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Citations de Michel Tremblay (478)


Violette s'était remise à l'ouvrage depuis quelques minutes, une maille à l'envers, une maille à l'endroit, laine verte, laine bleue, ou jaune, ou rose, petit coup d'oeil dans la rue entre deux pattes et une gorgée de thé refroidi, mais quelque chose était changé dans son comportement, ses mains étaient moins agiles, son coup d'aiguille moins sûr et, surtout, les pattes qu'elle tricotait étaient vraiment trop petites, ridicules boules de laine sans formes précises qui n'auraient pu chausser aucun enfant, aussi malingre fût-il. Florence voyait tout ça et ne disait rien. Il fallait attendre au soir, à l'heure du coucher, dans le noir le plus complet, avec pour seul témoin l'oeil crevé de la lune, pour parler... Là seulement elle pourrait s'asseoir à côté du lit de sa fille et raconter. Tout dire. Expliquer ? Non. Raconter. La famille de Victoire. Les générations, les vagues d'individus, de clans, de parents, les mariages d'amour consanguins prolifiques, les mariages de raison stériles, les branches nouvelles, celles, mortes, qu'on n'avait pas besoin de couper parce qu'elles tombaient de l''arbre toutes seules, l'arrière-arrière-grand père de Victoire, Thomas-le-Fun, qui s'était battu contre les Américains et y avait gagné une jambe de bois sur laquelle il avait gravé ces mots : "Sacrifiée à Saint-Denis", son fils Gaby-Gaby, qui n'avait jamais arrêté de grandir et qui en était mort, les os disjoints, éclatés, sa fille Nénette, qui avait eu vingt-sept enfants en vingt-sept ans et qui était morte en mettant sa dernière fille au monde, la grand-mère de Victoire, et en maudissant son homme, son sort, son curé, son corps et le rôle de servante génitrice réservé aux femmes (...). Elle raconterait le passé pour endormir Violette, mais garderait l'avenir pour elle. A quoi bon tout dire ?Tricoter au fur et à mesure, guetter, ne pas interpréter, se réjouir ou geindre avec Victoire, avec Gabriel, Albertine, Edouard, et plus tard, beaucoup plus tard, tout recréer avec ce fils-fille de la grosse femme, souffrir avec lui et se réfugier dans les sons, les images, revivre le passé de sa famille par peur de la voir s'éteindre dans l'indifférence générale, tout cela était leur lot, à Florence, à Rose, à Violette, à Mauve, mais prédire, non. Pourtant Florence savait ce qui allait venir, ou presque, mais elle se refusait à le consulter. Attendre. Regarder. Tricoter.
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La folie n'est-elle pas la fille de l'oisiveté?
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Mais comment accueillir la solitude comme une récompense? Parce qu'on a connu trop de monde? Intimement? Pendant trop longtemps? Parce qu'on a voulu être la dame aux gardénias? Parce qu'on a réussi? Et qu'on en a assez?
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- C'pas un enfant, c't'enfant-là, c't'une oreille ! Y écoute tout ce qu'on dit pis y guette tout ce qu'on fait…
p.11
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Quand on souffre, je suppose qu'on peut poser des gestes dangereux sans penser aux conséquences.
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Elle est convaincue - même si elle sait, au fond, que c'est faux - que la pauvreté sent, qu'on sait qu'une personne est pauvre parce qu'en plus de son habillement et de la honte qu'on peut lire dans ses yeux une légère puanteur se dégage de sa peau. On a beau essayer de la cacher sous une couche de parfum, elle est toujours là, elle vous suit partout, elle vous trahit, elle vous annonce.
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Momaaan...
_ Toi, quand tu me parles comme ça, c'est parce que tu veux avoir quequ'chose...
_ C'est juste une question que je veux te poser...
_ La réponse a besoin d'être courte parce qu'y faut que je prépare la pâte pour les pâtés à'viande.
_ C'est au sujet de la crèche.
_ Qu'est-ce qu'elle a, la crèche, tu la trouves pas belle, ma crèche ?
_ Ah oui, est ben belle ! Tout le monde le dit...C'est pas ça...
_ C'est quoi, d'abord ?
_ C'est quoi une crèche ?
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ALBERTINE À 50 ANS. Quand j'étais petite, j'rêvais, des fois, qu'y' avait rien en dehors de l'école... Que l'école c'tait le monde. Un monde avec rien que enfants. Juste des petites filles qui dansent a'corde.
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ALBERTINE À 60 ANS. C'toute des folies, ça... Y nous prennent-tu pour des épais? J'les ai vus débarquer su'a'lune, à la télévision... Voir si ça se peut!
ALBERTINE À 50 ANS. Si y l'ont montré...
ALBERTINE À 60 ANS. Faut pas toute croire c'qu'y nous montrent, t'sais!
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Les dimanches, les hommes devenaient fous d'ennui, pis finissaient toujours par se battre parce qu'y avait rien d'autre à faire... Ça s'appelle la cabin fever, ça existe encore, c'est le fléau des chantiers.
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"Mon histoire est pas ben originale. C'est une histoire qui existe depuis que le monde est monde. Depuis que les hommes font des accroires aux femmes, que les femmes s'arrangent pour les croire. Mais c'est pas parce que c'est pas original que c'est pas triste."
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Mais un double coucher de soleil, quelle aubaine! D'abord le coucher de soleil lui-même, magique, sublime, puis, en plus, son propre reflet brouillé par le mouvement des vagues, ses couleurs transfigurées par l'eau, le rouge devenu or strié de vert, l'or devenu vert bariolé de rouge, les nuages qui se regardent le ventre, qui se comparent et se jaugent les uns les autres en faisant les importants qui rivalisent de lumière, tout ça mêlé, brassé, culbuté, inversé, la moitié supérieure solennelle, impressionnante, la moitié inférieure furieuse et folle. Une fin du monde silencieuse, une symphonie sans musique.
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Sa petite enfance s'est passée à l'autre bout du continent, dans un pays qui s'appelle les États-Unis, dans un état qui s'appelle le Rhode Island, dans une ville au bord de la mer qui s'appelle Providence. Mais ses souvenirs sont comme une grande mare d'eau trouble où flottent à peine quelques vagues images. La mer, quand elle y pense, c'est surtout une odeur. De sel et d'humidité.
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«[...] Ça coûte pas cher de faire plaisir au monde temps en temps!»
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Je souffre au passé, vous souffrez au futur. Quant au présent, il ne nous appartient pas.
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Ayant perdu mes parents alors que j'étais très jeune, je fus accueilli, instruit dans les choses de la vie et chéri par mon oncle Ivan. Malgré toutes les horreurs qu'on racontait sur son compte, par exemple qu'il était homme sans foi ni loi, qu'il avait vendu son âme au diable et autres stupidités du genre, mon oncle Ivan était un homme en tous points admirable.
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Au cas. Au cas où j’en entendrais des bouts. On sait jamais. Avant, quand y montraient pas le personnage qui parle, je finissais par comprendre pareil, j’entendais des petits bouts pis je devinais le reste… Mais là… Tout ce que je peux faire c’est lire sur les lèvres des acteurs à condition qu’on les voye parfaitement de face. Quand y sont de profil ou ben donc quand on les voit pas pantoute…. J’ai pas compris grand-chose à la pièce de théâtre, à soir, Michel. C’est la première fois. C’est la première fois que je réussis même pas à suivre l’histoire. Comment ça se fait que c’était un soldat, lui, y’a pas de guerre! Pis ça se passait pas dans les années quarante, y disaient dans les journaux que ça se passait aujourd’hui… De quelle guerre y’arrivait? Pis pourquoi sa mère l’aimait pas? Pis pourquoi y’avait des problèmes avec son père? Pis Béatrice Picard, là, c’tait-tu sa sœur? Pourquoi y vargeait comme ça dans la porte de la chambre de ses parents?
Il leva la tête brusquement. Comme un enfant qui sursaute devant une injustice particulièrement cuisante.
J’pourrai pus jamais regarder la télévision. Vous pourrez baisser le son complètement, si vous voulez, demain. (p. 117-118).
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Certes, j'avais échappé à la maison de Lady Barbara mais ces êtres à peine invisibles que j'entendais rire et marcher autour de moi n'étaient-ils pas aussi, sinon plus dangereux que la maison de Londres ? À plusieurs reprises, le courage me manqua et je faillis laisser Lady Barbara au milieu de la route et prendre mes jambes à mon cou ; courir, courir vers Londres, vers ma maison, vers la liberté... Une tasse de café le matin et le cinéma deux fois la semaine... Mais je ne suis pas né pour mener une vie de bourgeois. Je suis né pour parcourir le temps et l'espace, pour remonter le fleuve de la vie vers sa source et revêtir la robe blanche des Confréries du Cosmos. Je suis né pour planer au-dessus de mes semblables !
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Si j'ai donné au monde un fou j'vas tout faire pour qu'y guérisse mais si j'y ai donné un poète j'ai ben peur qu'y'aye pas de remède, pis j'me le pardonnerai jamais!
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C'est ça le prix à payer quand on est pas un sans-coeur? Endurer?

(p. 62)
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