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EAN : 9782020063746
471 pages
Seuil (01/02/1983)
3.89/5   42 notes
Résumé :
" L'Autre " est le roman d'un amour : celui, bref et ardent, qui unit Roger à Karin, à Copenhague, à la veille de la Seconde Guerre.
A cause du jeune Français, Karin a abandonné sa foi religieuse. Mais lorsque celui-ci, dix ans plus tard, vient la retrouver, Karin est tenue au ban de ses concitoyens pour avoir été la maîtresse de soldats allemands.

L'Autre, ici, c'est celui ou celle que nous voulons aimer et qui nous échappe ou se dérobe. C'es... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
L'autre est une énigme. Et le restera, à jamais.
L'autre c'est celui que l'on a en face de soi et dont on ne connaît rien des pensées. Un inconnu, quoi qu'il advienne, aussi longtemps que dure la mise en présence, même lorsque l'intimité unit les corps.

Mais l'autre ce pourrait aussi bien être celui ou celle que l'on voudrait devenir, pour ne plus être soi-même. Pour ne pas avoir à assumer ses propres égarements. Un autre vertueux, libre de se présenter à la face du monde dans une virginité restaurée.

L'autre, ce pourrait être encore cette instance supérieure à qui on attribue la responsabilité de notre propre existence sur terre et que certains veulent appeler Dieu. Celui qui est là sans l'être, en tout et partout. Celui en qui il faut croire, sans le voir ni l'entendre autrement que par les paroles qu'on lui attribue. Celui qui serait amour pour Sa créature, affirment les convaincus qui veulent se rassurer quant à leur propre destinée.

Mais l'autre sera plus surement celui ou celle qui vous témoigne une once d'intérêt quand la vie vous a projeté dans les eaux noires et glacées de l'indifférence. Celui ou celle dont même l'absence est réconfortante car il reste une pensée lointaine.

Karin sort de la guerre avec la honte d'avoir sympathisé avec l'ennemi. Elle est l'une des deux voix de ce roman. En l'autre elle cherche un point d'ancrage dans la vie, un recours contre un désert affectif infligé.

L'autre est un excellent roman psychologique de Julien Green dans lequel amour et délaissement se fondent en un vortex de perdition. L'espoir n'y fait que de brèves apparitions, il reste aussi illusoire que le recours à une foi chancelante. Sempiternelle incompréhension du monde habité par tant d'autres peu secourables. Enfermés qu'ils sont eux-mêmes dans leur propre ignorance de l'autre.

Mais la compréhension est-elle nécessaire pour vivre avec l'autre ? : "si je pouvais seulement te serrer contre moi, tu sentirais le temps s'abolir dans l'amour… je te donnerai la chaleur humaine qui endort la souffrance."
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C'est un roman sombre, sans concessions, qui ne laisse de place à l'espoir qu'exceptionnellement et dans la seule perspective d'aussitôt l'anéantir à nouveau.
C'est aussi un magnifique roman psychologique, particulièrement réussi, sensible et frappant.
Mais vraiment, croyez-moi, c'est aussi carrément plombant.
Ambiance.

L'Autre retrace les parcours de deux personnages sur une période de dix ans, Karin et Roger, la première danoise et croyante, le second français et athée. Tous deux se rencontrent à Copenhague à la veille de la Seconde Guerre mondiale, et vivent l'espace de quelques jours une passion fulgurante et douloureuse, avant que la guerre ne les sépare.
Dix ans plus tard, Roger est de retour, au grand désarroi de Karin. Celle-ci, qui a perdu la foi après son histoire avec Roger, vit désormais écrasée sous la honte collective que sa communauté lui inflige, pour la simple et terrible raison qu'elle a eu des relations avec des soldats allemands pendant la guerre. Ostracisée, blâmée, instrumentalisée, Karin ne se vit plus que comme une demi-femme et s'interdit désormais tout droit à la rédemption. Tandis que Roger s'attendait à retrouver son amante et à enfin convoler avec elle, il ne rencontre qu'un vestige de la Karin qu'il a connue, comme une version sèche et épuisée de la toute jeune femme d'il y a dix ans. Tous deux sont très vite bouffis de culpabilité, chacun de son côté, lui pour avoir soi-disant détourné Karin du droit chemin, comme si leur idylle passée était responsable de son comportement pendant la guerre (et comme si ledit comportement était vraiment une telle faute), et elle dévorée de remords, convaincue qu'elle est en gros l'incarnation de tout le mal concevable sur Terre et donc indigne de toute forme de pardon.

Yes.
Encore une fois.
Ambiance.

A partir de cette intrigue franchement tragique à propos de laquelle on ne nourrit honnêtement pas grand espoir, Julien Green parvient cependant à tisser un récit captivant, riche et sensible, avec le portrait certes austère mais toujours parcouru d'empathie de ses deux personnages. On n'a en effet aucun moyen de tisser de véritable lien (puisque chacun est bien trop occupé à se consumer de culpabilité pour qu'on puisse vraiment se sentir proche d'eux), mais c'est bien grâce à cela que le roman fonctionne : on reste à distance de ces personnages, mais on ne les juge pas non plus, et on se retrouve très vite à les considérer pour ce qu'ils sont, sans jugement, à leur souhaiter le meilleur, à travailler à les comprendre autant que possible.

C'est en effet bel et bien l'idée de compréhension qui traverse tout le roman, ou plutôt son impossibilité : celle que les pairs de Karin lui refusent après la guerre, celle qu'elle-même n'arrive pas à appliquer, celle que Karin et Roger n'ont jamais réussi à ressentir l'un pour l'autre, séparés comme ils le sont par leurs nationalités, genres, expériences vécues, âges et position par rapport à Dieu. Tout au long du roman, on suit et assiste les personnages dans leur tentative d'arriver enfin à se lire, se décrypter, s'analyser, et échouer continuellement, se fuir et se rater. Mais là où le roman devient brillant, touchant et parfaitement subtil, c'est dans sa capacité à toujours aller à contre-intuition, à surprendre, et à suggérer par exemple que ce besoin de compréhension et de transparence est peut-être illusoire, et qu'il est peut-être tout à fait possible de s'aimer sans se maîtriser, de se soutenir sans se retrouver sur tous les points, et d'être profondément heureux de la présence et de l'affection de l'autre quand bien même on n'arrive pas à en saisir les raisons.

C'est le roman de l'étranger, de l'hostilité, des jugements et des frontières, mais l'intrigue ne se résume certainement pas à ça, bien au contraire. L'Autre traite bien sûr d'altérité (it's in the title, dummy), et de la façon dont elle agit la plupart du temps comme séparateur, voire élément déclencheur d'hostilité, mais aussi et surtout de la richesse qu'elle peut apporter, et de la beauté qu'il peut y avoir à vouloir recevoir l'autre pour ce qu'il est quand bien même son identité nous échappe complètement. le tout reste encore une fois bien pessimiste, et pointe certaines limites de cette idée-là, mais en tant que lecteur, cela donne justement (enfin, je crois) d'autant plus envie de continuer de creuser cette thématique, cet espoir-là, et d'inventer à son tour dans sa vie d'autres façons de colmater les fossés qui peuvent nous séparer des autres, d'autres exercices d'empathie, d'autres tentatives de se rapprocher de l'autre, quel qu'il soit, quels qu'aient été ses engagements, compromissions et promesses passées. Et je trouve ça beau, vraiment.
Lien : https://mademoisellebouquine..
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Nous sommes en présence d'un roman psychologique fort, dont le mysticisme rappelle celui de Bernanos ou de Mauriac: Julien Green est un des grands auteurs du XX° siècle. La langue est parfaite, et l'on se surprend à être captivé par la poursuite de la lecture d'un livre dont l'action n'est pourtant pas le principal ressort. Une jeune fille Danoise a couché avec les soldats nazis durant l'occupation: elle est donc bannie et isolée par la populace durant de longues années après la fin de la guerre. Elle se souvient de l'homme qu'elle a le plus aimé, juste avant la guerre, son seul souvenir de temps heureux. Celui-ci viendra la voir, mais chacun d'eux culpabilisera à sa façon quant à son rôle dans ce triste passé, et dans la situation psychologiquement misérable où ses accusateurs placent la jeune fille. Julien Green nous met en compagnie de cette jeune femme, sans parti pris: nous la comprenons, nous la plaignons, tout en mesurant sa faute. Mais le trouble sera trop fort, pour chacun des amoureux torturé par le remords: le bonheur passé est bien perdu. Très beau livre, un peu oublié, hélas.
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J'ai trouvé ce livre dans un passage des livres . Je n'avais jusqu'alors jamais lu cet auteur. Quatre parties la première, saisissante et brève, appâte le lecteur. La deuxième m'a semblé plus laborieuse, les circonvolutions de Roger m'ont lassé et agacé. La troisième redonne de la vigueur à la lecture et nous ramène au coeur du sujet. Enfin la quatrième partie, brève également est saisissante et clôture en beauté ce roman sombre, dans lequel la question de la religion est loin d'être négligeable . Enfin, aucun personnage ne m'a été sympathique et l'humanité ne ressort pas grandie.
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je garde un bon souvenir de ce roman
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Les yeux clos, je le voyais, je voyais le visage de mon premier amour. La voix était la même, et la voix est magique. Si je pouvais seulement obtenir qu'il m'embrassât dans l'obscurité, si nous pouvions nous aimer dans le noir, que m'importeraient tous les mensonges de la terre ? Je mentirais et je mentirais et je mentirais.
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J'étais mon corps et rien d'autre, je le voulais ainsi, je voulais que mon corps me fût un refuge contre le désespoir et les complications de l'amour, je n'aimais plus personne, j'appartenais au soleil, à la brise qui me frôlait des pieds à la tête.
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_ Je t'aime, chuchotai-je comme si je craignais d'être entendue et mal comprise... Cette pensée étrange tournoya dans ma tête un moment et soudain elle me parut inepte, parce que mon coeur se brisait de tendresse et qu'il y avait vraiment quelqu'un. Je demeurai tremblant et silencieuse, incapable de proférer une parole, mais je n'en avais pas peur. A trois pas de moi, dans les ténèbres, quelqu'un se tenait debout. Je le savais comme si je savais que j'étais, moi, vivante et à genoux, muette de joie.
C'est ici qu'on pourrait parler d'illusion et je me sens bien incapable de raisonner sur ce point, mais on ne peut rien changer à une certitude intérieure. Je ne croyais pas : j'étais sûre. Quelqu'un s'était approché de l'Allemande pour lui dire qu'il l'aimait. S'il fallait mourir pour cette vérité_là, j'étais prête, parce que cela valait mieux que tout. Ces mots pourtant si simples ne disent presque rien. Le monde autour de moi s'évanouissait comme un mauvais rêve, je respirais dans un autre monde où n'existait que l'amour, et ce monde-là était le vrai.
Du temps passa et je me retrouvai seule. La présence n'était plus là, mais le souvenir m'en restait qui ne me quitterait jamais. Pendant près d'une demi-heure, je demeurai à genoux, rendue à la terre, mais pour toujours prisonnière du royaume invisible.
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Je t'aime et je souffre. Cela pourrait me tuer de revoir, mais je voudrais mourir ainsi, mourir de joie.
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Oh si j'avais pu pleurer, quel ruisseau, quel déluge ! Et quelle délivrance !
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Videos de Julien Green (19) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Julien Green
"[…] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […]" (Roland Jaccard.)
0:14 - Bernard Shaw 0:28 - Julien Green 0:45 - Heinrich von Kleist 1:04 - Georges Henein 1:13 - Ladislav Klima 1:31 - Michel Schneider 1:44 - Hector Berlioz 1:55 - Henry de Montherlant 2:12 - Friedrich Nietzsche 2:23 - Roland Jaccard 2:37 - Alphonse Allais 2:48 - Samuel Johnson 3:02 - Henrik Ibsen 3:17 - Gilbert Keith Chesterton 3:35 - Gustave Flaubert 3:45 - Maurice Maeterlinck 3:57 - Fiodor Dostoïevski 4:08 - Aristippe de Cyrène 4:21 - Générique
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Marquise de Lambert : https://de.wikipedia.org/wiki/Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles#/media/Datei:Anne-Thérèse_de_Marguenat_de_Courcelles.jpg George Bernard Shaw : https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Bernard_Shaw#/media/Fichier:G.B._Shaw_LCCN2014683900.jpg Julien Green : https://www.radiofrance.fr/franceculture/le-siecle-d-enfer-de-l-ecrivain-catholique-et-homosexuel-julien-green-8675982 Heinrich von Kleist : https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_von_Kleist#/media/Fichier:Kleist,_Heinrich_von.jpg Georges Henein : https://www.sharjahart.org/sharjah-art-foundation/events/the-egyptian-surrealists-in-global-perspective Ladislav Klima : https://www.smsticket.cz/vstupenky/13720-ladislav-klima-dios Michel Schneider : https://www.lejdd.fr/Culture/Michel-Schneider-raco
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