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Citations de Marie-Sabine Roger (2030)


Putain, les dents de lait ! Rien que d'y repenser j'en ai eu des frissons !
Chez moi, quand j'étais petit, on nous les arrachait à la ficelle. S'il y a un truc de taré, c'est celui-là, je vous jure ! Ma mère accrochait la dent qui branlait à un fil, le fil à la poignée d'une porte. Une saloperie de fil chinois, celui qui résiste tellement bien aux tractions que tu peux toujours essayer de le casser entre tes mains : t'as beau forcer comme un âne, tu t'entailles la peu des doigts jusqu'à la pulpe et puis c'est tout.
Le future édenté se mettait d'un côté du battant, tout tremblant, et mon père de l'autre.
Après, il y avait un rituel à la con. Il fallait toquer à la porte.
Le bourreau répondait :
- Qui est là ?
Comme s'il ne le savait pas, l'enfoiré !
Et l'agneau du méchoui - mon frère, ma sœur ou moi, selon - répondait d'une voix constipée :
- C'est moi !
- À qui voulez-vous parler ?
On voulait plus parler à personne, on voulait seulement enlever la ficelle, se barrer en courant, et garder cette putain de dent de lait pour toujours dans sa bouche, tant pis si elle battait de l'aile.
Mais le bourreau insistait :
- À qui voulez-vous parlez ? avec une sale voix sirupeuse.
Alors, tout en faisant la goutte dans le slip, tellement on crevait de trouille, on bêlait :
- Je voudrais parler à la petite souris...
(Enfin, ça donnait plutôt "ze vou'rais 'arler à la 'etite chouris" à cause de la ficelle qui tenait notre dent au collet, plus serrée qu'une main d'étrangleur sur le cou frêle de sa victime.)
Et là, vlan !Mon père tirait la porte à lui d'un coup sec, en gueulant :
- Elle est iciii !
(...)
La souris n'avait plus qu'à passer.
La nuit suivante, on l'attendait, à trois, bien décidés à lui faire sa fête.
Mon frère foutait une tapette à l'entrée de la chambre, ma sœur faisait le guet sur le lit du dessus, un gros bouquin bien lourd à portée de main, moi je mettais du râpé dans une boîte d'allumettes toute badigeonnée de colle en dedans, que je laissais grande ouverte, à côté de la dent placée sous l'oreiller. Comme ça, quand elle viendrait, cette salope de souris, si elle ne se faisait pas niquer par le piège ou écraser comme une merde sous le bouquin lâché par ma sœur, alléchée comme le renard, elle s'y collerait les pattes, et je la ferais prisonnière, le temps d'aller la jeter au canal.
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"Un poète doit laisser des traces de son passage, non des preuves.
Seules les traces font rêver."
René Char - La parole en Archipel
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La lumière se tamise, tout se teinte de bleu, de pourpre, de violet. Le soleil immergé se noie hâtivement, orange éblouissante dans un bol de café. Les dernières lueurs sont toujours les plus belles, elles ont le goût des regrets, des jours trop passés, en allés, disparus.
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Tanah leur en voudra plus encore, peut-être, de condamner leur père comme s'il était coupable. Responsable. On ne choisit ni d'être fou, ni le visage de sa folie.
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Adulte, Tanah comprendra la déception de sa mère, son besoin jamais dit et jamais rassasié de faire corps avec sa fille au sein de cette horde brouillonne, agitée par des luttes, cette tribu de mâles qu'elle a tous engendrés, sauf un. Elle interprétera autrement - trop tard - son désappointement de voir son unique fille traitée comme un garçon, un de plus, un de trop, quand elle aurait tellement voulu avoir une fifille en jupette, qui serait proche d'elle, aimerait les dentelles. Qui lui ressemblerait.
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On ne peut voir le monde qu'avec ses propres yeux mais on peut décider de distinguer le beau dans le disgracieux le sublime dans le grotesque l'immense dans le minuscule Ne voir que ce qui nous dérange c'est du temps de perdu sur le bonheur Tout est question de point de vue.
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Il y a des gens qui vous aiment de travers vous enveloppent d'un amour en coton épais filandreux pour protéger des chocs et que surtout rien ne vous fêle qu'aucune aspérité n'arrache votre peau. Ce n'est pas bon d'être aimé de façon aussi précautionneuse.
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C'est comment, une étoile filante ?
C'est comme un tout petit soleil qui passerait dans le ciel en courant.
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Les gens qui ont perdu tout espoir ressemblent à des lieux profanés, à des maisons cambriolées. Un dédale de mise à sac, de lumières éteintes, de portes fracturées. Des courants d'air que rien n'arrête.
Du silence et du vide.
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Prune est persuadée que le temps est un allié. Elle croit qu'en s'écoulant, il arrange les choses. Tout devrait lui prouver le contraire, à commencer par nous, pauvres humains. Nous vieillissons. Nous finissons.
Et les étoiles meurent. Les montagnes s'érodent. Les fleuves se tarissent.
Mais j'ai beau lui énumérer tout ce que le temps détruit, elle m'opposera que le printemps revient, que les arbres refleurissent, et que nous nous sommes rencontrés au mitan de nos vies.
La peste soit des gens qui voient la vie en rose.
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Ce lundi-là, j'ai dit à Margueritte les prénoms de tous mes oiseaux. Enfin, ceux qui étaient là, parce qu'en tout il en vient vingt-six sur la grande pelouse. Je parle des habitués seulement. Sans compter les piafs de passage, ceux qui se ruent sur les miettes comme des malpolis, et qui se font flanquer des piles par les autres. J'ai commencé :
- Là c'est Pierrot. L'autre à côté, il s'appelle Têtu... Mouche, Voleur, Cocotte... Celui-là c'est Verdun... La petite marron, c'est Capucine... Là, Cachou... Princesse... Margueritte...
- Comme moi ! elle a dit.
- Quoi ?
- Je me prénomme Margueritte, moi aussi...
J'ai trouvé ça marrant, me dire que je parlais avec une Margueritte, pendant qu'une autre, emplumée de la tête au croupion, picorait un trognon de pomme à mes pieds.
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Je tenais à mes parents, même si c'était des parents, avec tous les défauts que ça peut sous-entendre, questions autorité et interdictions. Je tenais à mon père, surtout. Je le trouvais balèze, pas seulement pour ses biceps plus épais que des cuisses. Il était fort, vraiment. Droit planté dans ses bottes. Riche de convictions, à défaut d'autre chose. Un gueulard, un sanguin, mais qui trempait ses mouchoirs aux mariages, aux baptêmes, appelait ma mère Mon p'tit bouchon d'amour, en se foutant pas mal du ridicule, et n'avait jamais peur de lui dire Je t'aime.
L'homme que j'aurais sûrement bien aimé devenir.
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Par ailleurs, la relation avec mes parents avait plus de plomb dans l’aile qu’une palombe lâchée à l’ouverture de la chasse. P 34
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Lorsque j'avais six ou sept ans, ma grand-mère parlait souvent de son retour d'âge. Je voyais ça comme un moment magique où l'on pouvait retourner à l'âge de son choix. Je m'étonnais même, vaguement, qu'elle ne choisisse pas d'être à nouveau petite. Elle l'a été. Beaucoup plus tard. Pour quelque temps.
Pour ma part, j'ai vécu ces moments entre hormones et chaleurs, ce désarroi du ventre qui désarme. Larmes qui montent, gorge qui serre, comme à quinze ans, le charme en moins. La félonie du corps, sa lente forfaiture. La taille un peu moins fine, la peau moins veloutée. Le regard qui qui se plisse en mille pattes-d'oie. Les rides, ces vergeures imprimées par le temps sur la peau, quand elle parchemine.
On ne dit pas tout ça. Même entre femmes. On le brime, on le tait. On voile de pudeur la difficulté du passage. Ne plus être réglée, c'est être déréglée.
Prochaine étape : à la casse, hors d'usage.
Cette dérive inéluctable qui nous force à passer d'un état à l'autre : objet de désir, objet d'indifférence. Objet, tout simplement.
Tout ce lent mouvement de glacier qui nous presse, et change imperceptiblement les courbes, les reliefs. Cette noire alchimie, qui transmute nos ors en plomb. Qui nous oxyde.
Cette retenue de barrage, pour corseter tous les épanchements, quand le geste coquin d'hier devient un jour d'une impudeur, d'une indécence obscène. Cette dignité sans noblesse, cette gravité sans grandeur à censurer toute folie, à mesurer ses démesures, quand on est une vieille peau.
Lorsque l'on sait que tout, l'épiderme, le derme, et ce qui suit de muscles et de nerfs, de viscères, d'organes, d'humeurs et de sanie, tout cela n'est qu'un contenant.
Et que l'âme, en dedans, piaffe toujours, ne sait pas ce que vieillir veut dire. Cruelle reddition, parce qu'on aime aussi fort, de la même façon, mieux même.
Et qu'on a honte. De vouloir caresser, se soumettre, jouir. Honte d'aimer faire l'amour, plus tendrement ! encore, quand on se croit enfin un peu de science, passé l'interminable initiation.
Pour celles qui ont vieilli près de leur compagnon, et pour peu que la passion vibre, la tendresse s'est peaufinée.
Elle se sublime, elle suffit à donner le désir.
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Tu peux me croire, ce sont les femmes qui font les hommes, du début à la fin de leur vie. De leurs victoires à leurs pertes, de leur pouvoir à leur chute...
Ce sont les femmes qui nous choisissent en se laissant choisir par nous.
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« Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. » C’est ce que dit le serment d’Hippocrate. C’est sans doute la raison pour laquelle Ehpad et hôpitaux sont remplis d’êtres aux corps souffrants, aux esprits laminés qui ont tout perdu de la vie, sauf la vie elle-même.
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Au 25 de la rue Maurienne, il y a l'immeuble où vit Denis. C'est un vieil hôtel restauré. On dirait un décor de film. L'appartement est au cinquième. On y monte par un grand escalier de pierre usée, avec une rampe sculptée. Les murs sont jointoyés. La pierre est un peu jaune.
Chez Denis, c'est petit, très haut de plafond. Il a fait une mezzanine, mais son lit est en bas. Dans sa mezzanine, il n'y a qu'une table à dessin, des livres. Tout est blanc. Les fauteuils, les rideaux. Les poutres entrecroisées, ça fait comme un bateau à l'envers, une voute. Les fenêtres donnent sur les toits, le fleuve, les piles du pont, les péniches. Ça laisse croire à l'horizon.
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Enfin, le privilège de l'âge, c'est que lorsqu'on s'ennuie, au moins, ce n'est plus pour longtemps.
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Ce qui fait que plus tard, à l'armée, on m'a classé dans les analphabètes, nom dans lequel on entend le nom bête, qui résume très bien ce qu'on pensait de moi, en plus poli.
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A seize ans, on ne manque pas de colère, mais seulement de répartie.
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