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Citations de Julien Green (916)


C’était peut-être moins affreux d’être plongée ainsi dans un ennui sans trêve que de passer fiévreusement d’un instant de joie inquiète au plus cruel des chagrins.
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Robert me cite ce mot d'un écrivain : "la peur frappait à la porte. La foi a ouvert, mais il n'y avait personne." Cette phrase est comme une lumière dans la nuit.
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Hier soir, vers dix heures. Des poignées de poussière étoilé jetée à la face de cet abîme qui parle son étrange langage. Je crois que si je regardais longtemps, je perdrais la tête. De ce gouffre noir et bleu, il sort une énorme voix muette qui dit toujours la même chose inexprimable.
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Je me sens autre, je me sens seul, je ne parle pas le langage qu'on parle autour de moi. Autrefois, j'en ai souffert, je voulais dire ce que j'avais au fond du coeur, mais j'ai renoncé, on ne peut pas.
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Le mouton échappé, c'est ainsi que s'appelle dans nos traductions modernes la brebis perdue de l’Évangile. Les vierges folles deviennent des jeunes femmes imprudents, le Déluge, une inondation, et ainsi de suite. La platitude l'emporte sur la poésie de certaines expressions parfaitement intelligibles. On veut la banalité à tout prix, partout.
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En lisant des lambeaux de mon journal dans une revue littéraire, j'ai pensé : "c'était mieux quand ce n'était pas dit". Et cela est vrai de tout ce que j'ai jamais écrit. Ce que je rêvais dépasse toujours les mots.
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Il y a des pages que je ne puis m'empêcher de trouver terribles, que j'aurais voulu ne pas avoir à écrire et qui me sont dictées par l'être intérieur qui a toujours guidé ma main et à qui je ne sais quel nom donner. Qui est-ce ? D'où vient-il ? Ai-je eu raison de toujours lui obéir ? Mais sans lui, pas d'oeuvre, pas une ligne. J'ai eu peur de ce livre comme j'ai eu peur de tous mes livres. Dans celui-ci comme dans les autres, il y a eu de grandes brèches par où passe quelque chose qui certainement ne vient pas de moi, mais qui est plus fort que moi et qui parfois m'inquiète comme pourrait m'inquiéter un autre moi-même plus impérieux et plus sûr de lui que le moi que je connais.
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Vous savez comme moi qu'une des causes majeures de l'ennui est l'étroitesse de notre destinée. Nous nous éveillons chaque matin les mêmes, et c'est en vain que des rêveurs de l'antiquité ont soutenu que jamais la même personne ne passe deux fois par la même porte. La vérité est que chaque homme est condamné à vivre dans le même corps, à voir par les mêmes yeux, à comprendre et à méditer jusqu'à la mort par le secours du même cerveau. L'ingénieux supplice de l'identité crée un enfer beaucoup plus subtil que le lieu torride inventé par la superstition. Être éternellement le même n'est pas supportable aux esprits affinés par la réflexion. Sortir de soi, devenir autre, n'est-ce pas là un des rêves les plus intelligents que l'homme ait porté en lui ?
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Au-dedans de nous-même, reprit le narrateur, ce n'est pas très loin, et c'est pourtant si loin qu'on n'a pas toujours assez de toute une vie pour y arriver.
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Celui qui veut marcher dans le vide doit s'assurer d'abord qu'il ne croit pas au vide.
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Qu'est-ce que l'imagination, sinon la mémoire de ce qui ne s'est pas encore produit ?
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Par moments l'édifice entier de la vie moderne prenait à ses yeux un aspect si étrange qu'il se demandait de quel secours la raison pouvait être à l'humanité. Respirer toute la journée dans une sorte de boîte appelée chambre ou bureau, ou salon, manger des aliments contestables, emprisonner le corps dans des vêtements compliqués qui l'étouffent ; pour le moral, gagner de l'argent, suer le plus d'or possible, des millions d'esclaves acceptaient la vie sous cette forme sans réfléchir à l'énormité d'un tel renoncement.
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A quinze ans, le coeur vierge donne ce qu'il a de plus sincère, de plus vrai. J'aimais comme je pouvais, d'un amour profond et silencieux qui ravagea la première partie de ma jeunesse. Personne à la maison ni au collège ne soupçonnait ce que je portais en moi. Comment aurai-je pu, du reste, parler de ce que je ne comprenais pas ? Je souffrais chaque fois que je voyais Philippe, mais je recherchais cette souffrance que je prenais pour du bonheur.
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Mme Vasseur pensait quelquefois àà Félicie comme à une souris logée dans un mur. C'était l'image dont elle se servait pour décrire la couturière quand le nom de cette personne tombait dans la conversation. A vrai dire, pareil accident ne se produisait que le vendredi. Ce jour-là, en effet, Félicie devenait nécessaire, Félicie existait alors que passé le seuil de l'hôtel, la vieille demoiselle se confondait dans l'esprit de Mme Vasseur avec la grande masse informe et ennuyeuse de l'humanité. Mme Vasseur trouvait même difficile de croire qu'un être aussi effacé pût avoir, comme elle, des soucis, quelques plaisirs, des vêtements à mettre le matin et à enlever le soir, un lit où reposer la nuit, des lettres à écrire et des notes à payer, comme elle...
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Il voudrait se mêler à l'innombrable famille qui s'appelle "les autres", et disparaître en elle. A cela, il faudrait à la fois du courage et de la lâcheté, renoncer à soi et prononcer les vœux qu'exige la multitude : "Tu mangeras comme nous, tu penseras comme nous, et comme nous aussi, tu aimeras. Ressemble-nous ou nous t'étouffons".
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Il se jeta à genoux et se cacha le visage dans la couverture du lit, il essaya de se cacher en Dieu. Là seulement on n'avait plus peur. Il se jetait en Dieu comme on se laisse basculer du haut d'un gratte-ciel.
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Comment savoir s'il croyait vraiment ?
_ Mon ami, quand un voyageur fait viser son passeport et qu'il se procure un billet dans un messagerie maritime, c'est qu'il croit à l'existence du vaisseau, de l'océan qu'il va franchir et du port qu'il espère atteindre.
Le jeune homme hésita une seconde, puis une phrase lui vint à l'esprit qu'il dit presque d'un trait, comme si elle lui eût été soufflée :
_ Et si le passeport visé et la cabine retenue, il n'est pas vraiment sûr qu'il y ait un port à l'autre bout de l'océan ?
_ Alors, mon garçon, notre voyageur fait un acte de confiance des plus méritoires et l'on peut augurer que la traversée sera bonne.
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La mort ne le trouverait pas. Joignant les mains sous sa nuque, il laissa ses yeux se perdre au fond du ciel qu'il apercevait par les déchirures du feuillage, et brusquement il lui sembla qu'il était amoureux. De qui, il n'aurait su le dire. Son coeur contenait tant d'amour qu'il y en avait, pensa-t-il, pour une vie entière, mais il aimait de toutes ses forces quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Les yeux clos, il murmura avec une ferveur extraordinaire : "je t'aime !" Ces mots le délivrèrent comme d'un poids mystérieux et plus de dix fois la petite phrase erra sur ses lèvres. Il ne l'avait dite à personne de cette façon-là et il n'avait personne à qui le dire, mais il la disait et la redisait avec une joie singulière, une joie toute nouvelle. Sans le savoir, il s'endormit.
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_ Je t'aime, chuchotai-je comme si je craignais d'être entendue et mal comprise... Cette pensée étrange tournoya dans ma tête un moment et soudain elle me parut inepte, parce que mon coeur se brisait de tendresse et qu'il y avait vraiment quelqu'un. Je demeurai tremblant et silencieuse, incapable de proférer une parole, mais je n'en avais pas peur. A trois pas de moi, dans les ténèbres, quelqu'un se tenait debout. Je le savais comme si je savais que j'étais, moi, vivante et à genoux, muette de joie.
C'est ici qu'on pourrait parler d'illusion et je me sens bien incapable de raisonner sur ce point, mais on ne peut rien changer à une certitude intérieure. Je ne croyais pas : j'étais sûre. Quelqu'un s'était approché de l'Allemande pour lui dire qu'il l'aimait. S'il fallait mourir pour cette vérité_là, j'étais prête, parce que cela valait mieux que tout. Ces mots pourtant si simples ne disent presque rien. Le monde autour de moi s'évanouissait comme un mauvais rêve, je respirais dans un autre monde où n'existait que l'amour, et ce monde-là était le vrai.
Du temps passa et je me retrouvai seule. La présence n'était plus là, mais le souvenir m'en restait qui ne me quitterait jamais. Pendant près d'une demi-heure, je demeurai à genoux, rendue à la terre, mais pour toujours prisonnière du royaume invisible.
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Il importait peu qu'il fît noir ou clair dans cette chambre, et que le coeur de l'homme fût dur ou charitable. Le monde s'évanouissait comme un mauvais rêve : il ne restait plus de cette vie que la douleur dont sa chair était affligée encore, et cette douleur elle-même devenait plus sourde, les derniers liens se rompaient. Dans l'extrême confusion où étaient, pour cette femme, toutes les choses de la terre, à peine le son des paroles humaines parvenait-il à elle, mais elle n'en comprenait plus le sens. Déjà ses yeux se fixaient sur la vision que les morts contemplent à jamais.

Excipit
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