C'est l'histoire d'un gars devenu un étourdi en étourdissant des bêtes.
Pas franchement rigolo, son récit marqué d'oralité, mais ce qu'il nous fait rire, Joël Egloff !
D'ailleurs, il « oublie » de donner un nom à son personnage.
Il pourrait s'appeler très bien « pupille de l'abattoir », comme on dit « pupille de la nation ».
Mais au bout de trois pages, on sait qu'on pourrait lui dire, par exemple, Vladimir. Ou Estragon. C'est vrai qu'il attend, il attend quelque chose, notre héros, mais la vie lui a enlevé les mots de la bouche, et il ne saurait nous dire ni qui, ni quoi, ni pourquoi.
On sent qu'il est le petit frère de Macha, d'Olga et d'Irina, bien que Moscou soit pour lui encore plus loin qu'il ne l'était pour elles.
De son paysage pas franchement bucolique – il a comme voisine la déchetterie – il voudrait parfois s'échapper.
Et pas vraiment : parce qu'au fond, on s'attache à tout, nous dit-il. A l'odeur d'oeuf pourri quand le vent vient de l'ouest, à l'odeur de souffre qui apparaît avec le vent de l'est, à ses propres « souvenirs qui ressemblent à des oiseaux mazoutés » (EFL 2006 : p. 12), aux matins pâteux qu'il faut apprendre à différencier de la nuit.
C'est un bon gars.
Fichtrement gentil : il n'arrive pas à annoncer la mort de son collègue (étourdi mortellement, celui-là : accident de travail) à sa jolie veuve. Pourtant, il s'était préparé un tas de phrases possibles. Sauf qu'aucune ne lui vient, et ce n'est jamais le bon moment. Alors il temporise entre un verre de liqueur et une collection de timbres. La visite se prolonge sans raison, mais c'est un peu comme tout ce qui nous arrive, n'est-ce pas, on ne peut pas lui en vouloir. Et puis, dehors, il y a les meutes de chiens errants qui attendent et te reniflent de loin, et quand ils sont sur tes traces, t'as plus le choix, tu fais comme tous les jours : tu cours, tu cours, tu cours, si tu veux sauver ta peau. Il vaut donc mieux se retrouver encore un peu à l'intérieur, quelque part.
Il porte aussi des jolies conversations avec l'instit qui amène les enfants faire des visites pédagogiques à l'abattoir : ils s'embrassent, s'assoient sur l'herbe, échangent des gentillesses et s'entraînent au bonheur – tout ça dans sa tête. Ce n'est pas sa faute que les jours passent si vite et qu'il n'arrive pas à aborder la jeune femme qui finira par ne plus y apparaître. Il gardera quand même ces bons moments passés avec elle par la pensée. Ça en fait des réserves de tendresse pour les longs hivers gris à côté de sa grand-mère qui n'a presque plus, elle, de souvenirs.
Il aimerait bien, lui aussi, un peu d'ambiance de Noël. Alors, il fait semblant et feint de sentir quelques flocons de neige, une trace de blancheur, un petit reste d'enfance même quand « une pluie chaude et grasse », « comme de l'huile de vidange » (p. 180) lui tombe dessus à grosses gouttes.
L'abattoir, pour notre Vladimir (ou Estragon), c'est comme la boîte noire qu'il trouve après le crash d'un avion : « c'est plein de malheur ».
Je remercie l'anonyme qui m'a laissé ce livre dans une boîte à bouquins d'une station de tram.
Je le prêterai avec plaisir à droite et à gauche, mais il ne passera plus la nuit dehors.
Parce qu'on finit par s'attacher à tout.
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Un patelin qui se meurt, mais pas ses habitants!
Quelle ironie du sort, pour l'entreprise de pompes funèbres du bled: Edmond Ganglion et fils (sans le fils...).
Pourtant, le cagnard assomme le village. Mais cela ne suffit pas à tuer les vieux pour qui le croque-mort s'est reconverti (un peu malgré-lui) en médecin.
Pour Georges et Molo, survivants de l'entreprise naguère florissante, les journées passent dans une morte-saison qui s'étire.
Alors, avec un mort qui finira par arriver, Georges et Molo vont s'embarquer dans un voyage à la recherche d'un cimetière qui pourrait bien être... l'aventure de leur vie!
Un livre assez drôle et plaisant à lire, "Edmond Ganglion et fils", mené comme une farce tournée en odyssée... Même si la fin m'a un peu pris au dépourvu.
Un livre qui me donne envie d'ouvrir les autres bouquins de l'auteur.
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"Quand le vent vient de l'ouest, ça sent plutôt l'oeuf pourri. Quand c'est de l'est qu'il souffle, il y a comme une odeur de soufre qui nous prend à la gorge. Quand il vient du nord, ce sont des fumées noires qui nous arrivent droit dessus. Et quand c'est le vent du sud qui se lève, qu'on n'a pas souvent, heureusement, ça sent vraiment la merde, y a pas d'autre mot."
Un homme sans nom déambule au pays de nulle part. Joël Egloff nous invite dans Un "no man's land" sordide, entre une décharge, le bout d'une piste d'aéroport, et un abattoir où travaille le narrateur. Il n’est pas tous les jours facile de respirer dans cet endroit au milieu des fumées toxiques.
J’ai suivi ce périple, le sourire aux lèvres parfois, une légère inquiétude aussi en entendant venant du fond de moi une petite voix qui me disait : « et si à force de maltraiter notre belle planète, cela nous arrivait !»
Une lecture insolite et une magnifique découverte d’un auteur qui m’était totalement inconnu.
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Je pensais avoir fait une critique de ce livre. Donc, réparation… J’ai adoré ce roman sombre, glauque et pourtant tellement drôle. L’annonce d’un décès, en autre, est hilarante, ainsi que le héros en vélo dans le brouillard. Quant j’ai vu que Joël Egloff était au salon du livre de la maison de la radio, je m’y suis précipitée. Les lecteurs s’agglutinaient auprès d’auteurs connus et reconnus, tandis que je me suis dirigée vers lui. Nous avons discuté un moment. Il était tout surpris de susciter de l’admiration. Romancier sympathique et plein d’humilité.
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Je découvre Joël Egloff, auteur mosellan. L’étourdissement est publié en 2005 et obtient de prix du livre Inter.Ne sachant pas trop à quoi m’attendre, je tourne les premières pages de ce livre et me rends compte de l’étrangeté du contexte. Tout semble inadéquat et pourtant la fluidité du texte rend les personnages attachants dans leur quotidien qu’ils s’approprient et dans lequel ils s’adaptent. Néanmoins, vivre sous une ligne à haute tension, près d’un aéroport perturbe le sommeil. Le milieu professionnel du narrateur n’est pas plus réjouissant, il travaille dans un abattoir. Pour s’y rendre, il doit parcourir en bicyclette, de longs chemins de campagne semés d’embuches. Lorsqu’arrivent les vacances, ce ne sera pas au bord de plages paradisiaques qu’il va se détendre mais autour d’une station d’épuration !Sordide ! Absolument !
C’est avec tact, fluidité, allégresse que l’auteur nous conte cette histoire la rendant vivable, acceptable. Nous nous trouvons dans le domaine de l’absurde, du cocasse ! Certaines scènes sont de réelles parodies tournées à la dérision alors qu’elles ont un profil grave voire tragique.
J’ai un peu retrouvé des nuances de l’auteur François Morel dans le style. Ce roman est un conte orienté vers l’absurdité, on y sent une réelle philosophie dans l’approche quant au travail, au quotidien, au rêve d’une vie meilleure.
Ce petit livre de 142 pages m’a emportée dans un autre monde. Je me suis sentie gâtée par la vie, j’ai souvent souri là où j’aurais pu pleurer.Je pense que ce livre va laisser des traces en moi.
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Un vrai coup de cœur pour ce livre, bizarrement le deuxième que je lis en moins de deux semaines où le héros travaille dans un abattoir. A la différence du roman "Cadavre exquis" d'Agustina Bazterrica, dont la violence de plusieurs scènes en rend la lecture difficile, ce livre-ci est un vrai régal, usant d'un humour du désespoir qui fait penser à certains Chaplin tels que Les lumières de la ville ou Les temps modernes. Suivre les non-péripéties de la vie de cet homme sans âge, qui vit avec sa Grand-mère dans un pays où une des plus grandes distractions consiste à aller se baigner dans le bassin de la station d'épuration fut pour moi une des lectures les plus réjouissantes de ces derniers mois. Je pense que je reviendrai très bientôt vers ce Joël Egloff.
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Une entreprise de pompes funèbres périclite dans un village, qui se vide de ses habitants au fur et à mesure du décès de ceux-ci. Le propriétaire devient aigri. Il attend « des clients » qui ne meurent pas… jusqu’au moment, où un décès survient. Et là, « l’absurde » (ou devrai-je dire la « bêtise » ?) prend le pas.
Je trouve cette tentative pseudo-humoristique pathétique. C’est mon ressenti. Je n’ai pas cru un seul instant à cette histoire. Je me suis ennuyée, et bien que ce roman soit court, je l’ai trouvé long. J’ai même été tenté de l’abandonner avant d’en venir à la fin. Seul le fait que je devais le lire, car c’est le roman qui a été sélectionné pour une « lecture commune » à mon club de lecture, m’a fait tenir.
Sans compter, la maltraitance livrée sur les chiens par le curé de la paroisse. Je ne vois vraiment pas ce que ça vient faire là-dedans.
Pourtant j’ai beaucoup aimé « le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire ». Comme quoi…
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Malgré le lieu sordide, un travail horrible, ce roman est plein d'humour, j'ai adoré ce bouquin pour le personnage et ses jeux de mots, son perpétuel optimisme. Un livre qui fait du bien, décontractant, et qui nous fait prendre conscience qu'il y a toujours plus mal loti que soi. Car pour rien au monde j'aurai voulu partager la vie de ce personnage.
Carrément barré, loufoque et pourtant certainement qu'une population vit ce no man's land.
N'hésitez pas à lire ce livre qui a reçu le prix Inter et il le mérite.
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Il y a du L.F Celine chez cet écrivain en témoigne cette citation qu'on aurait très bien pu retrouver dans "voyage au bout de la nuit" : « je me suis dit qu'il devait quand même bien avoir quelques qualités, Pignolo, pour l'avoir séduite et affublée d'un nom aussi ridicule. Nous qui l'avons si souvent vu nu sous la douche, ça sautait pas aux yeux, en tout cas, ou alors c'étaient des qualités de cœur. »
D'ailleurs si je devais donner un autre titre à ce livre je l'appellerai voyage au bout du brouillard. Il y a en effet un passage dans le livre où notre héros se perd en vélo pour aller à son travail à l'abbatoir.... à cause du brouillard. Bref j'adore cet écrivain et j'adore son style
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Quelle déception ! Après ses deux brillants romans " Edmond Ganglion et fils" et " L'étourdissement", véritables trésors d'humour noir et satire truculente , Joël Egloff mène une enquête que j'ai trouvé ennuyeuse, répétitive et sans intérêt. La couverture à la " Bidochone" m'avait bien inspirée ainsi que le thème burlesque du vol,enfin plutôt de l'enlèvement de l'enfant Jésus dans la crèche d'une petite commune de Lorraine. J'y voyais la promesse d'un univers absurde et de personnages tristement ridicules mais émouvants...que nenni! Je suis très sévère mais lorsqu'on est excellent on crée le désir et le manque monsieur Egloff !
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Un petit garçon se pose beaucoup de questions sur la mort, un sablier est mal réglé, un homme se rend à une fête de Noël, un chapeau tombe à la mer, deux gamins achètent une revue érotique, une chaudière lâche dans une station scientifique en Antartique…
Joël EGLOFF pose un regard tendre et décalé sur les gens et les choses, se souvient de son enfance, laisse parfois son imagination s’emballer, dévoile ses idées fixes, laisse apparaître ses inquiétudes, et finalement se livre par petits bouts dans ce joli recueil de nouvelles.
La nostalgie, la douceur et l’humour qui émanent de ces pages font que l’on ressort de cette lecture, à la fois ému, émerveillé et curieusement apaisé, avec l’impression d’avoir partagé un moment d’intimité avec l’auteur.
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« Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt », voilà le proverbe céleste qui pourrait bien venir se poser sur le coin de votre esprit en refermant le livre de Joël EGLOFF qui paraît en cette rentrée littéraire, « LIBELLULES »… Ne soyons pas idiot, et suivons donc la Demoiselle.
Vingt-cinq battements d’ailes, vingt-cinq nouvelles. Vous vous surprendrez à suivre intensément son vol au-dessus du quotidien. En suivant « Libellules », d’une boite aux lettres défoncée à l’indiscipline d’un sablier, d’une horloge d’un clocher à un avis de recherche trop vite lessivé, aux questions des enfants qui nous serrent le cœur tellement on se sent les aimer, aux petits gestes de la voisine , du bruit magique d’une carabine à patates, au souvenir du temps où les rêves de devenir grand faisaient de nous des géants, des orphelins de la rue que l’on croise chaque matin aux voyages qu’il est si beau d’imaginer, de ces petits riens à ces moments si plein de nous, vous allez vous apercevoir que c’est en observant les libellules que l’on peut découvrir toute la beauté et les curiosités de l’étang.
L’auteur en proie aux angoisses de la page blanche a su très joliment se transformer en belle Demoiselle. Et très égoïstement, on voudrait encore que Joël EGLOFF survole nos étangs tellement son regard est délicieusement et précisément perçant. Un surprenant et très agréable moment de lecture,Remercions les éditions Buchet Chastel de contribuer à la sauvegarde des Demoiselles ! A toutes et tous : excellent vol au-dessus des étangs !
Astrid SHRIQUI GARAIN
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Des usines chimiques, des fumées plus ou moins nauséabondes selon les vents, la déchetterie, la ligne à haute tension, l’aéroport, l’abattoir….. tel est l’univers sans espoir du narrateur ; son quotidien sans changements.
Or malgré toute cette noirceur, la lecture est très agréable, les personnages attachants.
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J'ai un avis partagé sur ce court roman, mais ce n'est pas étonnant pour un livre aussi décalé !
J'ai beaucoup aimé la première partie, avec la description pleine d'humour du village et de l'entreprise de pompes funèbres Edmond Ganglion et fils.
Par contre, j'ai trouvé que l'humour se perdait en cours de route, un peu comme le corbillard de Molo et Georges sur la route du cimetière.
Et je n'ai pas aimé la fin, un peu trop étrange à mon goût, même si je reconnais que l'idée est plutôt bonne.
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