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Critiques de Mathieu Bablet (504)
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Carbone & silicium

Un roman graphique de presque 280 pages pour raconter de façon ambitieuse l’avenir de l’humanité vu à travers deux intelligences artificielles. Un parti pris de le faire sans manichéisme et avec une petite touche de poésie.

Dans un futur proche, une entreprise de la Silicon Valley met au point deux IA, Carbone et Silicium à partir des connaissances de l’ensemble du réseau mondial. Ces entités font preuve dès le début d’un sens de l’humour qui les rend sympathiques et, déjà ; très humains.

Bientôt ils auront un corps connecté avec leurs mémoire qu’ils doivent transporter avec eux comme une valise à roulette. L’entreprise prévoit une obsolescence programmée de 15 ans afin de pouvoir vendre continuellement d’autres IA sous cette forme robotique bipède.

Les deux entités apprennent à se connaître et développent d’autres sentiments humains comme l’envie de liberté, la volonté de ne plus être prisonnier de ce lieu et de cette entreprise, de découvrir le monde.

Silicium, le robot humanoïde masculin, réussira à s’échapper lors d’un passage en Inde. Il deviendra nomade, avec pour but ultime de découvrir l’intégralité des beautés du monde. Carbone, le robot féminin restera d’abord « prisonnière » puis, grâce à l’action de sa créatrice, parviendra à transférer sa « personnalité » de robots en robots au fil des générations.

Les deux robots vont se retrouver, se reperdre, être confrontés sur près de 300 ans à l’évolution de l’humanité, et à celle des problématiques actuelles : l’attrait des réalités virtuelles, le dérèglement climatique, la surpopulation, les guerres, la fin des ressources naturelles et j’en passe. Pas de coupables, pas de messages, juste la lente évolution, générations après générations vers un abîme apocalyptique. Alors que Silicium continue de découvrir cette magnifique planète, l’humanité s’enfonce dans le chaos.

Et ce n’est même pas trop désespérant car, les robots sont justement là pour apporter non pas de l’espoir, ou si peu, mais de la poésie à ce crépuscule de l’espèce humaine. Les derniers chapitres de ce roman graphique sont à ce niveau là particulièrement réussis.

Cette vision du futur, très ambitieuse, est prenante et poignante. Elle est admirablement secondée par les dessins des paysages post cataclysmiques et des villes du futur, avec des couleurs justes et en même temps improbables. On reste souvent à admirer les cases, à repérer des détails révélateurs ou iconoclastes.

Le défaut, récurrent chez Mathieu Bablet, ce sont les visages des personnages. Ils sont moches. On pourrait penser que c’est fait exprès. Mais, même dans ses autres BD, c’était déjà le cas. Un très bon scénario, de très beau dessins de décors, de paysages, de construction, d’objets, mais les visages, c’est vraiment un point faible.

Alors on finit, comme à chaque fois, par non par s’y habituer, mais à passer outre. À les oublier. Ce qui, en passant, est le signe, que le reste est absolument admirable.

Et on lit ce roman graphique qui raconte une apocalypse qui dure 300 ans, avec un réel plaisir et une pointe d’appréhension sur notre propre avenir.
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Carbone & silicium

Si c’est ça l’avenir qu’on nous prédit, eh bien moi ! je retourne chez ma Mamie et mon Papi…



Deux androïdes, Carbone et Silicium, vont suivre cette humanité en perdition sur près de trois cents années. Un vrai cauchemar ! Mégalopoles inhumaines, réchauffement climatique et montée des eaux, crises migratoires et guerres civiles, pénurie d’eau, milliards d’humains égarés dans la toile. Corps difformes, masques effrayants, rictus de haine et de souffrance, dessins torturés, brouillés… N’en jetez plus !



Une bande d’androïdes aussi loqueteux que des va-nu-pieds en train de s’écarter pour laisser en paix une abeille butiner dans ce monde dévasté est le seul moment d’espoir et de ravissement au milieu de ce pessimisme noir. C'est très peu...



Cette longue BD sombre et dépressive a au moins le mérite de nous faire réfléchir sur les relations que nous entretenons avec notre corps quand on passe plusieurs heures par jour devant les écrans et dans les rets de la grande toile. Qu’en sera-t-il demain ? Ce corps aura-t-il encore une quelconque utilité ?



J’avoue ne pas avoir compris ce salut collectif prôné par les androïdes.



Une BD vraiment apocalyptique et anxiogène qui nous en met plein la vue. Trop, peut-être !
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Shangri-la

Dans la nébuleuse de Gum, il y a 1 million d’années, Scott accompagne la mort d’une étoile en hommage à ses défunts compagnons… Comment en est-il arrivé là, c’est ce que cette bande dessinée de 222 pages va nous raconter !



La terre est devenue invivable suite à la grande catastrophe du 21e siècle, donc c’est à travers les yeux de Scott que nous découvrons la station orbitale où cohabitent 1 million de survivants qui attendent la terraformation de Titan pour que l’humanité revive de nouveau à l’air libre… Mais nous découvrons surtout une dictature « soft » où tout est dirigé de A à Z par la mégacorporation Tianzhu qui a pris en main la destinée de l’humanité. Le communisme est décidément le stade ultime du capitalisme, comme le montre les critiques au vitriol du communisme de Friedrich Hayek et de Milton Friedman qui s’appliquent point par point au capitalisme d’aujourd’hui, ou bien la maxime du bankster J.P. Morgan : « la concurrence c’est bien, mais c’est le monopole c’est mieux »…

Scott se pose de plus en plus de questions sur les apprentis sorciers du projet Homo Stellaris qui jouent dangereusement avec le feu en manipulant l’antimatière, mais plus encore sur les dirigeants de Tianzhu qui lui demande d’effacer leurs traces et qui ne prennent aucune mesure pour protéger les habitants de la station…

Poussé par ses amis Aïcha, Virgile, Nova et John l’animoïde, Scott entre à contrecœur dans la résistance de Mister Sunshine contre les mensonges de Tianzhu… Les révélations se multiplient et quand la vérité éclate, ce qu’il reste de l’humanité bascule dans la radicalisation et le nihilisme : le paradis était en fait peuplé de névrosés (comme le montre parmi tant d’autres les destins de John et Aïcha)…







J’ai tout de suite repérer que nous étions sans dans une relecture et une modernisation de "THX1138", le chef-d’œuvre dystopique de George Lucas, où de l’une ou de l’autre de toutes ces grandes œuvres SFFF contestataires des années 1970. Du Club de Rome que personne n’écouté à la COP21 que personne ne veut appliquer rien n’a changé : énormément de gens essayent de se bouger, voire de se décarcasser, mais le système de la croissance infinie dans un monde fini est maintenu au mépris de ses dangers pour l’humanité parce que ceux qui le dirigent et qui en profitent ont trop peur de perdre le pognon et le pouvoir qui va avec… Allez au diable messieurs les ploutocrates, je vous maudis jusqu’à la 13e génération vous qui avez tellement pourri la réalité que même en fiction plus personne n’est capable d’imaginer un avenir heureux…



Une œuvre engagée et formidable, donc magistrale…

- MAIS malgré des graphismes très travaillés, avec des décors de toute beauté et un découpage de haute volée, je n’ai pas du tout accroché au charadesign clonesque, androgyne et volontairement approximatif dans son style

- mais je n’ai vraiment pas accroché à la fin, et j’ai même un peu peur de ne l’avoir pas bien comprise…

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Carbone & silicium

Il y'a une phrase qui m'a choquée au sujet de l'égoïsme de l'être humain : "On n'a jamais vu de cercueil pour deux."



C'est vrai ... même dans la mort, nous faisons grand cas de notre individualité. Alors comment pourrait-il en être autrement de notre vivant ? Comment privilégier l'intérêt collectif, pour le bien de chacun, alors que même une fois retourné dans le néant, il semble hors de question de partager quatre planches que nous ne verrons d'ailleurs jamais ?



Il est peu dire que j'ai apprécié ma découverte de Carbone & Silicium. C'est le genre de claque que j'aime prendre et il y'a presque un sentiment de gratitude à avoir découvert une oeuvre pareille.



L'histoire se déroule dans un monde où l'être humain refuse de faire face à sa propre mort et utilise tous les moyens pour la retarder, (ici l'intelligence artificielle et la robotique), puisant dans les dernières ressources qu'offre notre planète, dans un monde FINI, incapable de voir que son entêtement le mènera à sa perte. Incapable de voir que, malgré l'évolution multi millénaires dont il se targue, il est resté un animal aux instincts primaires, dont les désirs primeront toujours sur l'intérêt général.



Et il n'y a pas de salut pour lui.



Nos deux androïdes, nommés Carbone et donc Silicium, m'ont fait ressentir beaucoup d'émotions. Ils peuvent encore s'émerveiller d'un lever de soleil, jouir des trésors de notre planète, lorsque leurs maîtres humains ne jurent plus qu'à travers le virtuel. Leur statut "social" évolue au fil du temps. Il est d'ailleurs choquant, au départ, de voir de quelle façon les androïdes sont monnayés : assez longtemps mais pas trop, histoire de favoriser l'émergence de nouvelles générations, dites plus performantes, plus chères, et donc plus rentables. Ce n'est pas le cas des téléphones, d'ailleurs ?



Au final, il n'est pas interdit de penser que nous avons là un aperçu d'un de nos possibles futurs. Et ça fait tout simplement froid dans le dos. Espérons que nous aurons plus de jugeote pour éviter les pièges. Et je connais un excellent moyen pour cela : Lire. Encore et toujours. De bons livres faits de bon papier, et continuer de s'émerveiller d'un rien.



C'est une lecture très dure mais qui m'a fait voyager comme rarement. Le premier tome de "Dune" m'a un peu fait cet effet-là. L'immersion est totale, et c'est juste magnifique à regarder.



Un très gros coup de coeur.
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Shangri-la

C'est un peu paradoxal que j'ai choisi de lire cette bande-dessinée, alors que nous sommes nous-mêmes en pleine période de confinement mais cela faisait un moment que j'avais envie de la lire alors comment mieux occuper nos journée que de découvrir des ouvrages que nous n'aurions peut-être pas pris le temps de découvrir en temps normal ? Certes, j'aurais plus choisir une lecture plus drôle mais y a -t-il réellement un temps pour lire tel ou tel ouvrage ? En temps normal, je dirais oui mais là, étant donné que ce n'est pas un temps normal mais un trouble d'incertitude, je me dis au final que non et j'ai bien eu raison car cette bande-dessinée, extrêmement bien travaillé du point de vue graphique m'a enchantée et le scénario a été à la hauteur de mes espérances !



Dans un futur lointain, alors que notre planète est devenue inhabitable (aux dires des dirigeants), les hommes se sont réfugiés dans une station spatiale régie une nouvelle fois par le capitalisme : Tianzhu Entreprises. C'est eux qui donnent des crédits aux habitants et animaux dorénavant pourvus de parole et d'intelligence (à l'exception de certains), eux qui leur donnent sans arrêt de nouvelles technologies proches de ce nous connaissons actuellement (téléphones portables, tablettes...), eux qui les oumettent à leur pouvoir en leur promettant des réductions exceptionnelles et cela a l'air de marcher parce que pendant ce temps-là, les hommes ne pensent pas, ils consomment. Mais consommer pour quoi, pou qui ? Scott et son frère Virgile et une poignée d'autres insoumis remettent en question le bon vouloir de Tianzhu ! Que cherchent-ils à faire ? Très vite, sous la directive de Sunshine, un animal génétiquement modifié, si l'on peut dire, les hommes commencent à se rebeller ! Quelles sont les véritables intentions de Tianzhu en voulant créer une nouvelle race d'humains, crées à partir de rien et qu'ils enverraient vivre sur Titan ? Se prendre pour Dieu, Ok mais est-ce réellement sans danger ou alors ces gens-là sont-ils réellement pourvus de bonnes intentions en voulant repartir de zéro et surtout de rien ? Rien n'est moins sûr et Scott est bien décidé de prouver à la population ses théories...



Bien plus qu'une bande dessinée, c'est aussi un roman graphique et surtout un ouvrage d'anticipation extrêmement bien pensé et qui donne à réfléchir sur de nombreux points et notamment sur le côté matérialiste qui nous enchaîne à notre société ! A lire et à faire découvrir !
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Carbone & silicium

Titre prometteur. Chimie organique suivie de chimie des semi-conducteurs, alias intelligence artificielle. Le tout présenté comme potentiellement compatibles puisque faisant partie de la même famille d’éléments chimiques, colonne 14 de la classification de Mendeleïev...

Voilà, l’intérêt tombe à la page 2. On se dit alors... qu’est-ce que c’est que ces dessins ? Ils sont moches, n’ayons pas peur des mots. Bien sûr comme toujours, bla bla bla c’est subjectif etc... Mais les personnages des premières 100 pages de cette BD sont... moches, mal dessinés. Peut-être volontairement, je ne suis pas en mesure de répondre mais il est à souhaiter que ce soit un choix, que je n’aime pas mais que d’autres peuvent supporter, afin, ailleurs, une autre fois, de faire éventuellement autrement.

Après reste le scénario. Hélas, rien d’original, une histoire d’amour inter IA-humain et intra-IA qui défie plus ou moins le temps. Comme je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages, cela a fait pareil avec l’histoire, qui m’a paru traîner en longueur, en langueur.

Le final couronné par une postface de Damasio assez hallucinante citant Deleuze. J’ai pensé : il a fumé ou quoi ?

Bref l’ensemble est post apocalyptique. Après qu’on l’ai lu.

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Carbone & silicium

Mathieu Bablet n'en finit pas de s'imposer comme l'un des auteurs de bande-dessinée les plus intéressants de sa génération.

Depuis ses débuts poétiques et post-apocalyptique dans La Belle Mort jusque dans son sublime voyage spatial dans Shangri-La en passant par la beauté intense d'Adrastée, le français creuse son sillon parmi un imaginaire protéiforme et réflectif où l'être humain devient le centre de l'attention.

Quatre ans après Shangri-La, Mathieu nous revient avec un pavé de pure science-fiction intitulée Carbone & Silicium, l'occasion, une fois de plus de replonger dans un monde fouillé et inattendu.



L'Homme de demain

Tout commence à la Tomorrow Fondation au coeur de la Silicon Valley, des chercheurs dirigés par Noriko, créent deux intelligences artificielles qu'ils nomment Carbone et Silicium. Deux être tirés du flot de l'infosphère pour habiter un corps et, à terme, relever l'humanité.

Mathieu Bablet aurait pu transformer son oeuvre en une simple course contre la montre entre les humains et les robots renégats, faire de Carbone et Silicium deux fugitifs qui n'auront jamais de place. Et c'est en partie ça, Carbone et Silicium. Mais c'est aussi tellement davantage.



Dualité de l'existence

Carbone et Silicium, ce sont deux éléments du même table périodique, deux ingrédients d'une immense formule qui se nomme vie. Mathieu Bablet crée sous nos yeux deux non-humains qui, à force d'années, de réflexions, d'émotions et de rencontres deviennent plus humains que les non-humains, s'étonnant au passage de la robotisation des êtres de chairs et de la froideur des affects d'une humanité piégée par ses propres limites.

C'est un vision du monde qui entre en collision à travers 271 ans de voyages à travers des époques, des régimes, des problématiques qui meurent et revivent.

Mathieu Bablet oublie rapidement les considérations politiques actuelles qui apparaissent absurdes aux yeux des deux androïdes pour une réflexion sur le post-humain et le post-cyberpunk.



Malgré ce qui nous sépare

D'un côté, Carbone et Silicium contemplent l'homme, vieux reliquat d'un esprit coincé dans sa viande. La solution ? Unir ses pensées, ne faire plus qu'un, tenter de prendre une autre voie radicale. Être collectif.

Ou…

Dans cet opus, on retrouve non seulement cette réflexion nuancée d'un Mathieu Bablet qui semble lui-même se questionner sur son rapport au monde et à l'autre, mais aussi son goût pour un trait et un visuel pléthorique, ultra-fouillé sans être fouillis, où les cases se dégustent longtemps et dans les moindres détails, exotiques de bout en bout, célébrant la planète autant que ceux qui l'habitent. La poésie d'Adrastée hante souvent les pages de Carbone et Silicium, comme son côté engagé et humain nous renvoie aux plus beaux instants d'un Shangri-La l'espace d'un coucher de soleil…toujours différent.

Carbone et Silicium, en fin de compte, n'apporte pas une réponse, mais des pistes de réponses, à explorer, à éprouver, à comparer.

Au milieu, ce qui fait la puissance du récit, ce n'est ni l'opposition nomade/sédentaire, collectif/individuel, naturel/technologie, vie/mort, ni même la visite de notre planète à travers le temps. Ce qui fait la puissance du récit, c'est l'incroyable humanité de ces deux êtres qui se pardonnent et s'aiment par-delà les époques et les blessures, ce sont Carbone et Silicium, qui démontrent que peu importe les différences, on peut toujours choisir d'accompagner l'autre.



C'est une nouvelle fois un superbe voyage que nous offre Mathieu Bablet multipliant tout par deux, par quinze ou par deux cent soixante et onze. Aussi cyberpunk que cyberhumain, transhumain que posthumain, voire même humain tout court, Carbone et Silicium passionne et émeut par sa justesse et son trait toujours aussi épatant.
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The Midnight Order

Club N°51 : BD non sélectionnée

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Cet album a un côté Carbone & Silicium transposé au thème des sorcières.



On suit deux membres du Midnihgt Order (société secrète de sorcières établie depuis plusieurs siècles) durant 8 histoires et leurs transitions.



Il est très agréable de voir les personnages évoluer durant les années du récit.



A noter qu'il y a autant de dessinateurs/trices que d'histoires ce qui donne à chacune une ambiance bien particulière.



Pas mon Bablet préféré mais une lecture très agréable.



Gilles

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Carbone & silicium

C'est en nous Que se passe Tout ce qui se passe

Dans le monde où nous vivons.

C'est en nous Que cesse Tout ce qui cesse

Dans ce que nous voyons. - Fernando PESSOA -



Plutôt que de parler d'Alain, Damasio, qui signe la postface de cet album SF post-apo, cyberpunk, style chien enragé, je cite Fernando

- en pied de nez, pied de ligne, pied aux propos

& un clin d'oeil saudade au fado.



Contrairement à mes habitudes 'bulles' sans paroles, ici, ce sont les dialogues qui m'ont d'abord interpellée - pollution, surpopulation, famine, vieillissement, partages tous azimuts des informations sans réel partage du savoir, connexion 24/24 --- merci xT, messager intergalactique :D)



Il m'a fallu un peu de temps pour m'habituer au graphisme

Les couleurs fauvistes, en variantes non linéaires m'ont tout de suite plu,

les traits, moins au début -

car si j'aime beaucoup Egon Schiele, j'ai une nette préférence pour les rondeurs et la volupté de Botero, encore un Fernando

- ensuite je me suis laissée porter par la vague (Oh Hordes mugissantes) et puis séduire par les lignes hachurées, déchiquetées en mille morceaux de couleurs explosives, flamboyantes qui accompagnent et soulignent totalement, imparfaitement le caractère robotique de cette histoire terriblement humaine (et vice-versa)



Au final, il s'agit avant tout d'une histoire d'amour entre Carbone et Silicium, deux 'êtres' que tout assemble, en qui tout se ressemble, que tout oppose, le tout et le néant, l'absolu et la complétude.



La plus belle preuve d'amour donnée et reçue serait le mot de la fin ou presque:

"Tu appartiens au monde extérieur, je te libère."

(d'accord avec Alain, Damasio, et en même temps, pour moi, la beauté de l'album se trouve aussi ailleurs -- )



Un roman graphique de chez graphique dans sa construction de l'espace, du temps, construction presque aléatoire tout étant très architecturale.

Un parti pris du non-esthétisme conventionnel très esthétique



Alain, Damasio, en signant la postface - que je n'avais pas lue avant la fin du récit - ne s'y est pas trompé (Tweet, like, dislike, très niets, très Nietzsche, Ô mon gai savoir ainsi parlait --)



Un talent certain dans cette nouvelle génération de ceux que j'appellerais les nez pointus avec des dialogues qu'apprécieront même les réfractaires à la SF, puisqu'ils relatent tout simplement le monde actuel à --

--- à peine --- 1 seconde de nous, top chrono, c'est parti !

avec suffisamment d'à-propos argumentés, compréhensibles, accessibles et un léger brin d'humour.



Pour en revenir à Alain, Damasio, il qualifie cet IA/AI ouvrage de sostalgique, joli !

solaire et mélancolique, à lire avec peut-être un air de Fado en ambiance, illustration de la saudade. Sodade

https://www.youtube.com/watch?v=vnkm0k_FPOA



Qu'est-ce que le bonheur ? le bonheur est-il hors de la cage, hors de la case, hors du réseau au monde ou au contraire dans cette solitude partagée qui est le lot des humains, enfin des IA/AI que nous sommes devenus ou en devenir ? ou encore en un ailleurs à réinventer et pourquoi sommes-nous des millions à nous poser cette question ou pas ?



Nostalgie, mélancolie, désir du bonheur sans savoir ce qu'est le bonheur ou ce que nous en attendons.

& un graphisme qui est tout sauf innocent, couverture au choix



" Tu sais j'ai vu 87,6% de la planète

- Alors ?

Le monde est beau "
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Midnight tales, tome 1

Midnight Tales se veut comme un recueil de différents récits qui ont pour point commun un univers autour d 'une société secrète de sorcières devant protéger l'humanité contre des forces occultes.



Certains récits sont mieux réussis que d'autres, c'est indéniable. J'ai beaucoup aimé le premier qui évoque le mothman, une sorte de créature ailé qui apparaît peu avant les grandes catastrophes comme un démon annonciateur de mauvaises nouvelles pour l'humanité.



Ainsi, lors de la catastrophe de l’écroulement d'un pont en Virginie en 1967 à Point Pleasant. Le pont s’effondre en provoquant le décès de 47 personnes. On l'aurait aperçu également peu avant le 11 septembre 2001 et l’écroulement des tours du World Trade Center. Bref, c'est un messager de mauvais augure.



J'ai également bien apprécie la nouvelle autour des villes englouties dont la mystérieuse Avalon près des côtes de l'actuel Cornouailles en Angleterre. Encore aujourd'hui, ces légendes de cités englouties nourrissent l'imaginaire collectif à travers le monde. On a tous entendu parler de l'Atlantide ou encore de Mu.



Bref, c'est assez ésotérique. On pourra juste regretter le caractère inégal des différents récits dont certains laissent de marbre malgré le sujet traité.



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Carbone & silicium

Après le phénomène SF qu'a constitué « Shangri-La », sélection officielle du FIBD d'Angoulême 2017, c'est peu dire que l'on attendait le nouveau projet de Mathieu Bablet avec impatience ! Lauréat du prix BD France Inter/Fnac, le jeune prodige de la SF a une nouvelle fois réussi son pari avec un roman graphique « Carbone & Silicium » d'une ambition et d'une grâce folle. En près de 300 pages il redessine et repousse les frontières de la SF avec une oeuvre post apocalyptique et philosophique convoquant aussi bien Asimov et ses lois sur la Robotique, que Blade Runner de Philip K Dick, entre autres sources d'inspirations. Car de l'inspiration Mathieu Bablet n'en manque pas tant cette BD est traversée par le souffle de l'histoire, celle de notre futur, de notre avenir à l'heure où le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources de la planète, l'apocalypse nucléaire, les pandémies et la surpopulation menacent de toutes parts. C'est à une odyssée robotique à laquelle nous assistons. Carbone et Silicium sont deux entités, deux IA fabriqués dans la Silicon Valley en 2046. Ils seront les témoins de tous les déchirements de l'humanité, de toutes les compromissions, de toutes les lâchetés de notre espèce. Deux IA dont on promettaient une espérance de vie de quinze ans afin de pouvoir vendre plus de robots, toujours plus et les renouveler sans cesse, sans fin. Oui mais voilà, lors d'un voyage d'essai en Inde, Silicium, qui a le corps d'un Robot homme, s'échappe et s'en va découvrir le monde, son obsession. Carbone, dans son corps de Robot femme, n'aura qu'une idée en tête le retrouver et vivre à ses côtés. On suit les évolutions de l'intelligence artificielle à l'heure des réseaux sociaux, des téraoctets de données échangées en quelques secondes. On contemple l'abîme dans lequel l'homme s'effondre. Ses braises et ce feu ardent de la guerre et des révoltes d'abord entre hommes puis entre robots et hommes ne sont qu'une étape dans la perception visionnaire de Mathieu Bablet. Ce monde qu'il bâtit sous nos yeux est aussi effrayant que fascinant et les planches des illustrations sont absolument sublimes. On a le vertige, surtout dans le dénouement de ce roman graphique puissamment évocateur. A lire aussi, la magnifique postface d'Alain Damasio (La Horde du Contrevent) qui offre des clés aux lecteurs pour analyser ce roman graphique dantesque. On est ébloui, tout simplement par cette immersion dans les scénarios possibles du futur de l'homme et du robot. Les hommes sont de plus en plus connectés, se perdent dans les couloirs du temps et les robots sont appelés à exercer des tâches qui autrefois incombaient aux premiers. Mais il y a une chose que l'homme ne pourra jamais avoir et concevoir c'est l'immortalité. La finitude du corps, sa lente et inexorable décomposition, Mathieu Bablet l'imagine aussi pour le robot, mais ce dernier peut changer de corps grâce aux réseaux connectés. Avec « Carbone et Silicium » Mathieu Bablet tutoie les sommets du genre. C'est inconcevable quand on aime la BD, de passer à côté de ce qui est un classique instantané de la BD SF ! Culte et visionnaire.
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Carbone & silicium

Carbone et Silicium sont deux robots qui vont "vivre" durant plus de 200 ans et voir l'évolution de l'humanité au fil des années.

Cette bande dessinée de plus de 200 pages est exceptionnelle.

Les deux héros vont nous emmener à travers le monde et graphiquement, chaque pays et chaque époque seront représentés dans des tons différents.

Le lien qui existe entre ces deux robots doués de capacités extraordinaires est très beau, c’est une sorte d’histoire d’amour entre deux êtres qui ne peuvent normalement pas ressentir de sentiments.

Le récit est parsemé de réflexions profondes sur le sens de nos existences, ça parle de nos raisons de vivre et de ce qu'on laisse aux générations suivantes.

C'est très poétique malgré un sujet évidemment difficile, puisque l’évolution de la terre n’est pas des plus réjouissante.

J’ai été conquise par le mélange de poésie et de nostalgie qui se dégage de ces pages.

Seul petit bémol, la taille des caractères, qui est bien petite pour mes pauvres yeux de quadragénaire myope et fatiguée.



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Carbone & silicium

Difficile d'en faire une critique tellement cette BD est riche. Et j'aime faire court!

Alors commençons par l'histoire : celle de deux androïdes, Carbone et Silicium, que l'on va suivre pendant environ 300 ans . C'est une belle histoire d'amour entre les deux, contrariée et touchante. A travers eux, c'est l'humanité que l'on va voir évoluer....et comme dans la majorité des livres de SF, les Hommes détruisent leur planète et/ou subissent les évènements climatiques. Mais ils sont toujours résilients. Il y a quelques passages aussi magnifiques de notre planète, des paysages notamment, mais je trouve ça dommage de voir toujours la même vision du futur....et si les villes devenaient plus vertes, et si L Homme avait pris conscience à temps des enjeux ? Un peu de positif c'est bien aussi. Mais Bablet fait ainsi passer son message.

L'histoire est prenante, belle, philosophique , les dessins sont parfois magnifiques, les couleurs et la mise en forme ( par chapitre selon la transformation de Carbone dans le temps) sont bien travaillés. Par contre je n'aime pas du tout sa façon de dessiner les personnages : sans pieds, aux formes destructurées, plutôt laids ...C'est voulu je le comprends bien, ce n'est pas leur apparence qui compte , mais moi je n'adhère pas.

Une BD avec des thèmes actuels ( écologie/ Connexion/ migrations....) mais avant tout une histoire d'amour que tout le monde appréciera. J'espère pouvoir lire Shangri-la un jour du coup !

Challenge BD 2021
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Shangri-la

C'est tout d'abord la couverture qui m'avait attiré l’œil, puis le logo du label 619 d'Ankama et enfin les critiques globalement très positives avaient achevé de me convaincre de me pencher sur ce "Shangri-La".



Je suis complètement séduite par le dessin. Les décors sont particulièrement bien rendus. Et j'aime bien également le trait de Bablet pour les personnages, et ce même s'ils se ressemblent un peu tous.

L'auteur dépeint un univers crédible qui rappelle forcément notre monde. Comme toute dystopie, ce récit qui évoque un futur très sombre nous tend un miroir sur les maux de notre époque. Et la critique est acerbe. Le consumérisme est violemment pointé du doigt, et ce à tous les niveaux. Personne n'est innocent dans "Shangri-La". Si Bablet dénonce avec force les méthodes de production des multinationales et le matraquage publicitaire qui s'ensuit, il n'est pas plus tendre avec les consommateurs, véritables moutons de Panurge, pour qui l'apparence est ce qu'il y a de plus important.



Un dessin superbe, un scénario intéressant, un propos fort et pertinent... Tout était réuni pour me plaire. Et "Shangri-La" m'a plu. Mais pas autant que je l'espérais. Il y a un je-ne-sais-quoi qui a atténué mon enthousiasme.

Cette B.D est éditée par Ankama, de là vient peut-être en partie le fait que "Shangri-La" ne ressemble pas tout à fait à ce que j'étais venue chercher. Pour moi, Ankama c'est surtout le label 619, en particulier "doggy bags" et toute l'école d'auteurs et dessinateurs qui a été mise en avant avec ces histoires fun, pétries de culture américaine. De plus, Mathieu Bablet se dit fan de séries B. D'ailleurs il y a pas mal de références pop-culture et séries b dans "Shangri-La" (de "Star wars" à "They live"). Du coup, je pense que je m'attendais à une série B, à quelque chose de nerveux. Or, "Shangri-La" a une tonalité parfois très contemplative ce qui en fait une œuvre loin du bis que j'attendais. Je voulais du "they live" et j'ai eu du "2001". Ce qui n'est pas forcément un mal, j'aime les deux. Mais j'ai trouvé que malgré plein de qualités, "Shangri-La" n'était pas tout à fait à la hauteur de ses ambitions. Le récit aurait mérité d'être plus resserré. A vouloir traiter trop de sujets, certains sont sous-exploités. Et puis, certains éléments restent assez confus. Et j'avoue que je n'ai pu m'empêcher de ressentir comme une pointe de prétention.



"Shangri-La", malgré toutes les vilaines choses que je viens de dire, vaut vraiment le détour. Cela reste le très haut du panier. Et je lirai avec intérêt les autres œuvres de Bablet, notamment Adrastée.



Challenge B.D 2017
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Carbone & silicium

Magnifique BD, très contemplative. L'histoire est une espèce de version apocalyptique de "L'Homme Bicentenaire". C'est la version inversée du trope classique de la révolte des robots.



Dans Carbone & Silicium, ce sont les humains qui se révoltent contre les robots. Avec, au premier plan, le points de vue de deux robots à l'immortalité différente, coincés dans une histoire d'amour impossible.



Les illustrations sont vraiment magnifiques, mais le côté "collapsologie" de l'histoire m'a un peu énervé.
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Shangri-la

Shangri La est la seconde Bd que je lis de Mathieu Bablet après Carbone et Silicium. Une nouvelle fois, j'ai été conquis par le scénario, les illustrations qui sont très belles, ainsi que par le message délivré même s'il est profondément désenchanté. Thianzhu enterprise veille à tout pour "le bonheur" de ses habitants. Ces derniers habitent dans une gigantesque station orbitale au dessus de la Terre. Celle-ci est devenu invivable depuis la grande catastrophe du XXIeme siècle. Le consumérisme est devenu le mantra des habitants de cette station. Thianzhu contrôle tout dans une sorte de "dictature de la consommation" poussée à son paroxysme. L'entreprise fabrique tout ce dont à besoin la population afin de les détourner de l'envie de les renverser. Travailler, consommer, faire un crédit puis travailler à nouveau pour le rembourser, consommer, etc. Ce cercle se répète indéfiniment, sans perspective apparente de fin. Thianzhu a tout pensé, la minorité Animoide cristallise autour d'elle toute la haine des humains. Leurs frustrations sont ainsi détournées. La colère gronde lorsque Thianzhu annonce que sur Titan ou Saturne, on va créer une nouvelle espèce d'humains pouvant y vivre : l'homo stellaris. Un mouvement de résistance très minoritaire existe. Qui sont ces derniers ? Pourquoi laisse t'on agir la résistance ? Qui dirige Thianzhu ? Un autre modèle de société est-il possible ? Mathieu Bablet signe une charge féroce et pleine de justesse contre la société de consommation à outrance, contre la société du profit, l'obsolescence programmée étant poussée ici à son paroxysme. Même s'il manque parfois de nuances dans son message, Mathieu Bablet a le mérite de vouloir réveiller les consciences dans ce qui s'apparente à un pamphlet contre le modèle néo libéral. Politique, cette Bd l'est assurément. Comment ne pas voir en Thianzhu les GAFA d'aujourd'hui ? On peut ne pas souscrire au message, et prendre tout simplement du plaisir à suivre l'histoire de cette Bd SF intelligente et réussie. Mathieu Bablet prouve une nouvelle fois son talent avec Shangri La.
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Métal Hurlant, n°1 : Le futur c'est déjà demain..

Je suis né dans les années 80 donc je n'ai pas connu l'âge d'or du magazine "Métal Hurlant".

Cependant, à l'annonce de la toute nouvelle renaissance du magazine alors que j'étais en pleine effervescence artistique à ce moment là, m'a grandement excité à l'annonce de cette nouvelle mouture du journal façon début du XXIème siècle.



Depuis, j'ai acheté tous les numéros depuis leurs sorties mais je n'ai pris la décision de commencer le tome 1 que hier ou avant-hier.



Je me suis lancé donc dans la lecture de ce "Mock" sans savoir à quoi m'attendre.

Les parties documentaires et interviews sont excellentes.

On y trouvera les interviews par exemple Enki Bilal, Alain Damasio ou encore William Gibson pour ne citer qu'eux.



La partie graphique celle où la bande dessinée et la science-fiction sont mises à l'honneur est elle aussi très intéressante. On y trouvera divers artistes, scénaristes et dessinateurs et l'ensemble des petites histoires courtes qui nous est proposé fait le taff.



Très bon premier tome placé sous le signe du "Near Future".
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Métal Hurlant, n°1 : Le futur c'est déjà demain..

Un tantinet décevant ce premier numéro du revival. Il y manque un peu de l'irrévérence et du foutraque qui étaient la marque de fabrique de son glorieux prédécesseur. Et de gros nénés, aussi, c’est important les gros nénés.



La partie magazine est vaguement intéressante mais la maquette un peu trop classique. Pas grave, c’est pas pour ça qu’on l’achète.



Côté BD, j’ai trouvé la plupart assez décevantes. Je promets que je l'ai pris sans l’a priori mentionné plus haut, avec l’idée de découvrir une nouvelle génération de talents. Et ben j’ai pas été époustouflé. C’est souvent rebelle gnangnan et pas super original. Parfois sympa (la domotique bien comprise de Matt Fraction et Afif Khaled, par exemple, ou l’app à faire parler les animaux de compagnie de Diego Agrimbau et Lucas Varela) mais guère plus.



Je crois aussi que c’est une fausse bonne idée de faire un numéro thématique, la SF « near future » en l’occurrence : l’ennui naquit un jour de l’uniformité. Chère rédaction, si vous me lisez, laissez davantage de mou dans les rênes à vos auteurs. J’espère que cette idée ne sera pas systématique.



Bon, et à l’heure du bilan, qu’est ce que ça donne ? La palme graphique à Anna Mill et Luke Jones pour une double page superbe. La palme de l’histoire qui scotche à Paul Lacolley et Pierre Colleu pour un grand délire mystico-futuriste auquel on ne capte pas tout du premier coup. Et la palme du bon esprit à Ugo Bienvenu pour son vieux richou en train de revenir de tout au moment où sa pulpeuse sort de la piscine. Une pulpeuse ? De la piscine ? Oui ! Y a des gros nénés ! Merci.
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Shangri-la

DEUX PAS EN AVANT, TROIS PAS EN ARRIÈRE (etc).



Après une couverture superbe et intrigante rappelant les affiches de films récents tel Gravity, les premières pages de ce volumineux album ouvrent sur des images de "planet opera" absolument somptueuses. On pense assez immédiatement aux dessinateurs SF apocalyptique de la grande époque de Métal Hurlant. Les images sont dantesques. Elles déversent leurs tonalités de marrons, de bistre, d'ocres et d'ocre-rouge, de jaunes, d'orangés profonds dans des paysages de pierre et de feu à couper le souffle. Un homme apparaît enfin. Une sorte de Robinson Crusoé des étoiles, presque totalement dépouillé à l'exception d'une sorte de tunique de feuillage. Un ciel constellé d'étoiles et de galaxies inconnues surplombent notre homme. Après quelques mots - on comprend que l'homme monologue - nous faisant deviner son incommensurable isolement, le dessin s'éloigne de lui peu à peu. Sa silhouette se détache dans le lointain d'un ciel bleu d'une pâleur presque fantomatique. Il n'est plus besoin de mot : La solitude de cette homme dépasse tout entendement... L'ultime fin de ces vingt premières pages se résout en une explosion dantesque, monstrueusement belle, apocalyptique et fascinante : une super-nova aux premières loges.



Fin de ce que l'on peut considérer être une intro. Somptueuse mise en jambe.



Pourtant, c'est à partir de là que le bas commence à blesser (mais pas encore de suite). Mathieu Bablet est, à n'en point douter, un coloriste de très haut vol (même si l'on suppose le travail d'après photos), et ses vues stratosphériques de notre petite planète bleue sont fabuleuses. Mais cela n'a malheureusement jamais fait une bonne histoire (voir le film sus-mentionné). Nous nous retrouvons donc projeté -c'est un cartouche qui nous l'affirme) un million d'années plus tard, dans la proche banlieue de la Terre. Mais une terre devenue inaccessible depuis plusieurs siècles (on ne saura jamais précisément) pour cause de pollution définitive la endant insalubre à toute vie humaine. Des sept milliards d'humains que nous sommes, ne demeurent plus qu'une poignée, certes non négligeable, qui subsiste dans une gigantesque station spatiale entièrement dévouée à sa "firme" créatrice et propitiatoire de vie et de consommation tous azimuts : Tianzhu Entreprises. De l'histoire démiurgique sur fond de lointaine galaxie, on se retrouve soudainement plongé au cœur d'une histoire de type anticipation contre-utopique, ce qui pouvait s'annoncer passionnant. Malheureusement, on a droit à presque toutes les thématiques du genre dans un foisonnement incontrôlable et mal contrôlé, ponctué, très souvent, de dialogues faisant assauts de lieux communs et d'idées éculées (du moins, si on lit aussi des romans de ce genre, innombrables dans le monde de la SF et de l'anticipation depuis le début du XXème siècle. Inutile de citer à nouveau les plus connus d'entre-eux) : l'enfer du consumérisme obligatoire, la dictature du capitalisme et l'hyper-technologie, la déshumanisation des rapports sociaux, l'omniprésence de la publicité, la bêtise et le suivisme des foules, l'attitude réactionnaire de la majorité des individus dès lors que leur confort est atteint, l'absence de recul spirituel ni de base intellectuelle -inévitablement disparues avec la fin de notre présence terrestre-, le racisme ou, plus exactement, le spécisme phobique (pour un motif que l'on ne fera que deviner, les scientifiques humains, dans leurs dérives créatrices dignes d'un Dr Frankenstein transhumaniste et décomplexé, ont fait émerger une nouvelle forme de vie intelligente à partir de nos anciens amis les bêêêtes : des "animoïdes", apparences de croisement entre des humains et des chiens, chats, renards, etc et qui sont là, dans une pseudo égalité avec les hommes, pour subir toutes les tensions refoulées par des êtres humains en situation d'en fermement carcéral du fait de la pollution terrienne. Même si l'idée est, en soi, intéressante, elle n'est pas non plus d'une absolue originalité, d'autres dessinateurs, tel Roosevelt, ont ainsi donné vie à de tels êtres hybrides. Même la métaphysique est, par ailleurs, convoquée ("L'homme est devenu Dieu !"). Et la bible (un nouvel Eden). Et la SF des années 70' avec un petit peu de Days, de James Lovegrove ; un zeste de Tous à Zanzibar de John Brunner, pas mal de Le Meilleur des Mondes et de 1984, quelques pincées de K. Dick, peut-être. Le titre lui-même est une référence à un ouvrage utopiste des années trente.



Au milieu de ce grand charivari d'idées, de concepts, de pensées politiques terriblement resucées et, malheureusement, bien mal mâchées le lecteur tente, vaille que vaille, de suivre le fil de l'intrigue. En quelques mots : L'agent Scott Peon, un jeune homme orgueilleux mais plein de ressources, est engagé par la branche commerciale de Tianzhu Entreprises pour enquêter de manière aussi rapide et discrète que possible sur les agissements peu orthodoxes de certains de ses scientifiques qui semblent être parvenus à créer la vie à partir de rien par le biais de l'anti-matière. Pour aller vite, ces chercheurs jouent à être Dieu et comptent bien en faire profiter Titan, la lune fameuse de Jupiter qui subit une terra-formation depuis deux siècles (le but était d'abord de permettre à la colonie spatiale d'y trouver refuge). Scott se retrouve, lors d'une de ces missions dans l'espace, en compagnie d'un équipage dans lequel se trouve son frère Virgil avec lequel il avait rompu tout lien. Ce dernier, ainsi que ses amis, jouent les résistants, mais ne sont que de vagues petits troublions plus ou moins utiles dans cette immense mascarade sociale organisée par Tianzhu. Leur résistance ne dépasse d'ailleurs pas leurs envies compulsives d'achat du dernier smartphone promu par la Compagnie ; une "vraie" résistance existe en revanche, sous l'égide d'un bel et mystérieux "Mister Sunshine" qui s'avérera d'ailleurs très différent des apparences... Dans les mêmes temps, un des responsables scientifiques va faire une révélation fracassante à l'antenne de la chaîne unique de cette immense station orbitale et provoquer un vaste mouvement de révolte, amplifié par les premiers mouvements de grèves connus sur la plateforme. Émeutes, guérilla, réactions, contre-réaction, viols gratuits, règlements de compte, doutes des uns ou des autres, apparition de chefs pas aussi soudain qu'il y parait, immolation, pillages : "la fabrique de violence" comme à la parade. On y découvre aussi, ô! surprise, que tout n'est que complot : de la résistance, n'ayant pour autre but que de prendre la place des précédents pour y installer un autre type de pouvoir tyrannique, jusqu'à ceux qui, bien à l'abri, tirent les cartes sans jamais vraiment rien risquer que perdre un peu d'argent (on m'expliquera, par ailleurs, comment obtenir quelque croissance économique possible dans un modèle en circuit fermé parfait... Mais c'est un détail). Que la lutte des classes ne sert finalement jamais qu'à celle qui détient le pouvoir.



Pendant ce temps-là, Scott et son frère Virgil, enfin réconciliés, essaient rien moins que sauver le monde de l'anéantissement atomique. Les dernières pages sont, à l'instar des vingt premières, incontestablement somptueuses, même si, dans leur silence cosmique, elles frisent un ésotérisme de bon aloi qui nous a totalement dépassé (hommage lointain au 2001, l'Odyssée de l'Espace de Stanley Kubrik ?). Peut-être était-ce trop, après tout un développement aussi peu accrocheur qu'épuisant. Car toute cette majeure partie se situant dans la station adopte des fonds tour à tour ocre-jaune (beaucoup d'ocre-jaune), jaune-verdâtre, bleu électrique, chaque fois sur plusieurs pages de planches à la suite ; les visages, intéressants tant qu'on est confronté à peu de personnages, finissent par se ressembler plus ou moins tous dans leur androgénie instable et brutale, ce graphisme rendant tout dialogue difficile à suivre par faute de ne plus toujours bien savoir à qui on doit les attribuer. Et ce fouillis invraisemblable de thématiques, de directions, d'histoires parallèles, dont il a déjà été fait l'écho plus haut, achève de rendre l'ensemble indigeste.



C'est dommage. Vraiment très dommage. Car ce Shangri-La avait de très nombreux atouts pour être une œuvre de premier plan (tous genres confondus, la beauté de l'image en sus). Qui trop embrasse, mal étreint affirme l'adage. Sans doute notre jeune auteur aura-t-il voulu réunir tous les dégouts de notre monde - car une bonne dystopie est avant tout un conte noir et critique de l'époque vécue par son créateur, avant que de se vouloir prophétique -, toutes les craintes, tous les espoirs, vrais et faux. Peut-être est-ce votre humble serviteur qui sera passé à côté de cette pure somme plus éreintante que véritablement dense, sans vraie surprise - à force de lire toutes les anti-utopies possibles ? -. Une grande déception, c'est évident, après l'engouement incroyable pour ces vingt premières pages détonantes et belles. Mathieu Bablet est probablement doué. Très doué, avec un crayon. Il serait triste que ça le rende inaccessible et incompréhensible ou sans sincère originalité. Cependant, malgré cette très mauvaise première entrée en matière, un jeune auteur dont on attend de voir les futures créations pour être certain de s'être, finalement, complètement trompé !
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Shangri-la

Quand les hommes ont réussi à rendre la Terre complètement invivable à toute espèce vivante, l'humanité s'est réfugiée sur une gigantesque station spatiale tournant autour de la planète-mère et y a innové une "nouvelle" société. Dans celle-ci Dieu, définitivement banni, à été aussitôt remplacé par un ersatz de déité au nom de Tianzhu. Cette compagnie commerciale omnipotente régente et contrôle désormais chaque individu par une consommation poussée à l'extrême (notamment par le biais de la communication numérique géolocalisée).

Pour mieux tenir en laisse cette population "incarcérée", Tianzhu a commencé, il y a 300 ans, la terra-formation de Titan avec la promesse d'un nouveau Éden sur la plaine de Shangri-la de cette planète... Mais les mêmes scientifiques qui ont su créer une nouvelle race minoritaire (afin de maintenir délibérément le racisme en tant que "soupape" pour la majorité), veulent eux aussi pouvoir prétendre au trône convoité de Dieu et décident de peupler Titan avec un "nouvel Homme" qu'ils pensent pouvoir faire naître en jouant au Big Bang plus ou moins maîtrisé.

Le peuple, subodorant que le paradis promis va leur échapper, se révoltera et...



J'ai esquissé jusqu'ici le background d'un scénario réfléchi aux dialogues travaillés qui encouragent la réflexion, histoire qui est, en réalité, bien plus complexe.

En 222 planches, Mathieu Bablet a su imaginer avec brio et un sens aigu de la critique acerbe, un univers de SF... guère éloigné de notre monde quotidien.

Il s'attaque à la valeur (négative) du travail, aux système(s) politique(s) qui, indifféremment de quel bord, cherche(nt) à contrôler le troupeau, au racisme, à la folie des grandeur et/ou de non-sens des scientifiques, à la commercialisation aberrante des téléphones et tablettes de cette belle pomme croquée...



Mais M. Bablet n'est pas qu'un scénariste doué, il est aussi un dessinateur au style très personnel et particulier (que j'avais déjà pu observer dans quelques "Doggybags", ces "fameux" pseudo-comics sous la direction de Run). J'avoue que j'ai dû m'habituer aux traits très anguleux des personnages, or, j'ai été immédiatement séduite par son illustration des perspectives et ses graphismes architecturaux dans les dominants de bleus et jaunes-ocrés des couloirs, lignes, hauteurs, câblages, cellules, surfaces intérieures comme extérieures... qui rendent parfaitement compte de l'immensité de la station orbitale.



Cette BD, à défaut d'être un Shangri-la d'optimisme, est sans conteste, une supernova !
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