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Citations de Lianke Yan (185)


Kong Mingguang, l'aîné des frères, avait décidé de divorcer. A cause de la nouvelle bonne, tout bêtement : Xiao Cui, une vingtaines d'années, jolie et délicate comme l'eau avec ses lèvres humides et sucrées qui donnaient l'impression d'être à longueur de temps enduites miel.
(...) D'ailleurs elle souriait toujours, d'un sourire qui faisait penser à un nuage coloré en train de flotter, et s'exprimait d'une voix douce, menue et flûtée, si bien que quoiqu'elle fasse, qu'elle parle ou qu'elle travaille, c'était toujours avec la plus grande discrétion : elle était là et c'était comme si elle n'y était pas. Vous la croyiez ailleurs mais vous aviez soif, elle posait un verre d'eau devant vous. A peine sentiez-vous que vous commenciez à transpirer qu'elle apportait de quoi vous changer.
C'était une fée. p 197-198
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La pluie cesse. Le ciel s'éclaircit. Deux ou trois jours encore et le
printemps s'en vient tout recouvrir. La montagne s'éveille
complètement.
Le vert tendre des jeunes blés teinte les crêtes dont on
ne voit déjà plus la couleur rousse. même le soleil déverse une
lumière verte, toute de sève printanière. Cela se sait: Lan shishi
part faire commerce de chair pour Sima lan.... Il fait beau depuis
trois jours, et on l'a vue se faire faire une nouvelle robe rose à la
mode. On est le 9 du mois, et si sortir de chez soi le 7 ou le 8 porte
malheur, le 9 est un jour faste; oui, c'est certainement aujourd'hui
qu'elle va partir.
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- Moi, Ding Shuiyang, je m'agenouille devant vous à la place de mon aîné Ding Hui. Je vous demande de ne pas oublier que mon deuxième fils a contracté la fièvre, que mon petit-fils, âgé de douze ans, a été empoisonné et que tout le village est atteint par la maladie parce que mon fils aîné a massivement recueilli le sang pour le revendre.
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Pour fabriquer l'acier, tous les arbres avaient été coupés, la terre n'était plus qu'une étendue immaculée, une gigantesque page vierge. N'ayant nulle part où se poser, les moineaux voletaient en piaillant sans trêve ni repos puis, lorsque la fatigue les prenaient enfin, ils cherchaient sur le sol enneigé une épine, une haute armoise solitaire et ils s'y perchaient en ribambelles qui faisaient plier l'épine ou l'armoise.
(P168)
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Le chien continuait à le regarder sans comprendre.
Tu ne veux pas parler, tant pis. L’homme poussa un soupir. Un peu déprimé, il alluma sa pipe. Face à l’obscurité, il dit, comme c’est bon d’être jeune, d’avoir un corps fort et une femme la nuit. Si la femme est intelligente, au retour du champ, elle t’apporte de l’eau, et si ton visage est en sueur, elle te passe un éventail. Les jours de neige, elle te chauffe le lit. Si durant la nuit vous vous êtes retrouvés, et que tu te lèves tôt le matin pour aller au champ, elle te dit de te reposer encore un moment. Vivre de cette façon, il inspira énergiquement une bouffée de sa pipe, puis expira longuement, caressa le chien et poursuivit, vivre de cette façon, c’est vivre comme les immortels.
Il demanda, tu as eu ce genre de vie toi, l’aveugle ?
Le chien demeura silencieux.
Il dit, qu’en dis-tu, l’aveugle, est-ce que ce n’est pas pour ce genre de vie que les hommes viennent au monde ? Il ne laissa guère au chien le loisir de rétorquer, se répondit immédiatement à lui-même, certainement, je dis que oui. Puis il dit encore, mais quand on est vieux c’est différent, quand on est vieux on vit seulement pour un arbre, un brin d’herbe, des petits enfants. C’est toujours mieux de vivre que d’être mort.
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Un grillon chantait. Là, parmi la végétation en bordure de route, il ne cessait de chanter. Sur le jujubier, une sauterelle chantait . Sur le jujubier qui avait poussé à flanc de falaise, elle ne cessait de chanter. Dans la nuit, le monde était devenu d'un silence mortel.
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Les hommes des villages environnants s'étaient rassemblés en grand nombre, l'heure était venue pour eux de se déverser dans le bourg. Ils affluaient comme par une vanne ouverte, submergeant les digues. Comme une armée prête à tuer.
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- Papa, si je deviens somnambule, à ton avis qu'est ce que je ferai ?
- Tu feras ce à quoi tu penses à ce moment là.
- Je pense à lire.
- Alors tu liras en rêvant.

Page 113.
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En sortant du restaurant, mon père voulut lui faire visiter la ville. Mon grand-père demanda à plusieurs reprises combien avait coûté le repas. Mon père lui répondit que ce n’était pas son problème. Mon grand-père aurait voulu lui dire que ce repas de luxe ne valait pas un bol de nouilles ou de navets bouillis au vermicelle qu’on mangeait au village mais il jugea préférable de se taire.

Il fut effrayé de voir les changements qui s’étaient produits en un an. La ville ressemblait maintenant à la capitale provinciale. Une forêt de grands immeubles serrés comme les dents d’un peigne montait vers le ciel, le long d’une avenue où pouvaient rouler de front sept ou huit camions.
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Au printemps elle avait attaché ses quatre idiots comme quatre chiens à un arbre à la lisière de son lopin et installé devant eux les criquets, les moineaux, et puis des galets et des morceaux de tuile avec quoi ils pourraient jouer pendant qu'elle faucherait le blé. Du lever du soleil à son apogée, quand il avait été exactement au-dessus des têtes elle avait moissonné. Mais quand elle était retournée à l'ombre pour s'y reposer, les enfants avaient écrasé criquets et moineaux à coups de pierre sur les tuiles. La cervelle des oiseaux avait giclé aux quatre coins, leur sang tout éclaboussé, les crânes des insectes s'étalaient comme du jus d'ail sur les tuiles. Et les quatre s'empiffraient, de pattes, d'ailes, de ventres et de têtes, bouches et joues barbouillées de rouge, ils avaient fait tant et si bien que l'univers entier était infesté de sombres relents garance.
Sous le choc, elle était restée bouche bée, paralysée. Puis avait éclaté en sanglots bruyants, pleuré à en réveiller les morts et tournée vers l'arête où était enterré son mari entre deux hoquets l'avait injurié : "Tu mériterais d'être coupé en morceaux, You Shitou ! Au lieu de quoi tu es parti te la couler douce et nous as laissés à notre malheur, les enfants et moi !"
"Tu te crois un homme, espèce de chien ? Avec le tort que tu nous as causé, la nuisance que tu as été ?"
"Tu t'imaginais que ta mort allait arranger la situation ? Qu'il te suffirait de partir pour trouver la paix ? Laisse-moi te dire une bonne chose : tant que les petits ne seront pas tirés d'affaire, je ne te laisserai pas un jour de repos, sale bête !"
"Sors de ton trou, avait-elle continué, et prosterne-toi devant moi ! Mets-toi à genoux et admire ta progéniture. Après tu regarderas le blé que j'ai coupé toute seule en une matinée !"
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Les villageois projetaient de s'enfuir depuis longtemps déjà. Le blé était mort, les hautes montagnes et les cîmes escarpées étaient devenues incultes. Cet univers desséché avait contraint leur espoir à se faner.
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Il dormit encore une nuit au pied de la culture. Le surlendemain, non seulement deux nouvelles feuilles étaient atteintes mais les soies rouges avaient prématurement commencé à se dessécher.
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Il dit, putain, ils veulent encore se battre avec moi. Qui suis-je ? Je suis l'aïeul ! Ne me dites pas que vous êtes des loups, quand bien même vous seriez des tigres et des panthères, vous croyez que vous me faites peur ?
Il cria de toute ses forces en direction de l'endroit où les loups avaient disparu, si vous aviez du cran vous ne seriez pas partis, vous auriez continué la lutte encore un jour ou deux !
Puis il baissa la voix et dit, partez, la source est à moi , elle est à moi , à l'aveugle et au pied de maïs.
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Les années précédentes, lorsque la sécheresse arrivait, on dressait un autel à l'entrée du village. On y disposait trois assiettes d'offrandes et deux jarres. Dans chacune des jarres on versait généreusement de l'eau, puis sur chacune d'elles on dessinait un roi-dragon, dieu des pluies. Ensuite, on attachait un chien entre les deux récipients, on lui faisait lever la tête vers le ciel. On le nourrissait s'il avait faim, on lui donnait à boire s'il avait soif. Et, lorsqu'il était repu, on le faisait hurler face au soleil. Chaque fois qu'on a fait ça, au bout de trois à sept jours tout au plus, les aboiements faisaient effet et le soleil se retirait. Il se mettait alors à pleuvoir ou bien le vent se levait ou bien encore le ciel se couvrait. Mais cette année, ça n'a pas marché.
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Avec un compagnon, la vie est plus savoureuse.
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Il porta son regard le plus loin possible. Il vit, entre deux faîtes, le soleil disparaître, englouti derrière une troisième cime. Restait un flot rouge brillant, s'écoulant du haut vers le bas de la montagne, se déversant jusque auprès de lui. Le monde entier se tut instantanément. C'était l'heure du silence le plus intense, entre le déclin du jour et la tombée de la nuit. A cet instant-là, autrefois, on voyait les coqs monter sur leurs supports et les moineaux rentrer au nid, le monde s'emplissait d'une pluie de gazouillis. Mais aujourd'hui on ne voyait plus rien, ni bétail ni moineau, même les corbeaux avaient fui la sécheresse. Il n'y avait plus que le silence. L'horizon rouge du couchant se faisait de plus en plus mince et l'aïeul entendait le froissement des rayons qui se retiraient comme un pan de soie. Ramassant les grains émiettés au creux de la pierre, il songea qu'une journée encore venait de s'achever, et qu'il ignorait comment il pourrait passer la suivante.
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Le fleuve qui coule n'a pas besoin de savoir d'où vient l'eau, et l'eau qui coule n'a pas besoin de se demander si le fleuve a été creusé pour elle ou si c'est elle qui a donné sa forme au fleuve.
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慾望是一種力量,也是一種命運的鎖鏈和繩羈。
偶然決定著必然。
死亡等待著出生。

(Le désir est une force, mais aussi une chaîne et une laisse du destin.
Le hasard détermine la nécessité.
La mort attend la naissance.)
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Mesdames et messieurs, chers invités, honorables membres du jury,

D'une certaine façon, l'écrivain vit pour la mémoire et les perceptions du genre humain. C'est pourquoi la mémoire et les perceptions nous font aimer l'écriture.
C'est pourquoi aussi, me tenant ici, je me souviens des années 1960 à 1962 : il y a plus d'un demi-siècle, dans la Chine qui cherchait à réaliser le communisme, ont eu lieu trois années dites de « désastres naturels », faisant environ 30 millions de morts. Un soir, après cette catastrophe d'origine humaine qui a ébranlé le monde, le soleil couchant brillait et le vent d'automne soufflait sur mon village pauvre et isolé de la Chine centrale, entouré de murs fortifiés de terre érigés pendant la guerre. Âgé seulement de quelques années, j'accompagnais ma mère près des murailles pour vider les ordures. Me tenant par la main, elle me montra de l'argile blanche en pétales et de l'argile jaune en boulettes :
  « Souviens-toi, l'argile blanche et l'écorce d'orme peuvent être mangés quand un homme est tourmenté par la faim au point d'en mourir. L'argile jaune et l'écorce d'autres arbres le feront mourir plus vite. »

Puis elle rentra préparer le repas. Sa silhouette qui s'éloignait ressemblait à une feuille séchée ballottée par le vent. Et moi, devant cette argile comestible, face au soleil couchant qui baignait le village et les champs de sa lumière, je vis une immense obscurité s'abaisser comme un rideau.
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Le village était désormais désert. La maladie avait explosé. Ceux qui devaient mourir étaient morts. Les survivants avaient quitté le village. La canicule avait vidé le village comme le vent emporte les feuilles mortes, comme le vent éteint les lanternes.
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