni : longues phrases sinueuses, foule de détails, quelques traits d'humour. Mais globalement cela tombe un peu à plat, et ne m'a paru ni assez consistant, ni très captivant.
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Faire l'amour

«  Combien de fois avons- nous fait l’amour ensemble pour la dernière fois?

Je ne sais pas, souvent » ..

«  Qu’avais - je à faire ces jours- ci à Tokyo ? Rien. Rompre. Mais rompre , je commençais à m’en rendre compte , c’était plutôt un état qu’une action, un deuil , qu’une agonie » .

Deux extraits de ce récit qui dessine à merveille le miracle d’aimer mais aussi le vertige douloureux , précaire , la violence sensuelle d’une rupture .



J’ai été bluffée par la magie de ce texte court , son écriture, tout en sensualité, pudeur et retenue littéraire : la déchirure d’un couple semblable à une explosion de matière , une jouissance agressive , délétère , incandescente et solitaire , comme une longue brûlure tragique qui consacrerait le feu de la rupture , une recherche de plaisir purement onaniste , une larme , qui se dissiperait sur la joue , celle de Marie , belle jeune femme , couverte d’honneurs, de rendez- vous de travail dans la mode, entourée comme jamais d’une cour de collaborateurs , d’hôtes et d’assistants qui a demandé au narrateur d’être son accompagnateur ,lors de son voyage au Japon , son escorte , son cortège …..



Pour brûler leurs dernières réserves amoureuses dans ce périple? .



C’est l’histoire d’un amour qui s’épuise, , un baiser que le narrateur peut donner mais ne donne pas, l’envie d’être seul quand on est ensemble et l’envie d’être deux quand on est séparé …



L’auteur saisit avec une grande maîtrise la complexité des relations amoureuses , conte avec douceur , dans une ambiance presque surréaliste, fascinante , la rupture d’un couple en quelques jours, dans une ville étrangère , à la culture étrangère : Tokyo .



Il analyse le comportement de deux personnages sensibles , l’un , le narrateur , dans une piscine au sommet d’un hôtel comme égaré dans le ciel de Tokyo , l’autre l’équilibre précaire de la pensée confrontée aux frivolité de la mode pour Marie …..



L’atmosphère est silencieuse , parfois incandescente, lourde, pétrie d’hésitations et d’observations : douloureuse prise de conscience, savante étude psychologique portée par un style rythmé , élégant , fluide … .



C’est triste , émouvant , bouleversant , romanesque , un amour n’est plus , n’oublions pas le flacon d’acide chlorhydrique qui ajoute un piment énigmatique à la narration .





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Nue

Bien que n'ayant pas lu les trois premiers volets de cette série consacrée à Marie Madeleine Marguerite de Montalte (tout simplement appelée Marie tout au long du roman) et ne me plongeant que dans le quatrième et dernier "Nue", je me suis rapidement familiarisée avec les personnages et n'ai eu aucun problème à m'enfouir dans l'histoire et ce, dès le départ.

Je ne vous cache pas qu'il me manques certainement quelques éléments (que je devine, voire même que j'imagine mais cela n'a aucune importance pour se laisser bercer pas l'écriture de Jean-Philippe Toussaint ; je dirais même que cela a éveillé ma curiosité et que j'espère bien lire les livres qui ont précédé celui-ci.



Ici, l'on se retrouve tout d'abord en plein milieu d'un défilé de mode que la créatrice de mode, que nous appellerons tout simplement Marie pour simplifier les choses (tout comme l'auteur le fait-lui-même d'ailleurs) a planifié, à ce qu'elle croyait être au mieux. Cette fois-ci, elle a visé haut en réalisant une robe époustouflante entièrement réalisée en miel et la mannequin qui doit la porter doit simplement défiler sur scène en étant suivi par un essaim d'abeilles. Puisque toutes les dispositions nécessaires ont été prises, pourquoi s'inquiéter me direz-vous ? Parce que il y a toujours un Mais, voilà pourquoi...Les animaux, tout comme les hommes, peuvent bien souvent se montrer imprévisibles !

L'histoire, vu à travers les yeux du narrateur, qui n'est autre que l'ancien compagnon de Marie qui, il va sans dire, l'aime toujours (sans cela il n'y aurait pas d'histoire, enfin pas comme celle-là, entendons-nous bien) est une pure merveille tant les mots qu'emploie l'ancien amant pour décrire la beauté de Marie et ce qu'il ressent pour elle sont justes et envoûtants. De cette scène de défilé, la narrateur nous entraîne au Japon (où on eu lieu les premières rencontres avec des apiculteurs professionnels, chargés de veiller à ce que le défilé se passe bien), puis à Paris où les protagonistes ont d'abord vécu ensemble puis chacun dans leur appartement suite à leur séparation et enfin sur l'île d'Elbe, à la Rivercina. Dans ce village où Marie est propriétaire de l'ancienne maison de son père maintenant décédé, elle et le narrateur se sont aimés, y ont passé deux semaines de vacances en tant qu"amis", puis y sont enfin revenus pour assister à un tragique événement, celui de l'enterrement de Maurizio, le voisin et gardien de la maison de son défunt père.



Je ne vous en dit pas plus en ce qui concerne l'intrigue sinon cela reviendrait à tout vous dévoiler mais sachez que même dans un ouvrage comme celui-ci, relativement court, il peut se passer bien d'autres choses encore.

J'ai parfois été gênée par des phrases que je trouvais trop longues à mon goût mais, au final, celles-ci sont tellement belles, que le lecteur ne s'en rend même plus compte. A découvrir !
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L'instant précis où Monet entre dans l'atelier

Tout est dit dans le titre : Jean-Philippe Toussaint veut saisir cet « instant précis où Monet entre dans son atelier » lorsque, à la fin de sa vie, avec la Première Guerre mondiale en arrière-fond, il est en pleine création des Nymphéas. ● le texte est aussi bref que les tableaux qu'il raconte sont amples. Je ne serais pas aussi élogieux que les autres lecteurs Babelio. Certes, Jean-Philippe Toussaint parvient à nous faire saisir l'insatisfaction du peintre face à l'imperfection de son oeuvre, qui a partie liée avec la mort, car à son âge déclarer cette oeuvre achevée c'est se déclarer prêt à mourir, mais il me semble que ce texte aurait pu prendre place dans un récit plus long racontant la vieillesse de Monet ou encore dans un recueil. ● « Depuis des mois, depuis des années, Monet met toute son énergie, non pas à terminer les Nymphéas, mais à poursuivre leur inachèvement, à le polir, à le parfaire. […] Car finir les Nymphéas, c'est accepter la mort, c'est consentir à disparaître. » ● Si le style de Jean-Philippe Toussaint a des qualités de clarté et de précision, je ne peux pas dire que j'ai été ému par ce texte qui se lit en dix minutes. Je n'y ai vu aucun « miracle ». Mieux vaut contempler les tableaux de Monet.
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La vérité sur Marie

J'ai récemment rencontré Chaïtane avec Kessel, et je viens de faire connaissance avec Zahir. Oh pas longtemps, mais quelle intensité dans cette rencontre. Jean-Philippe Toussaint possède décidemment une écriture qui me plonge dans l'histoire, dans les pensées et les souffrances, des hommes et celles de cet animal. C'était perturbant d'ailleurs ce mélange de fureur, de force et d'animalité présente dans une soute d'un avion, oiseau de fer, soute emplie de containers métalliques. Le froid et le chaud. Le narrateur, présent sans y être, peut ainsi, comme par magie, dans un nuage d'irréalité, tel cet étalon vomissant, vivre, ressentir, ce qu'il imagine ou reconstitue à la lumière d'un mot de Marie, d'un geste d'elle, d'une valise ouverte débordant de linges, les tissus de Marie. Fidèle à elle-même, elle ne referme rien, pas plus un livre, qu'un dentifrice ou un amour. C'est lui qu'elle contactera -avant pendant ou après les pompiers ?- quand un drame arrive. Et il voyage, elle aussi, Italie, France, Japon.. Ils voyagent séparément, ensemble et séparément aussi. Il souffre ? Elle souffre ? Ca dépend. Mais quand l'escalator, rivière de métal, lui prend Marie, le Styx est franchi.

"Je savais la vérité sur Marie."
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L'instant précis où Monet entre dans l'atelier

Choisi le 27 mai 2022- Librairie Périple 2- Boulogne-Billancourt



Une lecture- météorite, 30 pages intenses, au rythme tendu ,scandé par une phrase- leitmotiv ,reprise à chaque nouveau paragraphe: " Je veux saisir Monet là, à cet instant précis où il entre dans l'atelier...".

Un écrit magnifique, aussi épuré que pleinement poétique, l'émotion nous prenant littéralement à la gorge..au fil des mots et des couleurs surgissant !



Phrase revenant en boucle,démultipliant la force, l'urgence,.de la création de cette oeuvre unique ,des "Nymphéas " .Oeuvre ultime créée à la fin de la vie du peintre,devenant aveugle...et oeuvre imaginée, réalisée pendant les années de guerre....Doublement fondamentale et hautement symbolique...



L'Art ,contre la guerre, la barbarie....Ces "Nymphéas " ,gigantesque oeuvre,symbole de PAIX...offert à l'État, sous l'impulsion et la demande de son ami de toujours, Clemenceau...

Oeuvre qui continue de réjouir nos coeurs et nos yeux...qui le feront aussi pour toutes les générations suivantes!



Le bémol , infime, que nous pourrions objecter est l'extrême brièveté du texte et dans un même temps, il ne dégagerait pas ,sans cela, sans doute, la puissance, la force et l'urgence qu'il nous communique immédiatement !



"Le lendemain de l'armistice,le 12 novembre 1918,Monet pose ses pinceaux et prend la plume.Il écrit à Clemenceau, le vainqueur de l'heure,l'ami de toujours. Cher et grand ami,je suis à la veille de terminer deux panneaux décoratifs, que je veux signer du jour de la victoire,et viens vous demander de les offrir à l'État par votre intermédiaire. Dans cette lettre célèbre, Monet ne parle encore que de deux panneaux. Clemenceau le convainc de donner l'ensemble à l'état .Monet y consent et les Nymphéas-,encore dans les limbes,toujours inachevés, sont déjà consacrés comme une oeuvre de paix.De ce jour,étalée sur dix ans,ce sera l'oeuvre ultime,la dernière confrontation entre Monet et la peinture."

(p.19)



Après une telle lecture, on n'a qu'une envie: la partager, le plus largement possible ! Et cet écrit incroyable , dans un premier élan, va rejoindre une maison-amie; celle d'un artiste- peintre, oeuvrant avec talent et modestie depuis des décennies...ce petit livre "précieux" sera dans le meilleur lieu possible...celui de l'antre d'un peintre, amoureux de surplus des mots et de la littérature : Jacques Bibonne...





****Voir lien avec l'expo actuelle à l'Orangerie-Jean-Philippe Toussaint ayant écrit ce texte pour Monet mais aussi pour son ami, Ange Leccia...



https://www.musee-orangerie.fr/fr/expositions/ange-leccia-d-apres-monet-201181







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Les Emotions

Toutes les femmes de sa vie



Jean-Philippe Toussaint poursuit dans «Les émotions» son cycle bruxellois et européen entamé avec «La clé USB» et nous offre quelques superbes variations sur le sentiment amoureux en détaillant les rencontres qui l’ont marqué.



Ceux qui ont lu «La clé USB» seront très vite ici en terrain connu, car même si ce roman peut très bien se lire sans avoir connaissance de l’œuvre ou du précédent roman de l’auteur, il pourrait fort bien composer un dyptique, puisque l’on reprend l’action au moment où Jean Detrez, le personnage principal, de retour du Japon apprend que son père est décédé, mettant en quelque sorte un point d’orgue a une année qui aura vu sa femme le quitter (juin 2016), le Brexit être voté (23 juin 2016), et Donald Trump accéder à la présidence des États-Unis Trump (8 novembre 2016).

Nous voici donc en décembre, au moment des obsèques de son père, événement chargé d’émotion, mais aussi propice à l’introspection. Les souvenirs affluent, ceux qui ont marqué la vie de son père, fonctionnaire européen comme lui, mais aussi tous ces moments qui ont provoqué chez lui ces émotions qui donnent le titre du roman et dont l’intensité va déterminer le souvenir bien davantage que la chronologie. Les femmes, ou plus précisément les émois amoureux formant alors la matière première d’un récit qui, bien que très factuel, fait précisément partager au lecteur les battements de cœur et l’exaltation de ces moments où la vie s’illumine, où on sent que quelque chose se passe…

Comme lors de ce colloque international de prospective qui tente de tracer l’avenir de l’Europe sans le Royaume-Uni et qui se tient précisément à Hartwell House, dans le sud de l’Angleterre. Alors que les intervenants s’écharpent sur la pertinence de leur méthode de prospective stratégique en quatre phases – scoping, ordering, implications, integrating futures – l’attention de Jean va être détournée par Enid Eelmäe. Pour faire connaissance, les participants ont été invités à un exercice, baptisé Tell the story of your names. C’est ainsi qu’après avoir expliqué que les Detrez étaient originaires du Nord de la France et que le grand-père paternel avait disparu durant la Première Guerre mondiale, il apprit que Eelmäe voulait dire

«première montagne» ou «avant-montagne» en estonien, mais aussi que ce patronyme, avant l’estonisation des noms, était Eiffel, comme le constructeur de la Tour Eiffel. Ajoutons que la seule personne appelée Enid de leur connaissance les renvoyait tous deux à leur enfance et à la lecture du Club des cinq et du Clan des sept d’Enid Blyton. Il n’en fallait guère davantage pour tomber sous le charme de belle venue de Baltique. Au fil des heures, ils vont devenir très complices. Jusqu’à ce tête-à-tête dans la bibliothèque: «J’avais envie de déposer ma main sur son bras, mais je n’osais entreprendre le moindre geste. Il y a toujours un moment, dans les relations amoureuses, où, même si on sait que nos corps vont finir par se rapprocher, qu’une étreinte va survenir, qu’un baiser ne va pas tarder à être échangé, on demeure dans l’attente, et rien ne se passe si on ne prend pas la décision d’agir. Même si on sait l’un et l’autre que quelque chose de tendre est susceptible de survenir à tout instant, il y a un dernier cap à franchir, qui peut sembler minuscule, et dont on peut même se rendre compte, a posteriori, en se retournant pour revoir la scène dans son souvenir, que ce n’était en réalité qu’un tout petit gué tellement aisé à traverser, mais qui, tant qu’il n’est pas franchi, tant qu’on ne l’a pas passé, demeure un obstacle insurmontable.»

Bien entendu, ce sont les détails de ces moments qui donnent toute sa saveur à ce roman, comme si Jean-Philippe Toussaint à la manière d’un cinéaste, décidait de passer d’un plan général à un gros-plan, de se focaliser sur ces moments de grâce.

On passe ainsi des couloirs du Palais de Berlaymont, bâtiment emblématique de l’Union européenne où se retrouve tous les thèmes du livre, l’Europe aujourd’hui à la croisée des chemins, mais aussi le fils et son père, tous deux fonctionnaires européens, mais aussi l’architecture puisque la rénovation du bâtiment est confiée à son frère qui a suivi les pas de son arrière-grand-père, Pierre De Groef, qui a construit beaucoup d’immeubles à Bruxelles au début du XXe siècle. Et, comment pourrait-il en être autrement, les femmes. D’abord Diane, sa seconde épouse dont il se sépare, mais dont il nous raconte avec tendresse et sans doute nostalgie la rencontre dans ce temple de la technocratie. Puis sa course effrénée avec Pilar Alcantara lors de l’éruption du volcan Eyjafjöll en 2010. L’occasion aussi de nous faire découvrir un mystérieux souterrain.

Remontant dans le temps, nous irons aussi en Toscane au moment où Jean rencontre Elisabetta, sa première épouse. Contrairement à Diane, elle sera présente aux obsèques avec son fils Alessandro. Encore une occasion de constater combien restent vivaces les émotions. Et d’exprimer des regrets que l’on peut aussi prendre comme un conseil d’ami: «J’aurais peut-être dû faire davantage d’efforts pour essayer de sauver notre amour et prendre le risque d’entamer avec Elisabetta une longue relation suivie, la relation d’une vie, un amour au long cours, quitte à ce qu’il y eût des hauts et des bas, des orages et des disputes (et, sur ce point, je pouvais faire confiance à Elisabetta), mais j’aurais pu ou j’aurais dû avoir cette ambition pour nous, plutôt que, au premier accroc, à la première infidélité, céder à la facilité de nous séparer, abdiquer sans combattre.»




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La Clé USB

Juste un petit crochet par la Chine



Jean-Philippe Toussaint s’intéresse à la puissance des lobbys et à la cybersécurité dans «La clé USB». L’occasion de nous offrir une escapade en Chine avant un colloque au Japon et un roman aussi déstabilisant que piquant.



Deux hommes abordent le narrateur dans les couloirs du parlement européen à Bruxelles. Employé au sein d’une unité chargé de la prospective au sein de la Commission, il vient de plaider pour le développement d’une blockchain européenne, sujet qui intéresse particulièrement John Stavropoulos et Dragan Kucka de la société XO-BR Consulting, spécialisée dans le développement de la technologie blockchain, en particulier pour des clients asiatiques.

Bien entendu, il n’est pas nécessaire d’en savoir davantage sur cette technologie pour apprécier ce roman, mais cela permet de comprendre les enjeux d’un marché qui va sans doute avoir un poids déterminant dans l’économie des années futures. La définition qu’en fournit Wikipédia me semble assez précise : «Une (ou un) blockchain, ou chaîne de blocs est une technologie de stockage et de transmission d'informations sans organe de contrôle. Techniquement, il s'agit d'une base de données distribuée dont les informations envoyées par les utilisateurs et les liens internes à la base sont vérifiés et groupés à intervalles de temps réguliers en blocs, formant ainsi une chaîne. L'ensemble est sécurisé par cryptographie. Par extension, une chaîne de blocs est une base de données distribuée qui gère une liste d'enregistrements protégés contre la falsification ou la modification par les nœuds de stockage.» L’application la plus connue du grand public est le bitcoin ou monnaie virtuelle, mais d’ores et déjà les banques, les assurances, le secteur de la santé et celui de l’énergie, mais aussi la logistique et différentes industries travaillent à la mise au point de cette révolution de l’économie numérique.

Un aparté qui permet de mieux cerner les enjeux de la négociation qui se joue dans «l’ombre feutrée et chuchotante de bars de grands hôtels bruxellois anonymes». Car la curiosité aura été la plus forte pour notre homme, avide de savoir ce qui se cache derrière cette mystérieuse société XO-BR Consulting. Et sans doute de redonner un peu de piment à une vie devenue bien fade: «J’avais le sentiment de n’avoir plus d’avenir personnel. Mon horizon, depuis que mon mariage avec Diane était en train de sombrer, me semblait irrémédiablement bouché. Depuis des mois, je me sentais enlisé dans un présent perpétuel. Nous ne nous parlions plus avec Diane, nous ne nous parlions plus depuis l’été (et même avant, je me demande si nous nous étions jamais parlé). Notre couple s’était progressivement défait au cours des années. Notre mariage, ou ce qu’il en restait, finissait de se déliter. Depuis bientôt deux ans, nous vivions côte à côte, comme des ombres, en étrangers, dans le grand appartement de la rue de Belle-Vue, avec Thomas et Tessa, nos jumeaux qui allaient à l’école élémentaire et qu’on se répartissait pendant les vacances…».

L’événement qui va tout faire basculer, c’est d’une clé USB égarée par l’un des interlocuteurs et contenant des centaines de fichiers et d’informations et notamment des photos de l’Alphaminer 88, une machine inconnue jusque-là, un prototype produit en Chine par Bitmain et commercialisé par la société basée à Dalian, en Chine, où Stavropoulos voulait l’inviter.

Détaillant encore les fichiers de la clé USB, il est stupéfait de découvrir des lignes de code qui pourraient fort bien ressembler à une «porte dérobée», c’est-à-dire un programme permettant de prendre le contrôle de la machine. Aussi décide-t-il de faire un petit crochet par la Chine avant de se rendre au colloque organisé à Tokyo et durant lequel i avait été invité à prendre la parole.

Jean-Philippe Toussaint a cet art consommé de la construction dramatique. En proposant quelques détails «qui font vrai» et en n’oubliant jamais d’ajouter une pincée d’humour, il va transformer à ce qui pourrait s’apparenter à un roman d’espionnage en vraie quête existentielle. Au dépaysement et à l’instabilité inhérentes à cette mission secrète en Chine viennent alors s’ajouter quelques épisodes tragi-comiques que je me garderais bien de dévoiler, pas plus que l’épilogue – surprenant – de l’un de mes premiers coups de cœur de cette rentrée. Car voilà une manière fort agréable de sensibiliser le lecteur à l’un des enjeux économiques majeurs des années qui viennent. Mais il est vrai qu’avec Jean-Philippe Toussaint, on est rarement déçu !




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La Salle de Bain

1)Tout a commencé quand je suis entré dans la salle de bain de Jean-Philippe Toussaint. J'ai remarqué tout d'abord qu'il numérotait ses paragraphes dans l'ordre croissant des entiers naturels.



2) Il y avait une musique un peu comme dans ses autres livres.

Il y avait aussi un homme dans la salle de bain. Il semblait même y passer sa vie.

Pourquoi ?

Pourquoi pas.



3)La salle de bain ne serait-elle qu'un lieu réservé à la toilette des humains comme je le pensais avant que je ne me mette moi aussi à placer des nombres devant des phrases ? Il faut être conditionné par tout un tas de clichés absurdes pour l'affirmer. le héros de Jean-Philippe Toussaint ne l'est pas lui, conditionné. Donc il a choisi de vivre dans sa salle de bains, entouré de peintres polonais qui faute de peinture charcutent des poulpes.



5)Puis l'homme quitte sa baignoire et va à Venise vivre dans une chambre d'hôtel.

Venise est en effet une destination touristique très prisée des contemporains de l'homme.

Il joue aux fléchettes dans sa chambre d'hôtel.

Il y est rejoint par sa compagne.



7)Il se retrouve dans un hôpital.



(Je spoilérise un gag)





9,1) J'ai ri.



10) Il s'aperçoit que d'autres humains s'adonnent au tennis le dimanche.



12)Puis il revient à Paris.

Il dit quelque chose qu'il a déjà dit au début du récit : « [...]il n'était peut-être pas très sain, à vingt-sept ans, bientôt vingt-neuf, de vivre plus ou moins reclus dans une baignoire. Je devais prendre un risque, disais-je les yeux baissés, en caressant l'émail de la baignoire, le risque de compromettre la quiétude de ma vie abstraite pour. Je ne terminai pas ma phrase. »



-1) fait longtemps que j'ai pas lu un Toussaint. Jamais été déçu. Une écriture toujours juste, un rythme à la mesure du récit, un ton, des réflexions originales. Je pourrais même écrire une critique si j'en ai le.



√2)J'ai déménagé mon lit dans le couloir. C'est bien plus pratique, il n'y a pas à le traverser (le couloir) avant de se coucher.

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Faire l'amour

Quand la littérature touche au sublime... J'avais été ébloui par la lecture de « la vérité sur Marie » il y a trois ans et je m'étais promis de lire les autres volets du « Cycle de Marie » sans donner suite à ce voeu. En fouillant dans la bibliothèque d'une « recyclerie » du sud du Pays-Bas en quête d'un éventuel roman en français, j'ai déniché ce roman – une découverte si improbable, que j'y ai vu un signe. Sa lecture confirme mon intuition : c'est grandiose !



L'histoire pourrait sembler banale. Le narrateur et Marie s'aiment passionnément. Leurs sentiments sont si exacerbés qu'ils en deviennent dangereux, ils doivent se séparer. «Même si nous continuions à nous faire plus de bien que de mal, le peu de mal que nous nous faisions nous était devenu insupportable.» L'absence crée le manque mais la présence exaspère. Le couple se rend à Tokyo dans le cadre d'un déplacement professionnel et souhaite profiter du voyage pour enfin réussir à rompre.



Cette relation n'a pas débuté et ne pourra finir avec des mots. Tout est affaire de gestes simples- trinquer avec douceur, ou de leur absence, le baiser qui ne vient pas. Et puis il y a ces actes qui sont interrompus par un événement extérieur, brisant net une intention. C'est la force de cette littérature de savoir exprimer l'indicible.



Le roman se déroule au Japon, à Tokyo avec Marie, à Kyoto sans elle. Ces deux mégalopoles projettent les personnages dans une frénésie qui électrise leur relation : il y a l'activité (même nocturne) et la modernité de ces villes, mais surtout, étrangers à ce monde, ils se retrouvent isolés et rejetés l'un vers l'autre. Autre élément exotique, les secousses sismiques qui prennent part au récit.



Les scènes sont d'une grande intensité et prennent parfois une tournure dramatique. La violence es là, immanente, mais ne se réalise pas. Jean-Philippe Toussaint sait parfaitement rendre les complexités d'une passion qui mène à l'angoisse, d'une rupture qui est « plutôt un état qu'une action ». Il parvient à retranscrire un état de fièvre, la régénérescence ressentie lors d'une baignade, un brusque accès de colère, un état d'esprit lors d'un voyage en train, une déambulation dans une ville étrangère, le sentiment de la fuite du temps, etc. Des passages confinent à la rêverie ou à l'hallucination. Le style est recherché, poétique mais l'auteur n'hésite pas à terminer une envolée lyrique par une phrase grossière.



A une époque où les ruptures se font par le bais de textos ou de mails, «faire l'amour » est une fenêtre sur une passion dévorante. Et un formidable moment de lecture.

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La Clé USB

Je suis partagée au moment d'écrire la critique de ce court roman.

J'ai beaucoup aimé le début sur la définition de la prospective, j'ai bien aimé le coeur de l'ouvrage dans le style d'un roman d'espionnage (et j'aurais d'ailleurs apprécié qu'il soit plus développé), puis j'ai été totalement déconcertée par la fin qui ne correspondait pas du tout à ce que j'attendais et qui m'a laissée sur ma faim bien que je ne nie pas son intérêt littéraire.

J'ai aussi eu l'impression que l'auteur surfait sur la vague d'intérêt suscitée par la blockchain et les bitcoins sans pour autant aller au bout du sujet, alors que pourtant il avait probablement les capacités de rendre cette problématique abordable quand on voit avec quel brio il explique la notion de prospective au début du livre.

Au final, je ne sais pas trop comment qualifier ce livre, mais il vaut sans nul doute la peine d'être découvert et ne laisse pas indifférent.
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Félix Vallotton, intimité(s)... et le regard de..

Je remercie abondamment l'ami qui vient de m'offrir pour mon anniversaire, ce magnifique livre rééditant la célèbre série de Vallotton, de dix gravures, intitulée,"Intimités" publiée originellement en 1898, par les

éditions de la Revue Blanche,qui n'eût pas le succès escompté...Il ne sera tiré que 30 exemplaires , ce que l'artiste regrettera ultérieurement, lui qui détruira les matrices en bois pour être sûr du tirage très restreint.!!



Très beau livre préfacé par Jean-Philippe Toussaint, dont je vous transcris un extrait de son introduction, rendant très bien, la force étrange et inquiétante de ces scènes intimistes, jouant d'un dialogue puissant entre le NOIR et le BLANC...dans ces gravures inoubliables !!



" Barbe noire par Jean-Philippe Toussaint

(...) C'est au cours d'une promenade mentale que j'ai découvert la géographie secrète qui préside aux gravures sur bois de Félix Vallotton. Je déambulais lentement entre les images, je passais de pièce en pièce, de salon en salon, de cabinet privé en boudoir, de bibliothèque en chambre à coucher. J'avais le sentiment qu'on m'avait confié un trousseau de clés qui ouvraient toutes les portes de la demeure mentale de Félix Valloton.(...)

La porte donnait accès à l'imaginaire, elle ouvrait sur un couloir étrange et

infini qui permettait de passer de la réalité quotidienne aux territoires du rêve, ou du cauchemar.(...)Les parties éclairées étaient devenues sombres, le blancs'était transformé en noir, vecteur de soupçon, de la rancoeur et du ressentiment . Le salon innocent qui, au premier abord, m'avait fait penser à un salon bourgeois 1900 s'était métamorphosé en chambre à coucher suspecte d'une maison de province d'un film de Chabrol. Chaque pièce, devenue ambiguë, équivoque, vénéneuse, semblait exhaler une atmosphère de menace diffuse." (p.8)





Cette réédition est extraordinairement mise en page jusqu'à la maquette de la couverture, jouant habilement entre la couverture cartonnée immaculée, une gravure en médaillon, ainsi que le titre, le nom de l'artiste et de Jean-Philippe Toussaint, en caractères impressionnants, moirés, passant de la couleur "bronze" au "rouge" brillant...



A ces dix gravures d'"Intimités de couples"... suivent les six gravures

différentes mais toutes aussi intenses des "Instruments de musique"... Publication enrichie d'éléments biographiques détaillés de l'artiste,

d'une bibliographie et d'un index des gravures, avec leur localisation.



Je reviens à "Intimités" dont je joins le commentaire très juste de Thadée Natanson dans sa description de ces gravures inquiétantes, prêtant aux interprétations les plus diverses [ "Petite Gazette d'art- De M. Félix Vallotton" La Revue blanche, 1er janvier 1899 ]



"Dix fois un homme et une femme se rencontrent dans toutes les

attitudes où les peuvent arrêter les accidents, les stations de

la vie sentimentale. Elles en expriment tous les aspects imaginables,

la naïveté et le ridicule, l'hypocrisie et le mensonge, la cruauté et

jusqu'à ce goût de mort qui est dans notre conception de l'amour.

On rit, on frémit, on s'attendrit, on s'indigne, on frissonne.

Le délicieux, l'inquiétant spectacle " (p.33)



Je ne peux m'empêcher de songer au roman de Félix Vallotton,

que j'ai lu, dans une autre vie (tellement c'est loin !!), avec un titre

également inquiétant, où le "noir" est prépondérant... "La vie meurtrière"...Et je relis dans un même temps, les dernières lignes de J.P. Toussaint : " Je compris alors, dans mon rêve, que l'arme du crime était l'instrument du graveur: le canif, le burin, la scie ou le poinçon.

Et la révélation me vint d'un coup, toutes les pièces juxtaposées

que j'avais visitées dans cette vaste demeure labyrinthique étaient

des scènes de crimes" (p. 8)



Bravo et Merci aux éditions Martin de Halleux... de nous avoir offert ce bonheur des yeux... redécouvrant l'univers gravé, unique en son genre, de Félix Vallotton...

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Fuir

« Fuir » est le second volet du cycle de Marie. La chronologie est décousue puisque les événements qui vont être racontés précèdent d'une année la séparation qui est l'objet de l'opus précédent. Nous retrouvons un narrateur dont l'identité reste floue et qui va à nouveau être plongé dans des scènes où règne une grande confusion. Le récit baigne dans l'irréalité. Le narrateur est déphasé par un long voyage qui a engendré fatigue et décalage horaire, une mission dont le but n'est pas précisé, un pays exotique, la Chine, dont il ne maitrise ni la langue ni les usages, une ville noyée dans des brumes de pollution noirâtres et des interlocuteurs assez étranges.



Il y a de nombreuses analogies avec « Faire l'amour » : la construction tripartite du roman, l'utilisation de l'espace (la diagonale Tokyo/Kyoto est remplacée par celle de Shanghai/Pékin), le voyage en train, des gestes esquissés lourds d'intention qui ne sont parfois pas achevés, l'observation d'une mégalopole des baies vitrées d'un hôtel, une exposition d'art et parfois un mot obscène, incongru, vient briser la poésie du texte.



Et puis il y a le temps, si important dans les oeuvres de Toussaint. le temps parfois s'arrête, lors d'une conversation téléphonique chargée d'émotion, lors d'un jeu, ou lors d'un voyage. Et puis parfois, tout s'accélère brutalement, sans explication, notamment lors de la scène de la course-poursuite. Le narrateur a parfois le sentiment d'être hors du temps, en suspension, ce qui est un premier indice de fuite. Il y en aura d'autres tout au long du roman.



L'idée de fuite apparaitra sous différentes formes : il y le repli en soi, le fait de chercher à se dérober à un danger, l'écoulement du temps mais aussi l'abandon affectif.



L'espace est le thème corollaire au temps. Il y a d'abord l'explosion géographique du roman. Les scènes se déroulent en Chine (dans le 'vrai' pays et non dans les clichés touristiques) et simultanément à Paris, avant de se déplacer sur l'île d'Elbe. Le narrateur Le récit est en mouvement constant qu'il soit voulu ou imposé. Cela donne un texte énergique d'une grande densité.



Le roman est placé sous le signe de l'été. Cette saison se manifeste par la chaleur étouffante de la Chine à laquelle s'oppose l 'air sec et limpide de la Méditerranée.



Mais ce que je retiens surtout, c'est la beauté du style et la grande force de certaines scènes. L'auteur joue à merveille avec les lumières, qu'elles soient naturelles ou issues des néons d'une rue. Sa description d'un garage chinois, d'une autoroute ou de la côte méditerranéenne sont chargées de poésie. «Fuir » est un roman saisissant de maîtrise, stupéfiant de beauté, tout en mouvement, passion et intimité.
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La disparition du paysage

Petite texte court, dense, précis...Le héros se retrouve en fauteuil roulant.. amnésique momentané ou pas... Plus rien à l'horizon, que la solitude, la mer et le ciel mais pour combien de temps?..

Le style est fluide, on se laisse porter comme sur les vagues...une parenthèse dans la vie de cet homme qui en devient spectateur, commence alors une lente introspection pour convoquer ses souvenirs...arrivera-t-il à remonter à la surface, à retrouver le cours de sa vie?

Roman qui envoûte par l'écriture de l'auteur.
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