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Critiques de Karel Capek (175)
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L'Année du jardinier



Amis des jardins, obsédés du bêchage, du binage, de l'arrachage, bref de toutes les activités liées au jardinage, ce livre est pour vous! Et aussi pour les autres, car il est hilarant!



Je ne connaissais que de nom cet auteur tchèque qui présente son livre comme un almanach, au fil des saisons.Un calendrier à la fois juste et désopilant des mille et une obsessions, manies , préoccupations du jardinier.



Même si cet ouvrage date de 1929, il me semble toujours d'actualité, on se retrouve vraiment "nous autres les jardiniers " ( eh oui, je fais partie aussi de ces fous furieux ) , comme se complaît à le clamer l'auteur, dans les "misères " auxquelles sont confrontés les "as"du semis ,de l'arrosage .Ah, l'arrosage, un morceau d'anthologie ! "On pourrait s'imaginer qu'il n'y a rien de plus simple que d'arroser un jardin. Mais on ne tarde pas à s'apercevoir que la lance d'arrosage est un être tout particulièrement astucieux et dangereux :elle se tord, fait des cabrioles, se détend soudain, répand sous elle une grande quantité d'eau pour s'enfoncer ensuite voluptueusement dans le marécage qu'elle a ainsi créé. "



Au coeur de cet almanach sévit bien sûr le temps. "C'est une drôle de chose que le temps; il n'est jamais comme il devrait être ; il exagère toujours dans un sens ou dans l'autre." Le jardinier devient alors poète .Mais à la différence du poète, "il ne peste pas seulement contre le vent du nord mais aussi contre les furieux vents de l'est; et il en veut moins aux tempêtes de neige qu'aux gelées traîtresses et qui viennent à pas de loup".



J'ai adoré parcourir cette chronique d'un passionné, qui n'hésite pas à pratiquer l'auto-dérision. Les dessins de son frère, qui accompagnent ses propos, sont tout autant humoristiques.



Et comme l'auteur a raison! Une année de jardinier ne suffit pas .Je lui laisse le mot de la fin , qui n'en est pas une..." Le jardin n'est jamais fini. En ce sens, le jardin ressemble au monde et à toutes les entreprises humaines. "
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

RUR est une pièce de théâtre de science-fiction tchèque de 1920. Elle est connue pour son invention du terme "Robot".



L'histoire est aujourd'hui éculée. Les robots, fatigués d'être utilisés comme des esclaves, se retournent contre leurs créateurs. C'est une allégorie ouvrière, Capek était marxiste.



L'originalité tient dans son retournement final. *Alerte : divulgâcheur* :



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La guerre des salamandres

La pire chose qui a pu se réaliser pour les salamandres, c’est de rencontrer l’homme.



Ces créatures étaient paisibles sur une île. Même leur race s’effacer petit à petit. Mais elles ont eu un seul défaut. Fabriquer des perles. Et là, ce fut la fin.



La reproduction de masse a posé une unique question, que faire de ses salamandres : les vendre par lots, ou en couple, ou seulement leurs progénitures ??? Les mangers… ??? À vous de le découvrir !



L’histoire de l’homme est ses multiples destructions, une réalité malheureusement bien trop présente.

Ce roman est exécuté sous forme d’humour. Un humour grinçant, noir… Et qui m’a laissé un goût amer…



Bonne lecture !
Lien : https://angelscath.blogspot...
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L'Année du jardinier

Il y a des livres qu’on aime lire et relire parce qu’ils sont intemporels et charmants.

Ce livre de Karel Capek fait partie de cette catégorie.



Il nous emmène dans un beau voyage au Pays du Jardin !

Se laisser guider par lui, ce passionné de jardinage, participer à ses émerveillements, ses étonnements, quel plaisir !



Que la nature est belle ! Oui, mais dans un jardin, il faut la maîtriser cette nature, sinon elle déborde vite de partout et elle vous envahit ! Karel Capek, lui, sait comment s’y prendre.

Il nous invite mois après mois, sous la forme d’un almanach, à cheminer par les allées, à prendre soin des plates-bandes.

Pas un mois où il ne se passe rien au jardin !



Ce ne sont pas des conseils ordinaires qu’il nous donne, il nous convie avec beaucoup d’humour à l’amour des plantes. Sa passion est communicative. On a envie de bichonner notre jardin avec lui !



Que vous ayez de l’expérience en matière de jardinage ou non, vous ne pouvez que tomber sous le charme de ce livre dont l’écriture est pleine de gaieté.

Il nous distille du bien-être, avec les parfums, l’esthétique des fleurs et le gazouillis des oiseaux.



Il ne faut pas aller bien loin pour faire de belles observations et de belles découvertes.

Avec ces temps de confinements et parfois de morosité ambiante, le jardin est tout indiqué pour s’aérer les poumons et l’âme en même temps !



Impossible de s’ennuyer dans le jardin de Karel Capek ! On ne tient pas en place, il y a toujours quelque chose à faire !



Mais c’est quoi un jardinier ?

Plusieurs réponses, vu la complexité du personnage !



Le jardinier est un homme qui parle par images.

Il aime dire que « l’hiver résiste aux assauts du printemps », et il se sent humilié de ne pouvoir « contribuer à la mort de ce tyrannique hiver ».



L’homme jardinier est d’humeur changeante.

Il peste contre le mauvais temps. Il « enrage comme un lion en cage », parce qu’il est contraint de « rester près du poêle avec un gros rhume ». Bref, il se met en retard pour la venue du printemps au jardin ! C’est alors que le jardinier prend conscience que « la patience est la mère de la sagesse ».



C’est un homme tourmenté : « Le quatrième jour, quand ce germe a poussé démesurément, le jardinier commence à se demander avec inquiétude si ce ne serait pas de la mauvaise herbe. »



C’est un homme bizarrement conçu !

« L’homme jardinier est indubitablement un produit de la civilisation et pas du tout de l’évolution naturelle. S’il avait été produit par la nature, il serait fait tout différemment ; il aurait des jambes de scarabée afin de n’être point obligé de s’asseoir à croupetons et il aurait des ailes » « pour pouvoir s’élever au-dessus de ses plates-bandes (On dirait du Pierre Dac). Quiconque n’en a pas fait l’épreuve ne peut se faire une idée de l’embarras que constituent les jambes pour un homme qui ne sait où les poser » « comme elles sont inutilement longues quand il faut les plier au-dessous de soi » « ou bien avoir des membres extensibles à volonté comme un pied d’appareil photo. » (Je vous invite à voir l’illustration correspondante qui est absolument hilarante !)



De nombreux dessins, de la main du frère de l’auteur, Josef Capek, très simples et enfantins, et malicieux à souhait, viennent illustrer de façon appropriée les textes de ce livre.



Et comment on prépare la terre à semences ?

C’est « un grand mystère » qui « comporte des cérémonies magiques. »



La vie du jardinier est pleine de changements et de volonté créatrice, mais il lui arrive souvent de sortir un peu de la mesure…

Bientôt « la convoitise du collectionneur » naît en lui, et il s’enlise de plus en plus profondément dans cette passion. Passion qui devient de la spécialisation, qui fait de lui un « maniaque exalté » qui ne vit que pour ses roses, ses orchidées ou encore ses dahlias !



Et on s’amuse avec des situations cocasses, qui surviennent à son insu.



La lance d’arrosage est un être qu’il faut apprivoiser : « elle se tord, fait des cabrioles », « se jette sur l’individu », « se roule autour de ses jambes : il faut alors qu’il pose le pied dessus ; mais elle se dresse et lui entoure la taille et le cou. Tandis qu’il lutte avec elle comme avec un python, le monstre tourne son bec de cuivre vers le ciel et dégorge un violent jet d’eau dans les fenêtres, sur les rideaux tout frais posés. »

Et on pourrait imaginer en arriver à la situation de « l’arroseur arrosé », comme dans le célèbre film de Georges Méliès !



Ce livre est très plaisant.

Le ton est enjoué et humoristique. L’écriture est joliment poétique.

Le texte est enthousiaste et exaltant.

Il foisonne d’émotions et de sensations !



C’est indéniable, il y a un sacré vécu dans ce que nous raconte Karel Capek.

Une chouette invitation à déambuler dans ces petits lopins de terre, à admirer, à observer, à pratiquer l’art de la patience, et à en « prendre de la graine » !



« Je ne vous révélerai pas le secret qui fait que les jardiniers se reconnaissent entre eux, je ne vous dirai pas si c’est par le flair, ou grâce à quelque mot de reconnaissance ou bien à l’aide d’un signe secret. »

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Lettres d'Italie

Ici comme dans ma critique précédente il y a un souci d'ISBN et la couverture n'est pas celle que je commente. Dommage. La trouver ici : https://www.lalibrairieniort.com/livre/14845423-lettres-d-italie-karel-capek-la-baconniere

***

Il n'est sans conteste pas facile pour moi de commenter « Lettres d'Italie ». Je me trouve en effet dans la position somme toute peu enviable qui sait que son opinion ne sera partagée par quasiment personne. Je vais donc tenter de présenter d'une part mon point de vue très personnel et d'autre part un avis plus neutre.

*

Je voudrais d'abord, plus vivement encore que d'habitude, remercier les éditions La Baconnière pour m'avoir offert cette masse critique. Cet ouvrage, pour paraître, a bénéficié d'une subvention du fonds de soutien à la publication de la littérature tchèque en traduction accordée par le ministère de la culture de la République tchèque. Cet éditeur bénéficie par ailleurs du soutien de la République et canton de Genève ainsi que d'une prime d'encouragement de l'Office fédéral de la culture 2020). Je précise ce qui précède pour indiquer que cet ouvrage n'a clairement pas pour objectif d'être vendu à 1 million d'exemplaires. le fait qu'il parvienne jusqu'à moi me semble même fort heureux. Je remercie au passage aussi Laurent Vallance, le traducteur en français de ce livre.

*

L'objet livre m'a beaucoup plu. En effet sa couverture cartonnée, souple et non plastifiée, m'a rappelé de nombreux ouvrages hérités de ma grand-mère. Cela en fait sans conteste un objet plus facile à tacher que la moyenne, mais il a le grand mérite de ressembler à un ouvrage de l'époque de l'auteur. de la même façon l'image de couverture est un détail du tableau « martyr de Saint-Sébastien » datée de 1498 (Luca Signorelli). C'est bien entendu parfaitement adapté au sujet ; un voyage culturel en Italie. Mais ce détail, en même temps très graphique, fait immédiatement penser à l'art nouveau comme à son glissement progressif à l'époque vers l'art déco et contextualise ce propos dans son époque comme dans la Bohême. Ce choix, en plus d'être très esthétique, est donc particulièrement habile. Pour indiquer à quel point le travail réalisé a été sérieux je pense qu'il suffit de dire que le texte d'une centaine de pages est accompagné de 60 pages de notes diverses destinées à en permettre la parfaite compréhension. Enfin plusieurs pages blanches, à la fin de cet ouvrage, nous permettent aisément de pouvoir prendre des notes. L'ensemble est d'une très grande qualité, parfaitement pensé et montre une grande érudition. Tout est fait pour que le lecteur puisse profiter au maximum de la découverte de cet ouvrage.

*

J'ai une très grande admiration pour Karel Čapek. Cet homme est, avec son frère, l'inventeur du mot robot. En 1922 il a écrit le roman « La fabrique d'absolu », très novateur, où il s'attaque entre autres à l'intégrisme religieux. Son oeuvre est déjà très satirique. En 1936 il publie son ouvrage le plus connu, « La guerre des salamandres ». Ce roman est l'une des dystopique les plus célèbres du XXe siècle. Elle est aussi une critique féroce des travers de son époque, une oeuvre touffue, complexe, d'une grande richesse et profondément imaginative. Elle comprend une critique virulente et drolatique du nazisme. Son ironie, à la fois souriante et féroce par rapport à divers travers de notre espèce, en font un ouvrage à la fois daté et humaniste du plus grand intérêt et un témoignage historique majeur. Cet homme mourra en 1938 d'un oedème pulmonaire quelques mois avant l'invasion de son pays. Il était alors le troisième sur la liste de la Gestapo des personnes à arrêter en priorité. Son frère n'aura pas cette chance relative et mourra au camp de Bergen-Belsen en avril 1945. Pour en revenir aux oeuvres de Karel Čapek, après avoir été brûlées par les nazis elles furent interdites par les communistes car anti totalitaires.

*

J'étais donc très curieux de découvrir ces lettres d'Italie, publié en 1923. Elles furent à l'époque un relatif succès d'édition, déjà sans doute parce que l'auteur était connu. Depuis elles ont lentement sombré dans l'oubli. Je suis par ailleurs amoureux de l'Italie en général et de ses arts en particulier. J'espérais de cet ouvrage deux choses principales. Je voulais d'une part un peu mieux comprendre qui était l'auteur, et d'autre part profiter de son regard particulier sur les beautés artistiques de l'Italie. Dans les deux cas j'ai été pleinement satisfait. J'ai, en outre, été ravi de découvrir plusieurs phrases que j'ai trouvé saisissantes. Je voulais vous offrir ici quelques extraits choisis :

-« Je sais maintenant pourquoi je suis si remonté contre la beauté vénitienne. Il n'y a à Venise que des palais et des églises ; la maison de l'homme ordinaire n'est tout simplement rien. Nue, exiguë et sombre, sans corniche, sans petit portail ou colonnette pour la rythmer, puante comme une dent gâtée, n'ayant de pittoresque que son exiguïté de terrier, elle ne témoigne pas du moindre besoin de beauté. Rien ne vous réjouit quand vous vous promenez, ni le joli profil une frise, ni l'encadrement d'une porte, qui voudrait vous accueillir : c'est pauvre mais sans aucune vertu. de fait ses 100 ou 200 palais, ce n'est pas de la culture, mais juste de la richesse, ce n'est pas la vie dans la beauté, c'est de l'ostentation. Et ne me dites pas que c'est à cause du formidable manque de place ; c'est à cause d'une formidable nonchalance. »

- « Et j'affirme maintenant qu'ici le christianisme est mort au sud avec le style roman, au nord avec le gothique. Avec la pleine Renaissance et surtout avec le baroque, commence quelque chose de nouveaux et somme toute d'antipathique : le catholicisme. le christianisme ne peut nous parler que dans la langue primitive, sévère et sainte des premiers styles : il est grave, pur et plutôt simple. En comparaison la renaissance est païenne et le baroque, bigot, fétichistes, en un mot catholique. Culturellement c'est frappant : il y a là quelque chose de plus bas, par rapport à la pureté religieuse originale. Toute cette pompe folle, les marqueteries de marbre, les brocards, les stucs, les ors, les hôtels à pinacle, toute cette froide magnificence, religieusement parlant, est loin de vous dire le millième de ce qu'exprime, avec une gravité et une pureté sans égal, la chapelle de Giotto. »

- « le style, c'est tout, c'est plus que l'homme, car c'est par le style que l'homme atteint directement l'absolu. »

- À propos de Palerme : « C'est pourquoi la langue humaine est incapable d'exprimer les parfums et les puanteurs. Mêlez le jasmin, le poisson pourri, le fromage de chèvre, l'huile rance, les effluves des hommes, le souffle de la mer, l'essence d'orange et l'odeur de chat, et vous obtenez, dilué 10 fois, ce que l'on respire dans l'une des rues du port. Sans oublier les langes d'enfants, les légumes pourrissants, le crottin de chèvre, le tabac, la poussière, le charbon de bois et la pommade. Ajoutez encore le bois pourri, les eaux sales, le linge mouillé et la vieille huile de friture. Et le compte n'y est toujours pas. C'est inexprimable. Les beautés et les étrangetés du monde sont inexprimables.

- « Tu étais au bord des larmes sur la plage de Rimini, envahi d'une terrible nostalgie pour tout ce qui existe sur terre, tandis que les vagues, venaient l'une après l'autre s'échouer à tes pieds et y déposer leur écume irisée, n'y laissant que de la bave et de la vase, et que tu ramassais des coquillages en te remémorant tout ce qui était et ce qui avait été. »

- « Et croyez-moi nous ne comprendrons jamais la disparition de l'Antiquité superbe, tant que nous ne trouverons pas assez de vertu dans la simplicité de l'époque qui l'a dépassée. »

J'ai eu le plaisir de découvrir chez cet homme le démocrate nationaliste, l'homme de préjugés, l'individu parfois étroit et partial mais qui l'assumait. J'ai réellement l'impression d'avoir mieux compris qui était cet écrivain fascinant. Revisiter, grâce à lui, l'Italie que j'aime ainsi que de nombreux chefs-d'oeuvre picturaux et architecturaux, avec 1 siècle d'écart, m'a passionné. Enfin nous partageons le même amour pour la campagne italienne, que ce soit l'incontournable Toscane où l'Ombrie. Comme j'aurais aimé lire ses pages sur les Dolomites ou sur les Grands Lacs italiens !

*

Vous l'aurez compris, j'ai profondément aimé cet ouvrage et je ne l'échangerais pas contre l'ensemble des oeuvres de Musso et d'Amélie Nothomb réunies. Inutile de me proposer d'ajouter Fregni et Werber, la réponse est toujours négative, n'insistez pas ! Pour autant je sais parfaitement que la plupart des personnes mettront au maximum une étoile à ce livre si toutefois elles ont la curiosité, après avoir eu la chance de le croiser, de le feuilleter. Et je peux parfaitement les comprendre. Je ne conseillerais déjà pas ce livre à quelqu'un qui ne connaît pas très bien l'Italie, dans la diversité de ses villes, de ses églises, de ses époques artistiques, de ses collines... Dès lors que le sujet abordé est inconnu l'intérêt d'un regard original et ancien risque d'être pour le moins faible. Une partie du plaisir de la lecture est d'accompagner l'auteur dans des lieux qui nous évoquent intimement quelque chose.

Il est stimulant aussi de mettre en abîme deux aspects. le premier est de comparer l'Italie au début du XXe siècle et au début du XXIe siècle. C'est amusant de noter à la fois à quel point les différences sont considérables et à quel point d'une certaine façon l'âme de ce pays n'a pas du tout changé. le second aspect consiste, de la même façon, à mettre en perspective ce que le touriste du XXIe siècle que chacun de nous peut être a ressenti dans tel ou tel lieu par rapport à ce que pouvait écrire un européen tchèque cultivé de l'entre-deux-guerres devant le même tableau, la même église, le même paysage ou le même spectacle de rue. Les lieux et les époques pèsent sur nos façons de voir et c'est ici très sensible, donc intéressant intellectuellement et affectivement.

*

Je voudrais terminer cette critique en me réjouissant sans mélange du fait que certains livres, comme ici, peuvent encore échapper totalement à la logique commerciale. Ils ne prétendent à aucun élitisme par ailleurs, ils s'adressent juste un public très particulier et restreint qui va avoir alors le bonheur de pouvoir les rencontrer et en profiter pleinement. Combien d'autres supports culturels peuvent nous offrir cette même incroyable diversité ? Merci donc à tous ceux et à toutes celles qui, par le livre ou par d'autres supports, défendent la vision d'une culture à la fois protéiforme et ouverte à tous, non en recherchant le plus petit dénominateur commun mais en proposant au contraire des produits de qualité assez divers pour que chacun d'entre nous puisse trouver son bonheur et une façon de s'enrichir.

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Récits apocryphes

Un petit bijou de la littérature, datant de 1932, mais pas du tout marqué par le temps qui passe. Capek était le principal porte-parole littéraire du pragmatisme, un courant philosophique lequel juge toutes les idées par rapport à leurs conséquences, c'est à dire par leur utilité directe pour l'homme. Pacifiste, grand défenseur de petits gens, de "la voie du milieu" et de la liberté démocratique, il est vite fiché dans les listes noires et persécuté autant par les marxistes que par les fascistes. Epuisé, il meurt de pneumonie le jour de Noel 1938. Ce, livre composé d'une petite trentaine de récits, met en scène les personnages littéraires, bibliques et historiques (Prométhée, Archimède, Hamlet, Roméo et Juliette, Pilate, Napoléon,Lazare....) dans les histoires apocryphes; subitement, ils vont prendre vie et devenir comme chacun de nous, avec nos vertus et nos vices. Et très vite, on va se rendre compte que toutes ces histoires qu'on croit si bien connaître se sont peut-être passées tout à fait différemment.....A lire absolument !
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La guerre des salamandres

Voilà une satire brillante, originale et légère, de nos mœurs. Avec une fantaisie digne de Roald Dahl et une intelligence dans la critique et l'analyse de nos mœurs qui n'a rien à envier au grand Molière, Karel Capek fait la condamnation pessimiste de nos défauts et dénonce nos ridicules.

Cette dénonciation, accomplie, avec un art du roman consommé, est d'une rare force.

Karel Capek a beaucoup d'originalité et c'est avec truculence et légèreté, qu'il écrit son texte.

La réflexion sur la nature humaine est juste et puissante, et comment n'aurais-je guère de plaisir de lecture end découvrant cet écrit intelligent, original, puissant, profond, tragicomique et plein de verve ?...

Excellent !...
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La guerre des salamandres

J'ai été très surprise par cette lecture car je ne m'attendais pas du tout à ça et la surprise a été non seulement agréable mais en plus j'ai trouvé aussi une profondeur, un humour et une histoire qui m'ont énormément plu.



Ainsi, je m'attendais à une écriture ciselée d'un intellectuel tchèque un brin philosophique et je me suis retrouvée avec un texte de science-fiction avec beaucoup d'ironie et de projets visionnaires confinant à l'absurde pour mieux montrer les limites de certains systèmes et la dérision de toute entreprise humaine. le livre a été écrit en 1935. C'est donc un des premiers livres de science-fiction et l'absence de codes donne vraiment un ton et une liberté très appréciables.



Karel Capek est aussi connu pour être celui qui a popularisé le terme de robot (inventé par son frère) et voulant dire “travailleur” dans sa pièce de théâtre R.U.R. écrite en 1920 et donc 30 ans avant le cycle des robots d'Asimov. Je vais essayer de la lire rapidement car j'ai adoré la guerre des salamandres et je veux voir comment il a pu parler des robots (déjà le fait que ce soit une pièce de théâtre me plaît).



Je ne dirai rien de plus de l'intrigue car une bonne partie du plaisir de lecture vient de la liberté d'imagination de l'auteur qui arrive à nous surprendre presque à chaque page, si pas dans l'intrigue à proprement parler, dans tous les détails qu'il donne et dans les chemins de traverse qu'il emprunte.



Ainsi, non seulement l'imagination et le fond est d'une liberté rare mais la forme de la narration est aussi incroyable libre, très bien retranscrite par l'édition de Cambourakis : on a des extraits de journaux, un jeu sur les polices pour les titres de journaux, des lettres anciennes, des notes de bas de page toutes très cocasses et des procès-verbaux, des sources tronquées.



Le livre est divisé en 3 parties distinctes et très différentes, ayant chacune leur intérêt et leur spécificité. J'aime beaucoup le dernier paragraphe qui est tout aussi improbable et qui explicite très bien la pensée de l'auteur et aussi la force créatrice.



Karel Capek met le doigt sur tous les dysfonctionnements de la société mondiale dans laquelle il vit et c'est un plaisir de le lire avec de plus le recul de l'histoire qui conforte son analyse.



Bref, une excellente lecture, d'autant plus appréciable qu'elle m'a vraiment prise par surprise. Les sujets sont traités avec beaucoup de légèreté, un humour qui épingle les hypocrites et cloue au piloris l'esclavage, le nationalisme et le capitalisme

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L'Année du jardinier

Vous qui avez pour idole Michel le jardinier ou Alain Baraton , ce livre n'est pas pour vous . L'humour décapant de Karel Capek , laisse votre jardin a nu ou en l'état de bourbier immonde , il se moque cruellement des jardiniers du dimanche , des obsédés du rosier , des adorateurs de gazon anglais . Capek n'est pas un jardinier académique , mais dans son genre c'est un marrant .

Dans le fond , a-t-il tort de rire en vous regardant arroser votre pelouse , pour la faire mieux pousser , puis à l'étape suivante de devoir la tondre ras , et de nouveau l'arroser ? Ainsi de suite ....Capek est là pour divertir par son espièglerie , non pour donner des cours de jardinage .

Mais ce n'est pas tout , Capek est aussi un poète , des jardins de gare , de quai de gare , des jardins de chefs de gare , des engrais naturels et de ceux en poudre miraculeuse , un peu comme notre Prévert . Ce tchèque vaut bien une visite en son jardin et il déridera les plus maussades d'entre vous .



Capek est aussi à connaître pour ses autres titres : " La guerre des salamandres " , " Rur " qui sont plus de la science fiction politique .
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La vie et l'oeuvre du compositeur Foltyn

Dernier livre écrit par l'écrivain tchèque ,Karel Capek,inachevé et publié à titre posthume en 1939.

Capek dans ce petit livre trace avec un humour noir,non dénué d'humanisme,le portrait d'un musicien raté,Foltyn,à travers le témoignage d'une dizaine de familiers et relations.C'est un homme qui aime la musique d'un amour fatidique et est littéralement possédé du désir de composer un opéra.Mais bien qu'ayant une mémoire musicale extraordinaire ,il manque d'inspiration et d'un véritable talent créateur.Issu d'un milieu modeste,il épousera une riche héritière et profitera de ses revenus pour pouvoir arriver à ses fins.Mais étant totalement coupé de la réalité vraie avec laquelle il a coupé tout lien moral,le résultat sera décevant.

Un livre interessant aussi bien du point de vue de la narration que de l'analyse des faits et personnages et j'ai particulièrement apprécié sur la fin ,une profession de foi sur l'Art:"Il était visiblement de ces artistes pour qui l'art n'est qu'une forme d'auto-expression et d'auto-accomplissement,une manifestation effrénée du moi.Je n'ai jamais pu admettre cette conception et je ne puis cacher que tout élément individuel constitue plutôt ,selon moi,une profanation de l'expression artistique.Ce qui est en moi,ma substance humaine ,ma personnalité,moi-meme-tout cela n'est qu'une matière,nullement une forme.Et si je suis un artiste,je ne suis pas là pour multiplier la matière,mais pour imposer à la matière une forme et un ordre....". Très belle Lecture!
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Hordubal

Depuis quelque temps, les livres de Karel Čapek (1890-1938) connaissent un regain d’intérêt en France. Les libraires mettent souvent en avant « La guerre des salamandres », un conte philosophique entre science-fiction et politique-fiction, et « L’année du jardinier », un véritable almanach à l’ancienne, plein de conseils poétiques et fantaisistes, et d’illustrations amusantes.

Mais certainement moins connu est son « Hordubal », qui s’appuie sur un fait divers authentique.



J’ai lu plusieurs livres de Karel Čapek jusqu’ici, mais je ne m’attendais pas à cette découverte ! Je l’ai trouvé totalement différent de tous ceux que j’avais lus précédemment. Je trouve qu’il n’est pas courant de rencontrer chez un écrivain cette facilité à passer d’un genre à l’autre.

Avec « Hordubal », j’ai eu un vrai choc littéraire !

C’est un récit tragique d’une grande splendeur !



Hordubal est le nom de famille du personnage principal de ce roman, un héros qu’on pourrait comparer à Ulysse. Sa voix nous accompagne tout au long de la 1re partie, pendant plus des deux tiers du livre.

Juraj Hordubal rentre dans son pays, à Kriva, un petit village de Bohème, au bout de huit ans d’absence, pour y retrouver sa femme Polana et sa petite fille, Hafie, et puis aussi sa ferme, son village, ses amis.

« Juraj Hordubal marche à grands pas, insouciant de sa valise et des huit ans écoulés. Voilà le chemin du pays que l’on descend sans mal comme font au crépuscule les bêtes aux pis lourds dans le cliquetis des colliers. »



Pendant toutes ces années, il était en Amérique, où il a travaillé dur comme mineur pour extraire du charbon. Là-bas, il ignorait la langue, on a largement exploité sa naïveté, et on lui a même volé ses économies (3 000 dollars) ! Mais Juraj est un optimiste, il lui reste 700 dollars, et il considère qu’il a suffisamment encore pour voir venir… De plus, quand il était en Amérique, il n’a cessé d’envoyer de l’argent à sa femme pour lui rendre la vie plus agréable. Dans le train qui le rapproche de son village et des siens, Hordubal éprouve une joie enfantine à l’idée de retrouver sa terre natale.

Il est persuadé que sa femme l’attend impatiemment. Il pense continuer tout simplement là, où la vie s’est interrompue il y a des années…



Mais étrangement, quand il arrive devant sa maison, sa femme l’accueille on ne peut plus froidement, et sa petite fille qui n’avait que trois ans quand il est parti, ne le reconnaît pas et a peur de lui. Hordubal, qui aime sa femme, est désemparé. Mais il est convaincu, au fond de lui-même, que Polana est un exemple de fidélité conjugale et qu’elle reviendra bientôt vers lui.



Mais il est bien naïf. Sa femme en son absence a embauché un valet de ferme, avec lequel elle le trompe. Tout le monde le sait dans ce microcosme qu’est son petit village, les commérages vont bon train et on n’aime pas quand l’ordre est troublé. Polana, ayant consommé l’adultère, a récolté la malédiction de tous les villageois. Néanmoins, Juraj Hordubal, contre toute logique, se refuse à le croire, parce que lui est fidèle, bon, généreux et aimant, un peu trop même !



« Hordubal » est un roman très psychologique. On suit les pensées intérieures de Juraj, avec son côté soi-disant « mondain », de quelqu’un qui a vu le monde, revenu avec quelques mots d’anglais…

Čapek décrit de manière admirable les retrouvailles d’Hordubal avec sa terre et ses racines, après des années du mal du pays. Ses parties-là, au vocabulaire riche et poétique m’ont particulièrement plu. Elles m’ont fait penser à des passages de romans de Jean Giono.

Comme Giono, Čapek sait nous parler de l’essence même des êtres humains, et particulièrement de ces paysans qui obéissent à des règles strictes et primaires.



Mais revenons au récit…

Juraj Hordubal est un homme patient, humble, qui espère, qui sait attendre… jusqu’au jour où la situation devenue tellement tendue, il finit quand même par chasser de chez lui le valet de ferme, Stepan, un jeune plein de fougue et arrogant, qui se moquait de lui.

Et à partir de ce moment-là, les choses vont vraiment mal tourner, car il y aura mort d’homme !

Je ne vous en dirai pas davantage, sinon qu’une enquête policière sera menée avec beaucoup de subtilité grâce au bon sens des villageois, avec des révélations inattendues…



« Hordubal » est un grand livre, savamment composé, et d’une grande richesse linguistique.

Il s’agit bien d’une tragédie où l’on trouve des hommes frustes et brutaux, mais aussi des hommes justes et des indifférents. Karel Čapek, selon ses propres termes, opposait « la face cachée mais véritable de l’homme et de sa vie intérieure à l’image déformée et inexacte que se font de lui-même ceux qui ne lui veulent pas de mal. »

Avec ce récit, Karel Čapek nous invite à penser que notre connaissance des gens se limite très souvent à nos propres projections.



Čapek nous plonge dans l’intimité de l’homme. Il évoque les détails les plus infimes de la psychologie humaine, en mettant en scène des gens simples, des héros qui mènent une vie ordinaire, mais dont le destin ne pose pas moins des questions fondamentales sur l’existence.

Ces héros voient les mêmes faits d’une façon différente. Chacun d’eux a sa propre vision des événements, sa propre vérité. La vie, pour Čapek, n’est pas unilatérale. Elle peut être interprétée de différentes manières.

Ce roman intrigue en ce qu'il propose deux angles de vue différents, confrontation entre imaginaire et réalité.



Dans ce livre, on sent l’intérêt profond qu’éprouve Čapek pour la vie des gens. Sa grande sensibilité psychologique, son empathie, son humanisme, la précision de son langage et la beauté discrète de son style font qu’il reste toujours avec nous comme s’il était notre contemporain !



A noter qu’un film a été réalisé en 1980 à partir du roman « Hordubal » et qu’une pièce de théâtre a aussi été adaptée de ce drame.

En moins de deux ans, entre 1933 et 1934, Karel Čapek a publié une trilogie romanesque : « Hordubal », « Le Météore » et « Une vie ordinaire ».

Ayant eu un énorme plaisir de lecture avec « Hordubal », je ne manquerai pas de découvrir les deux autres livres de cette trilogie psychologique !

Et « Hordubal » mérite un évident 5/5 !

Commenter  J’apprécie          1917
Cinq contes pas comme les autres

L’an dernier, j’avais été charmé par « Histoires de chien et de chat » de Josef Čapek et en cette fin d’année-ci, j’ai choisi de récidiver avec ce genre, avec ces « Cinq contes pas comme les autres » de son frère Karel Čapek. C’est toujours un plaisir de se plonger dans ces histoires fantaisistes !



Dès le premier conte, « Le conte des oiseaux », j’ai retrouvé cette expression que les frères Čapek utilisent souvent dans leurs histoires destinées aux enfants : « nom d’un petit bonhomme », et j’ai appris que cela correspond à « nom de Dieu ». Comme beaucoup de jurons, il s’agit d’une allusion détournée à la religion pour éviter le blasphème. Au fil de ma lecture des autres contes de ce livre, j’ai trouvé d’autres expressions du même registre, comme « nom d’un p’tit Jésus », « Crénom de Crédié », « A Dieu ne plaise », ou encore « Ventre-saint-gris » (une expression qui était chère paraît-il à notre cher Henri IV !). Ces expressions bibliques et évangéliques nous paraissent bien anciennes aujourd’hui, mais ces contes ont été écrits dans les années 1930, et Karel Čapek croyait à des vertus comme la compassion et la délicatesse envers autrui, des vertus qui étaient transmises par la religion.

Il y a beaucoup d’imagination dans ce premier conte, « Le conte des oiseaux », sous la forme d’un récit à sketchs, où interviennent à tour de rôle plusieurs oiseaux dont une hirondelle américaine qui veut montrer aux autres comment on construit chez elle un nid en béton ! Dans un des récits de ce conte, il y a une merveilleuse histoire d’œufs d’or qui tombent du ciel, des œufs d’anges !

On y trouve aussi une drôle expression ancienne : « dès potron-minet », qui signifie « dès que l’on voit poindre le derrière de l’écureuil » ! (J‘aime beaucoup les écureuils !)



Dans « le conte du vagabond », il y a énormément de noms français écrits dans le texte, des noms de lieux, de personnages français connus. Vous me direz que c’est un peu bizarre pour un auteur tchèque ! Eh bien non, car Karel Čapek voyageait beaucoup et en 1911, il passait déjà l'été en France où il découvrait les jeunes poètes, le cubisme et Bergson. Vers 1920 déjà, il se faisait un nom en Tchécoslovaquie comme à l'étranger et possédait alors sa place en littérature. Il a traduit les poèmes de Baudelaire et d’Apollinaire, c’est dire s’il maîtrisait bien la langue française !

Dans l’écriture de ce conte-ci en particulier, « Le conte du vagabond », on retrouve tout l’humanisme et la bienveillance à l’égard d’autrui, dont Karel Čapek a toujours fait preuve dans ses écrits.

Ce conte qui met en scène un vagabond honnête m’a particulièrement touché.

Karel Čapek saisit la vie ordinaire des gens simples et il arrive à nous étonner avec un mélange de fantaisie et d’humour, avec de l’ironie et un peu de mélancolie aussi.



J’ai bien aimé également « le conte postal », dans lequel un facteur doit mener une enquête tout à fait étonnante. Il y a une lettre qui a été postée sans adresse et il lui faut trouver le destinataire, mais aussi l’expéditeur ! Des petits lutins qui ont plus d’un tour dans leur sac vont l’aider.



L’image de la 1re de couv. du livre représente le magicien Magias. On le reconnaît une fois que l’on a lu l’histoire qui nous est contée dans « le grand conte médical ». Un bien étrange nom pour un conte ! Etrange comme la mixture que son apprenti mélange dans un chaudron à potions, une mixture faite de poisse, de poudre infernale, de fiel-de-terre et de rage-de-mémé (liste non exhaustive !), enfin tout un tas d’ingrédients diaboliques !

Dans « le grand conte médical », plusieurs docteurs discutent entre eux de cas particuliers complexes qu’ils ont rencontrés dans leurs patientèles.

Ce conte comprend plusieurs parties, dont l’histoire de la princesse « solimanesque » qui embarque un simple bûcheron dans une histoire abracadabrante. Un incroyable quiproquo l’amènera comme par magie, à sauver de son mal apathique la fille d’un sultan !

Il y a aussi « l’histoire du heïkal », c’est celle d’un fantôme brailleur qui terrorise tout le monde dans les bois jusqu’au jour où il perd littéralement la voix !

Dans « L’affaire des ondines », il est question d’une

« roussalka », une fée de l’eau, qui a trébuché sur un rayon de lune, qui s’est fait mal à la gambette, et qui a besoin des soins urgents d’un docteur, mais pour le médecin, soigner la jambe d’une roussalka, c’est un « fichtre de fouchtra de turbin » ! Y arrivera-t-il ? En tout cas il va lui donner le conseil, ainsi qu’à ses copines les fées, d’émigrer à Hollywood et de se faire actrices ! Car « les fantômes et autres apparitions merveilleuses n’ont plus de place dans notre monde d’aujourd’hui ».



Dans ses contes, Karel Čapek laisse parler ses personnages, qui racontent des histoires vraies ou des mensonges. Leurs histoires, ils les disent avec un tel aplomb et une telle éloquence qu’elles sont franchement invraisemblables, et qu’elles nous font rire !

Et il arrive souvent que les personnages se lancent dans des énumérations qui n’en finissent pas et c’est évidemment jubilatoire ! Par exemple dans le « conte du facteur » où s’enchaînent pas moins de trente synonymes d’ « imbécile » !



Karel Čapek a une attitude à la fois critique et bienveillante envers « le merveilleux ». Je trouve que ce livre de contes est bien plus que de la littérature enfantine, car au travers de ses textes, Karel Čapek, sans en avoir l’air, nous tient un propos sur la société contemporaine et sa modernité.

Un exemple pour illustrer cela : le dénouement du « conte postal » qui montre les performances d’une Bugatti qui bat des records de vitesse et va s’envoler ! C’est une histoire d’amour qui se termine bien grâce aux avancées de la technologie.

Dans « le conte des oiseaux », les pigeons déplorent que les voitures aient remplacé les charrettes, car les voitures en roulant vite, font envoler les graines qui se trouvent sur la route et de ce fait ils n’ont plus rien à manger !



Et il faut remarquer aussi que dans ces histoires, le plaisir s’accompagne aussi d’un souci.

On sent Karel Čapek préoccupé de vouloir conserver un lien entre un univers enchanté et un monde contemporain qui est loin d’être paisible. Dans le « conte des génies de l’eau », ondins tchèques et ondins allemands cohabitent, mais souvent ils ne se comprennent pas. Il faut certainement y voir des allusions à des sujets politiques qui touchent à des questions nationales !

Les génies des eaux sont bien connus de toutes les cultures slaves, où ils sont présentés comme des créatures fascinantes mais en même temps dangereuses. Par exemple, la « roussalka », l’ondine, avait un corps diaphane et n’hésitait pas à tuer les hommes qu’elle séduisait.

Les ondins, eux, qui vivaient dans les étangs, capturaient les humains qui se risquaient sur leur rive et les enfermaient dans des petits pots.

Et dans ces contes de Čapek, les ondines tout comme les ondins, sous leurs allures obsolètes et charmantes en même temps, posent des questions légèrement angoissantes de leur époque puisqu’ils se trouvent contraints de changer de lieu de vie pour survivre !



Il faut noter aussi que toutes ces histoires sont ponctuées par de nombreux dessins en noir et blanc.

Ce sont des illustrations de Josef Čapek, (le frère de Karel Čapek), des dessins naïfs, qui sont faits de lignes très simples, des dessins expressifs qui vont à l’essentiel, des dessins qui ressemblent à des caricatures de presse. Je trouve que leur aspect enfantin et burlesque s’accorde parfaitement au type de personnages et aux situations des récits de ce livre.

Voici donc des contes qui sortent bien de l’ordinaire et qui portent bien leur nom de « contes pas comme les autres » !

Un beau livre à s’offrir, à offrir aux enfants, et aux grands-enfants que nous sommes restés ! 5/5 !

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La vie et l'oeuvre du compositeur Foltyn

« La vie et l’œuvre du compositeur Foltýn » est un roman court de Karel Čapek (1890-1938). En seulement 120 pages, il nous conte la vie d’un gamin pragois d’origine modeste, qui n’est pas doué pour un sou pour les études, et qui pour exister et faire illusion, se prétend être un Artiste avec un grand « A », pianiste de talent et compositeur de génie, qui montrera un jour ce dont il est capable.

Au début du roman, on croit avoir droit au portrait caricatural d’un personnage factice, stérile et névropathe, mais non. Čapek joue comme à son habitude avec la nuance, et son écriture est pleine de subtilité. J’ai trouvé ce roman assez original, et singulier à bien des égards.



C’est un roman polyphonique. La vie du compositeur Foltýn y est reconstituée grâce à différents témoignages de personnes qui l’ont bien connu, ou simplement fréquenté. Chacun, tour à tour, -un ami de jeunesse devenu juge, sa logeuse, une ancienne camarade de lycée, un ancien voisin de pension, etc., brosse un portrait de Foltýn. Il apparaît comme étant flamboyant pour certains, et beaucoup moins brillant pour d’autres. Cette multiplicité de points de vue est intéressante, car elle nous permet petit à petit de cerner sa personnalité complexe, et nous amène à penser qu’il n’est pas quelqu’un de sympathique !



J’ai bien aimé le portrait qui est dressé de ce héros picaresque ! « C’était un jeune homme au long nez et à l’abondante chevelure, au menton rentré et faiblement dessiné, au cou de girafe, et avec une expression de suffisance peu commune dans ces yeux pâles. ».

Foltýn est ce qu’on appelle un « beau parleur » …

« Il pérorait sur l’art, il avait appris une douzaine de grands mots tels qu’intuition, subconscient, substance originelle et je ne sais quoi, et il en avait plein la bouche. » De plus, il se plaît à déclamer très fréquemment cette phrase, pour éblouir les personnes qu’il rencontre : « Le compositeur doit vivre à chaque minute dans l’angoisse de la création… »

Ces passages du roman prêtent vraiment à rire !



Foltýn se dit habité par une force créatrice terrible et irrésistible, mais ce qui lui manque gravement c’est l’inspiration. Il a envie de transcender son origine modeste pour devenir une personne de grande renommée, mais on va découvrir au fur et à mesure des témoignages toute l’étendue de son indignité ! Foltýn ne va pas hésiter à soudoyer nombre de personnes et à plagier plus talentueux que lui ! Son but dans la vie est de créer un grand opéra, « Judith », et il veut à n’importe quel prix exister aux yeux des autres pour un talent qu’il n’a pas, en privilégiant les apparences aux qualités réelles.



Et Karel Čapek nous amène avec ce roman à réfléchir sur l’art, et sur la notion du bien et du mal.

Pour lui, l’art est infiniment respectable, il est quasi d’origine divine, il demande le plus profond respect et une totale implication. Il donne une véritable leçon d’art à tous ceux qui veulent composer ou écrire.

« Foltýn était visiblement de ces artistes pour qui l'art n'est qu'une forme d'auto-expression et d'auto-accomplissement, une manifestation effrénée du moi. Je n'ai jamais pu admettre cette conception et je ne puis cacher que tout élément individuel constitue plutôt, selon moi, une profanation de l'expression artistique. »

« Le diable aussi se mêle de l'art et y fait ses contrefaçons. (…) Il tire son orgueil de la matière, de l'originalité ou du tour de force ; il n'est pas d'excès, pas d'exubérance qu'il n'attise de son souffle vénéneux, tout gigantisme et toute grandiloquence s'enflent de son orgueil impur et convulsif ; tout ce qui dans l'art est facilité, clinquant, complaisance, ce sont là les paillettes de sa vanité simiesque. Tout ce qui est imparfait, inachevé n'est que la trace hâtive de sa fébrile impatience et de son éternelle négligence ; toute forme fausse et prétentieuse est le masque emprunté sous lequel il dissimule vainement sa désespérante nullité… »



Au travers d’autres témoignages, que j’ai trouvés plus marquants encore, ceux d’un professeur d’université et de plusieurs musiciens, on en vient à comprendre combien Foltýn est un être faible, qui est totalement dépendant des autres… Un être pitoyable !



La fin du livre est assez déroutante, quand on sait que ce roman est posthume (paru en 1939, un an après la mort de l’auteur), et qu’il est théoriquement inachevé. Théoriquement, car on lit « Ici se termine le texte de Karel Čapek. ». Mais suit le témoignage de la femme de l’auteur, qui commence ainsi : « Plusieurs témoins devaient encore compléter les détails et les dépositions devaient apporter quelques éclaircissements sur la fin du compositeur Foltýn. » Et la suite est tellement bien écrite, semble tellement intégrée, qu'on a un doute passager... mais il semble que non, il est vraiment inachevé, c'est bien sa femme (qui a elle-même fait carrière comme écrivain, après celle d'actrice) qui a dû brosser la fin de l'histoire. L'effet est tout de même très étrange, car le livre était ancré dans le réel (à un moment, une note en bas de page précisait : "Texte établi d'après le sténogramme de la déposition de Mme Foltýnová").



« L’Art offre la possibilité de la vertu la plus noble comme de la bassesse et du vice les plus infâmes. »

Au travers de ce court roman, on ressent combien Karel Čapek est attaché aux belles valeurs humaines que sont la vertu, la sincérité, la droiture, et l’honnêteté !

En même temps, Čapek semble porter un regard humaniste indulgent, qui relativise les fautes et les écarts des êtres ! Les êtres pour lui sont tellement pétris de complexités, et il a tellement d’empathie pour ses personnages, qu’il semble nous dire qu’après tout on pourrait leur pardonner leurs égarements, et admettre qu’en tout être il y a certainement en définitive quelque chose de positif à retenir.



Un beau roman court de grande qualité d’écriture, que je recommande. 4/5.

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Lettres à Véra

Après avoir lu « L’année du jardinier » et « La guerre des salamandres », j’ai voulu connaître de manière plus intime qui était véritablement l’homme, l’auteur de ses ouvrages, passionné de jardinage et un des derniers écrivains à avoir vu plus loin que la science de son temps, Karel Čapek.



Dans ce livre, « Lettres à Věra », on découvre un Karel Čapek fasciné par une jeune fille, qu’il appelle « mon amazone ». Il s’agit de Věra Hrůzová (1901-1979).

Avant d’écrire son roman « La guerre des salamandres », Čapek (1890-1938) était déjà un homme de lettres célèbre, alors que Věra faisait sa dernière année d’école de commerce.

Ils vont faire connaissance dans le salon littéraire privé d’une écrivaine en 1920 à Prague…

« Je dois vous voir. Si vous ne venez pas, ce sera terrible, je ne saurai quoi faire ».

Les lettres adressées par un des plus grands écrivains tchèques à cette jeune fille qui lui a fait tourner la tête, sont recueillies dans ce livre qui témoigne d’une passion aussi violente que compliquée… Pendant longtemps, non seulement les lecteurs ordinaires, mais aussi les spécialistes de Karel Čapek n’avaient pas la moindre idée de l’existence de cet amour secret de l’écrivain.

C’est Věra Hrůzová en personne, qui vers la fin de sa vie, a sorti du tiroir les lettres que Karel Čapek lui avait adressées. Au fur et à mesure de la lecture de ces courriers, datés du 27 décembre 1920 au 24 février 1931, c’est toute la personnalité et la destinée de Čapek que l’on découvre.



Dans les premières années de leur relation, ses lettres commencent tour à tour ainsi : « Ma Věra très estimée »,

« Ma Věra unique », ou plus simplement « Chère Věra » et se terminent par : « Votre dévoué », « Votre serviteur »,

« Avec tous mes respects » « Bien à vous », « Bises », « Je vous embrasse, ma chère Věra », « Avec un grand amour ».

Ces premières lettres sont belles, pleines de passion et de désir, mais on remarque que les mots choisis sont tout en retenue, en délicatesse. Karel Čapek est pudique.



On sent que Karel est vraiment tombé amoureux de cette jolie jeune fille aux yeux clairs et à la mèche rebelle, qui pratique l’équitation et joue très bien au tennis. Malheureusement, il dispose de peu de temps à consacrer à Věra pour des RDV, et lui demande de le pardonner.

On le suit dans ses activités. Il est très occupé avec les répétitions de sa pièce « R.U.R. » (Rossum’s Universal Robots), sur les robots, au Théâtre national de Prague.

« Je suis pourchassé par le temps ; ce n’est même plus tenable ». Il exprime à Věra sa tristesse, mais en même temps, il a peur de mettre en péril sa vie créative en s’attachant trop à elle !



On découvre un écrivain très travailleur, qui a peu de temps pour lui-même, mais qui, en même temps n’aime pas qu’on le plaigne. « Dois-je continuer de gâcher ma jeune vie pour la simple raison que j’ai eu la chance de rencontrer le soi-disant « succès » ? »

En parallèle de ses créations littéraires, K. Č. écrivait aussi des articles pour « Lidove noviny », le quotidien de la ville de Brno en Moravie, tribune de l’intelligentsia tchèque, dont il était l’un des principaux porte-paroles.

Parfois, on rencontre, avec étonnement, des mots et des expressions en français dans le texte de ses lettres :

« Passons dessus », « une sensation un peu gênante »,

« compris ? », … Il faut dire que Karel Čapek avait été étudiant à l’université à Paris, qu’il est un traducteur brillant et l’auteur d’une anthologie de la poésie française qu’il présenta aux lecteurs tchèques dès 1920 !



A la lecture de ces lettres, on comprend que Čapek était aussi doué de beaucoup d’imagination.

Bien souvent, il lui fallait compulser des ouvrages scientifiques de façon à éviter de commettre des erreurs ou d’écrire des approximations. Dès 1922, il avait déjà prévu, dans son roman « Krakatit », le danger que représente pour le monde l’abus de l’énergie nucléaire.

En écrivant le livre, Karel Čapek devait déjà connaître de nouvelles théories scientifiques, parmi lesquelles les transformations de Lorentz et la théorie de la relativité d’Einstein.



De son métier d’écrivain, Čapek dit qu’il est plutôt sérieux : « On doit se démener fort tous les jours, comme un tailleur très prisé, et même le dimanche ! ».

En plus de ses travaux d’écriture, et de répétitions de pièces de théâtre, Karel Čapek est obligé de satisfaire souvent à des déplacements professionnels, y compris à l’étranger.

Mais toute cette charge de travail et ce rythme effréné vont affecter gravement sa santé.

Au début mars 1923, il écrit à Věra qu’il est malade et qu’il a choisi d’aller se reposer en Italie.

Il se sent très mal psychiquement. Il se reproche de n’avoir pas vécu à un rythme plus lent.

En juin 1923, il est de retour à Prague… Pendant sa

« retraite » italienne, il a écrit des « feuilles d’Italie », et dans sa lettre, il demande à Věra si elle pense qu’il doit les publier, comme l’y invitent certaines personnes de son entourage. Une grande majorité de ces lettres a été écrite entre 1921 et 1923, soit la période durant laquelle la relation entre Karel et Věra était la plus intensive.



Mais au début juillet de 1923, il répond à un courrier de Věra, qui lui annonçait qu’elle comptait se marier ! Il avait ainsi appris brutalement qu’il n’était pas son seul prétendant ! Il y a probablement eu une incompatibilité d’humeur entre un écrivain qui passait son temps à écrire et une jeune fille qui ne demandait qu’à vivre et à profiter de la vie !



En septembre 1923, Karel Čapek, furieux, lui écrit une lettre dans laquelle il insère un passage en français, réagissant au fait que Věra prépare sa lingerie de mariage : « … votre linge endiablé, le voile impudique qu’une nuit un autre déchirera, ah, c’est trop pour moi ; et vous, insensée, vous me parlez de ce qui n’est plus pour moi qu’un rêve furieux et impossible, je vous hais. » Il était donc très déçu et malheureux de savoir qu’elle avait un autre homme dans sa vie, et pendant un certain temps, il manifestera d’ailleurs une certaine réserve vis-à-vis de Věra. Sa douleur avait éclaté et il a donc écrit ce passage en français, à l’issue duquel il a encore ajouté un petit paragraphe dans lequel il explique : « Voilà, je vous écris ça en français parce qu’en tchèque je l’aurais écrit beaucoup plus vulgairement. »



Et dans ce courrier, en même temps, il lui exprime ses difficultés à terminer « Krakatik », où par moments, il se moque de nobles sentiments humains comme l’amour.

Il faut dire que l’héroïne de ce roman, Wille, pratique l’équitation et joue très bien au tennis, tout comme Věra ! C’est bien d’elle dont il s’est inspiré pour créer ce personnage !



En octobre 1923, alors que Věra va se marier, il lui écrit qu’il lui souhaite sincèrement le meilleur.

A compter de ce moment, il lui écrira encore, mais de façon plus espacée, et ses lettres commenceront par « Madame Věra » ou « Madame », tout simplement. Mais il restera toujours attentif et respectueux envers elle. En fait, Karel Čapek est romantique. Pour preuve, il offre à Věra, par sa lettre de Noël 1923, « un petit bouquet de gentianes et d’amarantes qui ne fanent pas. »

Věra, elle-même, bien que mariée, continue de lui répondre et lui enverra même une splendide photo-portrait.



J’ai trouvé intense le contenu de ces lettres. Elles sont écrites dans un style souvent assez décontracté, tantôt intimiste, tantôt jovial, empreint d’un certain humour, aussi. Même si ce n’est pas une œuvre littéraire, ce livre qui rassemble ces nombreuses lettres, reste de la littérature. C’est un beau texte, qui nous apprend beaucoup sur la vie professionnelle de l’auteur, sur les questions qu’il se posait, sur son caractère et ses sentiments.

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La guerre des salamandres

Y a-t-il des Reptiliens chez nous ? Ici, en Nouvelle-Calédonie, je les ai vus les Reptiliens, et même qu'ils se promènent impunément, sur mon balcon. Et même qu'ils émettent un drôle de bruit, comme ça : tjictjac tjictjac … La première fois que j'ai entendu ce bruit, la nuit, j'ai cru que c'était un voisin qui bricolait … mais non je me suis rendue compte que c'est les Reptiliens qui bricolent des trucs et pas mon voisin. Allez savoir ce qu'ils font ? Au début, je n'en ai vu qu'un, se promener au plafond, alors je me suis dit qu'il était inoffensif et qu'il risquait pas de se reproduire tout seul. Et puis, il peut être utile s'il mange quelques nuisibles, cohabitons donc ensemble M. le Reptilien ? Au jour d'aujourd'hui, ils sont déjà quatre ou cinq sur mon balcon, toute une famille , il a fait venir tous ses cousins quoi. Je ne les ai pas encore vus marcher sur leurs pattes arrières comme Andreus Scheuchzeri mais je les surveille, sait-on jamais ? Il ne s'agirait que d'inoffensifs margouillats comme on les appelle ici mais appelons les tjictjac ou geckos asiatiques ou Hemidactylus frenatus si vous préférez ou Reptiliens comme je le préfère, moi.



Un jour un Tchèque a apprivoisé des Reptiliens pas trop loin de chez moi alors qu'il partait à la pêche aux perles vers Tahiti ou je sais pas où. Et il a raconté pas mal de trucs étranges sur eux mais bon ce qu'il raconte, on sait pas trop si c'est vrai, parce qu'on est tous alcoolisés : l'autre qui raconte de telles balivernes a forcément bu un truc, moi aussi j'ai forcément bu un truc, je crois me souvenir qu'on a tous bu enfin nous témoins oculaires et narrateurs fiables témoignons de l'existence des Reptiliens. Les Batak Kanak l'attestent également, même s'ils ne s'approchent pas trop de Devil Bay, parce qu'ils se méfient des diables comme ils les appellent mais sachez qu'ils sont autant narrateurs fiables que nous. Seuls les requins qui heureusement sont fort présents sur le territoire peuvent nous sauver en mangeant de temps en temps quelques Reptiliens. Sauf que voilà, les Reptiliens on les a armés contre les requins. Bah oui on a plein d'armes ici. En conséquence de quoi, les requins se font pas mal massacrer mais bon, on laisse faire parce qu'on veut bien récupérer nos plages, s'il vous plaît, Messieurs les requins. Problème majeur : les Reptiliens auraient envahi le monde entier selon notre correspondant Tchèque. Ils s'installent sur les côtes et nous, comment qu'on fait pour nous installer sur la plage quand on veut aller nager un peu, hein ? Moi, je trouve ça scandaleux de ne pas pouvoir aller à la plage. Et si vous aussi vous aimeriez aller à la plage tous les jours, mais que vous n'avez pas la plage, ça peut s'arranger, avec les Reptiliens. Ils proposent déjà je crois des Paris-Plages mais Clermont-Ferrand-Plages ça peut s'arranger aussi, n'hésitez pas à transmettre vos coordonnées aux Reptiliens. Ils se feront un plaisir de vous aménager ça pour l'été prochain.
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R.U.R. : Rossum's Universal Robots

"R.U.R." est une comédie utopiste en trois actes et un prologue.

Elle est signé Karel Tchapek et traduite du tchèque par H. Jelinek.

Elle a été représentée, pour la première fois, sur la scène de la Comédie des Champs-Élysées, le 26 mars 1924, sous la direction de Jacques Hébertot.

"Travail à meilleur marché".

"Le Rezon's Robot, 150 dollars la pièce."

"Qui n'a pas son Robot ?"

Sous ces grandes affiches imprimées à droite sur le mur, Domin est assis, sur un fauteuil tournant, devant un grand bureau américain.

Face à lui, se tient Hélène, la fille du président Glory.

Si elle s'engage à ne dire à personne la moindre chose - la fabrication de l'homme artificiel est le secret de la maison - le directeur général de "Rezon's Universal Robots" lui en fera voir plus qu'aux autres...

Les robots sont sans volonté propre, sans passion, sans histoire.

Sans âme, sans amour et sans révolte, cela va de soi.

Les robots n'aiment rien, ni eux-mêmes.

Quand à la révolte, de temps en temps seulement, il arrive qu'ils aient une "crise de rage", une sorte d'épilepsie.

On appelle ça "la convulsion des robots" !

Soudain, l'un d'eux flanque tout ce qu'il tient dans les mains par terre, se met à grincer des dents.

Il faut le mettre à la broyeuse.

Un défaut d'organisme, paraît-il.....

Ce beau morceau de théâtre est assurément un texte fondateur d'un des thèmes principaux de la science-fiction moderne.

"L'âme commence-t-elle par un grincement de dents ?"

Dans le prologue, les robots sont habillés comme tout le monde.

Dans le corps de la pièce, ils portent des blouses en toile, serrées par des courroies avec des plaques de cuivre, portant un numéro.

Il y a quelque-chose de sec, de cassant, dans leurs mouvements et dans leur prononciation.

Leur visage est sans expression. leur regard est fixe...

"R.U.R." est un véritable récit d'anticipation articulé, pour la scène, en une brillante pièce de théâtre.

Elle ne perd rien à sa lecture, ni de sa puissance, ni de sa justesse.

Elle a peu vieilli.

Empreinte de philosophie, elle se révèle, de par un style d'écriture efficace mais élégant, assez littéraire.

Elle est, aujourd'hui encore, un passionnant morceau de scène.

Pour la première fois, en 1920, apparut le mot "robot"....

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La guerre des salamandres

Etonnant, admirable, prophétique, cette oeuvre écrite en 1936  lors de l'irrésistible expansion du nazisme, est proteiforme.

Roman engagé,  le racisme, la suprematie de l'homme sont les cibles ainsi que le besoin de profit des nations. Karel Capek et son frère Josef ont été persécutés par les nationaux socialistes tchèques puis la gestapo. le premier est mort avant son arrestation, le second en déportation .

Ce roman de science-fiction débute comme un roman d'aventure : un vieux capitaine-baroudeur, chercheur de perles découvre dans une ile perdue du bout du monde des salamandres geantes douées d'une intelligence relationnelle avec les humains et serviables, en particulier dans la collecte de  ces perles.

   le show-business médiatise ces relations, une société d'actionnaires développe des contrats de travail

intercontinentaux.

   Les scientifiques émettent différents avis..

Les puissances mondiales prennent position quant à ce nouveau phénomène qui bouleverse l'Economie. Quelle place sociale attribuer à ces nouveaux venus sur le marché du travail ?

   Les journaux relatent ces faits selon leur tendance politique, philosophique ou religieuse.   leurs articles sont partiellement retranscrits dans les annexes jointes en bas des pages du roman. 

.... Et le développement de cette nouvelle population devient exponentielle.!  

    L'humanite survivra-t-elle ?

.... Et un petit bonhomme culpabilise en suivant cette actualité !

Donc, pour cette oeuvre visionnaire, dystopique, majeure, à rapprocher de "1984" ou " le meilleur des mondes", bien que d'écriture différente : 5/5.

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Lettres d'Angleterre

Critique douce amère de l’Angleterre des années 1920 par un écrivain tchèque .

Ce qui est particulier à ce livre ce sont les petits dessins qui émaillent le texte , petits dessins assez simplistes d’ailleurs .

Lors de la lecture des premières pages , j’ai été ravie puis un peu lassée par le style un peu répétitif .

Un tableau d’Angleterre qui semble être intemporel , voilà ce qui fait la force , le charme du livre .

Je remercie Babelio pour l’envoi de ce livre lors du dernier Masse Critique.
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La guerre des salamandres

La défunte édition Marabout Fantastique semble regorger de bien des merveilles (Jean Ray, Edgar Allan Poe, Bram Stoker et j'en passe). J'ai mis la main sur le numéro 324. Il s'agit de « La guerre des salamandres » de Karel Čapek. Je vais découvrir la littérature tchèque, une grande première pour moi. Une rapide recherche sur Internet et je découvre qu'il est à l'origine du mot « Robot » car il l'a introduit dans sa pièce de théâtre « R.U.R. ». En fait, c'est son frère Josef Čapek qui en fut l'inventeur. Je tombe de haut, moi qui croyait que c'était Isaac Asimov qui l'avait inventé. Il est bon donc de rendre hommage à qui de droit.

En fin de l'ouvrage, les éditions Marabout Fantastique ont eu la bonne idée de mettre quelques pages pour présenter l'auteur et son œuvre. On y append qu'il faisait partie de la liste des auteurs recherché par les Nazis. Comme Karel Čapek est décédé en 1938 – à l'âge de 48ans –, ils n'ont pu le déporter vers les camps de la mort. Pour assouvir la mégalomanie de ces fanatiques et déséquilibrés, ils se sont vengé sur son frère Josef Čapek. Je me suis demandé s'il n'y avait pas de lien entre la salamandre et le nazisme (au sens large).

Je me souviens que Robert Merle s'était inspiré de ce livre pour écrire « Un animal doué de raison ».



Ce fut le capitaine Jon Van Toch qui rencontra pour la première fois la Salamandre ou plus exactement toute une communauté de Salamandres – en fait, il s'agissait de l'un de ses serviteurs, mais l'histoire (au sens large) veut ce soit les hommes blancs et de hauts rangs qui fassent les découvertes. Le capitaine est un homme au fort caractère et de son temps. Il faut savoir que l'entre deux guerres, beaucoup de personnalités étaient racistes et antisémites (Lovercaft, Henry Ford,…). Ainsi notre cher homme lâche nombres de jurons parfois drôles, parfois blessant quand il fait allusion au racisme.

Au début, les Salamandres, n'étaient que des simples animaux. Puis, le capitaine leur à montrer comment ouvrir des huîtres avec un couteaux. Ces êtres marins ont évolué et n'ont cessé de progresser, jusqu'à ce qu'ils deviennent les égaux de l'être humain.



Je ne peux pas noter et parler de mon ressenti devant la richesse de ce livre. Au-delà d'un simple roman, Karel Čapek nous dresse une véritable encyclopédie de l'animal et si on regarde plus en profondeur, il s'agit d'une satyre sur son monde. Bien évidemment entre son époque et le notre, il s'est passé beaucoup de chose. Ce livre mériterait d'être analysé en profondeur.

Ce récit est bien plus qu'un roman. Au gré des pages, nous suivons des histoires insolites, des réflexions, mais surtout d'innombrables articles. Durant la partie que j'ai le moins apprécié, nous avons le droit d'avoir des coupures de presses, des thèses, des conférences. Tout est absolument décrypté jusqu'au mode de reproduction détaillé. J'avoue que j'ai fait l'impasse sur la majorité de ces paragraphes long et en petit caractère. Une chose étonnante, il a ajouté des articles de langues diverses, comme les kanjis japonnais et l'écriture arabe.

Le roman est découpé en trois parties dénommé Livre. Le livre I (Andrias Scheuchzeri) décrit la découverte et l'évolution des Salamandres. Le Livre II (Sur les traces de la civilisation) est la plus ennuyeuse. Cette partie nous nous narre l'évolution des Salamandres dans la culture et la politique aux travers les pays du monde. Et ça se termine avec La guerre des Salamandres qui est le livre III.

J'ajouterai que j'ai été agacé par la lourdeur des dialogues. À chaque fois que quelqu'un parlait, il rajoutait des « dit », « répliqua », « piaula », « glapit », « criait », « s'écria » ou bien encore « acquiesça ».



Petit plaisir personnel : Il se trouve que le livre que j'ai entre les mains est la première édition de la collection Marabout Fantastique (1969). Une réédition fut faite en 1986. Plus récent, les éditions La Baconnière ont réédité ce livre en 2012, tout comme Cambourakis et sa couverture vintage.



C'est une lecture assez difficile, voire même élitiste. J'admire le travail de l'auteur, mais d'un point de vu de lecture, je suis passé à côté. Je ne le conseille pas à tous.
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L'avant-scène théâtre : La Guerre des salamandr..

J'ai découvert ce texte par l'adaptation théâtrale du roman de Karel Capek par Evelyne Loew et une mise en scène de Robin Renucci.



En 1936, alors que le fascisme monte en Europe, le Tchèque Karel Capek publie un roman satirique et d'anticipation : "La guerre des salamandres". Un capitaine de navire fait escale à Prague. Interviewé par un journaliste il parle d'une île proche de Sumatra où il a découvert des salamandres douées d'une intelligence remarquable qui sèment sur le sable des perles d'une qualité rare. Le capitaine Van Toch va proposer à l'homme d'affaires G.H. Bondy, ancien camarade d'école devenu millionnaire, d'investir pour exploiter ces salamandres. L'affaire grossi, le monde entier tire parti des qualités de ces animaux marins, jusqu'au jour où elles vont se révolter. Quel est dès lors l'avenir de l'être humain et du monde ?



J'ai beaucoup apprécié la mise en scène de Robin Renucci pour Les tréteaux de France. Relire ce texte m'a rappelé combien il était visionnaire. Cette lecture du roman de Karel Capek non seulement aborde la critique des extrêmes mais s'attaque au capitalisme, au militarisme, au journalisme, à l'industrie du cinéma et de la communication, mais se préoccupe aussi des enjeux écologiques du 21e siècle et questionne la nature de l'être humain. Un texte à plusieurs niveaux de lecture, qui pousse à la réflexion, et qui donne envie de lire le roman dans son intégralité.



L'édition de l'Avant-scène théâtre permet de découvrir un autre texte de cet auteur oublié : R.U.R. , pièce de théâtre d'anticipation publiée en 1920, dans lequel apparaît pour la première fois le mot "robot". On trouve déjà le questionnement de l'auteur sur l'humanité. Sur une île, une usine fabrique des robots proches de la vision que nous avons des androïdes. Dotés d'intelligence artificielle et de sentiments, comme les salamandres ils vont apprendre des êtres humains et se révolter contre leurs maîtres. Un texte d'anticipation (ce qui n'est pas si courant au théâtre) qui là encore se montre d'une lucidité effrayante tant il trouve écho dans notre société un siècle plus tard.
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