Citations de Michel Tremblay (478)
Je donnerais tout ce que j'ai peint dans ma vie pour produire un Monet ou un Van Gogh. Ou un ciel nocturne de Turner (Turner a été un grand impressionniste, du moins dans ses ciels torturés, un siècle avant que les vrais apparaissent).
La montagne, c'est ma réalité. Je suis entouré depuis mes vingt ans des plus vieilles montagnes du monde - du moins, c'est ce qu'on dit -, elles ont été mon premier sujet quand je me suis mis à pendre sur les conseils du docteur Bazin, qui prétendait que ça me ferait du bien - il avait raison. Sans doute parce qu'elles étaient là, omniprésentes, un rien étouffantes, pas trop parce qu'elles ne sont pas très hautes, et surtout à cause de l'incessante transformation de leurs teintes. Le nombre de verts que j'ai dû inventer pour leur rendre justice, le nombre d'heures que j'ai passées, au début, à essayer de dessiner chaque feuille, chaque branche, chaque nervure de branche ! Avec le temps, j'ai appris à m'éloigner de ce qui est vrai, de ce qui existe, de ce que j'ai sous les yeux pour me contenter - ce n'est peut-être pas le bon mot - de suggérer les choses : ce ne sont pas des portraits de la nature que je fais, mais des interprétations. Pour me faire du bien. M'éloigner des explosions de couleurs que j'ai en dedans de moi et qui ont déclenché tant de crises. Oui,le docteur Bazin avait raison. Je transfère mes explosions sur le papier et je m'en trouve mieux.
Écoute, si j’en faisais tout le temps des maudites tartes aux pommes, vous sauteriez pus de joie, toi pis ton père, quand ta tante Robertine pis moi on se démène pendant une bonne semaine en décembre, pour cuisiner tout ce qu’on va manger pendant le temps des Fêtes ! Une douzaine de tartes aux pommes, une douzaine de pâtés à‘ viande, douze douzaines de beignes brassés dans le sucre en poudre. Y’aurait pus rien pour vous surprendre ! Tu resterais pas à côté du poêle quand j’te fais frire un bonhomme fait avec le reste de la pâte à beignes, t’en aurais mangé toute l’année !
...
Ça s’appelle des traditions, Michel, pis des traditions on respecte ça ! C’est des affaires qui sont belles, qui reviennent pas souvent, pis qui font plaisir...
-Me dis pas que c'est à quoi je pense?
-Ben si, on y pense tout le temps, nous autres.
Elle voulait parler d'une maladie wagnériene.
- Là, c'est au tour d'un auteur qui s'appelle François Mauriac. La bibliothécaire m'a dit de me méfier, que c'était au bord de l'Index, ça fait que j'me suis dit que ça devait vouloir dire que c'est intéressant...
La jalousie, cet incessant doute que rien ne peut dompter, cette maladie honteuse exacerbée par l'imagination, alimentée par rien et par tout, la rongeait, grignotait son coeur à petits coups de dents, un animal cruel aux yeux jaunes et aux dents acérées (...)
On aurait dit qu'ils savouraient leur malheur, comme un bonbon amer.
Et si ça, l'enfer, était ridicule, pourquoi pas le reste, le ciel avec ses anges qui jouent de la harpe sans jamais se fatiguer, saint Pierre et sa Porte du ciel qu'elle a toujours imaginée en clôture de fer forgé, comme celles qui ferment les propriétés des millionnaires, le trône de Dieu, les âmes pâmées dont le bonheur ne connaît pas de repos... Le bonheur ne dure jamais si longtemps et les malheurs on les vit ici, sur terre, on n'a pas besoin de l'enfer pour les perpétuer.
La duchesse avait aussitôt baptisée la Vaillancourt « le fond du cor au son des bois » et la Rolande Saint-Germain « la grande tambourine ». À la question de la Vaillancourt qui voulait savoir le nom qu'elle se donnerait à elle-même, la duchesse avait répondu du tac au tac et comme si elle énonçait une évidence : « La clavière bien tempérée, bien sûr! »
"A tout à l'heure ma pauvre petite fille..."
La victime était ferrée.
Les animaux, y se marisent-tu? Pas comme nous autres, là, je le sais, mais... y fondent-tu une famille, comme nous autres? Ça doit, même si le père de Bambi on le voit pas ben ben souvent. Je sais pas si la mère de Bambi se plaint, comme madame Lafortune, à côté de chez-nous, parce qu'à' voit jamais son mari... Mais ma mère m'a dit de pas parler de ces affaires-là, que ça nous regarde pas.
AMANDA GARIÉPY, le coupant. Et c'est vous, un petit morveux qui a eu la chance de naître nanti, qui allez dicter ce que la télévision doit nous présenter ! Et comment on doit rire, si jamais vous nous en laissez le droit ?
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"Pis les bilous vont te manger!" Marcel desserra son étreinte et regarda sa sœur, incrédule: " L'a pas de bilous icitte, l'a pas de litte!" Thérèse déposa son frère par terre. "T'sais, Marcel, y'a des bilous de maison, mais y'a aussi des bilous de parc!" (les bilous, c'était les tas de poussières qui s'amassaient sous les lits quand Albertine ou la grosse femme étaient trop occupées pour passer la vadrouille tous les jours. Et les bilous étaient très commodes quand on voulait faire peur aux enfants, le soir, pour les empêcher de sortir du lit: "si tu sort les pieds du litte, les bilous vont te mordre!" Thérèse avait eu peur des bilou, Richard avait eu peur des bilous, Marcel était littéralement térrorisé par eux. [...] "R'garde, les bilous de parc sont pas gris, sont vert, c'est pire!"
C'est du Michel Tremblay et dans ce sujet j'ai grandement préféré En sourdine De David Lodge.
-(...) Y fait aussi clair que sur le terrain de baseball. Partout!
- Y'aurait dû faire clair de même quand on s'est rencontré!
(...) enfin tout ce qui encombre un de ces appartements qu'on a baptisé "batchelors" parce qu'on n'a pas eu l'honnêteté de les appeler franchement "one-room-expensive-dumps"
Qui n'a jamais lu une histoire à sa grand-mère le jour de ses neuf ans ne connait rien du bonheur !
Les voies secondaires de Key West sont très sombres la nuit et la rue Washington, remplie d'ombres et de criquets, me donnait la nostalgie d'une balade à bicyclette sans fin, sans but surtout, pendant laquelle j'arriverais à évacuer tout mon mal être et rafistoler définitivement mon cœur éclater.
Puis je me suis dit fuck, la vie est trop courte, advienne que pourra, à-Dieu vat, vogue la galère, qu'à cela ne tienne, au yable le reste... mais même intérieurement j'avais de la difficulté à sourire.
Si je pouvais prétendre avoir vu s'envoler mes illusions une fois dans ma vie, ce serait cette fois-là. Elles firent un froufroutement d'ailes en montant dans le ciel nocturne de Montréal gelée et je leur fis un adieu muet en fermant les yeux.